Réflexions

13
Nov

2011

Boulangerie ou sandwicherie ?

Paris est une ville exigeante. Elle impose ses règles, ses tendances, ses contraintes. Parmi elles, la pression immobilière et les loyers élevés. En effet, les prix du m2 sont très élevés, ce qui a pour conséquence directe de rendre les locations quasi-prohibitives dans certains quartiers de Paris, y compris pour certains commerces.

Ainsi, il est difficile de tenir une boulangerie dans plusieurs zones de la capitale. Par exemple, il y a bien peu de boulangeries sur la rue Saint-Honoré, et ce plus particulièrement dès lors que l’on se rapproche du palais de l’Elysée. Pour survivre, les artisans qui s’y sont installés ont du fortement développer leurs activités en dehors du pain. La restauration rapide y tient souvent une bonne place, au travers d’une offre pléthorique de sandwiches et autres en-cas.

Le problème, c’est qu’au final, le pain est perdu dans cet ensemble. Pire ensemble, il ne tient parfois plus qu’une place très marginale dans la boutique, au point de se demander si l’on est bien dans une boulangerie ou bien dans une simple sandwicherie. Bien sûr, il faut comprendre les réalités économiques d’un tel choix, qui ne se fait certainement pas par gaieté de coeur, mais cela ne peut m’empêcher de m’attrister un peu. En effet, rien de plus important que le savoir-faire du boulanger sur son coeur de métier, le pain. J’imagine que cela doit avoir un impact sur la motivation des équipes, et au final sur la qualité des produits. Comment parvenir à motiver un ouvrier quand celui-ci a à l’esprit que son travail n’aura qu’une importance secondaire ? C’est pourtant le cas dans toutes ces adresses où le sandwich est roi.

Au final, c’est une équation difficile à tenir, mais il ne faut pas renoncer à intéresser la clientèle par autre chose que de la restauration. Cela peut passer par un pain d’excellente qualité, qui soit reconnu et justifie le déplacement, ou bien par une gamme suffisamment remarquable pour que les passants s’en souviennent et gardent l’adresse en mémoire.
Si l’on ne prend pas conscience de ce problème, il pourrait bien arriver un moment où l’on oublie complètement la vocation première des boulangeries. Combien de fois ai-je vu des salades, des pâtes ou même des plats chauds dans les vitrines ? Pensez-vous que tout cela est « normal » ?

Chaque jour, le pain est sur nos tables, comme si tout cela était naturel, comme si cela avait toujours été ainsi et comme si cela allait toujours être le cas. Ce que l’on regarde moins, c’est tout ce qu’il y a avant, tout ce qui est fait en amont, et notamment les ingrédients mis en oeuvre pour la production de ce fameux pain.

Parmi eux, la farine est prédominante, et c’est un élément auquel les boulangers doivent prêter une attention toute particulière. Lorsque l’on se rend dans une boulangerie, différents pains nous sont proposés : des baguettes de tradition, des pains de campagne, du pain complet… qui impliquent autant de farines différentes. Au delà du type – défini par le taux de cendre contenu dans la farine – on peut aussi faire varier les espèces de blés : épeautre, kamut, froment… Les saveurs sont différentes, plus ou moins marquées et anciennes (le kamut était utilisé du temps des égyptiens, c’est dire si cette variété a traversé les siècles !).

Pendant une sombre période, c’est le pain blanc qui est devenu commun et demandé par les consommateurs. En effet, après la seconde guerre mondiale et son pain gris – réalisé à partir un mélange de farine complète, de blé et de farines de fèves, maïs, orge, pommes de terre, riz… -, la population gardait un mauvais souvenir des pains à la mie « sombre » et voulait ainsi se rapprocher de quelque chose de plus clair… mais aussi de bien plus insipide. Cette absence de goût a fini par lasser et la consommation de pain a chuté au fil du temps. Heureusement, ces dernières années ont marqué un retour vers un pain de meilleure qualité, et cela est notamment passé par l’action des pouvoirs publics, qui ont mis en place l’appellation de Pain de Tradition Française, qui ne doit inclure aucun additif, ne doit pas être surgelé et doit être réalisé simplement à partir de farine, d’eau, de sel et de levure ou de levain. C’est cependant loin de suffire : on néglige encore bien souvent la qualité de la farine.

