Le painrisien est un formidable vecteur d’échanges, il parvient en effet à rassembler un public de lecteurs passionnés et avertis, eux aussi en quête de bon pain ou même pourvoyeurs de ce fameux produit. Au delà de la majorité silencieuse, parmi laquelle compte nombre d’acteurs «du métier», quelques noms reviennent fréquemment dans les débats et commentaires, ce qui m’amène à m’y intéresser de plus près.

Dans ce groupe d’habitués, un boulanger répondant au nom d’Eric Marché se détachait assez nettement, et j’ai eu envie d’aller le rencontrer. Appréciant grandement la ville de Nantes, où il est installé, l’occasion n’en était que trop belle. 2h30 de TGV et un incident de signalisation plus tard, me voici dans la cité d’Anne de Bretagne.

Pains, Beurre et Chocolat, c’est le nom de la boulangerie ouverte par le couple Marché en 2008. Tous deux issus d’un parcours de reconversion professionnelle – dans la pâtisserie pour Madame, dans la boulangerie pour Monsieur – ils ont tout d’abord fait leurs armes en s’installant au Croisic en 2006, avant de revendre l’affaire pour occuper les lieux où ils se situent actuellement. Passé par l’école Banette, Eric Marché s’est formé en autodidacte par la suite, avant tout par amour du métier et ressentant un réel manque dans le savoir qui lui avait été transmis.
En plein coeur du quartier Saint-Felix, Catherine Marché et son équipe de vente accueillent les gourmands qui, alléchés par le nom, sont particulièrement bien tombés. On remarque dès notre arrivée les superbes cuissons, les façonnages soignés et les grignages bien marqués des pains, même si la maison peut se vanter de belles compétences pour la réalisation des croissants, qui ont été primés au niveau régional en 2009. Prenons les choses dans l’ordre, si vous le voulez bien, et suivons le parcours que le nom de l’échoppe nous invite à suivre.

Un large choix de pains créatifs !

Du pain. Les présentoirs n’en manquent pas, et les amateurs de tradition mais aussi de création seront servis. A commencer par les baguettes, où l’on retrouve bien entendu la baguette de tradition, à laquelle est adjointe une création maison, la baguette de l’Erdre, incorporant une note de farine de Gaude. Cette farine de maïs torréfié confère au pain une légère teinte jaunâtre, des saveurs légèrement différentes de la baguette traditionnelle et une mie un peu plus grasse. Très craquante, peu salée et redoutablement alvéolée, elle se déguste du bout des doigts, comme une gourmandise. Ce n’est pas pour autant qu’il faudrait en oublier la Sarrasine et ses touches de blé noir, ou encore la baguette aux céréales torréfiées. On retrouve sur chacune d’entre elles ce qui constitue les véritables «standards» de la maison : des cuissons bien abouties, et une conservation d’excellent niveau.
Le reste de la gamme a de quoi me faire tourner la tête, et les boulangers parisiens les plus créatifs n’ont qu’à bien se tenir : pain sportif, citron-romarin, semoule-miel-abricot, Kamut, Grand Epeautre, Pain d’Automne à la châtaigne, au miel et pignons de pin du Portugal, pain Nordique, Bretzels variés, pain Saint Felix, tourte dite «de Grand Chemin»… Voilà de quoi varier sans cesse les saveurs et les plaisirs. Les pains se suivent au fil des jours et constituent autant de rendez-vous gourmands pour lesquels les clients n’hésitent pas à faire le déplacement tout spécialement.

Ici, le pain est réalisé à partir de levain liquide pour la gamme de tradition – ce qui lui confère une grande douceur due à la fermentation lactique, et sur levain dur pour les pains biologiques. Une farine Bagatelle CRC est utilisée dans le premier cas. En plus de cet engagement en faveur d’une agriculture raisonnée, ce sont des farines fournies par un meunier local – la minoterie Girardeau – qui ont été sélectionnées. Cela traduit une belle démarche d’engagement citoyen de la part de ce boulanger.

La diviseuse Paneotrad

Au delà du respect de longs temps de fermentation, c’est le procédé Paneotrad qui est utilisé pour diviser et façonner les pains, ce qui permet de réaliser de petites fournées et d’avoir en permanence du pain frais en boutique. Cette technique, qui est par ailleurs loin de faire l’unanimité au sein de la profession, permet au boulanger de se décharger des tâches de façonnage et contribue à rendre son quotidien moins pénible. Eric Marché tenait en effet à proposer à son personnel des conditions de travail agréables, ce qui passe notamment par un apport en lumière naturelle au sein du laboratoire de production. L’humain est au coeur du pain, j’y reviendrai d’ailleurs au cours des prochains jours, et un boulanger heureux, fier de sa profession, sera beaucoup plus apte à offrir un bon pain.

Du beurre. Du bon beurre frais, d’ailleurs, de Montaigu. C’est avec celui-ci que sont réalisées les gourmandises feuilletées que l’on prend plaisir à venir faire croustiller aux yeux et à la barbe de l’église Saint-Felix, sise non loin de là. En effet, pas grand chose de catholique dans ces croissants, ces pains au chocolat ou ces chaussons aux pommes (fourrés à la compote maison, relevée d’une note de thym), mais rien de bien répréhensible que de se laisser aller à ce péché de gourmandise.


