Cette phrase me fait un peu trembler, et pourtant je l’entends si souvent.
Ces dernières années, la plupart des consommateurs de pain ont pris l’habitude de consommer des produits à la croûte bien molle, peu cuite et dorée. Cela fait les affaires des terminaux de cuisson, qui fournissent ainsi un pain en ligne avec les attentes des clients… Un pain sans arôme, sans vie et sans intérêt.

La cuisson créé une bonne partie des arômes du pain. S’il n’est pas assez cuit, il aura un goût de farine, en plus d’offrir une texture assez douteuse… A l’inverse, une croute bien dorée offrira à la dégustation un éventail riche et varié de saveurs… Noisette souvent, mais cela peut aller bien plus loin : miel, fleurs… Bien entendu, cela doit s’accompagner d’un travail en amont : longue fermentation, farines de qualité, pétrissage respecté…

Cela ne se limite pas au goût ! Un pain « bien cuit » se conservera mieux. Moins sensible aux « attaques » de l’air, il gardera plus longtemps l’ensemble de ses qualités organoleptiques. Quoi de plus désagréable que de mâcher du caoutchouc ?

Attention, la cuisson, ce n’est pas une mince affaire ! Cela demande une grande maîtrise de son métier : en effet, selon les conditions climatiques (froid, chaud, pluie…), il sera nécessaire d’adapter les temps de cuisson. Le boulanger doit être attentif, réactif et impliqué. Des qualités qui me semblent bien trop souvent manquantes. Le four doit aussi participer à cet effort : tous ne se valent pas et ils produiront des résultats différents. Là encore, la volonté du boulanger doit s’affirmer : pas de bon pain sans un matériel de qualité… Il doit ainsi investir ! Un four à sole de pierre permet au pain de développer ses arômes. On reconnaît son utilisation car les baguettes ont un fond « plat », à l’inverse de celles cuites dans un four à chariot qui présenteront un fond « grillagé ».
D’autres éléments rentrent en ligne de compte, comme la nature du chauffage. Les fours à bois sont souvent utilisés comme un argument de vente. Or, il ne reste que très peu de « vrais » fours à bois en activité. En effet, on peut distinguer deux catégories distinctes : ceux qui cuisent réellement le pain au bois, et les fours « chauffés au bois ». Dans le premier cas, la flamme contribue directement à la cuisson, dans le second cas ce n’est qu’indirect. Seuls les premiers apportent une véritable valeur ajoutée au pain, avec un goût « fumé » et la possibilité de faire varier les arômes selon les essences utilisées.
On retrouve un de ces fours dans la boulangerie de Véronique Mauclerc au 83 rue de Crimée dans le 18è arrondissement, à deux pas des Buttes Chaumont. En plus de cuire, il contribue au spectacle ! En effet, il est visible aux yeux des clients, cela produit toujours un effet impressionnant. (c’est un des plus anciens fours de Paris. De type « Gueulard », il affiche plus de 100 ans au compteur !)

Certains boulangers ont fait le choix d' »éduquer » leurs clients au pain « bien cuit ». C’est notamment le cas de Christophe Vasseur (Du pain et des idées, 34 rue Yves Toudic, Paris 10è) chez qui vous ne trouverez que des produits… (très) cuits ! Son Pain des Amis, sa Flute à l’ancienne mais également ses viennoiseries affichent une belle couleur et sincèrement, c’est un vrai plaisir à la dégustation.

Alors la prochaine fois que vous irez chez votre boulanger, demandez une baguette bien cuite, c’est tellement meilleur !

 

A Paris, tout prend rapidement des proportions incroyables. Comme dans toute capitale, on y trouve de nombreux commerces aux activités plus ou moins similaires. Cafés, brasseries, supermarchés, fleuristes, bouchers… et boulangers, notamment. Or, nous sommes en France, pays de la baguette. Le pain fait partie de notre culture, nous portons une réputation d’excellence qui rayonne bien au delà de nos frontières.