La farine, c’est un vrai business. A la tête de celui-ci, des entreprises puissantes, telles que Nutrixo (Ronde des Pains, Copaline, Francine, Délifrance…) ou Soufflet (Baguépi). Bien sûr, quelques meuniers indépendants continuent à exister, mais leur force est bien plus limitée. Ces groupes ont développé des farines moulues industriellement, fabriquées à partir de blés cultivés intensivement. Au final, on obtient un produit de qualité très médiocre, aux qualités de panification plus que discutables. D’où l’utilisation d’additifs, pour compenser ce « manque » et parvenir à faire lever le pain. L’enjeu aujourd’hui, c’est de revenir à une agriculture plus raisonnée et respectueuse des cycles naturels. C’est ce que cherchent à faire des démarches telles que le label CRC (Cultures et Ressources Contrôlées) et Label Rouge. Au programme, une culture moins intensive (limitation de la quantité de blé cultivée sur les parcelles, notamment) et absence d’additifs pour le stockage. Bien sûr, l’agriculture biologique va dans le même sens.
Certains meuniers se sont bien impliqués dans cette démarche, comme le Moulin des Gaults, qui livre beaucoup de bons boulangers de la capitale. Ils se sont d’ailleurs regroupés sous la marque « Bagatelle », qui promeut l’utilisation d’une farine de qualité supérieure pour la réalisation de la baguette de tradition française et la viennoiserie (plus d’informations sur http://www.club-le-boulanger.com/).

Quelques boulangers, en province, vont même plus loin et réalisent leur propre farine, à partir de variétés de blés anciennes. C’est notamment le cas de Roland Feuillas, installé à Cucugnan. Au sein de sa boulangerie nommée « Les Maitres de Mon Moulin », il propose du pain réalisé à partir de ses farines, préparées dans un moulin que cet artisan – ancien informaticien – a remis en fonctionnement. Une belle histoire, et surtout un engagement remarquable.

Maintenant, il faudrait que l’ensemble de la filière s’engage dans le sens d’un meilleur respect de l’environnement et des cultures, ce qui aboutirait certainement à produire des pains plus savoureux. Les cours du blé n’ont cessé de grimper ces derniers mois, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut chercher à rogner sur les coûts en utilisant de la farine de qualité médiocre. Il y a énormément de chemin à parcourir, notamment quand on voit l’implantation marquée de « réseaux » tels que la Ronde des Pains, Banette, Baguépi ou encore Festival des Pains. Une belle avancée serait d’avoir des artisans passionnés par leur métier, qui l’ont réellement choisi. Ce type de vocation nous manque, et on peut le constater tous les jours en passant devant ces boulangeries médiocres qui remplissent nos rues. Rêvons un peu…

Réflexions

28
Oct

2011

Changer le monde…

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C’est idiot, mais si j’ai commencé à écrire sur le painrisien, c’était pour tenter de changer les choses, et au final un peu le monde, à ma façon, en exprimant mes aspirations et ma vision de ce qui m’entourait. On doit tous plus ou moins avoir rêvé de changer le monde, à un moment ou à un autre, pour des raisons diverses et variées. Seulement, nous n’avons certainement pas les capacités de le faire à nous seuls. Au delà d’une envie, il faut avoir une certaine dose de talent et de détermination pour avoir une influence sur le cours des événements. J’ai beaucoup aimé la phrase d’Obama, à l’occasion de la mort de Steve Jobs : « Steve était l’un des plus grands inventeurs américains, assez courageux pour penser différemment, assez audacieux pour croire qu’il pouvait changer le monde et assez talentueux pour le faire ».

En effet, le feu-patron d’Apple est parvenu à bousculer les usages de l’outil informatique, à créer des solutions élégantes pour rendre l’ordinateur et le mobile agréables, beaux et intelligents. Certes, il n’était pas seul et avait su s’entourer d’une équipe brillante, prête et capable à lui apporter le soutien nécessaire pour mener à bien cette « mission ».

