Nous avons tous plus ou moins rêvé d’être des artistes. Vivre une existence un peu bohème, sans trop se soucier des considérations financières, avec pour principal centre d’intérêt cette fameuse discipline dans laquelle nous aurions été prédestinés. Pour ma part, j’aurais voulu être peintre, savoir dessiner, saisir la beauté d’une scène avec mon pinceau ou mon crayon, pour partager sa simplicité et son authenticité avec les autres grâce à mon croquis. Beaucoup plus instantané et frappant que les mots, pourtant ce sont ces derniers que l’on m’a donné… même si je ne suis pas devenu un artiste, que voulez-vous, les rêves d’enfants doivent certainement être faits pour en rester.

Ce week-end, c’est la Fête des Mères. Evénement commercial s’il en est, certes, mais toujours une occasion d’éclairer la journée de celles qui nous ont donné la vie… et de se souvenir qu’elles nous ont beaucoup donné.
Les enfants auront sans doute pris leurs plus beaux crayons pour exprimer tout l’amour honnête et pur qu’ils portent pour leurs mamans. Chez les adultes, les attentions sont beaucoup plus sérieuses, codifiées et parfois… sucrées.

Ainsi, nos artisans boulangers et pâtissiers nous rappellent qu’ils sont de vrais artistes en nous proposant des créations originales. Dans le 16è arrondissement, Guillaume Schou et son équipe avaient préparé deux douceurs pour l’occasion.
Celle que je vous présente m’a amusé autant qu’elle a touché mes aspirations artistiques. « Un dessin pour Maman », puisque c’est son nom, nous offre la palette dont nous avons besoin pour immortaliser l’instant.

Un dessin pour Maman, Boulangerie Schou, Paris 16è

Marron, jaune, vert, rouge. Chocolat, citron, pistache, fruits rouges. Force et légère amertume, fraicheur et vivacité, douceur et générosité, acidulé et rondeur. Quatre petits choux recouverts d’un crumble croustillant pour quatre sensations et expériences. Ils reposent sur un fond de pâte feuilletée fondante et croustillante, en forme de coeur. Le tour est surplombé d’un voile de chantilly assez dense et légèrement vanillée. Cette multiplicité de parfums et de textures rend l’ensemble particulièrement plaisant, tout autant qu’il l’était visuellement. On apprécie le caractère assez peu sucré des différentes crèmes, ainsi que leurs textures légères et fraiches. Leurs parfums sont bien marqués et contrastent nettement les uns des autres, pour un dessin réussi et surprenant. Les mamans seront donc comblés par cette création qui n’est pas sans rappeler un Saint-Honoré (que nous avons fêté récemment, d’ailleurs), tout en prenant nombre de libertés avec la recette originale.
Puisque chaque détail compte, un petit point appréciable : en lieu et place du traditionnel glucose utilisé par nombre de pâtissiers pour coller leurs gâteaux aux supports, on trouve ici un peu de confit de fruits rouges, qui apporte un peu de fraicheur en contraste avec la richesse de la pâte feuilletée. Bien vu.

Vous me permettrez bien le trait d’humour, mais voilà une pâtisserie très « Schou », à la fois soignée et originale comme la plupart de celles proposées – en plus des classiques, bien sûr – au sein cette sympathique boutique d’angle de la rue de la Faisanderie. Dommage que l’endroit soit fermé le dimanche, ce qui nous contraignait forcément à combler nos chères et tendres ce samedi.

Un dessin pour Maman, Boulangerie Schou – Paris 16è, pâtisserie proposée à l’occasion de la fête des Mères, 6€ la pièce individuelle, également disponible en format à partager.

Rien de plus simple et banal qu’une idée. Nous en avons tous des dizaines, voire des centaines, chaque jour. Pour que cette petite graine puisse éclore et s’épanouir, il faut la soigner, la nourrir, lui offrir un environnement propice. Il paraît que les plus simples sont les meilleures, et je ne serais pas loin de penser que c’est effectivement le cas, car trop de complexité aboutit souvent à une dispersion et à un résultat décevant.

L’idée à l’origine du painrisien était plutôt basique, d’ailleurs. Visiter et décrire les « meilleures boulangeries de Paris ». Depuis, j’ai abandonné la quête de l’élite pour simplement chercher à dépeindre le travail des artisans qui nous accompagnent chaque jour avec leurs produits gourmands, que ce soit dans la capitale ou ailleurs, puisqu’il ne faudrait pas considérer que nous détenons ici le monopole du bon, voire du très bon, pain.Le fournil, Boulangerie Rouget, Beaumont-sur-Oise

Seulement, on ne peut comprendre et faire comprendre ces univers singuliers si l’on se limite à une appréciation froide, dénuée de sensibilité. Dans chacune des baguettes, des croissants, des pâtisseries… que vous trouverez dans leurs boutiques, les artisans et leur personnel ont mis un peu d’eux-mêmes. L’humain est au centre de ce métier, et il compte sans doute plus que n’importe quel autre ingrédient. Sans lui, sans le respect de chacun des maillons de la chaine, la recette n’est pas complète et finit toujours par aboutir à un résultat décevant, à plus ou moins long terme. J’ai peine à penser que certains ne l’ont pas encore tout à fait compris, et qu’ils ne partagent pas avec leur personnel l’état d’esprit qui leur permettrait de faire évoluer leurs entreprises dans le bon sens.

Le boulanger enfourne, Boulangerie Pichard, Paris 15è

Mettre en valeur ces hommes et ces femmes, c’est aujourd’hui la démarche dans laquelle je veux inscrire pleinement le painrisien. Pour cela, il me fallait aller plus loin, et cela passe par ce nouveau projet que je vous présente aujourd’hui : les Portraits d’Artisan. Le principe est simple : passer du temps avec nos boulangers-pâtissiers pour peindre leur histoire, leurs aspirations, leur quotidien… et le partager avec vous. De cette façon, un véritable lien entre clients et artisans se créé, puisque ceux qui consomment leurs produits chaque jour comprennent mieux les contraintes et la complexité du métier. J’avais déjà commencé à réaliser quelques uns de ces portraits, mais l’humain n’y était pas mis en valeur : beaucoup de machines, de produits, mais pas de visages, de mains, … Autant d’éléments qui doivent aujourd’hui rejoindre le painrisien.

Ainsi, c’est un véritable appel que je lance ici à nos artisans et à ceux qui les aiment : partagez et faites partager ce projet, que ce soit au travers du document le présentant brièvement ou en prenant contact avec moi par le biais du formulaire prévu à cet effet sur le site. A très vite !

Certains projets mettent du temps à aboutir, car ils ne voient le jour que lorsque ceux qui les mènent ont décidé qu’ils étaient à la hauteur de leurs exigences… et ces dernières peuvent être particulièrement hautes, au vu de la culture de l’excellence développée par certains artisans. Certes, cette « attente » présente un coût non négligeable et tout le monde ne peut se permettre d’investir sans avoir de retour immédiat. Néanmoins, tant d’entreprises et de personnes confondent aujourd’hui vitesse et précipitation, qu’il est presque charmant de rencontrer des entrepreneurs investis et portés par la volonté d’offrir le meilleur à leur clientèle.

