Ce mercredi s’annonçait être une journée comme les autres pour Arnaud Delmontel. Après son jour de fermeture, sa boutique avait réouvert ses portes comme d’habitude. Quand soudain… Bon, je m’égare. Ce que je peux être moqueur et de mauvais esprit, parfois ! Que voulez-vous, on ne se refait pas.
Le sujet du jour n’est pas mon boulanger-pâtissier préféré, même si l’action se déroule bien rue des Martyrs. Un peu plus bas, en réalité, au 22. Cette boutique a une histoire bien connue des habitants du quartier. Elle abritait encore, il y a quelques mois, la pâtisserie Seurre, une véritable institution qui proposait aux gourmets autant des classiques de la pâtisserie française que des créations originales. Plus de 100 ans d’existence, et finalement une fermeture en fin d’année dernière, suite au départ à la retraite de Gérard Seurre. L’endroit a bien failli devenir un « Beauty Monop' », mais grâce à la mobilisation des riverains et à la réaction des élus, cela a finalement été évité.
Dans cette rue bien gourmande et remplie d’histoires entre commerces (parfois, ce serait presque Dallas !), Sébastien Gaudard a posé ses valises après un parcours de haut vol : adjoint de Pierre Hermé chez Fauchon, chef du Délicabar de la Grande Epicerie, consultant en pâtisserie depuis quelques années… Il avait été associé à ce mouvement de « pâtisserie moderne », où le visuel tenait une place toujours plus importante. Selon les dires de l’intéressé, il lui manquait un ancrage, qu’il souhaite trouver aujourd’hui en ouvrant cette boutique.
Une ancre, c’est au moins ce qui nous aura tenu face au 22 rue des Martyrs, en attendant son ouverture sans cesse retardée. Cela devait être à la rentrée, puis en octobre… Ce fut finalement le 23 novembre. En fin de semaine dernière, les travaux ne semblaient pas terminés dans cette boutique à la devanture vert-wagon, et il était bien difficile de s’imaginer quels auraient été les choix de l’artisan en terme d’aménagement intérieur. Le voile s’est finalement levé en courant de journée, sans fanfare ni trompettes, en toute discrétion. Comme si Sébastien Gaudard voulait que cette ouverture soit une heureuse surprise, une découverte au hasard d’un passage dans la rue.
La boutique n’était pas encore bien remplie aujourd’hui, mais le décor était bien brillant. Brillant comme les yeux des gourmands devant ces vitrines offrant des saveurs bien régressives. Difficile de croire qu’ici se tenait la pâtisserie Seurre, tant la métamorphose est profonde. Dans cet intérieur réalisé dans des matériaux nobles (du marbre, principalement), on pourrait penser que cela a toujours été ainsi et que le temps s’est arrêté pour nous offrir des pâtisseries « d’antan ».
C’est bien là le crédo de Sébastien Gaudard au travers de la Pâtisserie des Martyrs : rendre les saveurs du passé terriblement actuelles et vivantes. Pour ce faire, il nous propose de grands classiques de la pâtisserie française, sans volonté de les revisiter, mais simplement de les réaliser avec talent et honnêteté. Eclairs (vanille, chocolat, café), baba au rhum, millefeuille, chou caramélisé à la vanille, religieuse vanille-chocolat, Forêt Noire, Paris-Brest, Othello (« tête de nègre », comme on le disait à l’époque), tarte au citron ou aux poires… Pas de création, uniquement de l’authentique.
Des chocolats sont également présentés, ainsi qu’une sélection de viennoiseries (on trouvait aujourd’hui des chaussons aux pommes ainsi que des kugelhopfs, notamment). Les confiseries ne devraient certainement pas tarder. La boutique devrait également proposer des glaces, même si cela n’est pas vraiment de saison pour le moment.
Assez parlé du concept et de l’esprit, passons donc aux choses sérieuses, au concret. Lors de ma visite, j’ai pu apprécier le service -patient, bien formé sur les produits (malgré le premier jour !)- et le fait de croiser le chef en boutique. Ses yeux d’un bleu profond s’accordent si bien avec le thème chromatique de sa boutique ! Après avoir échangé quelques mots et plaisanté au sujet du retard pris par les travaux précédant l’ouverture, je suis reparti avec l’objet de ma gourmandise du jour : une Forêt Noire.
Les plus gourmands reprocheront aux produits vendus par la Pâtisserie des Martyrs d’être de petite taille, ce qui aurait pour conséquence un rapport quantité/prix peu intéressant. Pour moi, une pâtisserie fine n’a pas à être trop volumineuse, le risque étant l’écoeurement, ce qui n’est pas souhaitable. Avec ses délicats copeaux de chocolat noir, ses deux couches de génoise, sa chantilly bien kirschée et ses griottes imbibées, je dois dire que j’ai été pleinement satisfait par mon expérience, même si je suis d’ordinaire plutôt adepte de pâtisseries créatives. L’ensemble est très léger, fin et peu sucré. Pour 4,4 euros, la promesse est tenue.
Les gourmands se pressaient déjà devant et dans la boutique fraîchement ouverte – preuve en est de la rupture d’éclairs au chocolat à l’heure pourtant peu avancée de mon passage. Cela annonce la suite sous de meilleurs auspices ! Dans tous les cas, je ne manquerai pas de revenir pour découvrir l’endroit pleinement fonctionnel et rempli de toutes ses gourmandises.
Infos pratiques
La Pâtisserie des Martyrs – Sébastien Gaudard
22 rue des Martyrs – 75009 Paris (métro Notre-Dame de Lorette, ligne 12) / tél : 01 71 18 24 70
ouvert du mardi au vendredi de 10h à 14h et de 16h à 20h, le samedi de 9h à 20h et le dimanche de 9h à 14h.
Tu as craqué sur les yeux bleus ou sur la forêt noire ? les deux j’ai l’impression … 😉
Oui, les deux, la patisserie c’est autant une histoire d’hommes que de produits 😉
Sa à l’air sympas par contre le choux au sucre me laisse de marbre .. le sucre est un peu brûlé quand même ?
ah non non, il est bien caramélisé, je peux le dire sans crainte !
Heu… heureusement que je n’ai pas croisé le regard de M. Bosson, un vrai Kouros, et dire qu’on voit la tête de Gontran partout… enfin je m’égare ce qui m’intéresse c’est le produit évidemment et je vois que notre painrisien n’est pas insensible à l’appel de la forêt et je sais de quoi je parle. A quand un article sur un tour d’horizon des beaux regards passionnés de la profession, un regard en dit beaucoup… indépendamment de tout critère esthétique. Un regard porte un feu intérieur, une énergie.
C’est vrai que le regard exprime beaucoup de choses, très utile pour se faire une idée de quelqu’un ! Chez Sébastien Gaudard, on voit qu’il sait ou il va, il se dégage quelque chose de clair et directif. Un billet sur les regards, oui, pourquoi pas ! Il faudrait avoir plus d’exemples et d’expériences, cependant.