Pour sortir des cases, il faut parfois savoir en cocher un grand nombre. Le sens de ma phrase peut paraître obscur mais il correspond en réalité à la démarche adoptée par de nombreux créateurs de « concepts » qui multiplient les activités pour se démarquer et attirer la clientèle. A l’inverse, d’autres se concentrent sur une spécialité, à l’image des boutiques mono-produit. Que l’on soit monomaniaque ou plus généraliste, la vraie difficulté est en définitive de trouver son identité, de raconter une histoire qui correspond à notre histoire et à nos valeurs.
En créant la Ruche à Rolleboise, dans les Yvelines, Jérôme Crépatte a fondé un lieu qui n’est pas loin de lui ressembler : audacieux et dynamique, sans cesse en mouvement. Il faut dire que cet entrepreneur n’en est pas à son coup d’essai : il possède de nombreux établissements dans l’Eure et les Yvelines, dont le prestigieux Domaine de la Corniche. L’idée de départ était ici de créer un laboratoire central pour la production du pain et des pâtisseries destinés à ses restaurants. Plutôt que de s’arrêter à développer un lieu fermé au public, il a préféré bâtir un véritable lieu de vie… encouragé par la structure existante, qu’il a fallu presque plus re-bâtir que rénover.
Cet hôtel désaffecté depuis de nombreuses années a retrouvé de nouvelles couleurs en plus d’abriter de nouvelles activités : la Ruche porte bien son nom, car elle cumule les activités de boulangerie-pâtisserie-restaurant-hôtel-épicerie fine… L’idée n’était pas de créer un concept mais de faire preuve de pragmatisme en créant des synergies entre ces différents pôles. De plus, compte tenu de l’importance de l’investissement réalisé, il fallait au moins ça pour parvenir à générer un chiffre d’affaires permettant de dépasser le fameux ‘point mort’. L’emplacement, en bordure de route, n’est pas si isolé : la proximité de Giverny attire des touristes, tandis que des travailleurs viennent chercher une chambre en semaine. En misant sur la qualité des produits et des prestations, Jérôme Crépatte assure le fonctionnement de l’établissement avec une clientèle fidèle au restaurant autant qu’à la boulangerie.
Pour parvenir à offrir cette fameuse qualité, l’entrepreneur a du s’entourer : n’étant pas cuisinier, pâtissier ou boulanger, le recrutement de professionnels aguerris était nécessaire. En boulangerie, c’est Steeve qui est aux manettes. Cet artisan talentueux a longtemps oeuvré pour des sociétés d’interim et a ainsi pu développer sa capacité à travailler dans des environnements parfois difficiles. La rencontre avec son futur patron a eu lieu par l’intermédiaire d’Olivier Deseine, dirigeant des Moulins de Brasseuil et ami de longue date de Jérôme Crépatte, lequel fournit naturellement une grande partie de la farine utilisée aujourd’hui au fournil.
Steeve a ainsi participé au projet depuis ses débuts et à la mise en place de l’outil de production. C’est autant cette opportunité que le cadre assez unique qui ont séduit le boulanger : peu de fournils peuvent prétendre avoir une vue directe sur la Seine !
Au quotidien, il réalise les pains pour la boutique et les restaurants, avec une partie de la production en non-façonné (Paneotrad), ce qui permet de réaliser de nombreuses petites pièces et d’être réactif tout en disposant d’un personnel restreint. La gamme n’en est pas moins généreuse en goût et en créativité : on trouve dans les vitrines de nombreuses propositions gourmandes au fil des saisons et des inspirations, comme un pain à la courge pour Halloween, un pain salé à l’oignon pour l’automne, … en plus de classiques bien installés, à l’image de la tourte de Seigle au miel de Sarrasin, un beau et bon produit, des déclinaisons aux fruits secs et des créations autour de classiques de la boulangerie française, comme le pain Brié au chocolat. Pour Steeve, le respect du produit est essentiel et cela passe par l’ensemble des étapes de fabrication, du pétrissage à la cuisson.
Ses talents ne sont pas passés inaperçus dans l’émission La Meilleure Boulangerie de France sur M6, où le jury a salué la qualité de son pain.
Pour le sucré, le jeune Thibault Marchand a été recruté cette année pour dynamiser l’offre. La valeur n’attend pas le nombre des années : accompagné de Sandrine Baumann-Hautin (chef pâtissière du Domaine de la Corniche), le pâtissier-chocolatier, maintes fois primé lors de concours professionnels (champion de France viennoiserie en 2013 notamment), a mis en place une gamme gourmande et raffinée, réalisée dans le respect des saisons. Fève de Tonka, chocolats grand cru, agrumes, … les saveurs s’accordent avec talent pour des créations tarifées très honnêtement (environ 4 euros pour un petit gâteau).
Seul bémol, les viennoiseries ne sont pas au niveau du reste actuellement, espérons que cela évoluera à l’avenir.
Pour les becs salés, la carte du restaurant se veut simple et accessible. Un semainier décline des plats classiques, revisités avec une pointe d’originalité. Le dimanche, c’est un brunch gourmand qui prend place dans la large salle, disposant elle aussi d’une superbe vue sur la Seine. Au fil de l’eau et de la journée, on peut s’asseoir quelques instants et faire une pause l’après-midi, puisque le lieu fait également office de salon de thé. On ne s’arrête jamais à la Ruche !
Hors de question de partir sans détailler l’espace boutique, lui aussi très atypique : on y trouve des produits d’épicerie fine (miel, forcément, huiles, confitures d’Andrésy, …) et l’ensemble des gourmandises réalisées dans les laboratoires. La décoration, particulièrement soignée, s’adapte selon les événements et donne à l’ensemble un caractère attrayant, en rupture avec les codes de la boulangerie traditionnelle.
A Rolleboise, la Ruche déploie ainsi un espace bâti selon ses propres règles, décloisonnant les activités d’hôtellerie, restauration, boulangerie et pâtisserie. Loin d’avoir voulu créer un concept sans « fond », Jérôme Crépatte a bien saisi l’importance de la qualité des prestations et produits pour mener son établissement à la réussite. Ajoutez à cela un cadre agréable et verdoyant, et vous obtenez un endroit où il fait bon venir… et revenir.
Infos pratiques
2 route nationale – 78270 Rolleboise / tél : 01 30 33 20 00
boulangerie-pâtisserie : ouvert du mardi au vendredi, de 6h30 à 21h00, et samedi et dimanche, de 7h30 à 21h00.
restaurant : Ouvert tous les jours exceptés le dimanche soir et le lundi midi
hôtel : ouvert tous les jours
Site internet : http://www.hotel-laruche78.com
J’ai pris un fraisier pour 12 le 08 juillet une tuerie merci