J’ai du mal à trouver cette cohabitation de deux métiers au sein de mêmes formations et boutiques pertinente.

Pour moi, ce sont tout simplement deux sensibilités différentes, le pâtissier travaillera sur des accords de saveurs, de textures, de sensations… Le boulanger, quant à lui, aura coeur à rendre son pain savoureux, craquant, … au travers du pétrissage, du façonnage ou encore de la cuisson. Certes, on retrouve l’utilisation de la farine, de l’eau entre autres choses, mais le résultat n’aura pas les mêmes objectifs. Tandis que le pain constitue quelque chose d’assez essentiel, les pâtisseries se rapportent plus à du superflu, à un plaisir éphémère.
Je ne suis pas persuadé que les deux profils puissent être compatibles, car le boulanger aura un travail physique, certainement moins créatif. Le pâtissier pourra se perdre dans croquis, notes et carnets…

Bien entendu, les artisans sont formés aux deux métiers dans la plupart des cas, ce qui leur donne des compétences indéniables pour réaliser aussi bien des pains que des gâteaux. Ce n’est pas tant une question technique que créative, de perfectionnement. Je pense que dès lors que l’on se consacre à une activité, on prend coeur à devenir meilleur dans celle-ci, à dépasser la simple pratique des tâches quotidiennes. C’est très important dans un métier artisanal, où l’amour de ce que l’on fait tiendra une place importante dans la qualité du résultat. Et en terme d’amour, nous sommes généralement l’amant d’une femme… et pas de deux.

Comme pour à peu près toute activité humaine, à trop vouloir en faire, on ne parvient qu’à en faire moins. Je pense que l’important, c’est de savoir le domaine dans lequel on est compétent, dans lequel on sera le plus à même à apporter de la valeur. Egalement, on parle bien d’alimentaire ! L’important est donc de limiter les pertes et les risques. Il est tout à fait pertinent (voire indispensable) de travailler sur des gammes courtes, avec des produits de saison, en limitant l’appel aux produits surgelés – particulièrement ceux déjà finis.

C’est tout un débat à mener, et les deux parties défendent leurs points de vue avec passion. L’argument économique n’est pas à négliger également : la pâtisserie permet de proposer des produits à plus forte marge, à l’inverse du pain sur lequel il est difficile de faire varier les tarifs. Pour ma part, le choix est fait, mais il appartient à chacun de faire le sien !

 

Non classé

12
Avr

2011

painrisien et plus encore

J’ai souvent parcouru Paris à l’aube pour aller chercher du pain, mais dans le fond, je crois que je cherchais autre chose… Certainement pas mon chemin pour aller travailler, non, celui là je le connaissais. Ce n’était pas une simple baguette que je voulais, c’était ce pain qui me réchaufferait un peu le coeur, qui ne ferait pas que nourrir mon corps mais aussi mon esprit, quelque chose de vivant, créé avec amour.
Parfois il faisait froid – l’hiver a été rude. A pieds ou bien à vélo (difficile de raconter ces escapades enneigées en Velib’), je continuais à avancer. Sans bien savoir si la boulangerie serait la fin du périple ou bien son début. Le pain doit être un voyage des sens… Du craquant, des parfums, des sons… On ne doit pas faire que manger ce pain quotidien, on doit aussi chercher celui de nos souvenirs, revenir en arrière pour avancer.

J’habite en banlieue. 23 minutes en RER de Paris. C’est peut être idiot d’être devenu painrisien. Je crois juste que je ne le serais pas devenu si j’avais trouvé ce que je cherchais à côté de chez moi, c’est à dire un pain de qualité, quelque chose qui me donne envie de manger, parce que c’est vraiment de ça dont j’avais besoin à un moment. Seulement, les boulangeries de ma ville étaient loin de susciter cette envie. Si j’écris sur painrisien, c’est aussi pour inciter chacun à chercher des produits de qualité, mais aussi parvenir à faire changer les choses : les habitudes de beaucoup d’artisans doivent changer, dans l’idée de privilégier le goût, le bon et non plus la productivité. En tant que consommateur, la démarche est assez simple au final : ne plus être clients, aller voir ailleurs. Au fil du temps, cela aura forcément un effet.

Attention, je ne vous demande pas tous de devenir painrisiens 😉 ce serait déplacé et idiot. Non, je voudrais juste appeler chacun à être curieux, à prendre juste un peu de temps un jour libre pour essayer de découvrir d’autres produits… l’occasion de se promener !