Pas étonnant que les croissants de M. Marché aient été primés : ils ont effectivement tout pour plaire. Dorés, beurrés à souhait, réalisés à partir d’un levain particulier (comme l’a très bien décrit Louise, du blog Raids Pâtisseries, dans son article), cuits sur four à sole, l’artisan exprime là un beau savoir-faire, qui laisse trop souvent place à l’utilisation de produits prêts à l’emploi.
Pour continuer dans le domaine des douceurs, la boutique propose également quelques pâtisseries boulangères, dont des tartes aux fruits, mais aussi… au chocolat. Le voilà, le fameux, nous avons donc effectué notre pèlerinage gourmand.

Une dernière étape toutefois, car ce serait bien dommage de passer à côté, par la gamme salée développée ici. Sandwiches créatifs ou traditionnels proposés en libre service (bien vu pour l’efficacité du service en heure de pointe !), soupes maison depuis quelques semaines, diverses fougasses, quelques salades… C’est simple, bien vu et efficace. Pas de fausse note, et si l’on était adepte des jeux de mots faciles, on pourrait dire que tout peut «Marché» comme sur des roulettes. A l’image du service, d’ailleurs, placé sous la responsabilité de Madame et de son équipe de vente, charmant, impliqué et disponible. On sent bien que l’ambiance est très différente de celle que l’on peut ressentir à Paris, et même si l’on se trouve dans une grande ville, les relations sont moins tendues et beaucoup plus sincères, d’autant plus dans ce quartier tranquille.

Eric Marché oeuvre dans son four à sole

Infos pratiques

10 boulevard Amiral Courbet – 44000 Nantes (Tramway ligne 2, arrêt Saint-Felix) / tél : 02 40 20 09 02
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 19h30, le samedi de 7h à 13h.

Avis résumé

Pain ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela croustille ! Les croûtes sont bien présentes et craquantes, que ce soit pour la baguette de l’Erdre (intégrant un peu de farine de Gaude), la tradition, la Sarrasine (au notes de blé noir), mais aussi les pains de campagne, les ficelles et autres créations de l’artisan. Les saveurs ne sont pas en reste, on retrouve en effet de belles notes de céréales torréfiées, une pointe d’acidité sur la baguette de l’Erdre, ou bien des arômes de miel et de noisette sur la superbe tourte de Seigle que propose Eric Marché. On se laisse séduire sans peine par la large gamme de pains spéciaux et créatifs (pain sportif, citron-romarin, semoule-miel-abricot, Kamut, Grand Epeautre, Pain d’Automne à la châtaigne, au miel et pignons de pin du Portugal, pain Nordique, Bretzels variés, pain Saint Felix, tourte dite «de Grand Chemin»…), d’autant que les cuissons sont toutes bien menées et la conservation exceptionnelle. Tout cela pour des tarifs presque anormalement bas pour un painrisien comme moi, habitué à des niveaux de prix parfois assez élevés. On notera également l’engagement de l’artisan en faveur de l’utilisation d’une matière première de grande qualité, avec une farine de Tradition CRC ou des farines biologiques, mais aussi pour le bien être de son personnel de production, dont les conditions et méthodes de travail ont été étudiées.

Accueil ? Madame Marché et son équipe de vente font merveille en boutique, et servent les clients non seulement le sourire, mais avec une belle implication et une volonté de défendre un produit dont il y a de quoi être fier. La clientèle est servie efficacement, d’autant plus qu’une partie de la gamme traiteur est proposée en libre-service, ce qui décharge d’autant le personnel.

Le reste ? Les amateurs de viennoiseries seront particulièrement bien servis ici, de par une belle maîtrise des produits réalisés à partir de pâte feuilletée, et en particulier des croissants – primés en 2009. Dorés, beurrés, croustillants, réalisés à partir de levain et cuits sur four à sole, c’est une belle réussite.
Les diverses pâtisseries boulangères (des tartes aux fruits, au chocolat, …) ne déméritent pas pour autant et sont réalisées avec sérieux, sans prétention.
La gamme traiteur s’inscrit dans la même tonalité, les sandwiches sont frais et croustillants (forcément, quand on utilise une bonne baguette pour les réaliser, cela aide !), les en-cas sont simples et bien vus (soupes, salades maison…), rien ne vient entacher la cohérence de ce beau tableau, peint jour après jour par les Marché et leur équipe.

Faut-il y aller ? Si l’on passe à Nantes, sans aucun doute ! Ne serait-ce que pour saluer le charmant couple Marché, profondément engagé dans son activité et exprimant une passion sans fin pour leur métier. Ils me confiaient d’ailleurs que leurs vacances étaient une occasion… de découvrir d’autres boulangeries, pour s’inspirer des méthodes et produits. Bien sûr, si cela se limitait à un aspect humain, cela n’aurait pas grand intérêt. C’est loin d’être le cas : les produits proposés chez Pains, Beurre et Chocolat sont d’excellente facture, en plus d’afficher des prix très modérés. Pains, gourmandises salées et sucrées, que pourrait-on demander de plus ? Peut-être que Nantes soit plus proche de Paris, mais pour ça, l’artisan n’y peut rien !

Il y a des choses que l’on peut chercher longtemps, par exemple, midi à quatorze heures… Je crois que certains sont encore sur le sujet, mais j’ai peu d’espoir quant à une issue heureuse un jour.
On peut aussi chercher du tangible, du concret.

Du pain chez Poilâne, rue du Cherche-Midi, par exemple. Vous savez, ces fameuses miches cuites au bois, à l’acidité caractéristique. C’est ce que j’ai fait cet après-midi. Un après-midi rue du Cherche-Midi, je trouvais que cela sonnait bien.

