On dit souvent aux enfants que la curiosité est un vilain défaut. C’est possible. Du moins, je serais tenté de dire qu’elle peut parfois être un défaut menant à des expériences désagréables, ce qui permettrait sans doute de la qualifier de vilaine. Dans tous les cas, elle me pousse parfois à aller voir des endroits que je pressens relativement peu intéressants. Autant cela permet de faire quelques découvertes agréables, autant j’ai souvent l’occasion de ne « pas être déçu » pour ainsi dire…

Cela faisait quelques temps que je voulais savoir ce qu’était devenue la boulangerie Pain d’Epis, où officiait précédemment Thierry Dubois. Je vous avais annoncé sa fermeture il y a quelques mois ainsi que son acquisition par l’enseigne Bon’heur de pains. Depuis, les travaux qui ont suivi se sont terminés et la chaleureuse boutique aux tons orangés a fait place à un décor résolument moderne… et plastique.

Ne cherchez pas une once d’authenticité ici, vous êtes bien dans une boulangerie « de chaîne » malgré le fait qu’elle se réclame artisanale, le pain étant en effet réalisé sur place. Dès l’entrée, on est interloqués par cet écran disposé sous le présentoir principal de la boutique, diffusant en boucle les « concepts » développés par la marque. Tout cela est bien entendu agrémenté de jolies images artificielles, selon lesquelles le monde serait parfait et souriant. On aimerait que ce soit le cas, mais malheureusement, les produits présentés ici ne parviendront pas à réaliser ce résultat.

Regardez le bel écran sous le présentoir...!

Du pain frais toute la journée ? Oui, d’accord. Les propriétaires de l’enseigne semblent vouloir capitaliser sur ce qui fait la force du système Paneotrad, c’est à dire la possibilité de réaliser de petites fournées et de cuire en continu, presque à la demande. Rien de bien révolutionnaire, puisque d’autres boulangers parisiens utilisent – beaucoup mieux, d’ailleurs – la même technologie de non-façonnage. Regardez comme cela peut produire des baguettes élégantes et à l’allure bien industrielle quand le travail est réalisé sans aucune passion ni envie.

Dépassons le visuel pour nous intéresser au goût, à la qualité générale du produit. Chez Bon’heur de pains, on n’a décidément pas froid aux yeux. En effet, le nom de la baguette de tradition de Thierry Dubois a été conservé. La Royale trône toujours fièrement en boutique, mais cela n’a plus rien à voir. Certainement fallait-il tenter de conserver quelques repères pour les consommateurs locaux. Le problème, c’est que cette baguette demeure royalement insipide, même si dotée d’une croûte craquante et fine, d’une mie relativement alvéolée – un peu sèche – et d’une mâche assez agréable. Cela ne compense pas pour autant cette absence de goût.

Le dessous d'une Royale... ce n'est ni beau, ni soigné.

Le reste de la gamme de pains ne présente pas beaucoup plus d’intérêt, malgré la diversité présente. Tourte de seigle, pavé aux olives, « forêt noire », campagne, pain au maïs… L’ensemble demeure plutôt sec et onéreux, bien loin d’être justifié par la qualité des produits.

Les pâtisseries demeurent très simples, accessibles et pâtissières mais ne parviennent pas à attirer l’intérêt, elle pourront compléter une formule déjeuner sans difficulté si l’on met de côté le caractère probablement industriel de ces produits. Pas d’exploit non plus du côté des viennoiseries, bien grasses et sans grande finesse.

L’offre salée décline sandwiches, wraps, quiches et salades avec là encore la même constante quant à un aspect peu artisanal et moyennement qualitatif. On doit cependant reconnaître le fait que les prix restent abordables, même si cela n’explique ni ne justifie rien.

Point positif pour l’accueil, efficace et plutôt sympathique. Les clients sont servis rapidement et avec le sourire. En caisse, une de ces fameuses machines à pièce est présente, rien de bien étonnant vu l’endroit.