Allez, c’est parti ? Adoptons l’état d’esprit painrisien !

… cet article vous est proposé avec les baguettes Campaillette. Quoi de mieux que ce trait d’humour pour introduire un tel billet ? D’accord, cela n’a rien de drôle, en réalité. Ces dernières années, les principaux meuniers (les Grands Moulins de Paris, les moulins Soufflet (Baguépi), le groupement Festival des Pains, les meuniers Banette…) n’ont cessé de faire en sorte que l’offre en boulangerie ne cesse de s’uniformiser, en renforçant la présence de leurs marques et de leurs recettes.

Baguépi, Ronde des Pains, Festival des Pains, Banette… Les enseignes en font presque oublier l’importance du travail de l’artisan et l’impact que celui-ci aura sur la qualité du produit final. Dans chaque boulangerie, on retrouvera des Campaillette, Festive ou encore Banette 1900… Recette standardisée, tout se ressemble. Est-ce ce dont le consommateur a besoin aujourd’hui : des repères, des balises, pour lui dire ce qu’il faut acheter ? C’est possible. Cela constitue une forme de conformisme rassurant, il n’y a pas de prise de risque.

Pour autant, le goût dans tout ça ? Il passe au second plan, tout simplement. L’objectif, c’est d’être productif, flexible, de faciliter le travail de l' »artisan » boulanger. Additifs, protéines rajoutées dans la farine… Tout y passe. Quel impact sur la santé du consommateur ? Nous ne disposons certainement pas du recul suffisant pour en juger. Tout cela n’est même pas réellement utile, dans le fond. Si des méthodes de fabrication plus traditionnelles, respectueuses du temps et des ingrédients, étaient employées, le reste viendrait naturellement. Ce n’est certainement pas dans l’air du temps : il faut être productif et engranger du chiffre !

En plus de cela, la variété des pains que l’on retrouve sur les tables est, de fait, limitée. Il existe pourtant tellement de farines intéressantes (l’épeautre, le kamut, le blé noir…) qui permettent de varier les saveurs et de sortir du froment habituel, ou bien des quelques céréales ajoutées. C’est l’occasion de sublimer des plats, de créer des associations mets-pains parfois insolites… Il faut seulement en avoir la volonté et la possibilité. Possibilité que nos boulangeries offrent trop rarement.

Cette phrase me fait un peu trembler, et pourtant je l’entends si souvent.
Ces dernières années, la plupart des consommateurs de pain ont pris l’habitude de consommer des produits à la croûte bien molle, peu cuite et dorée. Cela fait les affaires des terminaux de cuisson, qui fournissent ainsi un pain en ligne avec les attentes des clients… Un pain sans arôme, sans vie et sans intérêt.

La cuisson créé une bonne partie des arômes du pain. S’il n’est pas assez cuit, il aura un goût de farine, en plus d’offrir une texture assez douteuse… A l’inverse, une croute bien dorée offrira à la dégustation un éventail riche et varié de saveurs… Noisette souvent, mais cela peut aller bien plus loin : miel, fleurs… Bien entendu, cela doit s’accompagner d’un travail en amont : longue fermentation, farines de qualité, pétrissage respecté…

Cela ne se limite pas au goût ! Un pain « bien cuit » se conservera mieux. Moins sensible aux « attaques » de l’air, il gardera plus longtemps l’ensemble de ses qualités organoleptiques. Quoi de plus désagréable que de mâcher du caoutchouc ?

Attention, la cuisson, ce n’est pas une mince affaire ! Cela demande une grande maîtrise de son métier : en effet, selon les conditions climatiques (froid, chaud, pluie…), il sera nécessaire d’adapter les temps de cuisson. Le boulanger doit être attentif, réactif et impliqué. Des qualités qui me semblent bien trop souvent manquantes. Le four doit aussi participer à cet effort : tous ne se valent pas et ils produiront des résultats différents. Là encore, la volonté du boulanger doit s’affirmer : pas de bon pain sans un matériel de qualité… Il doit ainsi investir ! Un four à sole de pierre permet au pain de développer ses arômes. On reconnaît son utilisation car les baguettes ont un fond « plat », à l’inverse de celles cuites dans un four à chariot qui présenteront un fond « grillagé ».
D’autres éléments rentrent en ligne de compte, comme la nature du chauffage. Les fours à bois sont souvent utilisés comme un argument de vente. Or, il ne reste que très peu de « vrais » fours à bois en activité. En effet, on peut distinguer deux catégories distinctes : ceux qui cuisent réellement le pain au bois, et les fours « chauffés au bois ». Dans le premier cas, la flamme contribue directement à la cuisson, dans le second cas ce n’est qu’indirect. Seuls les premiers apportent une véritable valeur ajoutée au pain, avec un goût « fumé » et la possibilité de faire varier les arômes selon les essences utilisées.
On retrouve un de ces fours dans la boulangerie de Véronique Mauclerc au 83 rue de Crimée dans le 18è arrondissement, à deux pas des Buttes Chaumont. En plus de cuire, il contribue au spectacle ! En effet, il est visible aux yeux des clients, cela produit toujours un effet impressionnant. (c’est un des plus anciens fours de Paris. De type « Gueulard », il affiche plus de 100 ans au compteur !)