, Acide Salon de Thé, Paris 17è

Dans le cas du salon de thé de Jonathan et Renata Blot, on peut dire qu’il en aura fallu, du

Un présentoir bien gourmand

Un présentoir bien gourmand

temps. Entre complications de chantier, élaboration des produits, mise en place du laboratoire afin d’être tout à fait opérationnel le jour J… l’endroit, qui devait voir le jour l’été dernier, a finalement ouvert ses portes hier. C’est ainsi que la rue des Moines est devenue terriblement gourmande, en ce mois de mars 2013. Non pas que je remette en question la capacité de la Romainville et ses pâtisseries industriellement roboratives ou bien de Thierry Gouin à satisfaire les appétits des habitants du quartier des Batignolles… mais en fait si, c’est exactement le cas.

Les viennoiseries bien dorées nous accueillent dès notre entrée.

Les viennoiseries bien dorées nous accueillent dès notre entrée.

Dans ce secteur en pleine mutation (d’importants travaux sont en cours non loin de là), ce salon de thé moderne et coloré participe bien à cette sensation de mouvement.

Ne nous laissons pas impressionner par les théières (en réalité, ce sont des lampes) qui pendent au plafond, entrons et découvrons cette nouvelle déclinaison de l' »univers » Acide. Ici, pas de macarons : pour découvrir la spécialité qui a fait le succès de la maison, il faudra continuer à se rendre rue Legendre, à quelques pas de la nouvelle adresse. C’est plutôt bien vu, car cela évite tout mélange des genres, même si les petits-fours meringués sont fabriqués dans le laboratoire situé au fond du tout jeune salon.

Une bonne machine pour un bon café : ici, pas de Nespresso... La maison est fidèle à ses engagements de qualité. Toutes les boissons sont soignées, y compris les limonades qui sont faites à la demande !

Une bonne machine pour un bon café : ici, pas de Nespresso… La maison est fidèle à ses engagements de qualité. Toutes les boissons sont soignées, y compris les limonades qui sont faites à la demande ! On appréciera aussi la vaisselle et son style bien particulier, très raccord avec l’endroit.

Parlons-en, justement, de ce laboratoire, car l’entreprise n’a pas reculé devant l’investissement et a souhaité sortir des sentiers battus de son activité initiale. Pour produire plus de 5000 macarons par jour, comme c’est leur cas (Acide livre en effet nombre de palaces et maisons réputées sur Paris), il faut adapter son outil. Un four à chargement a ainsi rejoint l’équipe… ainsi qu’un autre, à sole cette fois. C’est là que les choses deviennent

Dans la vitrine donnant sur la rue, on peut se laisser tenter par les bouchées sucrées ou bien par les focaccia 100% maison - pain y compris.

Dans la vitrine donnant sur la rue, on peut se laisser tenter par les bouchées sucrées ou bien par les focaccia 100% maison – pain y compris.

intéressantes.

En effet, Jonathan Blot est bien le passionné perfectionniste dont je vous parlais en introduction. Pour lui, hors de question de faire les choses à moitié : dans son salon de thé, toutes les gourmandises sont maison… le pain y compris ! Qu’il soit traditionnel, de mie ou agrémenté d’huile d’olive pour les focaccia, inutile de chercher sa provenance, tout comme pour les charmantes viennoiseries qui nous accueillent sur leur présentoir.
Ainsi, on peut débuter la journée devant un bon café – réalisé avec la superbe machine Marzocco – ou un chocolat chaud Corallo et la continuer au déjeuner avec une salade, des oeufs, un club sandwich… avant de s’arrêter au goûter pour déguster une douceur. Le lieu et la clientèle évoluent ainsi au fil des heures. A noter qu’il sera rapidement possible d’emporter une partie des produits proposés à la vente.

La gourmande tarte au chocolat et sa ganache travaillée à partir de couvertures de chez Claudio Corallo.

La gourmande tarte au chocolat et sa ganache travaillée à partir de couvertures de chez Claudio Corallo.

Côté sucré, le principe reste toujours le même : des portions mesurées pour éviter l’écoeurement et garantir le plaisir. Pour les plus curieux, il est à présent possible de découvrir chacune des saveurs en « bouchée », ce qui permet de s’ouvrir à un plus large

Impossible de passer à côté de la fantaisie des créateurs du lieu, qui n'ont pas hésité à faire cohabiter fauteuils futuristes et tables en bois !

Impossible de passer à côté de la fantaisie des créateurs du lieu, qui n’ont pas hésité à faire cohabiter fauteuils futuristes et tables en bois !

panel de saveurs. Paris-Brest à la noisette du Piémont, tarte Tatin et sa crème épaisse, Baba au vieux Rhum, … des douceurs classiques mais exécutées dans la modernité et avec une belle maîtrise technique.

Bien sûr, tout cela ne serait rien sans le service, toujours aussi attentionné et charmant – Renata y veille particulièrement ! – et c’est sans doute ce qui explique que l’endroit ne désemplisse pas depuis son ouverture : une relation de confiance s’est établie de longue date avec les habitants du quartier. Un fait qui justifie pleinement cette implantation dans un secteur peu habitué à ce type de commerce… à tort, car tout le monde a besoin d’un point de chute calme, lumineux et contemporain. Pour le 17è arrondissement, c’est à présent chose faite, grâce à Acide.

Infos pratiques

24 rue des Moines – 75017 Paris
http://www.acidemacaron.com ou Facebook

Presque une figure imposée chez Acide, on retrouve un "graf" dans ce nouveau salon de thé.

Presque une figure imposée chez Acide, on retrouve un « graf » dans ce nouveau salon de thé.

La force de l’imaginaire collectif, des souvenirs, des émotions, est impressionnante. La société peut changer, évoluer, être bouleversée comme elle a pu l’être ces dernières années, mais ces éléments demeurent et il en faut peu pour raviver cette flamme qui brûle discrètement au fond de nous. Nous sommes tous de grands enfants, heureusement dans un sens, car nous continuons et continuerons à courir après cet univers rassurant dans un monde désenchanté.

Les parisiens ont la Pâtisserie des Rêves pour combler leurs envies de douceurs régressives, même si le concept est plutôt marketé… Dans le Val d’Oise, à Beaumont-sur-Oise, on peut dire que l’on a la Boulangerie des Rêves, incarnée en toute simplicité et sincérité par la boulangerie Rouget.
Des rêves, des envies, Christophe Rouget n’en manque pas, et c’est toujours avec beaucoup d’enthousiasme qu’il me parlait lors de ma précédente visite de son projet d’acquérir une voiture d’époque pour réaliser ses livraisons… Oui, mais pas n’importe laquelle.

Garée face à la boulangerie, la Juvaquatre ne manque pas d'allure !

Garée face à la boulangerie, la Juvaquatre ne manque pas d’allure !