Infos pratiques

63 avenue Bosquet 75007 PARIS (métro Ecole Militaire, ligne 8) / tél : 01 45 51 75 01
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h, le dimanche de 8h00 à 20h00

Avis résumé

Pain ? Plutôt sec, insipide, que ce soit du côté de la baguette de tradition (la Royale) ou de la gamme de pains spéciaux. Certes, les croûtes sont assez présentes même si la cuisson des baguettes a tendance à être trop courte, mais autant au nez qu’à la dégustation, bien peu d’arômes s’expriment. Ce n’est pas trop salé, ça n’est pas acide, mais ça n’est pas bon pour autant. La diviseuse Panéotrad utilisée ici nous fournit une absence de façonnage bien peu élégante.
Accueil ? Efficace, souriant et assez sympathique, c’est certainement du côté de l’humain que cette boulangerie s’en sort le mieux, ce qui serait presque surprenant. N’attendez pas toutefois une grande formation du personnel autour des produits.
Le reste ? Que ce soit en sucré, avec des pâtisseries, viennoiseries et autres gourmandises, la boulangerie demeure dans des gammes simples sans pour autant offrir des saveurs authentiques et intéressantes. L’offre salée ne relève pas le niveau  même si le tout est propre et frais, ce qui est à mettre au crédit de l’enseigne.

Faut-il y aller ? On ne peut que regretter le départ de M. Dubois de cet emplacement. Il savait en effet proposer des pains de très bonne qualité, savoureux et offrant une bonne conservation. Aujourd’hui, seuls quelques noms subsistent, comme la baguette Royale. Malheureusement, cela n’a plus rien à voir, que ce soit en terme de goût ou de qualité globale. C’est plutôt sec, sans intérêt. On passera donc notre tour, même si le pain est « toujours frais ». J’ai passer à la mauvaise heure pour le goût et les saveurs gourmandes… pas de quoi trouver du bon’heur en tout cas.

Certaines régions offrent un terroir abondant, avec de nombreuses spécialités locales, ce qui rend presque nécessaire l' »export » vers d’autres zones voire pays pour écouler l’ensemble de la production et parvenir à faire vivre économiquement le territoire. D’autant plus quand il s’agit d’une île, ce qui limite mathématiquement la population locale et donc la consommation des dits-produits, même si le tourisme peut amener une clientèle de passage.

La Corse regorge de propositions culinaires au caractère affirmé, très « terroir ». Il y a bien sûr la châtaigne, mais aussi de nombreuses charcuteries (coppa, lonzu, figatellu…), fromages (brocciu, canestrelli…) et autres fruits (agrumes, notamment, avec le cédrat et la clémentine). Un large choix qui permet de composer un repas très gourmand et presque « canaille », pour ainsi dire.
L’avantage de ces produits, c’est qu’ils se conservent et voyagent très bien, permettant aux différents producteurs de trouver des débouchés un peu partout en Métropole… et bien sûr à Paris, où les épiceries corses ne manquent pas.

Ce qui est moins fréquent, ce sont les boulangeries corses. Je dois même avouer ne pas en connaître d’autres. Pour autant, la boulangerie Ghisoni, installée à deux pas de la place Saint-Augustin, dans le 8è arrondissement, ne peut pas renier ses origines. Dès la vitrine, les confitures corses annoncent la couleur et nous transportent sur l’île de Beauté pour un petit voyage gastronomique…
A l’intérieur, le dépaysement continue avec des victuailles qui nous prouvent bien l’attachement de cet artisan à son terroir. En effet, avant d’être présent à Paris, Dominique Ghisoni est un boulanger implanté à Bastia, ce qui lui permet de nous ramener tous les parfums et les traditions locaux.