Aujourd’hui, ici, maintenant, ce n’est pas tout à fait la même chose que je voudrais changer mais cela touche tout autant le quotidien des gens. Notre siècle aura vu nos habitudes alimentaires s’enfoncer dans une terrible médiocrité, voire un gouffre où l’on retrouve toutes les productions de masse et les industriels du secteur agro-alimentaire. Peu de personnes ont encore le sens du goût, et beaucoup se satisfont de produits bas de gamme et peu savoureux. Pourtant, l’alimentation devrait représenter un plaisir quotidien et non pas seulement une obligation qu’il faut bien remplir, sans y prêter plus d’égards.
Cela passe notamment par le pain, un produit simple, sain et authentique, généralement assez peu cher. On en trouve partout, sous toutes les formes (frais, en sachets, surgelé…) et à tous les prix. Seulement, je me suis bien vite rendu compte qu’il était loin d’être bon aussi souvent qu’il devrait l’être.

C’est pourquoi j’ai pris mon bâton de pèlerin pour essayer de faire quelque chose. Je ne savais pas bien quoi, et je ne le sais pas encore, je crois. J’essaie juste, au quotidien, de faire en sorte de que de plus en plus de monde accède et partage le bon pain. A mon sens, c’est déjà un bon début pour changer le monde. C’est idiot, mais je crois en la force de cet aliment, porteur de valeurs et de nourriture pour le corps et l’âme. Certains pains nous émeuvent, nous font réfléchir, d’autres nous amusent ou bien nous surprennent. C’est un produit simple, sain, authentique. Comme devrait l’être notre cuisine. Pas d’artifice, pas de mensonge. Vous voyez, on décrit là l’image d’un monde un peu moins gris et corrompu au travers d’un « simple » élément de notre alimentation.

J’ai bien conscience que tout cela peut paraître très abstrait, voire idiot, mais pourtant j’y crois. Je voudrais vous inviter à y croire à votre tour, vous inciter à amplifier le mouvement en tentant de faire changer les habitudes autour de vous. Ce n’est pas grand chose, allez, prendre une baguette de tradition plutôt qu’une blanche, prendre quelques minutes de plus pour aller dans une boulangerie artisanale plutôt que dans un supermarché ou un terminal de cuisson… Autant de gestes qui pourraient redonner aux gens le goût du produit. Cela tient presque de l’éducation, de la ré-éducation, mais si l’on peut parvenir à mettre quelques touches de lumière dans le quotidien, je me dis que cela ne peut qu’en valoir la peine.
On ne changera certainement pas la face du monde de cette façon, pour autant, on y apportera un peu plus de saveur et de curiosité. C’est déjà un bon début.

Comme j’ai déjà pu l’indiquer ici, je suis toujours un peu perplexe quand je vois des personnes voulant exercer deux métiers. L’exemple le plus fréquent dans le domaine qui nous intéresse étant l’exercice des professions de boulanger et de pâtissier. Difficile de bien faire les deux, voire impossible, selon moi.

Depuis quelques temps, ce sont les grands chefs qui cherchent à se diversifier et qui arrivent dans le domaine de la boulangerie. En réalité, ce n’est pas tout à fait nouveau, puisque des expériences avaient été débutées bien avant. On peut notamment citer Alain Passard, qui a collaboré avec les Moulins Bourgeois lors du développement de la Paume – un pain réalisé à partir d’un levain naturel ou Alain Ducasse – bien qu’il se soit initialement associé avec Eric Kayser – au travers de son « Boulangépicier ». Bien sûr, ces initiatives peuvent paraître anecdotiques, mais cela dénote tout de même un certain intérêt de la part de ces chefs pour le domaine du pain et de la boulangerie.