Depuis quelques semaines, la Juvaquatre bleue stationnée devant la boulangerie interpelle les passants. Entièrement rénovée à l’aide d’artisans sélectionnés à proximité ou parmi les plus talentueux dans leur métier, elle reproduit fidèlement le véhicule dans lequel le boulanger pouvait réaliser ses livraisons à l’époque… après 1945, dans une France libérée, où le pain – malheureusement souvent blanc ! – pouvait circuler sans difficulté à nouveau. C’est toute cette histoire, liée à sa famille présente dans la boulangerie depuis plusieurs générations, que Christophe Rouget a voulu faire revivre.
Si la couleur – le bleu « Air Royal Fly » – est d’origine, les décors ne le sont pas et c’est au rouennais Laurent Savisky que nous les devons. Dans son atelier de Darnétal, il a suivi avec beaucoup de précision les instructions de l’artisan boulanger, dont les exigences sur le logo – et ses fameux coquelicots – ou le pain à l’arrière du véhicule – dont le grignage se devait d’être fidèle à la réalisation – étaient nombreuses.

Sur le côté, on remarque les épis de blé bien dorés qui ornent la carrosserie.

Sur le côté, on remarque les épis de blé bien dorés qui ornent la carrosserie.

Aujourd’hui, les écoles et divers clients de la boulangerie sont livrés à l’aide de la Juvaquatre. Peu importe les difficultés que peut impliquer l’utilisation d’une voiture ancienne (démarrage compliqué, manoeuvres bien moins souples…), la récompense est là : entre articles de presse, plébiscite sur Facebook et questions passionnées d’enfants ou de curieux, on comprend bien que tout cela touche profondément les souvenirs et sentiments des gens. Ainsi donc Christophe et son frère David ne livrent plus que du pain… mais aussi des rêves. C’est inclus dans le prix, et le tout acquiert une saveur bien particulière. Sûrement celle d’un temps où le monde était moins empressé qu’il ne l’est maintenant, où l’on accordait plus d’importance au beau… et au bon.

Aucun détail ne manque à l'appel : le pain dessiné avec précision, la plaque d'immatriculation peinte à la main... Un véritable travail d'orfèvre !

Aucun détail ne manque à l’appel : le pain dessiné avec précision, la plaque d’immatriculation peinte à la main… Un véritable travail d’orfèvre !

Rêver est une activité bien louable, mais chez les Rouget, on sait aussi faire vivre ces rêves au quotidien, en gardant toujours un pied dans la réalité. Lors de ma précédente visite, l’artisan m’indiquait qu’il allait ouvrir un jour supplémentaire par semaine, le mardi. Une pratique qui lui a permis d’accroître sa clientèle, et ainsi d’embaucher un boulanger et un pâtissier supplémentaire, parmi ses anciens apprentis.
Il ne fait aucun doute que ce succès est lié au dynamisme de la maison : ainsi, ce week-end, une nouvelle création était proposée à la clientèle. La « brioche façon Tiramisu » (aux éclats de chocolat revenu dans du café) a eu un certain succès, avec plusieurs dizaines de pièces écoulées. Proposer des produits changeant un peu de l’ordinaire, susciter l’intérêt, voilà deux clés d’un artisanat boulanger qui perdure et fait face à la concurrence de l’industrie ou de la semi-industrie comme les « boulangeries de Marie » ou de Louise, très bien implantées dans le Nord.

Le décor sur le côté, Juvaquatre Rouget, Beaumont-sur-Oise

Rien n’arrête en tout cas Christophe Rouget, qui a déjà pour projet de reprendre le triporteur de la boulangerie de son père afin, une fois rénové, de réaliser des animations devant sa boutique aux beaux jours… sans compter des idées autour des macarons, sablés et autres gourmandises. A chaque visite dans cette boulangerie, je ressors vivifié par la simplicité, la générosité, le dynamisme et l’enthousiasme de la maison, que ce soit en vente, en production ou à présent devant la boutique, avec cette fameuse automobile. Vous aussi, si le coeur vous en dit, prenez le chemin de Beaumont-sur-Oise un jour, en semaine ou plus facilement le week-end… on y trouve du bon pain et des rêves.

Il faut bien parfois mettre le doigt sur les sujets qui fâchent. Certes, cela ne fait pas plaisir à tout le monde, mais nous n’avons en définitive aucun intérêt à nous enfermer dans des consensus mous et dans une « bien-pensance » plus destructrice que créatrice à long terme : elle n’incite pas à se poser des questions et à rechercher le changement… or, ce dernier est indispensable. C’est d’autant plus important quand cela concerne des questions de santé publique.

Justement, parlons de santé. Le pain devrait être l’aliment santé par excellence, et c’est malheureusement loin d’être toujours le cas : entre des glutens secs ajoutés en abondance pour « corriger les farines », des additifs à ne plus savoir qu’en faire, ou encore des processus de fabrication n’aboutissant pas à des pains très digestes… Faites votre marché.
Le sel est un des autres éléments auxquels il est bon de s’intéresser. Naturellement présent dans la liste des ingrédients du pain, son rôle varie pour certains : exhausteur de goût (et oui, cela relève les pains fades et masque la mauvaise qualité de la farine !), agent de développement (certains boulangers ayant des problèmes d’activité se sont vus conseiller par leur meunier d’augmenter le taux de sel…), nous sommes bien loin de la fonction de nécessité qu’il devrait simplement remplir. Heureusement, nos têtes pensantes et gouvernantes se sont emparées de la question depuis quelques temps déjà, et ont tenté de pousser vers une réduction des quantités : il faut dire qu’au vu des risques (hypertension, notamment), l’enjeu est de taille.

Pain du Coin, Josephine Bakery, Paris 6è

Chez certains boulangers « à l’ancienne », on ne pèse même pas la quantité de sel : une poignée, un sac de sel, un pétrin, vous mélangez tout cela et le tableau est scellé. A l’inverse, d’autres s’intéressent de bien plus près à la question… et c’est le cas de Benoît Castel, jamais avare d’expérimentations. Parmi les dernières en date, l’utilisation du sel Salish dans certains de ses pains, et notamment le fameux Pain du Coin dont je vais vous parler aujourd’hui.
Ce sel fumé est un sel de mer qui provient des Etats Unis et plus précisément du nord de l’état de Washington. Il doit son nom à des populations amérindiennes, originaires du nord de cet état. Ces populations utilisent le bois d’Aulne rouge depuis des siècles pour fumer les saumons et les viandes afin de les conserver. Le sel Salish est ainsi fumé avec le même bois, ce qui lui donne une couleur et un goût de fumé caractéristiques.