Si l’on choisit de s’intéresser à la boulangerie « pure », on passe rapidement sur la baguette de tradition, juste correcte, sans intérêt particulier et affichant des cuissons trop courtes. Ce qui attire notre envie et notre attention, ce sont les pains « typés », tel que ce bâtard aux figues et noix, ce pain à la châtaigne moelleux et bien parfumé ou encore ces fougasses et pains aux olives. Les façonnages sont soignés, les arômes bien présents et ces pains nous transmettent tout le charme de l’île. Conservation acceptable et tarifs modérés.

Cependant, ce qui remporte certainement le plus de succès ici, d’autant plus au vu de l’orientation « d’affaires » du quartier, ce sont les produits de la gamme traiteur. Les sandwiches font la part belle aux spécialités corses, comme on pouvait s’y attendre : coppa, brocciu, panzatta…  Rien ne manque, tout comme du côté des salades où les fromages locaux s’insèrent sans difficulté. La maison propose également divers plats chauds, différents selon les jours. L’ensemble est généreux et savoureux, plutôt bien réalisé et frais.
Pour finir son repas en beauté, des pâtisseries très classiques sont proposées – éclairs, millefeuilles, tartes individuelles ainsi qu’une large sélection de flans ou tartes aux fruits à la part. Rien d’exceptionnel, des produits relativement honnêtes. On s’attardera plus sur les différentes gourmandises typiquement corses que peut nous proposer la boulangerie Ghisoni, comme les Canistrelli.

A noter également l’offre d’épicerie, entre vins corses, confitures diverses, charcuteries (saucissons secs, notamment) ou diverses terrines. De quoi emmener un peu de l' »expérience » et du voyage chez soi, même si de nombreuses boutiques sont présentes sur ce créneau dans notre belle capitale.

On apprécie l’espace de dégustation, déployé dans un décor « boisé » bien agréable et apaisant. D’ailleurs, il est possible de s’y retrouver le samedi, de 11h30 à 16h, pour un brunch à volonté décliné autour des spécialités corses. Pour 25 euros, les plus gourmands y trouveront certainement leur compte.
Terminons notre tour d’horizon par l’accueil, pas forcément très enthousiaste ni chaleureux, il ne parvient pas à nous transmettre une quelconque passion pour ces produits typés, qui mériteraient pourtant d’être défendus avec plus de coeur.

Infos pratiques

51 rue Laborde – 75008 Paris (métro Saint-Augustin, lignes 9 et 14) / tél : 01 40 08 06 54
ouvert du lundi au samedi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? Chez Ghisoni, on s’intéresse surtout aux pains spéciaux et à ces créations qui nous transportent dans le maquis, tel que ce pain aux figues et aux noix, à la châtaigne (bien moelleux et parfumé, très agréable !), ou encore les fougasses et pains aux olives. Diverses ficelles au fromage et pains aux céréales complètent la gamme. La baguette de tradition est acceptable, sans grand intérêt. Les prix sont tout à fait modérés et correspondent plutôt bien à la qualité des produits, façonnés avec soin et assez savoureux.
Accueil ? On aurait aimé retrouver le charme légendaire des corses, des accents chantants, une passion pour ce terroir si particulier. Malheureusement, rien de tout ça, le service est réalisé sans grand enthousiasme ni chaleur.
Le reste ? La force de l’endroit, c’est sans doute son offre traiteur faisant la part belle aux spécialités corses. Sandwiches à la coppa, au brocciu, à la panzatta… ainsi que diverses salades composées ou plats chauds déclinés selon les jours. Les diverses gourmandises corses nous séduiront plus que les pâtisseries, très traditionnelles, ou les viennoiseries, sans intérêt. On appréciera le fait de pouvoir sortir de table en faisant quelques emplettes dans les étagères de l’offre d’épicerie, proposant notamment des confitures, vins et autres charcuteries ou terrines en provenance directe de l’île de Beauté.

