Certains se plaisent à comparer le boulanger à un apprenti alchimiste. Sa capacité à équilibrer les températures, à gérer les réactions entre les solides et liquides, à suivre les fermentations ou cuissons, lui donneraient en effet de sérieux atouts pour parvenir à transmuter les métaux. A mon sens, le miracle quotidien qu’il réalise est bien plus beau : à partir de ses matières premières – farine, eau, sel, levain, levure -, il transforme à chaque fournée des morceaux de pâte, de vie, en aliments. Ces pains ne valent sans doute pas de l’or – et c’est mieux ainsi – mais ils créent du plaisir, des sourires, des instants de partage. En bref, des choses que toute la finance du monde ne parviendra jamais à acheter.
Parfois, la boulangerie fait aussi se rencontrer des éléments à priori incompatibles : la finance et l’artisanat peuvent additionner leurs compétences pour créer des projets riches de sens et d’intérêt. Olivier Magne et Florian Argoud ont ouvert ce lundi leur boutique Farine&O au 153 rue du Faubourg Saint-Antoine, Paris 11è. Si le nom scelle la rencontre naturelle de l’eau et de la farine, tout en faisant un clin d’oeil malicieux au patronyme du Meilleur Ouvrier de France Boulanger 2015, il sert aussi d’étendard à cette association entre un artisan de talent et un ancien banquier.
Florian Argoud – tout juste 28 ans – avait le sentiment d’avoir fait le tour des chiffres, prévisionnels et autres accords de prêts. Sa sensibilité naturelle à l’univers de la gourmandise l’a amené à s’y intéresser de plus près, et d’envisager l’ouverture d’une boulangerie. Son projet initial était de s’installer seul et de prendre en charge la production. Ses différentes rencontres, notamment au cours d’un stage d’initiation à l’INBP, l’ont conduit à revoir sa position pour se tourner vers une autre approche.
De son côté, Olivier Magne avait pu expérimenter le fait d’être un artisan installé, puisqu’il avait possédé sa propre boutique au coeur de son Cantal d’origine. Cela avait éveillé en lui l’envie d’aller développer son savoir-faire au contact d’autres professionnels, puis de partager à son tour. C’est dans cette optique qu’il est devenu formateur itinérant à l’INBP, participant ainsi au rayonnement du savoir-faire français à travers le monde. Le concours du Meilleur Ouvrier de France s’inscrivait pour lui comme un prolongement naturel de cette démarche, tout en lui apportant de nouvelles perspectives à 43 ans. En obtenant le titre en 2015, il n’a pas perdu la passion et l’état d’esprit qui l’animaient jusqu’alors.
Ouvrir une boutique à Paris, dans un environnement concurrentiel riche et des conditions difficiles (prix des fonds de commerce et des loyers, rareté du personnel qualifié, …), est un véritable défi pour les deux associés. Leur complémentarité ne sera pas de trop pour mener à bien l’affaire : l’un à la gestion et à la vente, l’autre pour mener la production et développer des produits savoureux, le travail à abattre ne manque pas et chacun a bien pris conscience au fil du chemin parcouru ensemble de l’importance de l’autre. C’est sans doute l’un des secrets des couples durables : de l’écoute et du respect.
Ces valeurs se retrouvent bien au fournil et en boutique. L’équipe de production est jeune : une moyenne d’âge inférieure à 30 ans et un vrai dynamisme ainsi que l’opportunité pour chacun d’apprendre au contact de professionnels chevronnés. Accompagné de son chef boulanger (Romain, un ancien de l’INBP, ayant fait le choix de suivre l’aventure), Olivier Magne souhaite imprimer ici une identité singulière et forte. Ses fers de lance ? La viennoiserie et le pain au levain naturel. Il suffit de regarder les vitrines pour s’en convaincre : les produits expriment tout le savoir-faire de l’artisan et se démarquent nettement de l’offre traditionnelle.
Les créations briochées et feuilletées proposées chez Farine&O ont de quoi marquer les esprits : formes, couleurs et saveurs sont réunies dans des déclinaisons appelées à évoluer au fil des saisons. Cuillère feuilletée mangue-praliné, brioche Toupie cassis-citron, muffins du boulanger à la framboise ou au citron, pain au chocolat revisité, … Pour l’anecdote, plusieurs de ces produits sont associés à des souvenirs d’Olivier Magne avec ses enfants : faire plaisir à tous les publics, petits et grands, est une préoccupation marquée chez ce boulanger passionné.
La passion s’entend tout autant quand il est question de pain, de fermentations longues et de levain naturel. Les deux associés ont fait le choix de travailler avec les Moulins Bourgeois, notamment pour leur identité de meunier familial et régional, ainsi qu’avec un petit moulin du Cantal – hors de question d’oublier ses origines !
Toute la gamme incorpore du levain, dur ou liquide selon les pains. Pas de baguette de pain courant ici, mais la Tradition -1,10€ les 250g- séduit par sa croûte ambrée, son vif parfum de froment et sa croûte croustillante. Une pointe de levain liquide vient relever ses saveurs, sans acidité. Tourte de Meule (farine Biologique) ou de Seigle (7 euros la pièce, disponible en moitié également), pain au sarrasin ou à l’épeautre, pain de campagne à la coupe, déclinaisons gourmandes au fruits, … la gamme reste courte tout en proposant des références maîtrisées et répondant à la plupart des envies de la clientèle. Belle maîtrise des fermentations avec un levain toujours discret.