L’intérêt d’un goût marqué est de pouvoir réduire la teneur en sel dans le pain sans pour autant perdre sa fonction d’assaisonnement. C’était là la volonté de l’artisan, et le pari est tenu : ce produit ne manque pas de saveur, bien au contraire. Les notes fumées s’y retrouvent, associées à d’autres plus boisées liées au travail sur levain naturel. C’est là l’autre spécificité de cette création : son nom n’a pas été choisi par hasard, car le levain a été développé à base de… coing. Il confère à ce pain quelques accents sucrés, ainsi qu’une excellente conservation. Cette dernière est accrue par une cuisson poussée, permettant la formation d’une croûte épaisse et caramélisée.
Elle contraste ainsi nettement avec la mie, dense mais fondante : on retrouve bien là les avantages des « grosses pièces » vendues à la découpe, comme c’est le cas ici.
Le mélange des farines de Meule et de Seigle réalisé au pétrissage achève d’apporter au produit des saveurs rustiques et marquées.

Mie du Pain du Coin, Josephine Bakery, Paris 6è

Benoît Castel et son équipe nous proposent donc un pain de caractère, ce dernier étant renforcé par l’incorporation récente du fameux sel sus-cité. Même traitement pour son « pain de Ménage », proposé généralement le samedi. Ce dernier incorpore un peu de farine de Sarrasin et reprend une tradition d’un pain « brut de décoffrage », généralement réalisé au sein même des foyers… tout en bénéficiant dans le cas présent de l’ensemble du savoir-faire des boulangers de Joséphine Bakery et d’une réalisation dans un fournil professionnel.

Pain du Coin, Joséphine Bakery – Paris 6è, vendu au poids – 8,5€ le kilogramme.

La vie est une succession d’engagements. On s’engage auprès de ses proches, de ses partenaires de travail, dans des projets, dans des études… Forcément, les implications ne sont pas toujours aussi importantes dans l’ensemble des cas, mais il faut toujours savoir garder à l’esprit qu’une parole reste une parole, et que celle-ci doit être respectée.
En matière de travail, tous les métiers ne demandent justement pas le même niveau d’engagement et d’implication. Je crois que l’on peut dire que la boulangerie fait partie des professions nécessitant de se plonger tout entier dans un mode de vie bien à part, avec des contraintes physiques et horaires conséquentes. Certains n’ont pas choisi ce métier par vocation profonde et tentent donc par divers moyens de le rendre plus facile : additifs, pré-mixes, produits industriels… les solutions ne manquent pas. Pour d’autres, au contraire, ils expriment au quotidien une véritable conviction.

Le Pain par Nature, Paris 18è

On pourrait dire qu’ils font du pain… par nature. Cela semble tout du moins être le cas des deux associés installés depuis deux mois dans cette petite boulangerie de la discrète rue Cavallotti. En effet, c’est le nom qu’ils ont choisi pour baptiser leur boutique : Le Pain par Nature, et cela pour deux raisons. Pour symboliser leur passion, bien sûr, mais aussi pour faire un clin d’oeil au choix de travailler des farines biologiques. Fournies par la Minoterie Trottin, elles sont élaborées uniquement à partie de blés français, un engagement que bien d’autres meuniers devraient prendre aujourd’hui…

Il faut dire que les farines biologiques connaissent bien Guillaume Viard, un ancien de chez Véronique Mauclerc. Au delà de son savoir-faire, il en a d’ailleurs rapporté des spécialités comme le doux et moelleux Mickagui, un pain brioché à la châtaigne et aux éclats de nougatine. Les autres pains ne sont pas en reste pour autant : on appréciera forcément la baguette « Tradibio », avec sa croûte fine, sa mie souple et légère, accompagnés d’une pointe d’acidité qui relève l’ensemble et nous indique un travail sur levain. Cela confère à ce produit, tarifé 1,20€ les 250g, une excellente conservation. Sa cuisson aboutie n’y est pas étrangère cependant. Dans le reste de la gamme, le pain « Cambrousse » présente tous les attributs d’un savoureux pain… de campagne, même si c’est le Petit Epeautre – dense et moelleux, bien hydraté – et ses notes persistantes de noisettes qui obtient ma préférence, de par les qualités exceptionnelles de cette céréale.

Pour le reste, hors de question de faire appel à des produits issus de l’industrie, et on nous le prouve de la meilleure des façons : côté viennoiseries, un chausson « de saison », dont la variété précise des fruits utilisés pour la compote est indiquée, attise notre appétit même si les croissants ou pains au chocolat ne sont pas en reste. En cette saison, le feuilletage est d’ailleurs mis à l’honneur à travers une charmante galette des Rois parfumée à la poire et au chocolat.
Les pâtisseries savent rester très boulangères, et c’est tant mieux : la tarte Tatin se pare d’une belle couleur ambrée, signe d’une caramélisation bien menée, et les flans (déclinés à la vanille ou au chocolat) nous offrent un crémeux fort agréable. L’amusant chou à la « crème madeleine » les accompagne.
Même constat pour le salé, avec quelques salades simples et sandwiches traditionnels. Des gammes courtes et beaucoup de fraicheur, rien à redire à cela.

Finissons sur l’accueil, un peu réservé mais efficace et amoureux de ses produits. Ne cherchons pas de manières inutiles, l’ensemble est… nature, et c’est sans doute ce qui fait son charme.

Infos pratiques

12 rue Cavallotti – 75018 Paris (métro Place de Clichy, lignes 2 et 13 ou La Fourche, ligne 13) / tél : 01 42 93 54 96
ouvert du lundi au vendredi de 7h30 à 20h30.

Avis résumé

Pain ? Réalisé à partir de farines biologiques fournies par la Minoterie Trottin, le pain est ici d’excellente facture, en plus de se conserver : on apprécie donc la « Tradibio », légère et délicatement acidulée, tout comme le pain Cambrousse, le Petit Epeautre ou le très gourmand Mickagui et ses éclats de nougatine. Sur l’ensemble de la gamme, les façonnages sont appliqués et les cuissons bien menées. Les prix, quant à eux, savent rester modérés avec notamment la Tradibio proposée à 1,20€. Une baguette de campagne est également disponible à 1€, sans pour autant démériter.
Accueil ? Un peu réservé mais néanmoins agréable, les produits sont bien maîtrisés et on sent que la maison a à coeur de proposer des prestations de qualité, sans pour autant chercher à en mettre plein la vue. Ici, on fait du pain et on le sert… tout naturellement.
Le reste ? Les viennoiseries bénéficient d’un feuilletage de bonne facture. Les croissants et pains au chocolat sont accompagnés de chaussons aux fruits, dont un de saison, incorporant une compote maison. Les pâtisseries sont très boulangères, entre flans, tartes aux fruits ou choux. On y remarquera plus particulièrement le flan au chocolat, très gourmand et crémeux. Pour un repas sur le pouce, les quelques sandwiches et salades offriront goût et fraicheur sans plus de cérémonie.

Faut-il y aller ? Voilà une bien jolie adresse qui, derrière sa devanture de boulangerie de quartier, abrite de véritables passionnés de pain et du respect de méthodes artisanales. Impossible de passer dans le secteur sans s’arrêter pour acheter un morceau de Mickagui, particulièrement moelleux et savoureux, même si les galettes proposées en ce moment ne sont pas en reste. Souhaitons donc une longue vie à l’aventure de Guillaume Viard et Luc Poggio.