Faut-il y aller ? Dominique Ghisoni nous fait faire un savoureux voyage sur son île et a su ramener de Bastia la beauté de la gastronomie corse, tout en la proposant aussi bien du côté des pains que de l’offre traiteur. Sa boulangerie offre une opportunité de halte déjeuner agréable et dépaysante, même si l’on repart avec plaisir avec un pain à la châtaigne ou aux figues et noix sous le bras. Si l’accueil était à l’avenant, ce serait encore plus agréable, et cela nous permettrait de mieux profiter de l’élégant espace de dégustation déployé dans la boutique.

Billets d'humeur

18
Mar

2012

Mes pains préférés

6 commentaires

Il y a des pains auquel on vient et on revient, par envie et par plaisir. Ce sont eux que l’on retrouve le plus souvent à ma table, parce qu’ils expriment des arômes, des goûts, qui accompagnent mes repas et satisfont mes attentes en fonction des moments (petit-déjeuner, déjeuner, goûter ou diner…). Ils sont tous différents, je vais donc essayer de les ranger dans des catégories qui pourront refléter leurs caractères.

Pains de « tradition »

Mon Pain Préféré, La Gambette à Pain (vendu en parts de 250g, 2 euros) – Je crois que ce pain pourrait difficilement mieux porter son nom ! Entre sa croûte dorée exprimant une odeur de fumé et des arômes complexes, une mie extrêmement alvéolée et à l’humidité bien dosée, il exprime un caractère assez unique et accompagne l’ensemble des repas.

Torsade Alésiane au Blé noir (vendu en deux formats, 1,30 euros le petit format de 250g, 2,30 euros le grand format de 500g) – Certes, ce n’est plus exactement un pain de tradition puisque il est roulé dans de la semoule de blé noir, cependant, il n’en demeure pas moins réalisé à partir de farine de tradition et en conserve les caractéristiques. La note apportée par le blé noir est vraiment agréable, les grains craquent sous la dent et nous emmènent en Bretagne, on retrouve la saveur des fameuses galettes… Une noix de beurre salé et le tableau est complet ! De plus, son façonnage en torsade lui confère une mie à la texture assez particulière, assez moelleuse.

Baguettes de tradition

Une baguette de tradition, ce n’est pas acide, attention ! Au programme, un pain tout en douceur, tout en croûte… à déguster sans façon.

Gontran Cherrier (1,10 euros la pièce de 250g) – La baguette de tradition de Gontran Cherrier possède son caractère qui s’exprime au fil des heures. Certes bonne, craquante et légère peu de temps après avoir refroidie, elle devient plus complexe en ayant attendu. Sa croûte fine exprime des notes de céréales torréfiées persistantes, la mie est moelleuse sans être trop humide, belle présence en bouche… Une expérience gourmande et accessible. Attention toutefois à la demander bien cuite, elles sont parfois un peu blanches.

Maison Pichard (1 euro la pièce de 250g) – La fameuse baguette Pichard, c’est tout simplement… du lait ! Un bel arôme lactique, un pain tout en douceur et en longueur, puisque son façonnage plutôt original lui confère une grande finesse. Excellente conservation, grâce à sa fermentation prolongée et à sa cuisson dans le superbe four Gueulard que la maison a fait construire sur mesure.

Le Grenier de Felix (1,10 euros la pièce de 250g) – Cette « Reine des Blés » (farine de tradition française Label Rouge des Moulins Bourgeois) exprime un beau goût de crème, accompagné par une croûte bien fine et craquante. La mie moelleuse rend le tout très régressif et addictif.

Pains sur levain

De l’acidité, oui, mais point trop n’en faut : il faut savoir rester modéré et garder une certaine douceur.

Pain de Clichy, Rodolphe Landemaine rue de Clichy (vendu au poids) – Une acidité relativement présente, mais surtout de sublimes cuissons et une croûte bien craquante et présente, des arômes complexes et presque floraux, le pain de Clichy n’est pas un pain « de campagne », à mi-chemin entre la tradition et le levain, une belle réussite.