Qui n’a jamais entendu parler de cette dynastie de boulangers quasi-mythique ? D’abord Pierre, fondateur de la boulangerie où je me suis rendu, en 1932 puis son fils Lionel et maintenant Apollonia. Leur travail a marqué et continue à être fort présent dans la profession. Cette histoire s’écrit jour après jour, autant dans ces fours à bois, ces boutiques ou dans l’ensemble des points de vente distribuant le pain Poilâne.
Ainsi donc tout a commencé là, dans cette boutique où le temps semble s’être arrêté, tant son aspect délicieusement rétro a été conservé. Impossible de ne pas être sensible au charme de ces briques, de ce mobilier en bois, qui semblent parfumer les produits dont ils forment l’écrin. Du pain au levain, ces fameuses miches, mais pas seulement : on retrouve également des pains de mie, des pains de seigle (avec ou sans raisins), des pains aux noix des petits sablés nommés « punition » (en référence à la Grand Mère Poilâne qui, pour punir ses petits enfants, leur remettait ces fameux gâteaux) … mais aussi quelques viennoiseries et pâtisseries boulangères (flans, tartes aux pommes, … qui sembleraient presque dater de l’époque de création de l’entreprise.

Pourtant, ça n’est pas le cas, car ici, tous les produits sont frais et fabriqués tout au long de la journée dans le fournil situé au sous-sol de la boutique, rue du Cherche-Midi. Les « compagnons boulangers » – puisque c’est ainsi qu’ils sont appelés chez Poilâne – tous issus d’une formation (d’une durée de neuf mois) interne – se relaient face à ce majestueux four à bois dit « à Gueulard » et assurent ainsi l’approvisionnement des étals. La production est destinée à la seule boutique de la rue du Cherche-Midi, seuls quelques restaurateurs alentours viennent se fournir, mais cela reste anecdotique. Pour les différents réseaux de distribution, c’est la manufacture de Bièvres, en Essonne, qui se charge de produire les miches.

C’est là toute l’originalité et la force de la famille : une volonté de proposer ce produit au plus grand nombre, d’être accessible et dépasser les frontières de la capitale, tout en gardant le contrôle de la qualité. Un seul fournil est installé à l’étranger, à Londres, et il a reçu le levain de la boutique historique en 2000, lors de son ouverture. La production y est par ailleurs réalisée avec des ingrédients importés, mis à part pour le lait et les oeufs, produits localement.
Cette obsession constante de la qualité s’exprime jour après jour, au travers d’un choix minutieux des meuniers (installés pour la plupart à proximité de la manufacture, et produisant une farine sur mesure, de type 80, moulue à la pierre), d’un contrôle du levain (mesure de son pH, et donc de son acidité), utilisation de gros sel de Guérande… et bien sûr, cuisson au bois dans les 24 fours installés de façon circulaire autour du stockage à bois. Chaque jour, depuis 1932, on répète les gestes ancestraux qui ont fait le succès de la marque, seul le pétrissage fait appel à la force d’une machine. Pas de chambre de pousse, les miches reposent dans des bannetons avant leur mise au four.

Tradition, oui, mais innovation également. C’est ce que résume le fameux concept de « rétro-innovation » développé par Lionel Poilâne. Prendre le meilleur des deux univers et parvenir à l’associer harmonieusement, pour parvenir à un produit de qualité. Il ne faut pas refuser des techniques modernes si celles-ci peuvent apporter à l’entreprise sans pour autant avoir d’impact négatif sur la qualité du produit. Un exemple parmi tant d’autres, la farine est distribuée par procédé pneumatique à Bièvres, pour des questions d’efficacité. Cela ne remet pas pour autant en question l’authenticité du pain produit par la suite.

Le développement de l’entreprise ne s’est pas fait de façon inconsidérée, même si elle compte aujourd’hui plus de 160 salariés, dont les boulangers demeurent une grande partie. Les Poilâne ont vite appris à dire « non », ce qui pourrait paraître simple de prime abord, mais revêt un caractère exceptionnel dans le cadre de l’économie de nos jours. Non aux expéditions trop lointaines (le pain est en effet livré en grande partie par l’entreprise elle-même, le reste étant confié à des transporteurs express garantissant une livraison au maximum dans les 48h, pour assurer une grande fraîcheur du produit), non aux implantations trop nombreuses, non aux compromis… Autant de points qui font de Poilâne une entreprise assez atypique dans le secteur, avec à la fois une renommée internationale, un outil de production performant, mais toujours une taille humaine. L’humain, c’est d’ailleurs une des grandes préoccupations ici : on tente de proposer à chacun un cadre de travail agréable (la manufacture est située dans un environnement verdoyant, quasiment en pleine nature, et les boulangers travaillent à la lumière du jour) et une formation adaptée. C’est ainsi que les compagnons sont fidèles à l’entreprise, preuve en est de Jean-Michel, que j’ai pu rencontrer aujourd’hui. Il a commencé son apprentissage à 16 ans au sein de la maison, et continue à y travailler avec passion et implication.

Pour autant, Poilâne n’est pas immobile et sait aussi s’ouvrir à de nouvelles opportunités, faire évoluer ses gammes afin d’offrir au consommateur des produits en phase avec les goûts et les attentes de l’époque. C’est ainsi que le concept de « cuisine de bar » a été développé : des restaurants servant des tartines simples et authentiques – le pain restant le centre du repas et des attentions. La première implantation est contigüe à l’adresse historique, la seconde a ouvert cet été dans le Marais (au 38 rue Debelleyme) et la dernière à Londres, depuis quelques semaines. A chaque fois, on peut également repartir avec son pain, car cela reste l’essentiel aux yeux de l’entreprise.
Ses gammes se modifient également : récemment, le pain d’épices, qui était jusqu’alors produit par un partenaire Belge, a été repris par la maison – en y apportant une note bien particulière (notamment au travers de l’utilisation du poivre de Setchuan). En plein dans l’actualité des jours à venir, la galette dite « sèche » (sans fourrage) sera cette année saupoudrée d’un voile de sucre parfumé des notes chaudes et légèrement citronnées de la myrrhe et de l’encens, développé en partenariat avec Michèle Gay (à l’origine de la parfumerie culinaire). En ce moment, une surprenante « bûche-flan », décorée de Punitions en forme de sapins, est également proposée. Un clin d’oeil souriant, toujours dans la tradition, avec une pointe de modernisme.

