Tout artisan doit être en mesure de dépasser le savoir-faire pour entrer dans le domaine du faire-savoir. En effet, même s’il est capable de réaliser des produits merveilleux, s’il ne parvient pas à les proposer au « monde », cela n’a pas grand intérêt… Pire encore, tout ce qu’il créé n’existe en fait pas, puisque personne n’en a connaissance.

Ce constat est le même dans le cas de la boulangerie. Si un boulanger est capable de faire le meilleur pain du monde mais ne sait pas le vendre, cela n’a pas de sens. C’est pour cela qu’il doit s’entourer de personnes en mesure de défendre ce produit et à le valoriser. Rien d’évident là dedans, puisque le pain demeure quelque chose de complexe, qui doit faire l’objet d’une attention toute particulière pour en maîtriser les différents aspects et ainsi renseigner au mieux la clientèle.
Travail sur levure, levain, types de farine, accords pain/mets, conservation, … autant de sujets sur lesquels il est important de former l’équipe de vente, et de l’impliquer dans une véritable démarche active, leur permettant de comprendre ce qu’ils ont entre les mains et les enjeux que cela peut avoir. Le pain n’est pas une marchandise comme les autres, et j’ai souvent l’occasion de le souligner ici : beaucoup de vendeurs/vendeuses pourraient sans difficulté vendre des produits tout à fait différents. Cela manque de passion et de curiosité.

Bien sûr, il est difficile de ne recruter que des personnes ayant déjà un goût prononcé pour le pain et cet univers. Je reste cependant convaincu qu’il est possible de les y « faire pénétrer » en les formant de façon adéquate. Pour cela, divers moyens existent. On peut faire le choix d’assurer la formation par soi-même, en essayant de transmettre la passion du produit. C’est sans doute ce qui est le plus important pour parvenir à faire consommer plus de pain au grand public : il est nécessaire de lui donner envie, et pour cela, le service joue un rôle essentiel. Si le client ne se sent pas à l’aise chez son boulanger, qu’il note un manque de considération de la part du personnel, cela ne présage rien de bon pour ses relations futures avec la boutique, car il aura rapidement tendance à aller voir ailleurs. Le conseil est aussi la clé de la réussite. En matière de consommation de pain, les habitudes sont très différentes d’un foyer à l’autre, et c’est pour cela qu’il faut s’adapter aux besoins de chacun.

La formation peut aussi être réalisée par des entreprises extérieures, et les meuniers ont bien intégré ceci. Je vous parlais des efforts mis en oeuvre par Foricher pour valoriser sa démarche auprès du personnel de leurs clients boulangers, ce cas est loin d’être isolé et chacun des acteurs du secteur (Festival des Pains, Banette, Ronde des Pains, …) tentent de développer des argumentaires pour développer les ventes. Forcément, tout cela est à leur avantage : si le boulanger écoule plus de pain, il aura un besoin en farine plus important… ce qui représente pour eux autant de chiffre supplémentaire. Parmi les pistes explorées, j’ai noté une approche autour de l’univers sensoriel du pain : odorat, goût, toucher… Il ne faut pas se limiter à une vision « technique » du produit, mais bien l’appréhender dans son caractère vivant et singulier.

Le métier de vendeur en boulangerie peut parfois être pénible, usant, décourageant… A cela plusieurs raisons : tout d’abord le caractère physique de cette activité (on est sans cesse debout, à manipuler des charges plus ou moins lourdes), mais aussi la difficulté de servir une clientèle ayant des attentes bien précises dès lors qu’elle entre chez son boulanger : généralement, c’est avant tout de l’efficacité et un temps d’attente limité. Qui voudrait attendre un quart d’heure pour acheter sa baguette ? C’est là aussi que la formation intervient, en apportant un « support » et des méthodes pour accélérer le service.

La formation, c’est donc quelque chose d’important en boulangerie, sans aucun doute. Reste cependant un autre point sur lequel beaucoup échouent encore à mon sens : il faut que les employés sentent qu’ils font réellement partie d’un projet, et qu’ils sont reconnus à ce titre. Le pain, c’est une aventure humaine… qui se vit au quotidien. Dans mes visites, ce n’est pas souvent le ressenti que je peux avoir. En vendre se limite souvent au travail « alimentaire », si l’on peut dire, et cela m’attriste… il y aurait tellement plus à partager !

 

3 réflexions au sujet de « L’importance de la formation à la vente en boulangerie »

  1. avec une baguette à 10€ (même à 5€), les vendeurs de la boulangerie du coin seraient surement aussi aimables et connaisseurs de leurs produits que les vendeurs(ses) des bijouteries de la place Véndôme ou de chez Hermès.
    Mais avec un pain quasi-« commodité », il faut que ça aille vite et que ce ne soit pas cher.
    D’où l’importance du visuel et d’une belle présentation (placement/mise en place des produits). Si, à côté de ma baguette habituelle je vois un pain spécial qui a l’air bon, je serai tenté de l’acheter, idem, les petits échantillons pour goûter et découvrir « autre chose » ont plus d’impact et sont plus convaincants qu’un vendeur qui doit avant tout être efficace à l’heure à laquelle la plupart des personnes actives achètent leur pain.
    Il y a surement des moments de la journée (milieu de matinée et d’après-midi), où la fréquentation est moins importante et où les vendeurs (si ils ne font pas autre chose à ce moment) ont plus de temps pour papoter avec les clients qui le souhaitent et qui en ont le temps!

  2. Les souhaits que tu formules peuvent apparaître accessoires, voire utopiques, devant la principale demande du client : « que ça aille vite ». Mais comme je comprends ton ressenti… Lorsqu’on veut obtenir des informations, un conseil, c’est souvent le vide intersidéral en face ; ou dans le meilleur des cas, le vendeur récite une litanie certes bien apprise, mais qui ne fait aucun *sens* (gustatif, en l’occurrence). C’est pourtant une expérience extraordinaire quand un(e) professionnel(le) vous fait partager son émotion… et un gage de fidélité de la part du client, en effet (je suis toujours retournée assidûment dans les restaurants ou les caves qui savaient parler simplement et avec empathie de leurs produits).

    Pour en revenir à la boulangerie, je ne suis pas certaine qu’on ait besoin de beaucoup de temps pour faire deux ou trois propositions au client qui exprime une envie ou une attente de découverte. Et les autres consommateurs dans la file d’attente en profitent bien souvent, eux aussi…

  3. Rien de tel qu’une dégustation lorsque le client hésite. Un passage à la trancheuse et hop! Tout le monde en profite.
    Les clients qui cherchent à en savoir un peu plus ne sont pas non plus le lot commun.
    Merci à ceux qui prennent le temps de goûter et nous écouter.

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