La Paume, 134 RdT & Stéphane Henry – La Paume, mise au point en collaboration entre les Moulins Bourgeois et le chef étoilé Alain Passard, est un pain sur levain très doux, un « pain de table » de très bonne tenue, d’excellente conservation. Il n’exprime pas forcément un parfum très soutenu mais sait accompagner tous les mets et s’accommode très bien d’une noix de beurre salé.

Pain à l’épeautre, La Gambette à Pain & Dominique Saibron – L’épeautre est une céréale intéressante, par un léger apport d’acidité et de parfum. Chez Jean-Paul Mathon (en tourte, vendue en parts de 250g) et Dominique Saibron (vendu en pains de 500g), la farine utilisée est certifiée Biologique et est sublimée par des levains bien maîtrisés.

Pains variés

Comme chaque artisan a ses spécialités, que j’ai parfois du mal à classer les pains que je déguste, voici la « catégorie » fourre-tout par excellence, un pot-pourri bien loin d’être pourri…

Gontran Cherrier : baguette au curry, baguette encre de seiche-graines de nigelle, pain aux épices zaatar, pain pignons-romarin, pain à la châtaigne, pain seigle-miso – Dans le 18è arrondissement, Gontran Cherrier propose une gamme assez unique et diversifiée de pains, entre épices, herbes, farines diverses… La production est parfois un peu irrégulière (certains pains ont tendance à être trop humides de temps en temps), mais cela ne manque jamais de goût et on retrouve bien l’approche gourmande de cet artisan voyageur.

La Gambette à Pain, Jean-Paul Mathon : la Bise de Lin (surprenant parfum de noisette… alors que ce ne sont que des graines !), la Marguerite & la Tourte de Seigle du Vendredi – Gambetta a tenté de fuir Paris en Montgolfière, mais nous avons bien envie d’y rester ! Sur l’avenue Gambetta, M. Mathon propose des pains aux cuissons superbes et des spécialités toujours soignées et une belle régularité de production, avec une excellente conservation.

134 RdT, Benjamin Turquier : le Vannetais (chocolat blanc, comme un bonbon vanillé, cela fond en bouche !), le Schwartzbrot (pain noir Allemand) : Benjamin Turquier propose une sympathique gamme de pains gourmands et sucrés, autour du chocolat et des fruits. Belles cuissons, bonne maitrise de l’hydratation pour des créations moelleuses et parfumées.

Rodolphe Landemaine : le Pain Irlandais à la Guinness (douces notes maltées, mie soyeuse) – Malheureusement, ce fameux pain à la Bière n’est plus disponible pour le moment, en raison d’une rupture sur la Guinness… Il faudra donc attendre pour goûter à ce pain à la mie sombre, moelleuse et douce, avec ses agréables notes maltées. A noter également une belle gamme de pains « gourmands » dans ses boutiques de la rue des Martyrs et à proximité du métro Voltaire.

La Badine de Martine, Patrick Desgranges : le pain au Kamut, le pain à la Châtaigne – Patrick Desgranges propose une très large gamme de pains spéciaux, autour des variations de farine (sarrasin, petit & grand épeautre, seigle, complet… tout y passe !). Des façonnages élégants, une acidité relativement présente et une humidité parfois excessive, ce qui limite la conservation des produits. Cependant, le pain au Kamut et son beau parfum de noisette est irrésistible. Même constat à Sceaux chez Franck Debieu, d’ailleurs.

Du Pain et des Idées : Campagne Miel-Noix-Moutarde, Cacao-Noix-Canneberges – Les créations de Kenji Kobayashi sont de vraies pépites d’aboutissement et de saveur, en plus d’offrir des grignes quasi-artistiques. On y sent une grande finesse, une volonté d’équilibre et au final des pains très gourmands.

Bread & Roses : Pain Puissance 10 (10 farines dans un même pain !), pain de Sarrasin au levain de Sarrasin, pain de Maïs, Soda Bread – Les deux adresses de Philippe Tailleur proposent une belle gamme de pains biologiques, réalisés avec soin et proposant des saveurs agréables. Mention spéciale pour le pain Puissance 10 qui offre une large palette de parfums, différente à chaque bouchée.