Le pain reprend de l’importance au sein des repas des français, avec une vraie démarche qualitative et des engagements importants dans la part des différents acteurs du secteurs (autant les boulangers que leurs meuniers). C’est certainement ce qui incite d’autres chefs à entrer dans la course. Parmi eux, le cathodique Cyril Lignac ouvrira sa boulangerie/pâtisserie le 10 novembre au 24 rue Paul Bert, en face de son restaurant le Chardenoux. Jean-François Piège ouvrira également sa pâtisserie à proximité du Thoumieux en début d’année prochaine.
Difficile de présumer de la qualité des produits qui seront proposés, ce sera à tester et j’essayerai d’être parmi les premiers à le faire pour vous informer. Dans tous les cas, je ne suis pas persuadé que ces chefs soient vraiment impliqués dans le fournil et qu’en réalité ils sont conseillés par des professionnels du secteur, chargés de mettre au point les recettes mais également leur application quotidienne. Partant de ce principe, il est difficile de considérer qu’ils entrent vraiment dans l’univers de la boulangerie, mais plutôt qu’il y « investissent » et développent leur marque. Je ne suis pas vraiment en phase avec cette démarche, et je ne sais pas s’il elle aura tendance à se perpétuer ou non. Cependant, si les artisans sélectionnés pour réaliser les produits sont compétents, le résultat sera certainement digne d’intérêt. A voir !

J’ai parfois l’impression que les habitudes de consommation des gens ont tendance à les rendre aveugle. Je ne sais pas bien pourquoi, ni comment, mais c’est pourtant le cas. Cela n’exclut pas les consommateurs de produits issus de l’agriculture Biologique, bien au contraire, en réalité.

Pourtant, la lucidité devrait être le fondement même de la démarche. En passant au Bio, il y a plusieurs objectifs à poursuivre : rechercher une alimentation plus saine, dépourvue d’additifs et produits nocifs, mais également plus savoureuse car moins soumise à des impératifs de rendements et d’économies d’échelle.
Cela concerne aussi le pain Bio. Malheureusement, c’est très rarement le cas. La plupart de la production est réalisée par les grands acteurs de la distribution, ou par quelques entreprises approvisionnant les magasins spécialisés. Belledonne, Patibio, Moulin, Boulangeoise ou encore Biofournil, ces noms ne doivent pas vous être étrangers si vous avez déjà acheté du pain dans une boutique telle que Naturalia ou une Biocoop. Elles ne manquent pas de mettre en avant le fait que leurs produits sont réalisés sur levain naturel, parfois cuits dans des fours à bois, mais cela ne change rien au fait que leur production atteint des niveaux quasi-industriels. Imaginez le volume représenté par les seuls magasins Naturalia parisiens, sans compter toutes les enseignes indépendantes et les boutiques de banlieue… Dès lors, difficile de conserver un caractère strictement artisanal.
Au delà de la question de la fabrication, ces pains ne sont jamais vraiment frais : imaginez l’état d’une baguette en fin de journée. Il y a parfois de quoi se casser les dents, ces pains étant généralement plutot denses dès le départ. Difficile de prendre du plaisir en dégustant un morceau de pain dur et caoutchouteux. Pour pallier à ce problème, certains magasins reçoivent des patons et effectuent la cuisson sur place… Tout comme les divers ‘points chauds’ disséminés dans la capitale. Le résultat n’est pas meilleur, les pains sont extrêmement mous, se conservent mal et sont cuits de façon très aléatoire. Cela ne donne pas une bonne image du pain Bio, qui peut être excellent quand il est bien réalisé, comme nous l’a récemment prouvé le concours du meilleur pain biologique d’Ile-de-France.