Certains boulangers ont fait le choix d' »éduquer » leurs clients au pain « bien cuit ». C’est notamment le cas de Christophe Vasseur (Du pain et des idées, 34 rue Yves Toudic, Paris 10è) chez qui vous ne trouverez que des produits… (très) cuits ! Son Pain des Amis, sa Flute à l’ancienne mais également ses viennoiseries affichent une belle couleur et sincèrement, c’est un vrai plaisir à la dégustation.

Alors la prochaine fois que vous irez chez votre boulanger, demandez une baguette bien cuite, c’est tellement meilleur !

 

A Paris, tout prend rapidement des proportions incroyables. Comme dans toute capitale, on y trouve de nombreux commerces aux activités plus ou moins similaires. Cafés, brasseries, supermarchés, fleuristes, bouchers… et boulangers, notamment. Or, nous sommes en France, pays de la baguette. Le pain fait partie de notre culture, nous portons une réputation d’excellence qui rayonne bien au delà de nos frontières.

Dans les faits, j’aurais tendance à penser que la situation est un peu plus contrastée et compliquée. Certes, nous formons de très bons artisans, mais aussi de très mauvais. Comment expliquer cela ? Certainement par le fait que la voie de la boulangerie est souvent choisie par défaut. C’est un secteur demandeur d’emploi, et il n’est pas difficile de trouver un poste, à l’inverse de la situation dans d’autres branches. Les principaux pré-requis ? Des bras, accepter des horaires décalés.
Malheureusement, je ne suis pas certain que cela suffise pour parvenir à faire du bon pain. A mon sens, la passion est essentielle. La meilleure preuve pourrait bien être le fait que des artisans issus de reconversions professionnelles sont souvent primés ou reconnus (pour n’en citer que quelques uns, Christophe Vasseur chez Du Pain et des Idées, Benjamin Turquier au 134 RdT, Thierry Dubois au Pain d’Epis…). Pour eux, la boulangerie est un choix, porté par l’amour du pain.

L’autre problème de notre boulangerie moderne, c’est aussi la volonté de produire toujours plus en des temps très limités. D’où l’utilisation d’additifs… et de beaucoup de levure ! Les meuniers ne sont pas étrangers à cette tendance. Ils sont par ailleurs toujours enclins à proposer leurs « mix », bases pré-conçues et standardisées. C’est ainsi qu’arrivent sur nos tables des Campaillettes, des Baguépi, … Certes, le savoir-faire de l’artisan rentre toujours en ligne de compte mais les diagrammes de fabrication sont les mêmes, et une attention toute particulière est portée à la « flexibilité », à l’assurance d’une production rapide et facilitée. Est-ce ainsi que l’on parvient à faire du bon pain ? Pas sûr.

Descendons maintenant dans la rue, regardons simplement autour de nous au détour de nos promenades quotidiennes. Peu d’artisans font le choix de développer leur gamme autour de leur propre savoir-faire. Ronde des Pains, Festival des Pains, Banette… D’un bout à l’autre de la France, l’offre se ressemble étrangement. C’est d’un ennui terrible ! Où passent les spécialités, les créations ?
Paris n’y fait pas exception. Ainsi, trouver une bonne boulangerie n’est pas une chose facile. Des guides sont parus (Michel et Augustin ont écrit le plus célèbre… il y a déjà presque 6 ans!), apportant un peu de visibilité aux bonnes adresses de la capitale. Malheureusement, tout change, la ville bouge. Les bonnes adresses d’hier ne sont plus forcément celles d’aujourd’hui. (changement de propriétaire, d’équipes, de meunier…)
Une des tâches de Painrisien ? Vous aider à manger du bon pain tous les jours 😉