Nos modes de consommation évoluent, aussi bien par notre propre volonté que par celle des entreprises qui en sont actrices au quotidien. Le client envoie des messages, certes, mais ces derniers sont souvent bien plus faibles que ceux qui lui sont transmis, si bien que sa propre volonté est en définitive diluée dans un savoureux mélange aux influences parfois douteuses. Sommes-nous vraiment maîtres de nos actes d’achat ? Pas sûr. Concernant le pain, l’influence des marques demeure présente même si relativement limitée. Ce qui pourrait être un véritable terrain de liberté demeure restreint et conditionné par des visions pré-conçues quant aux parfums et textures…
Du côté des centres commerciaux, nos standards ont été nettement bousculés par les innovations des concessionnaires présents sur le créneau. Altarea-Cogedim, Unibail-Rodamco, Gecina… autant d’entreprises qui ont souhaité faire de leurs espaces de véritables centres d’attraction et de loisir, bien loin de la simple corvée des courses que l’on connaissait jusqu’alors. Cela passe par des aménagements plus aérés, plus lumineux, une circulation plus fluide… mais aussi par un choix d’enseignes mieux étudié, visant à accroitre le caractère « divertissant » du lieu.
Ce mercredi, c’était du côté du 15è arrondissement qu’il fallait être, car le rideau se levait sur la version revue et corrigée de Beaugrenelle, le fruit de 10 ans de travaux, « une adresse shopping à la mesure de ce quartier mythique », résolument positionnée Haut de Gamme. Si je vous en parle aujourd’hui, c’est que cela illustre bien le virage marqué ces toutes dernières années sur l’intégration de l’offre restauration et « gourmande » au sein des complexes commerciaux. Auparavant, on se contentait d’installer des chaines vues et revues, à l’image des Flunch, Pizza Pai, Hippopotamus, Paul, Brioche Dorée et autres enseignes issues des galaxies Mulliez ou Flo… Pour un résultat très uniforme, pauvre en saveurs.
Rue Linois, rien de tout ça. La restauration fait partie de l’expérience, et ce sont des marques très en vue qui l’assurent : Cojean, Exki, Matsuri, Panasia… sans compter sur les propositions sucrées et salées de Marks & Spencer. L’idée est assez redoutable : faire passer un maximum de temps dans le centre afin de maximiser la consommation à l’intérieur de celui-ci… et ça marche.
Comme à chaque fois, la fameuse enseigne britannique a fait le plein : les français se ruent sur ses produits frais ou d’épicerie. Même si les créations sont parfois attirantes, j’ai bien du mal à comprendre un tel engouement… en particulier au rayon « Fournil », où les pains n’ont pas plus d’allure que lors de ma précédente visite lors de l’ouverture de So Ouest. Ce que l’on n’achèterait pas chez un artisan boulanger est ici le summum de la classe, du délicieux, pensez-vous, c’est « british ». Bref.
Cojean signe ici sa deuxième implantation sur la rive Gauche parisienne, et encore une fois, il frappe fort : aussi bien en terme de surface, de fréquentation que d’amplitude horaire d’ouverture (7j/7, 10h-22h, c’est l’unité la plus « ouverte de l’enseigne »), tout est réuni pour en faire la nouvelle vitrine de cette success-story de la restauration rapide haut de gamme.
En traversant le trottoir, Eric Kayser devrait également proposer ses produits… même s’il semble y avoir un certain retard à l’allumage, puisque la boutique n’est toujours pas ouverte. De ce que j’ai pu en voir, le présentoir à pains est de taille ridicule : où sont les fondamentaux défendus par cet entrepreneur de la boulangerie ? J’en arriverais presque à douter qu’il s’agisse vraiment d’un commerce de ce type, la surface semble bien réduite pour parvenir à produire sur place. Pour sa seconde implantation française dans un centre commercial, les choix réalisés paraissent discutables. A voir à l’ouverture.
Juste en face, Exki déploie la même offre que dans ses autres restaurants, avec du pain « cuit sur place » mais néanmoins de qualité discutable.
En attendant, la boulangerie de la famille Hakkam située dans la même rue profite de l’effervescence et fait salle comble. Comme quoi, les consommateurs ne sont pas si attentifs à la qualité du pain et des gourmandises qu’on leur propose, comme on aimerait aujourd’hui le prétendre. Mieux vaut se tourner vers les propositions de la Pâtisserie des Rêves, dont la boutique, assez petite, est sympathique et lumineuse. On y retrouve l’ensemble des créations de Philippe Conticini, servies par une partie de l’ancienne équipe de la boutique du 7è arrondissement.
Bref, avec tout ça, on peut bien se demander si c’est Beau…Grenelle ? La tendance tape à l’oeil est bien reprise ici. Pas de grande surprise, et même si tout n’est pas encore en place (quelques restaurants, ainsi que le cinéma Pathé, devraient ouvrir prochainement), il s’agit avant tout d’une redite des standards actuels.
Je trouve ce centre très réussi et l’offre food est intéressante. J’ai hâte que les derniers restaurant à ouvrir le soient afin d’aller tester tout ça.