Justement, face à cette offre peu qualitative, les artisans boulangers ont une vraie carte à jouer et ils restent malheureusement assez peu à le faire. Les meuniers proposent tous à leur catalogue des outils pour réaliser ce type de pain, mais cela reste une démarche qui nécessite un engagement que tous ne sont pas prêts à fournir.
Parmi les acteurs implantés sur le secteur, les Moulins de Chérisy ont développé une marque dédiée à cette gamme, l' »Artisan Bio ». Elle reste facilement appropriable par les boulangers, tout en offrant au consommateur des repères. Certains ont été tellement séduits par le concept qu’ils ont fait le choix d’ouvrir une boutique dédiée à leur gamme Artisan Bio, comme Philippe Connan (Aux Péchés Normands) près de la place de la République, ou la boulangerie Fantasiiia dans le 14è. Cela peut représenter un premier pas vers un renversement de la situation actuelle, ou la moyenne et grande distribution reste trop largement présente. Cependant, il faut encore que la clientèle habituée au pain biologique proposé par ces circuits se rende compte qu’il est généralement trop acide, sec, pateux, bourratif et bien loin de ce que peut offrir un bon artisan. Ca n’est pas gagné, la conviction que le pain est forcément meilleur pour peu qu’il soit Bio étant tellement ancrée au sein de cette ‘population’… Ne soyons pas intégristes !

Justement, il ne faut vraîment pas l’être car certaines boutiques ont des initiatives plutot louables et proposent du pain fabriqué par des boulangeries à proximité. C’est notamment le cas de la Biocoop Le Retour à la Terre dans le 11è, où une partie de la gamme est fournie par L’Autre Boulange, située non loin de là. Ce genre de pratique est à encourager, même si la question de la fraîcheur n’est pas réglée pour autant. N’en demandons pas trop, et c’est un service qui est rendu au consommateur que de pouvoir tout trouver sous le même toit, sans avoir à se rendre dans plusieurs échoppes.

Dans tous les cas, j’espère que le mouvement ira vers une plus forte présence du Bio dans les boulangers, car ils sont les plus à mêmes de changer le goût que peuvent avoir les pains… En les rendant meilleurs !

En matière de pain, les goûts sont assez variés. Certains seront amateurs de croûte, d’autres plutôt de mie… Difficile de qualifier un pain de « bon », tellement les avis seront partagés. Au travers de ces goûts, de ces préférences, c’est un peu de notre personnalité qui s’exprime.
Parmi les caractères que peut affirmer le pain, l’acidité est assez importante. En effet, elle est caractéristique des pains réalisés avec du levain. Elle peut être plus ou moins marquée selon le levain utilisé (certains sont plus forts que d’autres, et seuls les levains dits naturels présentent un quelconque intérêt, puisque les levains cultivés en industrie créent une acidité marquée sans apporter d’autres saveurs), ainsi qu’en fonction du dosage : il est possible d’utiliser un peu de levain et de la levure pour obtenir un pain plus doux.

Généralement, les pains acides sont très agréables avec une noix de beurre au petit déjeuner, créant un beau contraste entre la douceur du beurre et l’acidité du pain. Le levain peut aussi apporter d’autres saveurs, comme chez Dominique Saibron, qui parvient à donner une sensation de sucré-acide au travers de son levain de miel et d’épices. Pour moi, un pain ne doit pas se limiter à un caractère acide. Il doit offrir bien plus et développer des arômes complexes, telles que des saveurs de noisette, de fruits secs variés. En réalité, plus je goûte de pains et plus je me rends compte que je préfère ceux qui demeurent assez doux. En effet, le levain est tellement difficile à maîtriser qu’il peut prendre une place trop importante… et gâcher mon plaisir à la dégustation.

Au final, tout cela m’amène à mener une réflexion plus profonde sur les habitudes de consommation des croqueurs de pain. Sont-ils plutôt habitués aux baguettes de tradition, généralement très douces, ou plutôt à des miches plus rustiques ? Cela ne dépend-t-il pas également de la région, voire même de la ville, en fonction des artisans présents sur le « marché » ? Il y a une vraie question d’éducation et de culture du pain qui se joue ici et je pense qu’il est intéressant de s’y consacrer un peu plus longuement.

Je vous pose donc la question très sérieusement : pour vous, qu’est-ce que du bon pain ? Un pain acide, un pain doux, un pain à la mie dense ou plutôt alvéolée, … ? La suite logique de tout cela sera un billet récapitulant mes pains préférés, pour que vous puissiez avoir une vision plus nette de mes goûts et de ma façon d’apprécier le travail des boulangers que je visite. Cela donnera plus de sens à mes critiques, je pense.