Dans les faits, j’aurais tendance à penser que la situation est un peu plus contrastée et compliquée. Certes, nous formons de très bons artisans, mais aussi de très mauvais. Comment expliquer cela ? Certainement par le fait que la voie de la boulangerie est souvent choisie par défaut. C’est un secteur demandeur d’emploi, et il n’est pas difficile de trouver un poste, à l’inverse de la situation dans d’autres branches. Les principaux pré-requis ? Des bras, accepter des horaires décalés.
Malheureusement, je ne suis pas certain que cela suffise pour parvenir à faire du bon pain. A mon sens, la passion est essentielle. La meilleure preuve pourrait bien être le fait que des artisans issus de reconversions professionnelles sont souvent primés ou reconnus (pour n’en citer que quelques uns, Christophe Vasseur chez Du Pain et des Idées, Benjamin Turquier au 134 RdT, Thierry Dubois au Pain d’Epis…). Pour eux, la boulangerie est un choix, porté par l’amour du pain.

L’autre problème de notre boulangerie moderne, c’est aussi la volonté de produire toujours plus en des temps très limités. D’où l’utilisation d’additifs… et de beaucoup de levure ! Les meuniers ne sont pas étrangers à cette tendance. Ils sont par ailleurs toujours enclins à proposer leurs « mix », bases pré-conçues et standardisées. C’est ainsi qu’arrivent sur nos tables des Campaillettes, des Baguépi, … Certes, le savoir-faire de l’artisan rentre toujours en ligne de compte mais les diagrammes de fabrication sont les mêmes, et une attention toute particulière est portée à la « flexibilité », à l’assurance d’une production rapide et facilitée. Est-ce ainsi que l’on parvient à faire du bon pain ? Pas sûr.

Descendons maintenant dans la rue, regardons simplement autour de nous au détour de nos promenades quotidiennes. Peu d’artisans font le choix de développer leur gamme autour de leur propre savoir-faire. Ronde des Pains, Festival des Pains, Banette… D’un bout à l’autre de la France, l’offre se ressemble étrangement. C’est d’un ennui terrible ! Où passent les spécialités, les créations ?
Paris n’y fait pas exception. Ainsi, trouver une bonne boulangerie n’est pas une chose facile. Des guides sont parus (Michel et Augustin ont écrit le plus célèbre… il y a déjà presque 6 ans!), apportant un peu de visibilité aux bonnes adresses de la capitale. Malheureusement, tout change, la ville bouge. Les bonnes adresses d’hier ne sont plus forcément celles d’aujourd’hui. (changement de propriétaire, d’équipes, de meunier…)
Une des tâches de Painrisien ? Vous aider à manger du bon pain tous les jours 😉

Billets d'humeur

10
Fév

2011

Je suis un painrisien

L’histoire commence ici. Ou plutôt, elle a commencé il y a de cela plusieurs mois.
C’est marrant, parfois, la vie. Le pain et moi, c’est un peu une rencontre, un échange.

Ainsi au fil du temps je suis devenu un painrisien. Drôle de mot. D’ailleurs, qu’est-ce que c’est ? Avant tout un étrange individu capable de traverser Paris – à pieds, à vélo, à métro – pour chercher quelque chose qu’il pourrait très bien trouver en bas de chez lui. Du pain, juste du pain.

Longtemps j’ai fait comme beaucoup. J’achetais mon pain en supermarché, j’avais juste oublié que cela pouvait avoir de la saveur, que cela pouvait vivre. De la farine, de l’eau, du sel, de la levure (et/ou du levain)… Cela fait peu d’ingrédients en apparence, donc peu de possibilités de diversité. Seulement, il y a aussi un savoir faire, de la passion, de l’amour tout simplement.

Le pain, c’est aussi pour moi l’histoire d’un partage quotidien. On « rompt le pain » entre amis, en famille, mais on échange aussi avec ces personnes – parfois passionnées, parfois (malheureusement !) moins. Rencontrer ces artisans passionnés, ces vendeurs emprunts de l’amour du produit me donne l’envie de partager à mon tour, de donner à chacun d’eux la visibilité et le succès qu’ils méritent. C’est pour ça que je suis là aujourd’hui. Pour partager, c’est tout.

Mais alors, ce sera quoi ce fameux site, painrisien ? Bien plus qu’un guide des boulangeries, des lieux gourmands de la capitale, je veux en faire un lieu de vie, rempli d’instantanés, pour vous faire partager ce mouvement perpétuel et répété, toujours différemment, chaque jour. Je veux vous raconter une belle histoire parisienne, même si je ne le suis pas moi même (le painrisien est banlieusard, un comble !)…

Maintenant que le manifeste est écrit, allons-y, c’est parti ?