Benoît Maeder : les bretzels au pavot ou au cumin – Dans sa boulangerie du 15è arrondissement, Benoît Maeder nous ramène un peu d’Alsace avec des bretzels généreux et extrêmement moelleux, déclinés en différents « parfums ». Je n’ai pas trouvé mieux à Paris, que ce soit en terme de fraîcheur ou de variété.

J’en oublie certainement un grand nombre… mais cela fait déjà une belle liste, et pour moi – et j’espère pour vous par la même occasion ! – de belles occasions de varier les plaisirs au quotidien.

Je pense que je n’insisterai jamais assez sur l’importance de laisser le bon pain accessible au plus grand nombre, et ce au travers de tarifs accessibles. Tout le monde n’a pas les moyens – ni même l’envie – de se payer des pains spéciaux, aux farines, processus de fabrication ou ingrédients bien particuliers. Dès lors, il est nécessaire de conserver un produit, tel que la baguette, qui puisse demeurer dans des gammes de prix abordables.

Souvent, cette fameuse « baguette ordinaire » ou « baguette blanche » réunit tous les éléments d’un pain de mauvaise qualité : aucune présence en bouche, aucun arôme, une mie dépourvue d’alvéoles, une croûte perdant très rapidement toute consistance… Rien de bien réjouissant, un pain que l’on consomme presque par obligation, par nécessité. Tout le contraire de celle que l’on peut trouver dans les présentoirs de la boulangerie La Panetière, à Montgeron, en Essonne. Dans cette boutique du centre ville, l’artisan a choisi de proposer un produit bien plus intéressant que d’ordinaire.

En effet, on pourrait aisément confondre cette baguette, proposée pour 85 centimes les 250 grammes, avec une baguette de tradition. Croûte fine, mie bien alvéolée, doux parfum de froment, cuissons assez bien menées (bien qu’un peu courtes, mais cela répond certainement à la demande des consommateurs locaux)… Voici un beau produit pour un prix plus qu’accessible – absolument rien à voir avec les équivalents proposés aux alentours.
Le reste de la gamme est également plutôt soigné, entre une baguette de tradition « à l’ancienne » à la croûte bien dorée et à la saveur de noisette, un pain de campagne reprenant les mêmes caractères, ou encore le « pain des Gaults », mélange de farines complète et de seigle, avec un goût plus marqué et un peu trop porté sur le levain à mon goût. Quelques pains spéciaux, tels que des ficelles ou pains ronds garnis de divers ingrédients, sont également proposés pour les plus gourmands (fromages, graines, miel, … tout y passe !). Les façonnages sont élégants, les grignes bien réalisées et les tarifs toujours très sages. On regrettera juste le fait que les croûtes soient un peu fines, manquant un peu de consistance, ce qui limite d’autant la conservation des pains.

Autre signe de l’engagement de cet artisan en faveur de la qualité de ses produits, la mise en avant de sa démarche pour une viennoiserie maison bien avant que le sujet devienne « tendance » comme il est en passe de le devenir. Cela passe par un affichage dans la boulangerie, reprenant sur diverses affichettes la teneur de son engagement. Au final, on retrouve des croissants qui ont du caractère et des pains au chocolat mettant en oeuvre des bâtons produits à partir de chocolat Valrhona.
Les pâtisseries savent demeurer profondément boulangères, entre tartes et pâtes à choux (éclairs, religieuses…). La finition n’est pas toujours très élégante, mais les produits sont honnêtes et proposés à des prix qui le sont tout autant. Même constat pour l’offre « traiteur », sur laquelle sont déclinées plusieurs formules à l’heure du déjeuner, et qui permettent à la clientèle de travailleurs de banlieue de profiter d’un repas rapide, frais et plutôt savoureux, là où l’offre – en dehors des restaurants traditionnels – est plutôt limitée.