Ces derniers temps, nous avons pu assister à la naissance de « modes » axées autour de produits uniques, déclinés à l’infini et parfois jusqu’au ridicule. On peut citer quelques exemples, parmi eux le plus célèbre, le macaron. Il doit en exister des centaines de variétés et quelques maisons en ont fait leur spécialité, même si la plupart continuent à proposer d’autres produits.
Là où on touche vraiment au monoproduit, c’est souvent pour des concepts autour de gourmandises telles que les cupcakes. Difficile de compter les boutiques qui sont dédiées à ce cake couvert d’un nappage très riche. Chloé S., Synie Cupcakes, Berko, … Les adresses sont légion pour satisfaire ses envies de sucré à la mode américaine. Au point que même des maisons plus « traditionnelles » comme Ladurée en proposent également, certes d’une façon légèrement revisitée.

Dernière tendance en date : les choux. La Pâtisserie des Rêves avait anticipé cette mode avec ses choux minute de Longchamp, lors de son ouverture, mais cela s’est amplifié ces derniers mois, comme en atteste la création de Popelini en plein coeur du Marais, ou encore le fait que de grandes enseignes telles que Picard proposent des variations autour de ces petites boules de pâte à chou fourrées. Même Genevieve Lethu y a consacré un plat de service, décoré à leur effigie. Tout cela est très tendance, d’autant que le chou est facile à déguster, cela prend peu de temps il n’y a pas besoin d’autre chose que des doigts pour en profiter. Parviendra-t-il à détrôner le macaron ? Certainement pas, car ce dernier est bien plus pratique à transporter et à produire, en plus de beaucoup mieux se conserver. Pour autant, les petits choux ont de belles heures devant eux, et il faudra certainement compter dessus dans les mois à venir.

Pour moi, la question de fond est de savoir si cette tendance à travailler de façon très monomaniaque est pertinente et peut être durable. A force, on finit forcément par se lasser et les créations ne sont plus très inventives. On s’épuise, tout comme les consommateurs qui n’y trouvent plus grand intérêt, la découverte étant passée. Je pense que la cuisine, la pâtisserie et de façon plus globale la gastronomie doit être une histoire en mouvement, avec des saveurs nouvelles, des textures et des couleurs. En s’enfermant sur un seul produit, on prend le risque d’oublier ce qui se présente autour.
Soyons fous, imaginons un tel concept autour des baguettes de pain. Il serait alors proposé la baguette de tradition, mais aussi aux céréales, aux tomates séchées, au saumon, aux herbes variées, que sais-je encore… Les possibilités ne manquent pas. Là encore, je doute de la durabilité de l’effet.

Au final, je ne sais pas bien si on continuera à développer de tels concepts, mais ceux présents actuellement sur le marché remportent tout de même un certain public. Pensez-vous que tout cela sera durable ? Etes-vous client ?

Réflexions

15
Sep

2011

Les sachets à pain

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S’il y a bien un objet indispensable pour transporter le pain, c’est le sachet. Il protège, accompagne… Parfois remplacé par une simple feuille de papier, généralement pour les baguettes, il est pourtant un vrai moyen de communication, exploité par les meuniers ou les boulangers.

Toutes les boulangeries ne font pas réaliser leurs propres « écrins », et font souvent le choix d’utiliser ceux proposés par leurs différents meuniers. Il n’est pas rare de sortir d’une boulangerie avec un sac « Baguépi », « Banette », « Festival des Pains », « Ronde des Pains »… De cette façon, ces gigantesques entreprises dépassent leur simple rôle de fournisseur de farine et développent leur marque auprès du grand public. Sur chacun de ces sacs, on retrouve le développement d’une démarche qui se veut toujours la plus qualitative possible, comme si tout cela aboutissait forcément à un pain de qualité. Non, ce n’est pas toujours le cas, et malgré tous les efforts mis en oeuvre pour nous le faire croire, il y a souvent de quoi être déçu.

