Parmi les « grands noms » de la boulangerie, il y en a certains qui parviennent à se faire assez discrets sur le plan médiatique, mais moins au sein de la profession : tout se sait rapidement, et les artisans boulangers se privent rarement pour émettre un jugement sur leurs confrères ou voisins. Pour un observateur extérieur comme moi, le plus difficile est alors de rester le plus neutre possible, d’écouter en saisissant le vrai du faux, et en essayant d’éviter les parti-pris en faveur de l’un ou de l’autre.
Franck Debieu est de ces artisans qui ont tracé un parcours passant difficilement inaperçu, aussi bien par son apport au métier que par les entreprises où il a évolué. On l’a ainsi connu aux côtés d’Eric Kayser… avant de battre de ses propres ailes, de suivre son étoile… du Berger. J’avais déjà eu l’occasion de vous parler de sa boutique historique de Sceaux, laquelle a baptisé l’enseigne puisqu’elle se situe rue du Docteur Berger. Il ne faudrait pas pour autant oublier l’autre implantation du boulanger, à Meudon-Bellevue.
Avant de m’y rendre, je n’avais pas bien saisi le sens du mot Bellevue… Je l’ai mieux intégré en découvrant le dénivelé des lieux. Forcément, la vue est belle, de là-haut. Pour ne rien gâcher, le pain est bon. Que demander de plus ?
Justement, la question est posée. En réalité, si j’avais tant entendu parler de cette boutique, c’était pour le concept qui devait y être déployé. En effet, l’artisan souhaitait visiblement en faire la vitrine de son concept de « haute pâtisserie »… Une idée qui semble aujourd’hui en suspend, car le pain reste aujourd’hui l’élément essentiel du 21 rue Maurice Allégot.
Essentiel, oui, mais néanmoins entouré par quelques points surprenants. A l’entrée de la boutique, le visiteur est frappé par les pâtisseries présentées dans des… tiroirs. Derrière sont disposées les quelques tables de l’espace salon de thé, mais difficile d’oublier cette curieuse entrée en matière.
L’espace de vente est plus clair que celui de la boutique de Sceaux, assez basse de plafond. Dans cet emplacement d’angle, la lumière pénètre bien pour mettre en valeur les produits… et le pain. On pourra bien sûr reprocher à Franck Debieu le prix élevé de ses spéciaux, mais difficile d’être tout aussi critique vis à vis du goût : entre la tourte de Kamut et ses chaudes notes de noisette, le Saint-Père et sa fermentation réalisée sur base de miel, le Germain et sa mie dense, riche en graines ou encore le Bolivien, associant graines de courge et quinoa… Voilà autant de produits aboutis et pour lesquels les tarifs finissent par passer en second plan. Néanmoins, l’artisan et ses équipes n’en ont pas oublié la nécessité d’accessibilité du pain, avec une flûte du Berger proposée à 1€. Cette baguette de Tradition séduit par ses notes lactiques, son alvéolage sauvage et sa croûte bien fine.
Ne laissons pas de côté les brioches aux formes variées, accompagnées le week-end par la création du mois, ni les viennoiseries de bonne facture. On passera par contre sur les pâtisseries, l’occasion de les laisser au placard, non, au tiroir, en raison de leur qualité de réalisation peu en adéquation avec les niveaux de prix pratiqués.
La proposition salée s’articule autour de sandwiches, tartines gratinées, panini et autres pizzas ou salades. Des produits simples et de qualité, à des tarifs cependant très parisiens.
Ici comme à Sceaux, difficile de ne pas apprécier l’accueil dynamique et impliqué. L’ensemble du personnel a à coeur de satisfaire la clientèle, et cette qualité de service s’inscrit bien dans le positionnement « haut de gamme » des boulangeries l’Etoile du Berger. Le cadre prolonge cette expérience agréable, avec une large place faite à des matériaux nobles comme le bois.
Infos pratiques
21, rue Marcel Allégot – 92190 Meudon Bellevue (transilien ligne N, gare de Bellevue) / tél : 01 46 26 80 36
ouvert tous les jours sauf le mardi de 7h à 20h.
Avis résumé
Pain ? Franck Debieu est avant tout un excellent boulanger, et il continue à nous le montrer au quotidien. Après avoir développé la méthode PanovA en partenariat avec BCR et Foricher, l’artisan nous démontre dans ses deux boutiques que cet outil permet de réaliser du très bon pain en déchargeant les boulangers du façonnage. Le choix est difficile entre la flûte du Berger, proposée à 1€, la tourte de Kamut, le Saint-Père, le Bolivien… Le travail sur levain liquide permet d’offrir une bonne conservation sans développer de caractère acétique.
Accueil ? Dynamique et impliqué, le service est fluide et avenant, très professionnel. Il assure également la gestion de l’espace salon de thé, situé derrière ces bien curieux tiroirs . Le cadre demeure néanmoins agréable, avec une belle luminosité offerte grâce à l’emplacement d’angle, et le bois très présent dans l’aménagement.
Le reste ? Les produits les plus gourmands et réussis restent sans doute les brioches variées ainsi que les viennoiseries, complétées par quelques propositions boulangères comme les tartes fines aux pommes. Les pâtisseries, même si elles sont loin d’être indignes, sont proposées à des tarifs élevés pour des produits « dans la moyenne ». Belle gamme de sandwiches, tartines, pizzas et quiches, cependant, avec une belle mise en valeur des pains développés par l’artisan.
Faut-il y aller ? L’Etoile du Berger brille ici autant qu’à Sceaux, et ce pour le plus grand plaisir des meudonnais. Ils profitent ainsi de la flûte du Berger, de la sublime tourte de Kamut et des différentes créations de Franck Debieu. Le positionnement prix est très haut de gamme, parfois trop, mais la qualité est là et nous sommes là en présence d’une des grandes « signatures » de la boulangerie.
Oubli majeur: Le meilleur chausson au pomme de la région parisienne.