Véritable coup de coeur pour l’accueil, chaleureux, disponible et prenant vraiment mesure de l’importance que peut avoir une boulangerie dans la création de lien social, surtout au sein d’une ville de banlieue telle que Montgeron. Les habitués, plus ou moins âgés d’ailleurs, sont reconnus et reçoivent tous un petit mot particulier, une attention et un sourire. C’est dans ce genre d’endroit et par ce type d’attitude que l’on se dit que l’on est tout de même bien en dehors de cette agitation et de cette agressivité parisienne.

Infos pratiques

103 Avenue de la Republique – 91230 Montgeron (Gare RER D de Montgeron-Crosne) / tél : 01 69 52 88 34
ouvert du mardi au samedi de 7h à 13h et de 15h30 à 20h, le dimanche de 7h à 13h.

Avis résumé

Pain ? Ici, on retiendra surtout la baguette ordinaire, bien peu ordinaire ! Une croûte fine, une mie bien alvéolée, et surtout un goût de froment bien agréable, voilà qui nous change de ces pains d’ordinaire fades et dénués de toute présence en bouche. Pour 85 centimes, c’est assez inhabituel pour le signaler. Le reste de la gamme est de bonne tenue, entre une baguette de tradition élégante, bien craquante et au parfum de noisette, un pain de campagne « à l’ancienne » dans la même veine, ou encore le pain des Gaults (farines complète et de seigle) et diverses créations autour d’ingrédients variés. On regrettera juste un léger manque de tenue sur les croûtes, un peu trop fines, ce qui limite la conservation des pains.
Accueil ? Chaleureux, souriant, attentionné… on aimerait en rencontrer de semblables plus souvent. La clientèle est réellement considérée, les habitués sont reconnus et une vraie relation de proximité se met en place. C’est d’autant plus important dans une ville de banlieue telle que Montgeron.
Le reste ? Les viennoiseries sont maison, et à la Panetière, on est fiers de l’afficher : un argumentaire a été développé avec le meunier fournissant cette boulangerie (Foricher / Moulin des Gaults), bien avant que cela soit à la « mode ». Les croissants ont leur petit caractère et les pains au chocolat régalent les gourmands avec du chocolat Valrhona. Côté pâtisseries, tout est très boulanger. C’est parfois un peu approximatif, mais c’est honnête. Même rigueur et honnêteté du côté des sandwiches et en-cas salés.

Faut-il y aller ? On aimerait tellement avoir plus de boulangeries telles que celles-ci en banlieue, tenues par un artisan engagé et sérieux, proposant à sa clientèle des produits honnêtes à des tarifs plus qu’abordables. Mention spécial à la « baguette ordinaire » et ses caractéristiques d’habitude réservées à la baguette de tradition. L’accueil est également fort agréable, ce qui contribue à faire de cette boutique un lieu où l’on se rend avec plaisir.

A force de parcourir Paris, d’observer les gammes de produits développées par les artisans, de goûter et d’expérimenter, j’ai fini par reconnaître des signatures simplement en pénétrant dans certaines boulangeries. Des intitulés, des façonnages, des pains spéciaux reprenant des saveurs et des couleurs similaires, on comprend rapidement que les sources d’inspiration de nombre d’artisans demeurent limitées. Cela signifierait-il pour autant que le métier de boulanger consiste au final à appliquer toujours les mêmes recettes, à « tourner en rond » ? Certainement pas, il y a des milliers de façons de développer son individualité… mais ce n’est pas le débat du jour.

Sur la place Victor Hugo, dans le 16è arrondissement, la boulangerie-pâtisserie-salon de thé A la Petite Marquise affiche une façade bien moderne pour un établissement qui a un vécu, une histoire. « Depuis 1936 » comme l’indiquent les sachets de pain remis aux clients. Bien entendu, le lieu devait évoluer et il s’est offert une grande rénovation au cours de l’été 2010. A présent, la clientèle est reçue dans un cadre plutôt élégant, associant dorures, tons clairs et foncés. Cela ne dénote pas dans le quartier.

