Je vous avais déjà un peu parlé de la féminisation des fournils, du thème de la Fête du Pain l’an passé « la boulangerie au féminin »… En théorie, tout cela est bien joli, la filière semble vouloir s’ouvrir aux femmes, les intégrer et les considérer comme les égaux des hommes. En pratique, leur intégration se révèle bien plus difficile, et on m’indiquait récemment que beaucoup de boulangères ou pâtissières finissaient par abandonner le métier malgré la formation qu’elles avaient suivi, qu’elle soit initiale ou en reconversion. Un constat plutôt triste, qui tient à mon sens autant en la difficulté du métier qu’à l’absence de bonne volonté et d’ouverture chez nombre de professionnels, qui entretiennent encore aujourd’hui une vision passéiste de leur profession.
Au delà de la « base », parlons aussi des instances dirigeantes et des entreprises qui composent la filière. Vous aviez dit pari-quoi ? Je n’ai pas vu beaucoup de femmes à responsabilité au sein de la confédération, ni même dans les entreprises de meunerie. Heureusement, il existe des exceptions. En effet, chez Decollogne, le poste de PDG se décline au féminin, puisque c’est Marie-Lucie Jacquey qui l’occupe, assurant ainsi la suite du président « historique », Jacques Denizet. Elle avait rejoint le groupe Dijon Céréales, auquel appartient le meunier, en tant que directrice adjointe Marketing et Développement courant 2011.
Pour cette jeune dirigeante dynamique – seulement 33 ans ! -, la meunerie demeure un secteur assez nouveau puisqu’elle a effectué l’essentiel de son parcours aux Etats-Unis, dans le domaine de l’agro-alimentaire. Cela lui permet d’apporter un regard extérieur, non engagé dans les nombreuses querelles de clocher qui parasitent le milieu. Son absence de formation meunière ne l’empêche pas de porter aujourd’hui la marque Decollogne avec beaucoup de dynamisme, et une envie de relever le challenge qui lui a été confié.
Il faut dire que le secteur est ultra concurrentiel, avec des acteurs prêts à tout pour s’imposer : bien sûr, le premier levier demeure les tarifs, sur lesquels certains n’hésitent pas à tirer plus que de raison. Loin d’apaiser la guerre, les artisans jouent le jeu et mettent en compétition leurs fournisseurs potentiels pour obtenir la farine le moins cher possible.
Marie-Lucie Jacquey et son équipe doivent donc défendre leur produit, tout en mettant en avant son caractère qualitatif et engagé.
En effet, même si l’on peut souvent reprocher à Decollogne le fait d’appartenir à un important groupement céréalier – en l’occurrence Dijon Céréales -, ce dernier a fait le choix d’investir dans le Bio et y consacre des ressources toujours plus importantes. Sur le plan humain, tout d’abord, avec des embauches régulières, mais aussi au travers d’un outil de production. Ainsi, le moulin historique de Précy-sur-Marne a été rejoint par un second, situé à Aiserey, en Bourgogne. Dans cette ancienne usine à sucre, les meules de pierre et cylindres sont entièrement dédiées à la production biologique et offrent une capacité d’écrasement de 25000T/jour, soit un peu plus du double qu’en Seine et Marne.
Toutes ces capacités ne sont pas utilisées, et cela fait partie de la lourde tâche de la PDG de les remplir. A commencer par une redynamisation du site de Précy, à présent dédié aux farines dites conventionnelles. Il ne faudrait pas pour autant oublier la démarche développée par le groupe, qui cherche à créer une véritable dynamique en Bourgogne autour de l’agriculture Biologique. Collaborations étroites avec les coopératives, mise en place d’un « club Bio Decollogne » regroupant des acteurs de la filière blé-farine-pain, centres de formation…
Cela amène Marie-Lucie Jacquey a parcourir la France pour porter son projet, auprès de ses clients ainsi que dans des salons professionnels… mais aussi à l’international, où l’entreprise trouve de nouveaux débouchés. A commencer par le Japon, avec des clients toujours plus nombreux (Dominique Saibron et ses implantations nippones en fait partie historiquement, et a participé à l’introduction de la marque sur ce marché), mais aussi en Chine prochainement… La liste ne demande qu’à s’étendre.
Grâce à sa forte sensibilité marketing, la dirigeante rattrape peu à peu le retard qu’avait pris sa marque sur ce plan au cours de ces dernières années, un fait regrettable aujourd’hui puisqu’il limite d’autant la visibilité des produits auprès des clients potentiels.
D’ailleurs, en parlant de clients, nous pourrons bientôt nous procurer la farine Decollogne pour réaliser chez nous des pains ou pâtisseries biologiques. En effet, une gamme destinée au grand public est en cours de développement, en plus des travaux sur des propositions plus gourmandes chez nos artisans boulangers (autour de la brioche et du croissant, notamment). Bref, de nombreux développements en perspective pour cette marque engagée… et dynamique !