Des arlésiennes. Notre existence en est remplie. On nous promet beaucoup de choses… sans forcément les réaliser, ni même mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que ce soit le cas. Deux choix s’offrent à nous : renoncer ou attendre, toujours attendre… en prenant le risque d’être déçu. Pour autant, l’espoir développe certaines vertus, dont celle de nous permettre de rester ouverts au changement, à la nouveauté. Si l’on renonce complètement, on peut alors s’enfermer dans une certaine aigreur.
Depuis le temps que la confédération devait agir, il aurait été bien aisé de classer ses propositions sur la Viennoiserie Maison dans cette fameuse catégorie des arlésiennes. Bien mal nous en aurait pris, car l’organisme s’est vraiment engagé dans la cause, au travers d’une… affiche. Non, pas de charte, de label, ne cherchons pas de méthodologie ou autres choses qui fâchent. Le risque serait justement de trop déranger des entreprises et industriels puissants, dont certains sont impliqués à plusieurs niveaux dans la filière : à la fois fournisseurs de produits congelés, faiseurs de farines, … leur influence est indiscutable et les « hautes instances » de la boulangerie n’y échappent pas.
Seulement, le mal est fait : l’opinion publique s’est emparée des petits secrets de la profession, et il aurait été mal vu par les consommateurs que rien ne soit fait au niveau national pour essayer de défendre ce savoir-faire et parvenir à mettre de l’ordre dans des pratiques déviantes. Certaines instances régionales ont d’ores et déjà mis en place des chartes et autres dispositifs assez précis en la matière, et apportant de véritables garanties sur la démarche de l’artisan. C’est notamment le cas dans le Loir-et-Cher ou dans le Maine-et-Loire.
Bien sûr, il y a quelques « critères » à respecter pour continuer à afficher la fameuse affiche : toutes les viennoiseries doivent être faites maison, non surgelées une fois cuites (afin d’éviter les tentations de repasse), sans faire appel à des préparations préconçues, permettant de s’affranchir du choix des matières premières et de la mise en place de recettes adaptées à ces dernières.
Si jamais l’une de ces règles venait à ne plus être respectée, même provisoirement, il faudrait alors retirer l’affichage sous peine de sanctions… oui, mais de la part de qui ? La Confédération compte-t-elle mettre en place un service de contrôle dédié au dispositif, ou s’appuiera-t-elle sur les services de la DGCCRF ? Il fait aujourd’hui peu de doutes sur le fait que nous aurons affaire à la seconde situation, et que des artisans mal-intentionnés ne se priveront pas d’arborer le dit support de communication sans en respecter les principes. Ce ne serait pas la première fois que les consommateurs seraient bernés, et nous trouvons de nombreux exemples dans notre vie quotidienne : entre restaurateurs-assembleurs, industriels mettant en avant un « Made in France » douteux voire complètement fallacieux, produits Bio cultivés en dépit du bon sens à l’autre bout de la planète… notre société de course au profit sait tout aussi bien mettre en place des codes que les détourner.
On passera sur le prix de l’affiche : 20€ pour les non-adhérents, pour ce qui se résume à une feuille de papier de 40 x 60 cm ou 40 x 80 cm… L’impression est largement rentabilisée, à moins que cela ne serve à financer d’autres projets ou échecs, à l’image de la fameuse enseigne « B », adoptée par bien peu d’artisans. Autant mettre en avant son engagement par soi-même, que ce soit avec ses propres éléments de communication ou en défendant ses produits auprès de sa clientèle au quotidien.
D’ailleurs, cette défense reste malgré tout orientée sur le goût : vous aurez beau ajouter toutes les images, les emballages et autres couches souvent superflues, le verdict tombe à la dégustation. En la matière, pas de mystère : ceux qui font de bonnes -voire de très bonnes- viennoiseries, sont encore ceux qui en vendent le plus. Un hasard ? Certainement pas. Bref, vous l’aurez compris, la Confédération n’apporte pas grand chose de nouveau sous le soleil, et nous devrons donc compter sur d’autres acteurs pour aller plus loin dans une démarche qualitative. Certains meuniers indépendants ont commencé à s’y engager, mais le travail reste encore considérable.
Bonjour Remi,
Que dire de cette affichette ? qu’une fois de plus la fédération nous montre son lien intime avec le secteur industriel, les lobbies font bien leur travail. Cette décision est d’autant plus surprenante que l’assemblée a préconisé récemment un décret « fait maison » pour les restaurants, mettant l’accent sur l’idée que cela peut générer de l’emploi. Il faut croire que les derniers reportages journalistiques ont permis une prise de concience collective sur l’idée que certains restaurateurs n’étaient ni plus ni moins que des ambianceurs, mettant en avant des produits industriels et laissant au placard un éventuel savoir faire. Evitons de tomber sur cet éceuil, et mettons en avant ce savoir faire qu’est la boulangerie en communiquant.