Je crois que je pourrais passer des heures assis là, face à ce sublime four, ou bien dans cette boutique où les gourmands du monde entier se retrouvent pour acheter des produits terriblement traditionnels et simples, mais aux saveurs pourtant actuelles et si nécessaires. On se perd dans les effluves douces qui remontent du sous-sol, le temps suspend son cours quelques instants, à peine reprend-t-il quand vient notre tour et que l’on doit se décider à annoncer son choix. Il doit y avoir un peu de magie, mais surtout beaucoup d’amour et d’exigence, dans cette fameuse rue du Cherche-Midi. Merci à Apollonia Poilâne d’avoir su, malgré son jeune âge, reprendre le flambeau pour continuer à faire vivre cette histoire, à l’écrire avec nous, amateurs de pain. Ecrire, c’est d’ailleurs une de ses activités, puisqu’elle a mis en forme l’ouvrage Du Pain et des Mots dont j’ai parlé précédemment, et que les projets ne manquent pas pour toujours mettre en avant ce beau et noble produit.
Chez Poilâne, il y a du pain, des gourmandises et… de l’esprit.

L'arrière boutique et ses illustrations

Merci à Geneviève Brière d’avoir pris le temps de me recevoir, et de me faire découvrir plus en profondeur l’entreprise et la boutique de la rue du Cherche-Midi. 

Au delà des nourritures du corps, il y a aussi celles de l’esprit… Personnellement, j’aime me nourrir d’ambiances, d’instants, de moments vécus ou partagés. Je les saisis au quotidien, dans leur plus grande simplicité, car c’est uniquement de cette façon que je les conçois.

Je passais dimanche au marché des Enfants Rouges pour découvrir la Petite Fabrique, dont je vous parlais dans un billet précédent. Ce fut aussi l’occasion de m’immerger dans l’ambiance si particulière que peut dégager ce lieu, ce jour si particulier qu’est le dimanche. Jour du seigneur peut être, mais c’est aussi un des seuls où la famille peut se retrouver, où l’on prend le temps de partager seulement le plaisir d’être ensemble. Certainement le jour le plus gourmand de la semaine, il n’est pas nécessaire de se presser pour manger, on prend alors le temps de déguster et d’éprouver du plaisir autour d’une table.
Bienvenue dans le plus vieux marché de Paris, qui tient son nom d’un orphelinat, établi au XVIe siècle, qui recueillait les enfants perdus et les habillait de rouge. Lorsque la mission quitta les lieux, en 1777, les Enfants-Rouges devinrent un vrai marché couvert.

Après de multiples péripéties, l’endroit a rouvert ses portes en novembre 2000 et associe aujourd’hui l’offre d’un marché traditionnel (avec des étals de maraîchers, de poissonniers, de bouchers…) à une offre de restauration diverse et variée, autour de différentes cuisines du monde.
Tout cela s’anime particulièrement le dimanche, où les parisiens viennent prendre un déjeuner ou un brunch… et, comme moi, profiter du spectacle.

Les odeurs et les bruits nous envahissent, on se balade, on se perd dans les allées. J’aimerais m’asseoir là et regarder cette agitation simplement, la laisser croître au fil des heures puis redescendre avant de s’éteindre, pour mieux reparaître une semaine plus tard. On ne repart pas forcément avec ce que l’on était venu acheter – était-on seulement parti dans ce but – mais on a trouvé beaucoup plus intéressant, on s’est emparé d’un peu de cette vie parisienne dans tout ce qu’elle peut avoir d’agréable. Il est facile d’y passer en anonyme, de profiter de ses effluves sans pour autant y prendre part, sans pour autant avoir à rendre des comptes.
Finalement, je suis reparti sans y avoir mangé, mais nourri de toute cette ambiance, et je souhaitais vous la faire partager un peu, au travers de ces quelques clichés et de mes mots. Difficile de retranscrire tout cela, mais ce sont des choses qui donnent un sens à la vie parisienne, qui semble parfois dénuée de tout sens.

Déjà 8 mois. La première fois – le jour de l’ouverture, en fait – que je m’y suis rendu, j’étais loin de penser que cela deviendrait une des seules boulangeries dans lesquelles je suis un client très régulier, quasi quotidien (sauf le mercredi, bien sûr, jour de fermeture !). 8 mois au cours desquels j’ai pu voir la gamme s’étendre, la clientèle devenir de plus en plus nombreuse.

