Le repli sur soi me semble être l’un des plus grands dangers de notre époque. Cela fait partie des grands paradoxes de notre monde moderne : nous sommes à la fois hyper-connectés, reliés en permanence les uns aux autres, nos actions sont toujours plus orientées selon leur caractère social… mais la différence n’en est pas pour autant mieux acceptée, la tolérance ne se développe pas suffisamment et l’individualisme continue à grandir. Pourtant, si l’on regardait nos voisins avec plus de bienveillance, nous n’en serions pas pour autant plus faibles, mais au contraire plus vivants…
Marc-Antoine Bosquet et Philippe Comte ont pu développer leur goût des autres, du partage et de la transmission au sein des Compagnons du Devoir, où ils ont évolué de façon parallèle et croisée. Les deux amis ont multiplié les expériences pour devenir des professionnels complets et appréhender pleinement les enjeux de leur métier. Que ce soit en France ou à l’étranger, dans la filière artisanale ou industrielle, en boulangerie ou en meunerie, dans de grandes villes comme dans des zones reculées, à l’image de Cucugnan… Ils ont appris autant qu’ils ont donné, en perpétuant la tradition du compagnonnage et en tissant des relations fortes avec de nombreux artisans. Anthony Bosson, que l’on connaît bien à Paris avec ses trois boulangeries, est d’ailleurs le parrain de Marc-Antoine Bosquet au sein de cette organisation. C’est un véritable modèle pour l’artisan tourangeau, qui a lui aussi voulu voler de ses propres ailes…
… cela tombait bien, puisqu’il en était de même pour son ami de longue date, Philippe Comte. S’ils avaient commencé leurs recherches de façon séparée, ils se sont vite rejoints. Ainsi sont nés Les Blés de Demain, à Veigné (37), en août 2014. Ce nom ne doit rien au hasard : il correspond à l’engagement pris ici dans l’utilisation de farines de qualité, moulues à partir de blés anciens. Une grande partie de la production est réalisée avec les farines de la Minoterie Bourseau, avec notamment la Tradition T65 Bagatelle, le Gruau T45 pour la viennoiserie et de la meule. Tous les pains sont réalisés à partir de levain naturel – liquide pour les baguettes et les brioches, dur pour les produits plus typés.
Pour le reste, c’est Roland Feuillas qui fournit du Kamut et des blés de population – Marc-Antoine Bosquet a passé de nombreux étés à Cucugnan et a ainsi été particulièrement sensibilisé au travail réalisé par le paysan-boulanger autour des variétés anciennes -, ainsi qu’un autre agriculteur de la région toulousaine. L’objectif est, à terme, de parvenir à engager la même démarche à proximité. Pour cela, il faut parvenir à convaincre des agriculteurs, créer la filière aboutissant à la farine. Un processus long qui n’a pas pour autant découragé Marc-Antoine, aidé par son ancrage dans le territoire et ses liens tissés avec des agriculteurs… et c’est ainsi qu’il suit son cours. Bien sûr, ces blés ne se retrouveront sans doute pas dans les pains demain, mais on peut d’ores et déjà saluer l’engagement.
Ici, les recettes ont été pensées pour aboutir à des produits à la fois savoureux et digestes : de longues autolyses et fermentations pour dégrader au mieux les glutens et développer les arômes, un façonnage entièrement manuel, des pâtes bien hydratées… il n’y a aucun secret dans ces procédés, mais encore faut-il avoir à coeur de les respecter – et ce n’est pas toujours le cas dans notre boulangerie moderne.
Le savoir-faire s’étend également du côté de la viennoiserie, avec un croissant récemment classé en seconde position au Concours Départemental du Croissant d’Indre-et-Loire. Le feuilletage est en effet extrêmement bien maîtrisé, et cela se retrouve d’ailleurs sur les galettes des rois – réalisées à partir d’un feuilletage inversé pour plus de fondant.