Certaines villes font vivre leur passé au quotidien, de par un fort héritage historique. Cela se retrouve alors sur les façades et produits de leurs commerces, qui s’inscrivent dans une tradition parfois dépassée.
A Versailles, le château et l’ombre de Louis XIV pèsent encore fortement sur la cité royale, mais quelques artisans parviennent à renouveler le paysage, pour le plus grand plaisir de leur clientèle.

A Versailles, le marché est une véritable institution avec ses halles et ses « carrés », complétés par des stands extérieurs. C’est dans cet environnement que se tient la boulangerie Darras.

Un marché, des halles couvertes, une grande animation commerciale… et une boulangerie. En effet, c’est juste à côté de cette très vivante zone commerciale que se sont installés Cyril et Nathalie Darras, il y a maintenant 7 ans. Au 16 rue du Maréchal Foch, pas de dorures inutiles comme l’avait souhaité leur prédécesseur, M. Bigot, mais un atelier gourmand destiné à nourrir le peuple. Pour ce faire, l’artisan boulanger et son épouse ont réalisé d’importants travaux de rénovation au cours de leur fermeture estivale, et c’est au terme d’un mois de transformations que les clients ont pu à nouveau profiter des lieux.

Le résultat ne manque pas de charme, offrant un caractère moderne et sobre en associant les tons marron et vert. Cette couleur est en effet une des « signatures » de la famille, au point que la teinte choisie a été surnommée « Vert Darras ». Une expression de l’identité développée par ce boulanger et son équipe, qui a peiné pour se faire reconnaître par la population versaillaise : cette dernière est longtemps restée attachée au nom de Bigot et ne parvenait pas à identifier clairement le repreneur.

Pourtant, M. Darras n’a pas ménagé ses efforts pour se différencier et offrir des produits de qualité à sa clientèle. Cela a commencé par le choix de son meunier : ici, la farine provient du Moulin des Gaults, de la famille Foricher. L’artisan avait été séduit par l’implication de ses derniers dans leur démarche, cherchant à partager avec les boulangers bien plus que de la farine. C’est ainsi tout naturellement que l’on retrouve dans sa boutique le fameux pain des Gaults, vendu au poids, mais aussi une superbe Tourte de Seigle en plus d’une gamme de spéciaux assez variée (seigle aux noix, pain Forestier, …). La baguette de Tradition n’en est pas oubliée pour autant, avec de sympathiques notes acidulées en fond, qui lui confèrent un caractère appréciable, même si sa consoeur dite de « pain courant » demeure tout à fait honorable.

L’affluence, liée en partie à l’excellent emplacement de la boulangerie, a poussé M. Darras à chercher des solutions pour maximiser l’efficacité de son espace de vente : passe-pain façon « vide-ordures », vitrines à 90cm de hauteur pour une meilleure visibilité auprès de la clientèle, comptoir modulable (on peut en effet y retrouver des entremets, macarons et chocolats, avec un espace de conseil)… Des aménagements qui complètent des investissements réalisés depuis 7 ans afin d’améliorer le fonctionnement du laboratoire où sont produits pains et gourmandises.

Des gourmandises, d’ailleurs, il y en a et elles nous accueillent dès notre entrée en boutique. Simples et savoureuses pâtisseries (éclairs aux saveurs et couleurs multiples, entremets, tartes aux fruits, au chocolat ou encore à la vanille…), accompagnées par une belle déclinaison de sandwiches, quiches, salades ou encore boissons chaudes à emporter… On se laisse ensuite entrainer vers les spécialités feuilletées, croissants, pains au chocolat à la réalisation soignée. Voilà de quoi faire une pause gourmande sur la terrasse malicieusement disposée sur le côté de la boutique : avec le renfort des machines à café et boissons chaudes arrivées depuis la rénovation, la clientèle n’a plus à quitter les lieux et dispose d’une offre complète.

Au delà du caractère commercial des lieux, l’esprit qui y est développé mérite que l’on s’y intéresse. Je vous parlais d’une dimension d’atelier gourmand, et c’est quelque chose d’essentiel pour Cyril et Nathalie Darras. Dans leur boutique, on retrouve de nombreux détails qui s’y rapportent directement : tubes de peinture et couleurs pour présenter les formules déjeuner, pains présentés dans une cage en fer forgé-vieilli… ainsi qu’une porte séparant l’espace de vente des parties administratives et du laboratoire : cet élément a son histoire, en effet, elle est issue d’une forge dans laquelle un des ancêtres de Nathalie Darras a travaillé.

Il faut dire que notre artisan est un homme sensible aux objets et au travail des matériaux, ce qui l’amène à chiner au fil de ses rencontres. D’ailleurs, si l’on s’intéresse plus attentivement aux enseignes présentes sur les côtés de la boutique, on remarque la présence de petits bonhommes agrippés aux extrémités. Ils sont l’oeuvre d’un artiste sculpteur, Bernard Saint-Maxent. Ce dernier deviendra progressivement un véritable partenaire de la boulangerie Darras, puisque ses créations s’y inviteront dans les mois à venir, sur les poulies, dans les vitrines… Une belle idée pour créer de l’événement et de l’animation, instaurer des moments forts.

Cela n’a rien de nouveau au 16 rue du Maréchal Foch, où les fêtes ont toujours été dûment célébrées. Les habitués se souviendront sans doute du sable installé dans la boutique à l’occasion d’un voyage improvisé dans les Tropiques, de l’usine à Confiserie qui avait pris ses quartiers dans les lieux, ou encore de la reconstitution d’un véritable Chalet de Père Noël. Autant de choses qui sont parvenues à marquer les esprits et développer une véritable relation avec la clientèle versaillaise… même si de nombreux touristes passent la porte au détour de leur visite.

La belle lumière qui emplit les lieux se complète par un service jeune et charmant, mené d’une main de maître par Nathalie Darras. Je regretterai, à titre personnel, la présence de deux caisses « automatiques », même si l’on m’a assuré qu’elles permettaient d’entretenir une relation de vente plus personnalisée et orientée sur le conseil, déchargeant le personnel des opérations d’encaissement.

Infos pratiques

16 rue du Maréchal Foch – 78000 Versailles (Transilien Ligne L, Gare de Versailles Rive-Droite ou RER C, Gare de Versailles Rive-Gauche) / tél : 01 39 50 07 88
ouvert mardi au samedi de 7h à 19h30 ; le dimanche de 7h à 19h.