Au final, cela devient un véritable support d’identité, et certains boulangers l’ont bien compris. Ils mettent en avant la singularité de leurs produits et de leurs échoppes sur ces quelques centimètres de papier, au travers de leur logo, de leur nom et d’une description – parfois poussée – du produit que renferme ce fameux emballage. J’aime prendre le temps de lire ces petits détails, de rentrer dans l’univers de ces boulangers qui prennent coeur à partager leur passion. Là encore, ils développent leur marque : leur visibilité est accrue, il suffit que leurs clients sortent de la boulangerie avec cet étui pour que l’opération de communication commence. L’avantage, c’est que cela se fait de façon systématique, pour un coût assez maîtrisé. Ce n’est d’ailleurs pas forcément désagréable pour le client de porter ce genre de sac, notamment quand l’enseigne dispose d’un certain prestige. Quoi de plus classieux que de se promener avec une baguette insérée dans un écrin Fauchon au bras ? Du luxe accessible. Un peu tape à l’oeil, mais pourquoi pas.

Parfois, l’emballage devient un support de publicité, et c’est là que je deviens plus perplexe. Cela me donne l’impression d’acheter du pain sponsorisé, et je suis moyennement enchanté à cette idée. Non, ma baguette n’a pas été fabriquée par une marque quelconque, mais bien par un artisan boulanger. Je ne suis pas persuadé que les retombées en terme d’image et de ventes soient très intéressantes pour les annonceurs, de plus. Difficile de s’en rendre bien compte, en réalité, car ce ne sont pas des chiffres sur lesquels les entreprises aiment communiquer.

Ainsi, au fil de la semaine, un véritable stock d’emballage se constitue chez moi. Entre les sacs de Dominique Saibron, les sachets Lemaire, moulins Fouché, … Il y a de quoi faire, et j’avoue faire rapidement une sélection entre eux : je n’aime pas les sacs ayant tendance à être « glacés » et un peu poreux, je trouve qu’ils deviennent rapidement humides et ne favorisent pas une bonne conservation du pain. En effet, pour consommer du pain dans un bon état, le sac compte ! J’ai une nette préférence pour des sacs de type « kraft », qui demeurent généralement secs et protègent tout de même le pain inséré à l’intérieur. Et vous, quelles sont vos habitudes ?

N’ayons pas peur de le dire : certains artisans – boulangers ou pâtissiers – se croient rapidement dotés d’une supériorité et d’un sens aigu du bon et du beau dès lors qu’ils commencent à avoir un semblant de succès ou de reconnaissance. Cela ne se limite certainement pas à ces professions, c’est une réflexion plus générale, mais c’est à eux que je m’intéresse plus particulièrement ici.

Quand je goûte un produit, du pain, une pâtisserie, je retrouve un peu de la personne qui l’a conçu. L’artisanat exprime la nature des gens, leurs envies, leur façon de voir la vie. C’est peut être l’une des façons les plus sûres de découvrir et de comprendre quelqu’un, car il est difficile de mentir, de tricher.
Pour prendre un exemple récent, je goutais une pâtisserie de chez Hugo & Victor mercredi, une verrine à la poire. Enfin, à la poire. Entre une poire très sucrée et insipide, une gelée sans saveur et une crème au goût de citron plutôt que de poire, je cherche encore le fruit. Certes, le concept était amusant, le visuel attirant. Quel intérêt si le reste ne suit pas ? Hugues Pouget essayait de prouver son talent, prouver sa capacité à inventer des pâtisseries « haute couture ». Difficile de lui reprocher, cependant il serait préférable pour la satisfaction de sa clientèle de proposer des pâtisseries savoureuses, et non seulement inventives.
A l’inverse, une simple charlotte Fraise-Rhubarbe de chez Dominique Saibron remplissait bien mieux son office : la balance entre la douceur de la fraise et l’acidulé de la rhubarbe était bien là, la bavaroise à la vanille exprimait bien son parfum et le biscuit cuiller n’était pas trop sucré. C’est simple, on ne cherche pas à trop en faire, ça fonctionne. Pas de quoi être surpris ou y voir la pâtisserie du siècle, juste un produit honnête.