La gamme de pâtisserie est également de bonne facture, avec des classiques généreux et quelques créations abouties. Les gâteaux de voyage -cakes, pains d’épices ou tendresses de Veigné (des moelleux garnis au chocolat ou aux fruits)- ne sont pas en reste tout comme les diamants aux multiples parfums. On retrouve ici et là les inspirations prises au fil du parcours professionnel des deux hommes… mais quoi de plus normal, c’est le fil de la transmission qui se prolonge.
Cette même transmission est un sujet central pour l’entreprise, que ce soit en vente ou en production. L’engagement de Marc-Antoine Bosquet et Philippe Comte est de transmettre le goût du bon produit à leur clientèle – et c’est loin d’être évident en zone rurale. Nombre de clients demandent du pain peu cuit ou sont habitués à la viennoiserie industrielle, il y a alors un véritable travail d’éducation à mener. Ces efforts finissent par payer : depuis leur installation, ils sont parvenus à inverser le rapport de ventes entre baguette de pain courant et Tradition, et à fédérer des habitués autour de leurs spécialités. Lors des fêtes de fin d’année, autant en boulangerie qu’en pâtisserie, les clients ont accordé une grande confiance à l’établissement. Pour cela, l’implication de l’équipe de vente dans le projet de l’entreprise aura été un élément déterminant, et les deux associés n’hésitent pas à être présents en boutique pour y participer.
L’équipe a pris pris de l’ampleur avec l’ouverture de leur deuxième boutique, à Sorigny, dans le courant de l’été. Même si toute la production reste centralisée à Veigné, des embauches ont été nécessaires pour assurer le volume supplémentaire.
Cette petite ville, traversée par un axe passant, représentait une opportunité intéressante de développement pour les Blés de Demain, un emplacement s’étant libéré. Les débuts sont un peu difficiles : entre l’ouverture d’un concurrent 7j/7 – ce qui ne permet pas de capter de la clientèle le jour de fermeture -, une visibilité un peu limitée et un voisinage peu dynamique, … le chemin sera long pour parvenir à redonner de la vie à cette boutique. Je ne doute pas que l’engagement et la qualité des produits parviendront à faire la différence.
Voilà en tout cas une belle aventure, portée par des valeurs et une envie de partager un savoir-faire authentique. C’est une preuve -s’il en fallait- que c’est par l’excellence que l’artisanat boulanger parviendra à faire la différence de façon durable… pour écrire le pain de Demain !
Infos pratiques
20 place du Maréchal Leclerc – 37250 Veigné / tél : 02 47 26 02 82
ouvert tous les jours sauf le mercredi de 6h30 à 14h et de 15h30 à 19h30 – jusqu’à 19h le samedi, fermé le dimanche après-midi.
67 route Nationale – 37250 Sorigny / tél : 02 47 65 27 36
ouvert du lundi au vendredi de 6h30 à 14h et de 16h à 19h30, de 7h à 13h le samedi.
Page Facebook : https://www.facebook.com/lepaindedemain
« les blés anciens » : pour avoir fait des stages chez des paysans boulangers, je crois qu’il y a sur-emploi de ce terme. En fait, les farines dites rustiques actuelles sont faites à partir de blés modernes, seuls la mouture ou l’assemblage peuvent être anciens, et encore! dans la loi, il est interdit d’employer des blés non catalogués, seul les paysans le font, car ils transforment directement leur production en pain, et cela est toléré. Merci Rémy de m’éclairer si j’ai tort…
Moi c’est Rémi.
Il n’y a pas grand chose d’ancien dans le process de mouture, puisqu’il n’a pas ou peu évolué au cours du siècle, seules les machines ont changé pour augmenter la production.
Pour les blés, il y a tout de même des variétés de terroir qui sont cultivées et que l’on peut qualifier d’anciennes. On est bien loin des Blés très hybridés que beaucoup utilisent…