Avis résumé

Pain ? Des pains soignés, une baguette de Tradition aux belles oreilles, voilà qui met bien à l’honneur les farines Foricher, sélectionnées par cet artisan. On retrouve notamment une délicieuse Tourte de Seigle, avec des notes de miel entêtantes, ainsi qu’un pain des Gaults vendu au poids (5,9€ le kilogramme) d’excellente facture, avec une croûte bien présente et une mie sauvage.
Accueil ? Efficace et très professionnel, le service sait ici reconnaître ses habitués et dépasser la relation commerciale qui lie un boulanger à sa clientèle. Une attention particulière est portée au conseil et à la formation, afin de proposer une information fiable et pertinente sur les produits proposés. D’ailleurs, l’artisan réfléchit à un projet d’espace conseil, avec utilisation de tablettes tactiles présentant un catalogue interactif des créations : une idée bien vue pour améliorer l’information et même dynamiser les ventes, surtout en période de fêtes.
Le reste ? Les pâtisseries proposées ici ont le bon goût de rester simples, avec une note de fantaisie, avec notamment une collection d’éclairs aux parfums variés. Entremets, tartes aux fruits, au chocolat ou encore à la vanille… Rien ne manque. Même constat côté traiteur, avec une belle gamme de sandwiches, quiches et autres salades. Le plaisir peut d’ailleurs se consommer sur place, grâce à la terrasse qui borde l’établissement.

Faut-il y aller ? La boulangerie Darras, non contente d’offrir des produits de qualité à des tarifs abordables, développe un véritable état d’esprit qu’elle met au service de sa clientèle. Au travers de cet « atelier gourmand », on retrouve une belle authenticité qui tranche nettement avec le caractère souvent faux et rempli d’apparats inutiles des commerces présents dans de telles cités.

Peu de boulangers peuvent prétendre faire le tour de la planète pour revenir à Paris, à plus forte raison de façon fréquente. Quelques uns de nos artisans les plus talentueux et en vue sont parvenus à s’exporter, notamment dans les pays asiatiques, où notre savoir-faire est tout particulièrement rayonnant. Rayonnant, certes, avec toutefois quelques adaptations nécessaires : les boulangeries deviennent systématiquement des salons de thé, et les pains ont une fâcheuse tendance à se faire petits et moelleux… Question d’habitude et de culture.

Gontran Cherrier fait partie de ces entrepreneurs de la boulangerie. On peut lui reprocher, comme beaucoup ne manquent pas de le faire dans la profession, de chercher à s’étendre trop rapidement, à développer son image plutôt que la qualité de ses produits… Même si, comme chez l’ensemble des artisans, il y a des jours avec et des jours sans, on ne peut mettre en doute l’engagement profond de l’entreprise dans la sélection de ses matières premières, ainsi que dans le développement d’une véritable démarche axée autour du goût. Un exemple ? Un déplacement en Bretagne en fin de semaine dernière, afin de chercher une farine de sarrasin plus parfumée que celle utilisée jusqu’alors. Certes, peu de boulangers peuvent se permettre ce genre de démarche, mais cela dénote d’un certain niveau d’engagement.

Le tableau noir annonce les dernières nouveautés… et notamment l’étonnant Méteil aux Graines de Coriandre !

Au cours de notre entretien, ce qui est sans doute le plus frappant, c’est que nous n’avons que peu parlé de boulangerie, mais plutôt de goût : c’est bien là le coeur de sa démarche. Cette fameuse farine de sarrasin demi-complète pourra peut-être servir à élaborer une brioche façon Fouace, avec de la crème fraîche… Une idée parmi tant d’autres dans l’esprit de ce créatif bouillonnant.
Au 22 rue Caulaincourt comme rue Juliette Lamber, le pain intègre réellement le repas ou se déguste comme une gourmandise. Pas question de proposer des produits aux olives dans des formats trop conséquents, par exemple. Il faut en effet garder une certaine cohérence, et c’est précisément ce que recherche Gontran Cherrier. Cohérence également avec les saisons : les pains aux épices Zaatar ou aux pignons de pin et romarin ont laissé leur place à de la semoule de maïs, ainsi qu’à un savoureux Méteil (mélange de farines de froment et de seigle à 50-50) aux graines de Coriandre.

Pain Méteil au Graines de Coriandre – un façonnage peu courant pour un pain chez Gontran Cherrier, puisque ce dernier est moulé.

L’élaboration des produits passe surtout par des souvenirs, que l’artisan partage avec sa clientèle. Dans le cas de cette dernière création, ce sont des références à des voyages en Russie, où ce type de pain est fréquemment dégusté. On y retrouve des saveurs marquées, le seigle jouant en sourdine sur la Coriandre, pour une expérience assez rare dans notre capitale. C’est précisément pour cela que l’on vient ici, et que cette boulangerie peut se permettre certaines libertés – notamment tarifaires, car certains pains sont loin d’être accessibles à tous.

Les pains à la semoule de maïs ont fait leur retour pour les mois froids à venir. On appréciera toujours autant cette texture granuleuse et ce parfum particulier… que l’artisan souhaiterait plus prononcé. Il réfléchit en effet à l’utilisation de farine de maïs pour toujours plus s’approcher du Broa portuguais qu’il apprécie tant. Le fait qu’ils soient à présent proposés en boules et non plus en grosses pièces à la coupe est bien vu.

Les mois passent et l' »aventure » grandit. Singapour, Tokyo, … Gontran Cherrier aura passé de nombreuses semaines à l’étranger ces derniers temps, mais il a bien fini par poser un peu ses valises en France pour cette fin d’année. Cela ne s’est pas fait sans raison, d’ailleurs, puisque nous assisterons début décembre à l’ouverture de sa troisième boutique dans l’hexagone… à Saint-Germain-en-Laye. Un nouveau challenge et une grande surface (plus de 200m2) pour dynamiser l’offre boulangère de cette cité, où certaines institutions sont déjà bien installées, comme j’avais pu le constater il y a quelques temps.
En parallèle, les adresses parisiennes ne seront pas oubliées, avec des nouveautés et produits hivernaux (retour des Saucissons Lyonnais briochés, de feuilletés variés, …).

Les plus gourmands auront remarqué le retour de la tarte pomme-raisins-fleur d’oranger

L’histoire s’écrit aussi hors boulangerie, puisque c’est sur TGV Est que les fameux buns multicolores développés par Gontran Cherrier embarqueront dès demain. En effet, dans le cadre d’un partenariat avec Newrest Wagons Lits, la boulangerie Thierry (en charge de la production) et notre créatif, des sandwiches ronds et moelleux intègrent la carte proposée aux voyageurs, ainsi que nous le décrit le site de la compagnie. Une initiative intéressante, aussi bien en terme de visibilité pour l’artisan, que pour les clients de TGV Est : nous n’avons que trop souvent l’occasion de critiquer l’offre de restauration proposée à bord des trains, et ce type de projet pourrait bien parvenir à la dynamiser. Espérons que Cremonini Restauration – en charge de l’approvisionnement des autres trains à grande vitesse de la SNCF – s’en inspire dans le futur.

Voici donc quelques nouvelles, mais je ne doute pas que les mois à venir nous donneront encore l’occasion d’en écrire d’autres…

 

La vie est faite de rencontres, dont certaines sont plus marquantes que d’autres. Ce que j’aime avec la boulangerie, c’est que l’on a la possibilité de rencontrer des produits avant des hommes, et que l’on accède ainsi à leur sensibilité profonde, car dans chacun de leurs produits se retrouve un peu de leur âme et de leur nature. Vous comprendrez pourquoi j’ai souvent tendance à fustiger les mélanges « prémixes » développés par les meuniers : certes, ils facilitent le travail du boulanger, mais comment peut alors se produire cette rencontre, cet enrichissement des sens ?