Pour moi, ce n’est pas seulement une des meilleures boulangeries de Paris, non, c’est un excellent exemple de ce que devrait être la boulangerie moderne, inscrite dans son époque, c’est à dire ouverte sur le monde et sur les cultures, audacieuse et inventive. Bien sûr, la tradition et sa fameuse baguette ne doit pas être oubliée ou négligée, mais il faut savoir aller plus loin, se remettre en question et créer.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Gontran Cherrier créé, dans sa belle boutique d’angle du 22 rue Caulaincourt. Avant d’être cette boulangerie lumineuse et vivante, l’endroit était resté fermé pendant plus de deux ans et demi. Un investissement d’environ 450 000 euros plus tard, le voici tel qu’on le connaît maintenant, un vrai lieu parisien, bien inscrit dans son quartier. Carrelage style métro, plafond aux motifs psychédéliques, matériaux nobles (bois, marbres…), tout y est pour créer une sensation de confort. Ce n’est pas une boutique gigantesque… mais le boulanger me disait justement qu’il aurait voulu une surface plus petite, à la base, pour créer une ambiance assez « intime » avec les produits. Cependant, cela n’aurait pas permis d’installer ces places assises, qui font beaucoup pour le caractère vivant de la boulangerie.
Ici, la création se vit au jour le jour, au fil des inspirations et des envies. Un jour une tarte cassis et meringue au poivre de sichuan, un autre une tarte quetsche-crème d’amande au clou de girofle… Les accords peuvent surprendre, mais c’est tout simplement l’expression des goûts de Gontran Cherrier, qui cherche avant tout à proposer des produits qui lui plaisent. Pas question de se forcer – mis à part peut être sur la baguette blanche, pour des questions d’accessibilité et pour éviter de trop « casser les codes » lors de son implantation – il veut être fier de ce qu’il présente en boutique. C’est pourquoi on l’y voit si souvent, ce qui lui permet d’être en relation directe avec la clientèle, tout en gardant un oeil attentif sur la qualité.

C’est ce fameux contact avec les clients finaux qui l’a poussé à poser ses valises – dur pour un voyageur hyper-actif comme lui ! Il voulait que l’on vienne chez lui par amour du produit, et non pas seulement pour des questions de coût comme c’est souvent le cas avec des professionnels. Le pari est réussi, c’est incontestable : peut-on dire autre chose lorsque l’on sait que le pain aux épices zaatar (mélange d’origine libanaise, composé de gros sel, sumac, thym et sésame) se vend très bien et est à présent proposé tous les jours ? Gontran est parvenu à transmettre aux parisiens, touristes et painrisiens son goût pour des saveurs marquées et originales.

Pain aux épices Zaatar, juste sortis du four !

En effet, on ne trouverait sûrement pas tout cela chez ses confrères. Il a su trouver sa place dans un quartier où les boulangeries réputées ne manquent pas. Alexine, Le Grenier à Pain, Coquelicot, la Maison Laurent… autant de noms qui ne sont pas inconnus à vos oreilles de painrisiens. Montmartre est une bel emplacement pour les commerces de bouche, aussi bien car on y entretient une certaine culture de la gastronomie que pour la concurrence « saine » qui se maintient : rencontres et échanges entre acteurs sont de la partie, ce que je trouve intéressant.
Bien sûr, Gontran Cherrier a conscience du fait qu’il reste du chemin à parcourir avant d’être bien implanté ici. Sa formule « tartine-pâte à tartiner » du goûter n’avait pas été un franc succès, par exemple. En effet, peu de clients passaient à cette tranche horaire et les habitudes n’étaient pas encore prises. Pour autant, notre boulanger gourmand ne compte pas s’arrêter sur cet « échec » et relancera l’idée à la rentrée.

Boulanger gourmand, j’aime bien l’appeler ainsi car comme il le dit lui même, il n’est pas vraiment boulanger. Non, c’est vrai, le travail qu’il réalise au quotidien est plus celui d’un gourmand passionné que d’un « technicien » comme peut souvent l’être un boulanger. C’est sûrement ce qui explique ce bouillonnement au sein de la gamme, qui d’ailleurs s’apprête à accueillir de nouveaux venus. Un pain pignons-romarins, une tarte figue-citron-fenouil, un cake pamplemousse confit-cranberries… Une seule question : mais où s’arrêtera-t-il ?
En tout cas, sûrement pas à la France. Il sera à Singapour à la mi-septembre afin d’étudier des projets d’implantation, toujours pour nourrir ce besoin d' »ailleurs », cette envie de mouvement, qu’il considère comme partie intégrante des affaires de nos jours. Ce n’est pas pour autant que Gontran compte nous abandonner. Sa deuxième boutique sera inaugurée d’ici la mi-novembre dans le 17è arrondissement, dans le secteur de Pont Cardinet. Cela permettra notamment de décharger un peu le laboratoire de la rue Caulaincourt, dont la surface reste limitée.

J’aime autant l’homme que la boulangerie, je crois. J’aime cette ouverture, cette luminosité qui se dégage de l’ensemble. J’aime retrouver le sourire et le dynamisme de l’équipe de vente (composée de pas moins de 5 personnes, ce qui n’est pas négligeable pour une boulangerie !), dont le rôle est aussi d’accompagner et de conseiller le client dans cet univers parfois un peu déroutant, de par sa diversité et son originalité.
Vous l’aurez compris, au 22 rue Caulaincourt, il est question d’amour. J’en reparlerai bientôt ici même, mais c’est ce qui a trop souvent manqué chez les artisans boulangers et ce qui a pu expliquer cette tendance à recourir à des mélanges pré-conçus, à utiliser des additifs… tout ce que vous ne retrouverez pas ici, d’ailleurs.

Je ne peux que vous inciter à venir et à revenir ici, pour découvrir le pain seigle-miso, la baguette au curry-céréales, celle au sésame blanc (roulée dans la muscade, délicieux !) ou encore le pain pois chiche-citron proposé le week-end. Bien entendu, les propositions sucrées (tartes, croissants, chaussons aux pommes citronnés…) ne sont pas à négliger, ainsi que les en-cas salés (foccacias et buns garnis, sandwiches…). De la gourmandise, rien que ça, en somme.

