Retourner sur les terres où l’on a commencé, cela permet souvent de mesurer le chemin parcouru, l’expérience acquise… mais aussi d’effectuer des comparaisons plus pointues et pertinentes avec ce que l’on a vu depuis ou de comprendre la différence parfois abyssale entre le positionnement affiché et la réalité. C’est aussi l’occasion de se dire que le temps passe, sans doute trop vite, et que l’on est bien en peine d’avoir une quelconque prise sur ce mouvement perpétuel.
Je découvrais l’univers de la meunerie en janvier 2012 par la visite du Moulin des Gaults. Convié par Yvon Foricher, j’avais pu visiter cet outil de production, mais aussi et surtout toucher du doigt ce qui fait la force de cette maison : l’humain, au travers de professionnels engagés et passionnés, que ce soit dans la gestion du moulin ou au sein des équipes de démonstrateurs.
Depuis, j’ai passé du temps à me rouler dans la farine. Verdelot, Aiserey, Chars, Chérisy… sans compter sur les salons professionnels, qui permettent de mesurer la qualité et l’approche des différents acteurs.
Forcément, l’outil installé en bordure de la Notreure souffre un peu de la comparaison avec ses homologues. Que ce soit en terme de capacité de production, d’âge des machines ou de fonctionnement du moulin, on sent bien que les standards de la profession ont évolué. Cela n’empêche pas l’entreprise de réaliser un produit de grande qualité : les hommes et leurs choix importent parfois plus que les machines. Tout est lié. Il fallait une belle force de conviction et de la persévérance pour partir de rien comme l’a fait Yvon Foricher en s’installant ici, en reprenant un moulin à une époque particulièrement délétère pour le secteur de la meunerie artisanale. Forcément, l’assise financière n’est pas la même que celle détenue par de grandes familles, installées depuis plusieurs générations.
Il paraît que les bretons sont têtus. La famille Foricher pourrait difficilement renier ses origines, ni même donner tort à cette pensée commune, tant son opiniâtreté est indiscutable. Le développement de l’entreprise s’est fait grâce à une vision éclairée, laquelle demeure aujourd’hui : il ne suffit pas de livrer de la farine aux artisans boulangers, si qualitative soit-elle. Un meunier doit s’engager à leurs côtés et les pousser à faire toujours mieux. Yvon Foricher continue aujourd’hui à développer ce positionnement atypique, et ses 600 clients lui donnent raison au quotidien par leur fidélité et les relations privilégiées qu’ils entretiennent avec leur meunier. Ses équipes commerciales et techniques sont très impliquées dans cet effort.
Pour y parvenir, l’entreprise a mis l’accent sur la formation, l’accompagnement… et a ainsi développé des « moments forts », où ses clients se retrouvent et peuvent échanger de façon conviviale. Les Portes Ouvertes du Moulin des Gaults, organisées tous les deux ans, associent une ambiance festive et le sérieux nécessaire pour construire un projet commun.
Cette année, l’accent a été mis sur la santé, avec une mise en avant des qualités nutritionnelles des différents produits de la gamme : de la baguette de Tradition au Complet en passant par la brioche ou la tourte de Meule, chacune des recettes a été étudiée pour associer gourmandise et bien être. Parmi les nouveautés, on compte un pain d’inspiration nordique, réalisé à partir de farine de Meule T80 CRC, d’Epeautre T110, de Seigle T170 et d’un mélange de graines. Il procure ainsi une énergie durable, des fibres et présente d’excellentes qualités de conservation.
Il y a également du neuf dans et sur le moulin : depuis quelques mois, l’ensemble des céréales qui y transitent sont issues de la démarche CRC. A l’extérieur, la peinture a été refaite pour rafraichir un peu l’aspect du bâtiment.
L’organisation des différents espaces destinés aux visiteurs a été revue, et une zone dédiée à la certification Bagatelle a été créée. Elle présente des chiffres et des arguments tangibles pour inciter les artisans à s’inscrire dans cette démarche qualité. En plus de la baguette, le croissant pourra bientôt être certifié : de cette façon, la différenciation avec l’offre industrielle sera toujours plus importante, et l’engagement du boulanger sera mieux valorisé.
Sous le chapiteau, les partenaires des Moulins Foricher proposent comme d’habitude leurs solutions : de la vannerie aux fèves en passant par les formations de pâtisserie, les marchands de matériel, les banques ou encore les systèmes de caisse, il y a toujours de bonnes idées à prendre et des contacts à nouer.
On notera également la présence d’un large espace dédié à l’installation et aux mutations de fonds. Le sujet est toujours plus sensible et central dans un contexte où les artisans indépendants peinent à trouver des affaires accessibles tout en présentant un certain potentiel.
Les nouveaux médias sont aussi à l’honneur, car le meunier entend pousser ses clients à « rester à la page » en étant présents sur les réseaux sociaux ou en créant leur propre site internet. Les artisans demeurent assez réfractaires à ce type de démarche, malgré une demande parfois soutenue au sein de leur clientèle. Un accompagnement pas à pas est alors nécessaire pour lever les éventuelles questions et doutes vis à vis de l’outil informatique.
L’événement est devenu une véritable tradition et fédère toujours plus de visiteurs : 1400 personnes sont ainsi attendues sur 4 jours, jusqu’au mercredi 24 juin. Cela nécessite une organisation d’ampleur, et les équipes ont réalisé un travail remarquable pour accueillir chacun au mieux.
Impossible de terminer ce billet sans souligner la qualité exceptionnelle des produits présentés au sein de la boutique éphémère : spécialités feuilletées salées ou sucrées, gâteaux de voyage, pains de tous formats, … autant d’idées qui devraient inspirer nos artisans pour renouveler leur offre et proposer à leur clientèle des gammes innovantes. Bravo à Patrick Cognard et à toute son équipe !