Les salons professionnels représentent un poste de coût non négligeable pour les entreprises exposantes, car leurs organisateurs exigent des loyers élevés… pour des retours parfois limités. Certes, c’est une excellente occasion pour développer son réseau, toucher un maximum de prospects, mais le visiteur a souvent tendance à adopter un comportement « zappeur » qui ne favorise pas la mise en place d’échanges durables. Dans le cas de la boulangerie, Europain demeure l’événement biennal par excellence, une sorte de « grand messe » où les différents acteurs de la filière – groupements boulangers, meuniers, équipementiers, … – ont pris l’habitude de se retrouver.
La famille Maurey semble avoir décidé de jouer les trublions pour l’édition 2014, puisqu’elle n’y sera pas présente, que ce soit par un stand « propre » ou au travers du groupement Banette auquel ses moulins sont affiliés. A cela plusieurs raisons : comme je l’ai expliqué en introduction, le salon ne présentait pas, selon le meunier, un environnement particulièrement propice à la discussion avec ses clients. De plus, ils n’y étaient pas « maîtres en leur demeure », d’autant plus qu’ils s’y rangeaient derrière les couleurs du groupement.
Pour autant, hors de question de ne pas mettre en place un dispositif visant à fédérer les artisans auprès de leur marque, laquelle est en plein développement. Ainsi sont nées les Rencontres des Moulins de Chars, qui se tiennent sur le site éponyme depuis dimanche et jusqu’à demain. Cela traduit concrètement la stratégie menée par Thomas Maurey, que j’avais d’ailleurs pu vous décrire lors de ma précédente visite dans les lieux. Prendre de plus en plus d’indépendance, mettre en avant une identité propre, des chantiers essentiels pour l’entreprise familiale face à un marché de plus en plus concurrentiel. Forte de son positionnement essentiellement artisanal – 450 boulangers, pour environ 70% du Chiffre d’Affaires -, elle peut accompagner les projets de chacun en portant des valeurs de proximité et de partage. Aide à la mutation de fonds, à l’installation, formations, interventions de démonstrateurs… Autant d’outils qui comptent dans la relation avec un moulin.
Signe de l’importance prise par la communication au sein de l’entreprise, un poste dédié à la communication a été créé l’an passé. Laure de Cabissole prend en charge les différents aspects liés à l’image des sites meuniers de la famille Maurey : dispositifs liés aux produits (PLV, argumentaire de vente, …), aux campagnes de communication (avec notamment la valorisation de l’approvisionnement 100% des blés, dans un rayon de 150km autour du Moulin de Chars), … et donc aux événements. Elle s’est naturellement chargée de l’organisation des Rencontres, en partenariat avec le prestataire GL Events.
Pour une première édition, le succès semble être au rendez-vous : au total, ce seront entre 450 et 500 personnes qui auront été accueillies sur le site, une véritable performance quand on sait la difficulté des artisans à se dégager de leurs contraintes de production quotidiennes. Le format est volontairement moins « festif » qu’il n’a pu l’être par le passé. En effet, les 100 ans du moulin avaient été fêtés sous la forme d’un dîner musical, une mise en scène sans doute charmante mais peu productive. Les enjeux actuels en boulangerie artisanale font qu’il était bien nécessaire d’adopter un ton plus sérieux… mais néanmoins convivial.
Un programme de conférences ponctue les journées, avec des interventions autour des attentes des consommateurs, de l’hygiène ou encore de la gestion. En parallèle, le fournil installé sous la tente principale et animé par les démonstrateurs de l’entreprise produit au fil de la journée des pains à partir des différents mélanges proposés aux clients. Les différents produits de la gamme « Rusti » sont à l’honneur, ainsi que la fameuse « Charmante », dernière née de la gamme. Cette baguette positionnée « premium », avec un prix de vente conseillé de 1€, répond à un constat réalisé sur le terrain : nombre d’artisans sont encore à la peine avec la baguette de Tradition, laquelle se révèle assez exigeante. Face à cela, le mélange mis au point par les Moulins de Chars offre flexibilité et facilité de mise en oeuvre, avec des caractéristiques appréciées par les consommateurs (aspect assez « jaune » lié à un mélange de blés spécifique, bonne conservation, note de levain pour donner du goût…).
J’avoue être un peu perplexe face à ce qui est pour moi un certain constat d’échec, et la proposition d’une « jambe de bois » à un système qui peine à fonctionner pour des boulangers qui manquent autant de technique que de passion. Je ne suis pas certain qu’ajouter des produits pour remplacer un savoir-faire manquant soit un choix tout à fait pertinent, même si cette Charmante s’est avérée assez convaincante.
Au delà de cette dimension de vitrine produit, plusieurs partenaires de la famille Maurey ont été conviés pour apporter leurs connaissances et proposer des solutions concrètes aux artisans : café, équipement, aménagement, désinsectisation, snacking, chocolat, pâtisserie… Des démonstrations sont réalisées pour parfaire le tableau. En parallèle, l’outil de production est mis à l’honneur avec des visites menées par le Chef Meunier, ce qui permet à chacun de comprendre comment la farine est fabriquée, un processus encore mal maîtrisé par bon nombre d’artisans.
Je ne doute pas que l’initiative sera renouvelée, ici comme ailleurs. Les meuniers restent aujourd’hui le premier interlocuteur de nos boulangers, et ils doivent prendre à coeur leur rôle d’accompagnement de la filière vers plus de qualité : en améliorant la satisfaction et la fidélité des consommateurs, c’est la survie de la boulangerie artisanale qui pourra être assurée.