On est parfois bien innocents, sans doute trop portés par une vision optimiste du monde et des hommes. Malgré la grisaille, c’est vrai qu’il faut continuer à essayer de donner, de partager. Seulement, ces efforts sont parfois vains, voire pire. Ils peuvent être détournés au profit d’intérêts particuliers, sans que quoi que ce soit ne puisse être fait : difficile en effet de prétendre à la paternité d’un tour de main ou d’une recette quand il s’agit d’artisanat, car bien peu de nos créateurs disposent du temps ou même de la volonté pour protéger le fruit de leur travail…
Quand bien même ils le feraient, je crois que la transmission se fait naturellement : quand on accueille un apprenti ou un salarié au sein de son entreprise, il est indispensable de le former aux pratiques de la maison, afin de le rendre pleinement opérationnel à son poste. Bien sûr, la mission est d’autant plus importante quand il s’agit d’une démarche d’apprentissage, car la responsabilité de l’artisan est grande quant à l’avenir professionnel de la recrue.
Au cours de cet exercice, on pourrait difficilement se rendre compte des aspirations réelles de la personne que l’on a en face : est-elle là pour contribuer au fonctionnement de l’entreprise, ou bien ne pense-t-elle qu’à piller la connaissance pour partir ensuite ? Quand bien même ce ne serait pas le cas initialement, cela pourrait bien le devenir au fil des rencontres et des opportunités : certaines entreprises savent être particulièrement convaincantes quand il s’agit de ramasser dans leurs filets des compétences.
En effet, les moyens financiers dont elles disposent leur permettent d’attirer nombre de profils et bâtir leur réputation grâce à des produits de qualité, développé par des ouvriers de grande valeur. Seulement, le partenariat est-il durable ? Ne profiteront-ils pas de la première occasion pour débarquer cet élément potentiellement coûteux et gênant à long terme ? Le profil des entrepreneurs à l’origine de ces sociétés laisse perplexe, même s’ils affichent sur le moment de belles valeurs et ambitions. Grandes écoles de commerce, diplômes de gestion, parcours dans des multi-nationales… pour au final revenir à l’artisanat. Ne pensez-vous pas que cela laisse des traces ? Même si ces profils peuvent être intéressants et complémentaires avec le métier, grâce à leur maîtrise des ressources humaines, de la formation, de la comptabilité… des « fonds » bien peu enviables peuvent demeurer.
La boulangerie-pâtisserie n’est pas à l’abri de vols de ce genre. Je pourrais bien sûr citer des exemples, mais je ne suis même pas certain que cela en vaille la peine. Certains vendent de façon claire et non dissimulée leur nom, leur « aura » et leur savoir-faire : Frédéric Lalos en boulangerie, mais aussi de nombreux chefs étoilés comme Joël Robuchon et sa fameuse purée, Senderens et des plats cuisinés chez Carrefour… dans ce cas, il n’y a pas vol, mais on ne sait jamais bien où peut mener ce partenariat et quel sera son aboutissement. Le cas de petits artisans sous-traitant pour des marques variées est plutôt précaire, quant à lui : ils apportent leurs moyens de production, investissent parfois pour « suivre la cadence », sans être bien sûrs que leur client leur sera fidèle, et s’il ne cherchera pas à piller leurs ressources…
Dès lors, quelle attitude adopter ? Difficile de répondre de façon franche et nette. Si demain on fait le choix de se replier sur nous-mêmes, de fermer les frontières, de ne plus accueillir ni transmettre, car on aime à le dire « la connaissance s’accroit quand on la partage ». Essayons simplement de construire un monde où l’on se marcherait moins les uns sur les autres…
(Commentaire hors-sujet)
Mais c’est la montgolfière de la Gambette à Pain ! 🙂
La montgolfière…fine allusion à un célèbre élève de JP Mathon qui lui a piqué ses recettes pour les réutiliser telles quelles dans sa propre affaire…
Mais bien sûr que ce n’était pas un commentaire hors-sujet (où avais-je donc la tête ?) 🙂