Ce n’est pas beau de mentir. Cette phrase, vous l’avez sûrement entendue de nombreuses fois pendant votre enfance. Les adultes savent en effet bien nous rappeler le caractère peu vertueux du mensonge, alors qu’ils bâtissent chaque jour un monde où ce dernier en serait presque érigé en religion. Certains mentent sur la nature réelle de leur viande, d’autres sur les comptes bancaires qu’ils possèdent à l’étranger… En définitive, le résultat est le même : il y a une tromperie manifeste, et les individus qui entourent ceux qui la génèrent en paient le prix.
Même chose en boulangerie-pâtisserie artisanale. Seulement, le mensonge peut prendre plusieurs formes, qui se révèleront plus ou moins insidieuses. L’un des plus étalés sur la place publique demeure d’utilisation de produits issus de l’industrie, simplement décongelés ou cuits sur le point de vente. On en a beaucoup parlé ces dernières semaines, avec notamment un reportage diffusé sur France 5 à ce sujet.
Petit à petit le savoir-faire se perd dans les méandres du business et des économies hasardeuses. Hasardeuses, elles le sont : à long terme, les consommateurs désorientés et ayant un net sentiment – compréhensible – de trahison finiront par se tourner définitivement vers des lieux où la couleur est directement affichée, où les prix sont moins élevés même si le goût n’y est certainement pas. Peut-on leur en vouloir ? Certainement pas – et les artisans scient petit à petit la branche sur laquelle ils sont assis. Parmi les fournisseurs de scie et autres objets tranchants, Coup de Pâtes, Fedipat, Panavi et autres… sans compter sur certains groupes de meunerie, comme Nutrixo/Grands Moulins de Paris et leurs fameuses « Recettes de mon Moulin ».
Pour ceux qui continuent à réaliser les produits par eux-mêmes, les mensonges ne sont pas pour autant écartés. A commencer sur le plan de la qualité des matières premières : tout le monde n’utilise pas des beurres de première qualité, ne confectionne pas des sandwiches avec un jambon, des fromages ou des crudités savoureux, ou pire encore ne pétrit pas des farines réalisées dans les règles de l’art, sans incorporation d’additifs. Quelle est notre information là dessus ? Quasi inexistante, en réalité, mis à part lorsque justement le boulanger s’est employé à mettre en oeuvre de « bonnes pratiques », qui passent notamment par des labels (Bio, Label Rouge ou encore CRC). Nous sommes bien loin de voir cette façon de faire se généraliser : beaucoup de meuniers poussent encore à l’utilisation de leurs mélanges, et produisent des farines dépourvues de tout intérêt nutritif ou gustatif. La filière demeure très ambivalente, partagée entre processus toujours plus exigeants et course aux économies.
Bon. On pourrait s’arrêter là, se limiter à cette vision très technique et froide des choses. Dans l’absolu, le mensonge n’aurait de conséquence que sur un produit, et en la matière, nous détenons encore le pouvoir de l’acheter ou pas, selon s’il correspond à notre goût. A mon sens, le pire des problèmes se situe sur le plan humain. Oui, vous savez, toutes les petites mains qui oeuvrent en coulisses chaque jour, pour que vous puissiez profiter de vos gourmandises. Force est de constater que leurs conditions de travail sont loin d’être aussi optimales qu’elles devraient l’être : laboratoires étroits, souvent dépourvus de toute lumière naturelle, et parfois même à la limite de la salubrité.
Après tout, l’envers du décor importe bien peu pour de nombreux artisans : devrait-on, dès lors, se gêner pour employer et sous-considérer du personnel d’origine étrangère (Sri Lankais, Indiens, …) dont la situation n’est pas toujours régulière ? Devrait-on avoir du respect pour tous ces apprentis japonais qui débarquent en France des étoiles dans les yeux, avides de découvrir notre savoir-faire et notre gastronomie ? Bien sûr, le constat est similaire quand il s’agit d’apprentis français, même s’il est à nos yeux moins « marquant ».
Ne nous étonnons pas trop si on les voit ressortir de leurs lieux de travail épuisés, pouvant à peine marcher. Ils réalisent un service tellement important : celui de notre gourmandise. Seulement, cette dernière finit par avoir un goût amer lorsque l’on sait tout cela, et plus particulièrement quand on sait quelles maisons ont ce genre de pratiques.
Nos chefs – d’entreprise, pâtissiers, de restauration… – ont fini par avoir des égos tellement développés qu’ils considèrent pouvoir demander toujours plus à leurs équipes. Ne parlons même pas du cas des femmes, car la misogynie demeure omniprésente dans les métiers de bouche et plus particulièrement de la boulangerie-pâtisserie.