Je crois que le plus compliqué, c’est encore et toujours de rester simple et humble. Ne pas oublier d’où l’on vient, ce que l’on est, et vers où l’on va. Enfin, plutôt comment on y va, car je pense qu’il est plus intéressant de se concentrer sur le parcours que sur l’objectif en lui même.
Ce chemin n’est pas exempt d’obstacles et d’embuches, et la meilleure façon d’avancer est de demeurer à l’écoute des autres et des remarques qui nous sont faites. Ne pas avancer tête baissée en étant convaincu d’avoir raison.
On pourrait citer des dizaines d’exemples de personnes ayant pris le parti de se placer « au dessus » des autres, de chercher à asseoir leur supériorité. Peut-être sont-elles encore au sommet, mais cela finira par changer, leur public finira par se lasser de telles attitudes. A partir de ce moment, il sera certainement trop tard pour réagir.

Que dire d’autre à part d’inviter chacun à se concentrer sur ce qu’il sait faire, sur ce qu’il peut apporter aux autres pour améliorer un peu leur quotidien, leur vie ? Partager, tout simplement, sans calcul inutile.
Quant aux produits, eux aussi, ils doivent savoir rester simples et accessibles. Inutile de les rendre compliqués, coûteux, aristocratiques. Nous sommes dans le domaine des métiers de bouche, et je considère qu’ils sont justement empreints de cet esprit de partage et de plaisir.
Gardons les pieds sur terre… c’est tellement mieux ainsi.

Vous l’aurez peut-être remarqué, j’ai tendance à avoir un côté anarchiste et iconoclaste. Je crois en la nécessité de liberté et au fait que l’on doive tout faire pour la conserver et l’exprimer.
Pourquoi se laisser imposer des choix médiocres, pourquoi accepter de manger un pain de mauvaise qualité, qui aurait plus tendance à gâcher un repas alors qu’il devrait le sublimer ?

Comme j’ai déjà pu le souligner ici, certains restaurateurs proposent du pain plus que médiocre, de façon plus ou moins volontaire. Dans tous les cas, c’est loin d’être à l’honneur et à celui de leur table. En effet, dans certains cas, le reste des prestations est de bon niveau, mais les voilà ternies par quelques morceaux de pain. Dommage.
Au lieu de subir, reprenons un droit de regard sur ce point… ainsi a germé BOB, un joli petit nom, ou plutôt un acronyme. Bring your Own Bread. Cela reprend un peu ce que proposent déjà certains restaurants avec le vin, où il est possible de venir avec sa propre bouteille. Pourquoi nous -amateurs de mie et de croûte- ne ferions-nous pas pareil ?

Ma proposition a également pour objectif de faire évoluer les mentalités et de renverser le cours des choses. Pour cela, il faut rendre l’initiative visible, et c’est là que le painrisien intervient :
– Vous vous rendez à une table, vous dégustez le repas et êtes vraiment déçus par la qualité du pain proposé.
– En bons painrisiens, vous avez demandé votre « kit » BOB qui sera proposé si tout cela se met en place, constitué de quelques explications mais surtout de « cartes de visite ». Suite à votre repas, vous remettez une de ces fameuses cartes au restaurateur. Dessus, un message tout simple : ne négligez pas le pain ! – mais surtout, tant que ce sera le cas, nous apporterons nos propres baguettes, miches ou diverses formes.
– Une fois rentrés chez vous ou avec votre téléphone mobile, vous saisissez sur le painrisien les informations au sujet du restaurant où vous considérez qu’il est nécessaire de pratiquer le « BOB », ainsi que vos remarques au sujet du pain.

De cette façon, la communauté profite de votre expérience et cela peut amener la profession à se poser des questions sur ses choix, à évoluer.
Bien entendu, tout cela reste encore une idée, un projet parmi d’autres, et cela ne peut se faire sans VOUS, amateurs de pains et painrisiens ! C’est pour cela qu’avant tout, j’aimerais avoir votre avis : qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à commenter suite à cette note, ou bien à me contacter directement. Merci !