Les plus gourmands se laisseront tenter par les astucieux « fingers » aux deux chocolats ou au citron, ainsi que les fougasses et foccacias natures ou garnies.
L’offre ne sort jamais du domaine boulanger : ainsi, y compris en salé, le pain reste la colonne vertébrale des propositions. Les 4 références de tartines associent élégamment les produits de saisons, tous cuisinés entièrement sur place à partir de produits bruts, tout comme les sandwiches sur base de baguette ou de pains parfumés. La même sobriété est respectée en pâtisserie, avec des tartes et choux de bonne facture, sagement tarifés.
Pour accueillir ces produits et créer un univers cohérent, il fallait un écrin sobre et respectueux des traditions, tout en apportant une touche de modernité. Le changement avec les prédécesseurs est marquant : on passe de l’ombre à la lumière. Pep’s Création s’est chargé de cet aspect, avec un résultat très convaincant : les matériaux employés, assez bruts, correspondent bien à l’idée que l’on se fait d’une boulangerie.
L’éclairage a été particulièrement soigné et met bien en valeur pains, viennoiseries et autres gourmandises. Les travaux ont été d’ailleurs l’occasion d’une belle découverte : des poutres au plafond, jusqu’alors cachées par du verre, ont pu être remises à jour. Elles apportent du cachet au lieu et renforcent son caractère authentique.
L’identité graphique développée autour de la marque est souriante, avec une sacherie amusante et véhiculant une image agréable de l’entreprise : c’est une bonne façon d’utiliser ce support, qui peut devenir ainsi un véritable vecteur de communication.
La taille réduite de cette affaire permet de se concentrer sur les fondamentaux et permettra, je l’espère, à Florian Argoud et Olivier Magne de ne pas se faire dépasser par leur projet, même si la place arrivera sans doute à manquer rapidement si le succès est au rendez-vous.
Grâce à leurs compétences complémentaires et à leurs convictions sur la conduite d’une entreprise de boulangerie artisanale, les deux associés nous ont offert une ouverture bien prometteuse. Espérons qu’ils poursuivront dans cette voie, et proposeront ainsi une offre créative et trop souvent négligée de viennoiseries et gourmandises du boulanger.
Infos pratiques
153 rue du Faubourg Saint-Antoine – 75011 Paris (métro Ledru-Rollin, ligne 8) / tél : 01 43 07 77 58
ouvert tous les jours sauf le mardi de 7h30 à 20h30.
Page Facebook : https://www.facebook.com/FarineetO
Vous décrivez moto pour mot mon ressenti. J’y suis passé le jour de l’ouverture, bien qu’à l’opposé dans Paris (Porte d’Asnières) et j’ai emporté tout ce que je pouvais dans mon scooter : 2 sandwichs goûteux (poulet curry poivrons rouges, et tomates mozza.), une miche de pain au levain (j’en ai offert la moitié à mon patron :-)) une tarte chocolat, un flan, un pain au chocolat et un croissant. Tout était parfait ! La viennoiserie l’une des meilleures que j’ai testées à paris, de la vraie viennoiserie de boulanger comme on aimerait (devrait) en trouver partout (hélas).
Cette adresse n’a qu’un défaut : elle est trop loin du 17e !!!!! Allez Olivier, la prochaine à l’ouest de Paris … 🙂
J’ai ramené du pain et des gâteaux et une fougasse , quel délice! J’y reviendrai tres rapidement et meme si je dois traverser tout Paris pour celà .
Félicitations 🙂
Merci pour vos notes sur cette ouverture de boutique. L’adresse est dans le 11è, pas 12. La rue Faubourg St Antoine sépare les 2 arrondissements. Le 12e c’est l’autre côté de la rue.
Bien vu 😉
C’est corrigé, merci !
Le campagne bcp déçu. La texture était bien élaborée, surtout la mie
Par contre au niveau des arômes, le goût était assez neutre ( pour ne pas dire plat).
Ce qui est assez étonnant pour une fermentation lente sur levain, faite par des personnes compétentes.
A voir d’ici quelques temps, quand les repères seront la pour l’équipe
Je pense que c’est le parti-pris de l’artisan sur ce produit : un pain très doux et accessible à toute la clientèle.
Je viens de découvrir cet endroit le 09 mars 2017. J’étais très impressionnée par la qualité de la brioche au 3 chocolats et par le goût délicat du sandwich au saumon que j’avais pris pour le déjeuner. J’ai retrouvé dans cette brioche au 3 chocolats presque le même goût et le même aspect de la brioche que ma maman et ma grande mère faisaient dans un endroit magnifique de l’Europe à environ 2500 km de Paris.
Je suis conquise et je ferai goûter à ma famille cette magnifique brioche.
Je retournerai aujourd’hui.
Bonne continuation !
Ping : In Review: Farine & O, One of Paris' Best New Bakeries | Paris Unlocked
Un Farine&O s’est installé 120 rue de Belleville. La qualité, l’offre, le service n’a plus rien à voir avec l’ancien boulanger. Ce dernier proposait de très bonnes baguettes, pains spéciaux, pâtisserie et l’accueil était très sympathique. Avant il y avait une longue queue pour acheter du pain, aujourd’hui plus personne.
Le chef est meilleur boulanger de France, mais il n’utilise pas les meilleurs produits pour faire son pain.
Avant il y avait un flanc à l’ancienne délicieux, maint, c’est presque de l’industriel