La devanture met bien en valeur les différents prix obtenus par l’équipe de la boulangerie, que ce soit le patron, les ouvriers ou les apprentis.

Cette boulangerie de Beaumont-sur-Oise, on m’en avait parlé, à plusieurs reprises. Un fou de pain, me disait-on. J’avais été le constater par moi-même, j’avais fait un voyage dans son univers, et plus loin encore, dans le détroit du Bosphore… Une rencontre gustative, certes, mais également un terrible goût d’inachevé et d’approximatif, car je n’avais pas pu toucher l’homme et son engagement quotidien. Un acte manqué qui devait être réparé… ce qui est à présent le cas.

Cette fresque représente la boulangerie et Beaumont, avec toute la « communauté » rassemblée autour de cette table. Aucun détail ne manque, puisque l’on retrouve même les chiens de Christophe Rouget au premier plan – même s’ils sont trois en réalité !

Chez Christophe et Sylvie Rouget, la boulangerie est bien plus qu’un métier ou même une histoire de famille. Non, cela va plus loin : dès lors que l’on pénètre ici, c’est un peu comme si l’on rejoignait une tribu, une communauté… Un lien fort qui trouve ses symboles au quotidien. Ainsi, quand l’un de ses membres la quitte, souvent à l’insu de son propre gré, cela ne laisse pas indifférent : on me parlait d’un pilote de ligne récemment décédé, ce qui n’avait pas manqué de provoquer l’émoi au sein du personnel de vente… Des histoires, oui, toujours des histoires, mais la boulangerie n’existerait pas sans elles.

La Tresse de Saint-Gilles, un clin d’oeil à David Sausseau, installé à La Réunion. Ce pain, au façonnage soigné, incorpore un mélange de céréales.

Tout cela forme une vie, un quotidien sans cesse changeant. Christophe Rouget n’est pas un artisan renfermé dans son fournil, bien au contraire : son pain exprime sa soif de partage et d’échange. Ainsi, on retrouve dans sa boutique des produits qui ont une histoire. La Tresse Saint-Gilles ? Un clin d’oeil à son ami David Sausseau, implanté à La Réunion. Le pain Noémia ? Une création dédiée à la fille d’un confrère, qui souhaitait un goûter sans ajout de sucre. Des recettes qui voyagent et sont reprises dans d’autres boulangeries.
Tout cela se résume en une phrase : savoir, savoir faire, et savoir faire-faire. C’est pour cela que l’on retrouve tant d’apprentis au sein du fournil de la maison : ces jeunes sont les chefs d’entreprise potentiels de demain, et il faut leur transmettre cette connaissance et ce goût pour un pain de qualité, produit dans des conditions irréprochables.

Une boutique simple, chaleureuse et accueillante. On y ressent une ambiance apaisée, avec de beaux produits.

Parlons-en, des conditions et du cadre, car ils sont des éléments particulièrement forts ici. A leur arrivée à Beaumont en 1995, les Rouget ont repris une ancienne affaire Banette, dans laquelle ils ont petit à petit inscrit leur marque tout en mettant en avant l’histoire du lieu. Le faux-plafond de l’époque a ainsi vite disparu pour retrouver ses dessins d’époque… et ces fameux blés et coquelicots. Pourquoi ces fleurs ? Tout simplement car, à l’époque, les champs n’étant pas traités, les coquelicots y proliféraient naturellement. On les retrouve ainsi en « fil rouge » dans l’ensemble de l’établissement, en fer forgé sur les vitrines, mais aussi dans les diverses fresques qui ornent les murs.

Le plafond d’origine a été remis en valeur par Christophe Rouget à son arrivée dans les lieux. On peut y voir les fameux coquelicots, qui sont aujourd’hui un des emblèmes de la boulangerie : ils sont d’ailleurs présents sur la vitrine, avec des fleurs en fer peint.

Impossible de rester indifférent devant ce goût du détail et du dessin. Que ce soit au fournil, dans les couloirs, ou encore au laboratoire de viennoiserie et de pâtisserie, de magnifiques peintures accompagnent le personnel au quotidien. Rien d’anecdotique là dedans, puisqu’elles racontent des histoires : celle de la boulangerie tout d’abord, mais aussi celle des ingrédients mis en oeuvre dans les produits. Une façon originale de toujours transmettre du savoir-faire. Quelques détails qui en disent long sur la capacité à voir toujours plus loin de notre artisan.

L’histoire du chocolat et cette fresque font presque partie des ustensiles de pâtisserie utilisés au laboratoire.

Voir plus loin, oui, c’est ce qui guide Christophe Rouget dans l’ensemble de ses actions. Que ce soit en rénovant l’ensemble de ses locaux pour les rendre irréprochables et pleinement exploités, en développant des gammes de produits gourmands et accessibles pour faire face à la concurrence de chaines telles que la Boulangerie de Marie – récemment implantée à proximité -, ou même en fidélisant dans son entreprise ses meilleurs apprentis et ouvriers… Nous avons affaire à un chef d’entreprise responsable et dynamique, peut-être des restes de la formation de gestion et de comptabilité que son père lui avait imposé. Dans cette famille originaire du Nord, la boulangerie est une affaire de famille (on retrouve d’ailleurs le frère au tourage), même si cela a parfois des mauvais côtés : cette étude des calculs et autres règles de gestion a en effet privé notre artisan de toute possibilité d’apprentissage en boulangerie, le réorientant de fait vers un CAP de Pâtissier et le « condamnant » à un statut d’autodidacte dans son coeur de métier.

Au tourage, c’est le frère Rouget qui réalise des viennoiseries bien feuilletées.

Cela importe bien peu, car j’aimerais souvent voir des autodidactes aussi méticuleux et rigoureux que lui. De la rigueur, il y en a dans ses préparations : la farine torréfiée, incorporée selon des grammages très précis dans les recettes, est fabriquée « maison » au travers d’un processus méticuleux, tout comme pour la nougatine incorporée dans le pain Bosphore. De la folie, vous trouvez ? Non, au contraire, beaucoup de clairvoyance à mon sens.

Avez-vous vu souvent cela dans un fournil ? Moi pas ! Il s’agit de la nougatine utilisée pour la réalisation du pain Bosphore. Ce nom n’a pas été choisi au hasard : la Turquie produit énormément de quantité de ce fruit sec, de plus, ce pain trouve ses origines dans l’Ekmek, un pain plat turc à l’huile d’olive et au miel.

Une même clairvoyance qui l’a amené dès le début à s’engager aux côtés d’acteurs engagés tels que la famille Foricher et le Club le Boulanger, défenseurs d’une farine Label Rouge, produite en Culture et Rendements Contrôlés (CRC). Si aujourd’hui ces démarches trouvent de l’écho auprès d’un public toujours plus large, c’était bien loin d’être le cas il y a 15 ans. Pour autant, notre artisan voudrait rendre les spécificités de ce processus plus lisibles pour le grand public… Le partage, toujours le partage.