A force de côtoyer le « milieu », j’ai fini par situer où étaient ces zones d’ombre, cerner les contours de cette réalité peu glorieuse. Seulement, devrais-je pour autant revêtir les habits d’un chevalier sauveur des opprimés ? Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire et à entendre ? Je n’en suis pas certain. Dès lors, je me tais. J’observe et je me tais. La vérité devient alors amère et solitaire, bien loin du caractère vertueux qu’elle devrait revêtir. Finalement, je reprends mes cours de philosophie de lycée, et je relis cette phrase « il n’y a pas une vérité mais des vérités ». Tout dépend certainement de la façon dont on regarde les choses, en définitive…
en tant qu’acteur artisan boulanger je ne peut que vous suivre dans votre commentaire! soucieux d’apporter le meilleur a mes clients je suis au bou de quatre ans victime de cette crise gastronomique.je suis clients du moulin des gaults et j’adere a 100 pour 100 a leur demarche de qualite du traval du pain.a force de vouloir bien faire je suis financierement oblige d’arreter definitivement la patisserie faute de marge et de rentabilite! etant obstine a vouloir par respect du client fabriquer mes produits de A a Z le tour est vite fait sur la question du fait ou pas fait maison.et si pour une fois les representant de la filiere pain utilisait la publicite et la presse national pour redonner ses lettres de noblesse au metier de boulanger peut etre que nos clients auront a nouveau le plaisir de mettre les pieds dans nos commerces.il est tres difficiles d’ecrire ce que l’on pense et j’espere un jour croiser votre chemin pour en debattre.bonne continuation et bravo pour ce blogue!
Merci pour ce billet d’humeur, je partage vos opinions, mais pensez à tous ces véritables artisans, agriculteurs, meuniers et artisans boulangers qui restent authentiques et amoureux de leur profession. J’ai travaillé dans plusieurs fournils de l’hexagone et du Québec et je peux affirmer qu’il y a encore des gens qui peuvent être fiers de ce qu’ils entreprennent chaque jour, dans leur quotidien. J’enseigne ce noble métier de boulanger depuis quelques années, et j’essaie de conscientiser mes élèves à l’authenticité, au sens très large du terme. Ne désespérez pas et continuez à nous faire découvrir des boulangeries où la qualité, le savoir faire et la beauté des lieux ne sont pas que de la poudre aux yeux mais réellement des choses que nous apprécieront toujours.
Painrisien a raison d’insister sur les conditions de travail souvent déplorables des fournils de notre profession.
Quant à l’emploi des salariés en boulangerie, les « chefs » d’entreprise ont souvent tendance à déplorer le manque cruel de main d’oeuvre. A qui la faute?
A des conditions de travail qui date d’un autre âge pour certaines entreprises? Quelques fois.
Mais également à des « entrepreneurs » dont la notoriété leur sert de « faire-valoir » lors des embauches. L’intrant accepte ainsi de travailler sans heures supplémentaires payées, voire comme stagiaire, le prestige de la maison, ou du col BBR n’ayant pas de prix.
Et comme le boulanger est sur de son savoir faire, il pratique aussi la multiplication des petits pains avec les apprentis; main d’oeuvre bon marché (j’allais dire taillable et corvéable à merci) s’il en ait puisque elle est quasiment exonérée de charges patronales.
C’est étonnant non?
Faites en l’expérience.
Vous verrez vos salariés et vos apprentis seront étonnés si vous leur payez leurs heures supplémentaires ou les majorations dues lorqu’ils travaillent un jour fériés.
Vous ne voulez pas payer d’heures sup?
Pas de problème. Adressez-vous à vos salariés et dites leur : » Voilà bonhomme. Tu as 7 heures pour faire tout ça. Si tu dépasses, ce n’est pas mon problème. »
Encourageant non?
Et pour finir, lorsque vous vous employez à ne pas tricher, à respecter les réglementations en vigueur; à régler rubis sur l’ongle le travail réalisé…vous avez votre comptable qui vient vous dire : « Monsieur Letalemelier, votre masse salariale est trop élevée, il faut faire quelque chose; vos charges externes explosent, réduisez-les. »
Alors la voix de la facilité est souvent différente de celle de la raison. On achète du croissant surgelé, on ne change pas les matériels défecteux, on ne remet pas aux normes le fournil. Et surtout, on se dépêche de refourguer l’affaire en l’état au suivant, qui fera ,souvent le minimum d’investissement et passera le témoin etc…
On me dit que le monde change, mais dans quel sens.
J’abonde dans le sens d’Eric Letamelier. Je suis ouvrier boulanger depuis un quart de siècle et je n’ai jamais eu le bonheur de voir mes heures supplémentaires/ de nuit/ de dimanche totalement honorées.
Voilà aussi 25 ans que j’entends mes employeurs se lamenter sur leur triste sort… et il y a sans doute de la sincérité derrière ces plaintes !
Que dire ? Le monde entier est en crise, la boulangerie-pâtisserie devrait-elle faire exception ?
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bonjour, je suis pâtissier et ai commencé à l’age de 14 ans ,15 ans apprenti
passionné et toujours amoureux de ce métier. Il y’a deux ans , après un parcours dans différents établissements
je me suis installé et me suis intéressé à mes produits, que je me sèrvai , ayant pris une
claque je me suis senti trahi par les fournisseurs et surtout par les producteurs .Ceux la ,ont été pris par les produits de l’ industrie et ne ce souciant guère des consommateurs. Face à l’ argent et aux mensonges, je ne savais pas que j’intoxiquais sans le savoir les consommateurs .Si tu fais et tu sais pas tu est un ignorant ,mais si tu fais et tu sais tu est un criminel, je ne suis plus un criminel ,maintenant je sais et c’est pour cela que je me suis mis en BIO certifié.Aujourd’hui, j’ai trouvé ma vrai vision d’une pâtisserie digne de ce nom. Je suis disponible pour mettre en avant et humblement sortir de l’ombre les valeurs d’une pâtisserie noble préservant la santé des gens .
LES OUBLIES
tél 0656814869 ,