Infos pratiques

22 rue Caulaincourt – 75018 Paris (métro Abbesses, ligne 12) / tél : 01 46 06 82 66
ouvert tous les jours sauf le mercredi de 7h30 à 20h30, et de 8h à 20h le dimanche.

Etre painrisien, j’aime à croire que c’est aussi une histoire de belles rencontres. J’en ai encore eu la preuve aujourd’hui en passant du temps avec Rodolphe Landemaine, qui m’a fait le plaisir d’accepter de me recevoir.

Au travers d’une discussion et d’une visite qui auront duré plus d’une heure et quart, j’ai pu découvrir un homme autant décontracté que sérieux, ayant une vision moderne du métier de boulanger, faisant de lui non seulement un excellent professionnel, mais également un chef d’entreprise d’envergure.

Envergure, développement, oui, mais toujours en gardant la tête froide et avec cette discrétion qui caractérise ce couple dont la réussite aurait pu faire grandir l’égo. Il n’en est rien. Au contraire, cette rareté médiatique est même volontaire, les Landemaine préférant proposer des produits de qualité au quotidien plutôt que grandir trop vite et communiquer à tout va. Ce n’est pas pour autant que les boutiques sont vides, bien au contraire : malgré la période estivale, la clientèle se pressait dans cette belle boulangerie de la rue de Clichy.
Parlons d’ailleurs un peu de l’endroit, qui représente la « vitrine » de l’entreprise. Entièrement rénovée, elle présente l’identité que Rodolphe Landemaine souhaite donner à ses boutiques à terme. Etant parti de rien, il construit peu à peu cet univers, au travers d’investissements successifs. Parmi ceux à venir, la rénovation de la dernière partie du laboratoire situé au sous-sol. Dans ce lieu où sont produits sandwiches, salades, pâtisseries et autres viennoiseries, plusieurs centaines de milliers d’euros auront été utilisés afin de parvenir à un résultat à la hauteur des exigences de qualité de cet artisan.

La qualité, c’est bien là sa marque de fabrique, et ce à tous les niveaux. Il me confiait regretter la trop grande uniformité des boulangeries, aussi bien à Paris qu’ailleurs. On y retrouve en effet des gammes assez similaires, souvent développées par les meuniers et non les boulangers. Aucune identité ne s’exprime au travers des produits, ni même de la boutique, dont le « concept » a souvent été acheté pré-conçu. Ici, à l’inverse, on retrouve bien la « griffe » Landemaine : de belles cuissons, des pains réalisés sur levain avec une petite pointe d’acidité, une gamme assez large mais sobre et maîtrisée. Cette identité se décline selon les quartiers : le but n’est pas de créer une chaîne sans âme comme il en existe déjà, mais au contraire de proposer des offres pertinentes, en ligne avec les attentes de la clientèle. Ainsi, dans la boulangerie de Voltaire, une large gamme de brioches est proposée en libre-service le week-end (près de 300 pièces sont ainsi vendues à chaque fois !), rue des Martyrs, les pains spéciaux sont à l’honneur au travers d’un éventail particulièrement large (les pains sportifs et aux fruits secs ont d’ailleurs « remplacé » la viennoiserie pour beaucoup de clients, ce qui est une excellente chose sur le plan nutritionnel !)…

Pour exister, il faut oser. C’est ainsi que M. Landemaine développe son affaire. Il s’est installé tout près de chez Arnaud Delmontel, prenant un pari risqué. Pour parvenir à le gagner, il a axé ses efforts sur le pain et a proposé des tarifs imbattables, avec une production en continu au fil de la journée (on y trouve ainsi des baguettes toujours chaudes et fraiches, fruit d’un procédé de fabrication différent des autres boutiques). Aujourd’hui, c’est un succès.

Au delà du produit, une vraie culture du service a été développée au sein de l’entreprise. C’est une réelle valeur ajoutée, car ce secteur est trop souvent oublié par chez nous, la clientèle étant parfois malmenée. Ce sens de l’accueil et du soin porté à la satisfaction client n’est pas étranger aux inspirations que tire l’entreprise du Japon. On retrouve en effet chez les Landemaine cette notion de travail bien fait, d’investissement au quotidien. Pour cela, une équipe soudée et dynamique est nécessaire, et c’est une des fiertés de Rodolphe Landemaine : avoir réussi à rassembler autour de lui 70 collaborateurs impliqués dans cette même dynamique. Parmi eux comptent 20 salariés japonais, qui apportent beaucoup à cet engagement collectif.

L’approche est réellement moderne, en proposant notamment une offre en adéquation avec les attentes des urbains actifs (salades, sandwiches) et surtout accessible. Le pain doit rester un produit de consommation courante, et pour cela les tarifs ne doivent pas connaître une inflation galopante. C’est loin d’être le cas ici, l’ensemble des produits étant proposés à des prix très modérés, d’autant plus au vu de la fraîcheur et de la qualité. Une belle histoire de partage, une histoire de boulangerie comme elle devrait l’être plus souvent. En effet, parvenir à maintenir ces valeurs et à les réaliser au quotidien sur 4 boutiques est un véritable challenge, et ce chef d’entreprise s’y consacre pleinement.

Ce que j’ai pu voir rue de Clichy m’a conforté dans l’idée que l’on a ici un bel exemple de la façon dont une entreprise doit se développer, c’est à dire dans le respect de la clientèle mais aussi des salariés. J’ai pu ressentir un vrai plaisir à faire grandir cette aventure, autant chez Rodolphe Landemaine que chez cette ouvrière japonaise présente au sein de l’entreprise depuis 3 jours, oeuvrant au fournil avec le sourire. Tout cela n’est pas froid, il y a une âme et on prend plaisir à y revenir, aussi bien pour emporter les produits que pour les déguster sur place, en profitant du « spectacle » offert par le fournil vitré, installé au fond de la boutique.