Grosses pièces, Bosphore, Ciabattas, … rien ne manque pour les gourmands de pain !

Le partage passe aussi par des prix particulièrement abordables, avec une baguette de pain courant – très soignée – proposée à 0,80€, et une Tradition à 1€. Malgré l’augmentation du coût des matières premières, Christophe Rouget tient à maintenir ces tarifs, qui représentent pour lui une véritable porte d’entrée pour des clients qui seront ensuite prêts à dépenser un peu dans des achats « de plaisir », qui contribueront au chiffre d’affaires de la boutique. Donner pour recevoir, une pratique qui a fait ses preuves depuis bien longtemps.
D’ailleurs, le boulanger voudrait continuer à donner longtemps, même si c’est aujourd’hui son corps qui lui fixe des limites. Passionné de sport en plus de son métier, la fatigue ne manque pas de se faire ressentir. Cela l’incite sans doute à être moins catégorique qu’il avait pu l’être par le passé, à tenter de parvenir à des compromis pour continuer à avancer… et à faire avancer. Donner de la latitude à ses apprentis, voire à terme leur « offrir » une seconde boulangerie où exercer leur talent… L’histoire continuera à s’écrire pour cette communauté boulangère, et nous en serons pour la suivre avec attention.

Infos pratiques

39 rue Basse de la Vallée – 95260 Beaumont-sur-Oise (gare de Persan-Beaumont, Transilien ligne H) / tél : 0134700290
ouvert du jeudi au lundi de 6h à 19h30. (ouverture le mardi également à partir d’octobre)

Il ne faut pas oublier d’où l’on vient. Avoir des ancrages, des points de repère : c’est de cette façon que l’on peut avancer, car on parvient à tracer des lignes entre ce que l’on a déjà fait et ce à quoi on aspire. L’idée serait de pouvoir faire le tour du monde, de vivre des centaines d’expériences, de s’enrichir personnellement à l’infini pour revenir au même point… géographique, tout en ayant, par l’esprit, tellement changé et progressé. Le lieu s’en trouve alors transformé.

En réalité, si Guillaume Gil et sa compagne Charlotte sont revenus ici, à deux pas de l’école dans laquelle ils ont été formés, cela tient plus… au hasard. C’est en effet en haut de la rue de l’Abbé Grégoire, à quelques pas du métro Saint-Placide mais surtout de l’Ecole Grégoire Ferrandi, qu’ils ont ouvert aujourd’hui leur pâtisserie-salon de thé.
Un lieu atypique et gourmand, qui était précédemment un salon… de massage. L’objectif de plaisir et de relaxation demeure, « seule » la manière d’y parvenir change. Quelques travaux ont été nécessaires pour ouvrir les espaces, jusqu’alors plongés dans la pénombre. Cela nous permet aujourd’hui de découvrir cette superbe verrière ainsi que la cour intérieure, qui baignent les lieux d’une belle lumière naturelle.

La salle sous verrière

Lumière, couleurs et transparence, je trouve que c’est une bonne façon de décrire Colorova Pâtisserie. Les couleurs se retrouvent bien dans le choix du mobilier, dans un style assez ethnique et original. Elles expriment le parcours des deux associés, aussi riche que varié. Ainsi, le chef est passé dans les cuisines de palaces divers, a côtoyé des artisans passionnés dont les noms reviennent souvent dans mes lignes (Jonathan Blot, Claire Damon…) avant de vouloir voler de ses propres ailes.
Si j’ai parlé de transparence, c’est pour faire référence à l’aménagement du laboratoire, complètement ouvert sur la salle et la rue. Ainsi, la clientèle pourra se rendre compte du travail réalisé par Guillaume, Damien et Ornella. Idée originale, ce sont eux-mêmes qui réaliseront le réassort des pâtisseries – une gamme de 12 créations pour le début… Nous sommes bien loin des dizaines de kilomètres parcourus par les produits de la plupart des grandes maisons parisiennes.

Le laboratoire et le présentoir de pâtisserie communiquent directement : ainsi, ce sont les artisans qui assurent le réassort.

Justement, cela change tout, en terme de goût et de qualité. Libérées des contraintes dues à un transport parfois mouvementées, les créations peuvent ainsi se faire plus légères et savoureuses. Le choix sera difficile entre les propositions gourmandes de l’endroit : tartes, pâtes à choux, créations variées, mais aussi viennoiseries et gâteaux de voyage (cakes, sablés…). Cela s’accompagnera en semaine d’une offre de restauration rapide (salades, sandwiches), qui laisse place le week-end à un brunch, proposé de 11h à 16h. Quoi de mieux pour se détendre après une dure semaine ?

Il suffit de prendre place sur l’une des tables de cette salle de 20 couverts, et de profiter de la sélection de thés Lov Organic, ainsi que Confitures de la Ferme Fruirouge à Concoeur Nuit Saint Georges, des salades de fruits, brouillades d’oeuf… dont le service est assuré par Charlotte et son équipe.

Quelques pâtisseries, la gamme n’était pas encore complète lors de mon passage

Forcément, je ne pouvais pas passer ici sans essayer cette superbe « Superposition Vanille-Café », une sorte de millefeuilles composé de très fines feuilles de chocolat noir, entrelacées de couches de crème vanille et café, tout cela reposant sur un fond sablé. La force du café est équilibrée par la douceur de la vanille, tandis que les textures croquantes, onctueuses et craquantes s’enchainent pour une expérience de dégustation exceptionnelle. Tout cela pour 5,5€, un tarif somme toute bien raisonnable au vu de la complexité de l’assemblage. Bien sûr, il faudra quelques semaines à l’équipe pour roder complètement sa gamme, mais la barre est déjà placée bien haut.

On pourrait dire qu’une étoile est née ce samedi… sous le soleil. C’est assez rare pour le signaler, en ce mois d’août bien pauvre en activité et en découvertes. Dans tous les cas, cette sympathique équipe aura à coeur de vous accueillir, et pourquoi pas dès demain à l’occasion d’un brunch gourmand ?

Infos pratiques

47 rue de l’Abbé Grégoire – 75006 Paris (métro Saint-Placide, ligne 4)
ouvert tous les jours, du lundi au vendredi de 9h à 19h (petit-déjeuner de 9h00 à 11h00, déjeuner et snacking de 12h00 à 15h00, tea time jusqu’à 18h00), le samedi de 11h à 19h – 17h le dimanche – brunch les samedis et dimanches.
Facebook : http://www.facebook.com/Colorovapatisserie

Faut-il y aller ? Bien sûr ! Voilà un salon de thé dans un style contemporain, avec une offre de gourmandises de qualité, chose qui manquait cruellement à ce quartier où l’on a plutôt tendance à trouver des boutiques de… cupcakes (on en compte deux dans la rue de l’Abbé Grégoire). De plus, cet emplacement est intéressant : espérons que cela donnera des idées aux élèves de l’école Ferrandi, située à quelques mètres… ce qui nous promettrait ainsi de belles perspectives gourmandes.