On dit souvent que les bonnes choses ont tendance à devenir meilleures avec le temps, à se bonifier. Je suis un peu partagé vis à vis de cette affirmation, car elle est loin de relever d’un caractère scientifique et systématique, même si l’on peut effectivement l’observer assez souvent. Le bon vin sera meilleur au bout de quelques années, le fromage meilleur avec de l’affinage… Quant aux hommes, le résultat peut varier de l’un à l’autre. Tout dépend de l’impact que pourra avoir la société sur lui.
En matière de boulangerie, on pourrait qualifier le mouvement d’aussi montant que descendant. Ainsi, il ne faut pas s’attendre à trouver un résultat très probant à l’ouverture d’une boulangerie : il est nécessaire que les artisans s’habituent aux lieux, aux outils, aux recettes et farines… ce qui nécessite un peu de temps. Peu à peu, le lieu peut prendre son « envol » et au bout de quelques mois, on parvient à un résultat optimal. Ensuite, cela va dépendre de l’implication du personnel et du boulanger. Il est possible qu’au fil du temps et de l’installation d’une certaine « routine », la qualité finisse par baisser, jusqu’à parfois atteindre des niveaux bien surprenants. J’ai pu le ressentir en visitant des adresses conseillées dans le Guide des Boulangeries de Paris publié par Michel de Rovira et Augustin Paluel-Marmont en 2005. Au delà des inévitables changements de propriétaire, des adresses très recommandables à l’époque sont devenues tristes à en mourir. Le succès, l’appât du gain… et dans beaucoup de cas, la multiplication des implantations dans la capitale. C’est un choix quasi-inévitable, qui est bien rarement géré par les boulangers, qui perdent progressivement le contrôle sur la qualité de leurs produits.
Certains artisans ont aussi leurs « périodes » : par moment, le pain et les diverses gammes peuvent être de qualité inférieure à celle obtenue habituellement, pour des raisons variées (personnel dilettant, farines nouvelles et nécessitant une adaptation des recettes et process de fabrication, …). Dans ce genre de cas, il faut tout simplement… attendre, éventuellement signaler ce changement négatif, et faire preuve d’un certain pragmatisme.
Pragmatisme, le mot est lâché. Cela va faire un an que le painrisien connaît une activité journalière, que je partage avec vous le fruit de mes visites et réflexions au jour le jour. A l’image du travail boulanger, le painrisien a évolué. Nous sommes aujourd’hui bien loin de ce qu’il offrait à son ouverture, et fort heureusement. Le style a changé, les articles ont tendance à être plus poussés, et on retrouve de plus en plus ce fameux pragmatisme dont je parlais. J’ai appris à chercher à comprendre les problèmes que peuvent rencontrer les boulangeries au quotidien, à revisiter les mêmes lieux de façon répétée pour saisir leur fonctionnement, capter leur ambiance, suivre leurs produits et en tirer un jugement qui soit le plus en phase avec la réalité des produits servis aux clients. Ainsi, le painrisien n’est pas forcément devenu plus « gentil », mais plus humain, plus au fait de la réalité des fournils. Vous aurez par ailleurs remarqué que je m’attache toujours plus à l’homme, au sensible, car cela explique beaucoup de choses en définitive. C’est ça aussi, ce site-blog : un vecteur de rencontres et d’échanges.
Au cours de cette année de visites, de dégustations, de surprises plus ou moins agréables, j’ai pu constater, suivre, vivre ces variations de qualité. Il faudrait sans doute que je réécrive la moitié de mes billets au quotidien, tant la matière est mouvante et vivante. C’est ce qui la rend aussi passionnante, mais lui confère également un caractère insaisissable et rend le travail que je tente de réaliser quasi-impossible dès lors que l’on exprime un minimum d’exigence et de volonté de cohérence.
Sans doute faudra-t-il que je réécrive sur les premières adresses sur lesquelles j’ai pu écrire, au moins. Mes goûts ont changé, tout comme mes attentes et parfois la qualité des produits que j’essaie. Voici la nature dans son plus simple appareil : elle nous façonne, nous pétrit, à la façon d’un boulanger un peu capricieux et dont les mouvements nous paraîtraient parfois bien obscurs.
Ce que je pourrais dire, en définitive, c’est qu’autant pour moi que pour les boulangers, le plus difficile est de parvenir à produire un résultat de qualité au quotidien. Il y aura toujours des jours plus ou moins glorieux, nous devons composer avec. Pour nos amis boulangers, la remise en question doit être permanente, afin de ne pas tomber dans des travers qui aboutiraient progressivement à un résultat ne correspondant plus aux attentes de leur clientèle. Goûter, observer, … apprendre, tout simplement. En un an, j’ai appris quelque chose de tout simple, et que j’ai toujours plus à coeur de partager et de faire savoir : le pain, c’est la vie.
Un bel article, honnête et franc… Et j’adore la conclusion.
Merci !
On sent bien que vous préparez la prochaine édition du guide des boulangeries de Paris 😉
Vous pensez ? J’aimerais bien… 😉 je ne prépare pas grand chose vous savez, mis à part le lendemain…
Juste pour petite information, que je dois te dire entant que fille de viticulteur en St Emilion, il y a du très très bon vin qui doit se boire jeune, et d’autres très très bon vins qui manifestent toutes leurs saveurs avec le temps. Enfin c’était juste une petite parenthèse à la fin de cet article.
Pareil pour le pain: Certains doivent être mangés jeunes comme la baguette, et d’autres se bonifient avec le temps, développent des arômes,par exemple les tourtes de seigle et certains pains au levain.
Je me souviens du gros pain de 6 livres (3kg!) de chez ma grand-mère, il était au top au bout de 3-4 jours.