Tandis que nous discutions de la gamme des pains proposés au sein des boulangeries Landemaine, nous en sommes arrivés à parler du pain Irlandais à la Guinness, que j’avais mentionné dans mon article précédent. Là encore, l’inspiration japonaise n’est pas loin, puisqu’ils raffolent de son goût et que c’est un ouvrier japonais qui a présenté initialement la recette. Ainsi on retrouve dans les stocks de la boutique… des canettes de bière noire, qui sont mises en oeuvre dans la production. Une note amusante, qui résume bien l’entreprise : du sérieux, de l’ambition oui, mais aussi une ouverture d’esprit sur le monde et notre mode de vie contemporain.

Infos pratiques

4 boulangeries dans Paris : 26 rue des Martyrs – 75009 Paris (métro Notre Dame de Lorette, ligne 12), 56 rue de Clichy – 75009 Paris (métro Place de Clichy, lignes 2 et 13), 130 rue de la Roquette – 75011 Paris (métro Voltaire, ligne 9) et 136 rue de la Roquette – 75011 Paris.
Plus d’informations dans mon précédent billet : http://painrisien.com/boulangeries-landemaine-entre-france-et-japon/

 

Il fallait du courage pour vaincre les éléments, aujourd’hui. Une pluie torrentielle n’a pas cessé d’arroser notre charmante région parisienne, et votre painrisien préféré n’a pas manqué de profiter de cette douche providentielle. Cela en valait la peine, alors je l’ai fait. J’ai traversé la Seine déchaînée, descendu la rue Mouffetard (sans croiser sa sorcière) pour finalement arriver au niveau de la charmante église Saint-Médard. Mon pélerinage n’avait pas de vocation religieuse – oh non, elle était plutôt destinée à toucher de plus près le fruit du péché.

Péché de gourmandise, et il en faut peu pour y céder, chez Carl Marletti. Non, le 51 rue Censier n’est pas un enfer… mais plutôt un paradis sucré.
Accueilli par Jean-Michel Coppens et un de leurs vendeurs, j’ai vite été rejoint par le chef. En noir et coiffé d’une toque, il pourrait paraître impressionnant et intimidant. Pourtant, c’est avec un homme profondément sympathique et chaleureux que j’ai échangé.

Installé depuis 2007 dans cette petite boutique dont il est le septième locataire, il a réalisé un pari en lequel peu de personnes croyaient. Difficile de convaincre des banques de suivre un tel projet de création d’entreprise. Le quartier peut paraître un peu en retrait, loin de l’agitation très parisienne que peut connaître Saint Germain des Prés, par exemple. C’est justement la force de ce choix d’implantation : la boutique est la seule du genre dans le secteur.
M. Marletti a cru en son projet et a investi pour réaliser cette « bijouterie à gâteaux », créant un lieu regroupant les codes du luxe (sobriété, meubles en bois noble, décoration florale, utilisation de plateaux Corian pour le service…) tout en conservant chaleur et agrément.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que son intuition était la bonne, tant le succès est au rendez-vous. Aujourd’hui, son entreprise a multiplié par quatre sa production par rapport à ses débuts, en vendant près de 500 à 600 pâtisseries individuelles par jour en semaine, et de 2000 à 2500 le week-end. C’est d’ailleurs ici que le concept de bijouterie s’exprime : on ne retrouve que des pièces individuelles en boutique, les entremets à partager sont proposés sur commande. Cela assure ainsi à la clientèle une parfaite fraîcheur des produits, et par la même un plaisir intact lors de la dégustation.
Le travail ne manque pas pour le chef et son équipe de production, composée de quatre permanents, rejoints par des stagiaires d’horizons très variés au fil des mois. Bien entendu, cela ne serait rien sans le personnel de vente, constitué de 3 salariés, avec à leur tête Jean-Michel Coppens, ancien directeur du Café de la Paix.

Le Café de la Paix, voici l’occasion de parler un peu du parcours prestigieux de Carl Marletti. Il aura pu exercer son talent au service de différentes « formes » de pâtisserie, aussi bien pour des traiteurs comme Potel et Chabot, pour des restaurants gastronomiques qu’en boutique à présent. Au fil du temps et des rencontres, le pâtissier s’entoure de créateurs venus d’autres horizons, et notamment de la mode. Il créé le « 500 feuilles », la moitié d’un millefeuille (cela vient tout simplement du constat que la -très nombreuse- clientèle féminine rechignait souvent devant les portions et n’en prenait que la moitié) qui sera décliné sous diverses formes, inspirées par des designers prestigieux. Cette idée n’est pas restée à l’abandon, car il répètera ce type de partenariat au sein de sa boutique (notamment pour des bûches de Noël).

On observe dans ses créations une grande sensibilité, des inspirations très diverses. Sa « signature », la feuille d’argent ou la perle de sucre que l’on retrouve sur la plupart des pâtisseries, en est la marque la plus visible. C’est là l’expression d’un goût du détail tiré en partie de son amour du Japon, et de sa passion pour des marques telles que Chanel. En parlant de cette dernière, cet amoureux du chocolat avait réalisé une robe cacaotée pour la maison Boissier lors du dernier Salon du Chocolat – une création à succès puisqu’elle s’est ensuite envolée pour New York.

En filigrane de toute cette activité bouillonnante, une certaine ambition se dessine, car l’objectif n’est pas de rester à une seule boutique. Il faut faire grandir cette passion et ce sera le cas dans les prochains mois, au travers d’un projet d’implantation sur une surface plus importante. L’international n’est pas oublié, avec des vues sur le Japon, où il réalise déjà des formations en partenariat avec une école locale. Ce n’est pas pour autant que Carl Marletti se laisse porter par le succès, non, il garde les pieds sur terre… et dans sa boutique, où il aime être en relation directe avec sa clientèle, en plus du côté « rassurant » que cela procure. On peut donc souvent échanger avec lui, en toute simplicité – et cela continuera d’être le cas.

Je ressors de cet entretien touché par cette passion, cet enthousiasme et cette envie. J’ai rencontré un homme sensible, mais également un chef d’entreprise sérieux et ambitieux, portant un profond respect pour ses confrères. Le résultat est à la hauteur des espérances, en plus d’être proposé à des tarifs plus que modérés. Chaque pâtisserie fait envie, et il est impossible de repartir les mains vides… Religieuses, éclairs, tartes, créations du chef, mais également gâteaux de voyage, confitures… Aujourd’hui, ce fût pour moi un « Lily Valley » – un Saint-Honoré au cassis et à la violette, nommé pour sa femme qui tient une boutique de fleurs à quelques pas. Au delà de l’aspect visuel charmant et truffé de détails, le plaisir s’exprime pleinement à la dégustation, entre douceur florale et légère acidité du cassis. Ce ne sont cependant pas les seuls ingrédients que l’on y retrouve : il y a aussi de l’amour et de la passion, c’est ce qui fait tout la différence…

Infos pratiques

51 rue Censier – 75005 Paris (métro Censier-Daubenton, ligne 7) / tél : 01 43 31 68 12
ouvert du mardi au samedi de 10h à 20h, le dimanche de 10h à 13h30.
Site internet : http://www.carlmarletti.com

Boulangeries

12
Juil

2011

Une visite chez Bread & Roses

Ecrire des billets sur des adresses, critiquer, apprécier, c’est bien, mais je me suis dit qu’il fallait un peu compléter tout ceci en allant poser des questions, rencontrer, les personnes qui sont derrière chaque jour. Alors j’ai pris ma plume pour leur écrire et leur proposer d’organiser un rendez-vous.

Le premier à répondre a été M. Tailleur, fondateur de Bread & Roses. Nous nous sommes donc rencontrés au sein de la boutique de la rue Boissy d’Anglas, dans le 8è arrondissement.
Cet homme, d’apparence plutôt décontractée, porte une vraie passion pour ses produits et sa clientèle. Très attentif aux détails et à la satisfaction des besoins de chacun, j’ai pu l’observer donner des conseils, veiller à l’excellence des prestations. C’est là l’expression d’une vraie démarche « gourmande » et non financière, comme il me l’indiquait. Ici, les produits et leurs tarifs sont conçus à partir des meilleurs ingrédients, dans des portions généreuses. Comme je l’indiquais dans mon précédent billet, les tarifs peuvent sembler élevés, voire prohibitifs. Pour M. Tailleur, ils ne sont que la résultante de cet ensemble de facteurs, les matières premières étant souvent négligées ailleurs.

La clientèle est nombreuse et cosmopolite, on retrouve autant des touristes que des clients du quartier, ayant leurs habitudes au sein de l’endroit. C’est assez insolite de voir des comportements très différents se croiser sans s’entrechoquer : l’empressement et la fureur du quartier rencontre la légère insouciance de ces vacanciers prenant juste le temps. Un peu déroutant, amusant au final.
D’ailleurs, il serait bien possible que nos amis d’Asie n’aient plus à venir à Paris pour découvrir les charmes de Bread & Roses. Des projets d’implantation à l’international, et notamment dans ces régions, sont en cours. Ce n’est pas vraiment étonnant, car le concept a beaucoup de potentiel, portant une certaine idée du savoir-faire artisanal et de la qualité. Nul doute que cela satisfera les attentes de raffinement de la clientèle asiatique.

Restons à Paris pour le moment. Bread & Roses travaille en permanence à l’élaboration de nouveaux produits, réalisés dans un grand laboratoire de 200 m2 situé dans le 13è arrondissement de Paris. Les pains sont quant à eux fabriqués au sous-sol de la boutique de la rue de Fleurus, pétris avec des bras très anciens, « de collection ». Une spécificité quasi-unique, aux dires de Philippe Tailleur.
Côté pâtisseries, des nouveautés sont en préparation, mais toujours dans l’idée de travailler des classiques, il n’est pas question de suivre une quelconque tendance. L’idée directrice est de réaliser les meilleurs produits, pas d’innover à tout prix. J’avais d’ailleurs émis des réserves dans mon précédent billet, notamment au sujet de la tarte Tatin. Il m’a été proposé de la goûter à nouveau, celle-ci ayant été complètement revisitée. Le produit n’a en effet plus rien à voir, et sa réalisation est à présent à la hauteur des prétentions de l’enseigne.

La conclusion de cette visite est certainement que les choses sont toujours mieux faites avec amour, et c’est bien ce que l’on retrouve ici. Bien entendu, cela reste une adresse aux tarifs plutôt élevés, réservée à une population aisée. Cependant, le pain reste toujours quelque chose d’accessible, et on retrouve ici quelques créations intéressantes (comme un pain à la farine de maïs et au piment d’espelette !).

Informations pratiques et plus de détails dans mon précédent billet : http://painrisien.com/bread-roses-de-lessentiel-et-du-superflu/