A quelques mètres d’autres « institutions » boulangères telles que Béchu et Carton, on peut dire sans se tromper que le style est ici résolument plus moderne, ce qui n’est pas un mal. On sent, dès que l’on pénètre dans la boutique, une autre dynamique.
Cela commence par les produits. Je vous parlais en introduction d’une signature, ce n’est pas sans raison. On trouve ici quelques pains qui sembleraient sortis tout droit d’une boulangerie Kayser, telle que la fameuse tourte de Meule, représentée dans la plupart des boulangeries de l’enseigne. Le pain au Sarrasin reprend également une grande partie des caractéristiques du « Rustique » de la maison. Même constat pour les Pavés au Noix, aux Olives ou aux Figues, Ciabatta et autres pains au Fromage. Cette inspiration semble avoir une explication toute trouvée : l’actuel propriétaire de cette boulangerie n’est autre que l’ancien dirigeant des sandwicheries Midoré… reprises depuis par le fameux groupe Kayser. Le monde de la boulangerie est tout petit, voyez-vous.

Ce qui nous intéresse, ce sont les saveurs, la qualité des produits. En l’occurrence, c’est somme toute assez correct sans pour autant relever de l’exceptionnel. La baguette de tradition est de bonne facture, assez douce et craquante, même si sa cuisson mériterait d’être bien plus aboutie. Cela a pour conséquence d’en limiter la conservation et les arômes, ce qui est tout à fait regrettable. Ce manque de cuisson se retrouve malheureusement de façon généralisée sur les pains proposés ici, mis à part sur les grosses pièces, telles que la tourte de Meule ou de Seigle. Pour autant, le pain au Sarrasin n’en demeure pas moins agréable, avec une belle présence du blé noir. Plusieurs des pains spéciaux sont réalisés à partir d’une pâte de type viennoise, ce qui leur confère un caractère moelleux et doux que l’on pourra apprécier ou non. Leurs tarifs ont une fâcheuse tendance – commune dans le quartier – à grimper rapidement.

La pâte feuilletée ne semble pas être le point fort de la maison, puisque les viennoiseries ne présentent aucun intérêt particulier, même si elles affichent quant à elles de belles teintes dorées. Mieux vaut donc passer son tour. Si l’on continue dans le domaine des douceurs, une gamme de macarons aux couleurs peu engageantes est proposée. Tapageur, cela semble être le maître de mot du secteur sucré de la Petite Marquise, puisque c’est également de cette façon que l’on peut qualifier les pâtisseries, même si elles n’en demeurent pas moins soignées et plutôt bien finies. Rien de bien innovant côté saveurs, ce sont des classiques parisiens, que ce soit sur le registre du classique (éclairs, tartes…) ou du contemporain (simili-Ispahan, …). Si l’on dépasse le simple aspect visuel, la dégustation n’offre pas une expérience exceptionnelle. Passons sur le cas des tartes aux fraises nourries aux hormones
Pour le traiteur, du classique. Des sandwiches, quelques en-cas, des fougasses aux herbes et quelques torsades garnies. Cela se tient, mais les tarifs représentent un frein considérable à l’achat.

Le service est d’une belle efficacité, très professionnel. Il ne faut pas en attendre une grande chaleur humaine, surtout aux heures d’affluence (et il y en a de nombreuses !), mais le travail est bien fait. La clientèle est servie comme il se doit, rien de spécial à signaler.

Infos pratiques

3 place Victor Hugo – 75116 Paris (métro Victor Hugo, ligne 2) / tél : 01 45 00 77 36

Avis résumé

Pain ? Acceptable, les façonnages sont plutôt élégants, même si les cuissons sont trop courtes sur les petites pièces (pavés, baguettes, bâtards divers…), ce qui ne permet pas aux pains et aux croûtes d’exprimer tous leurs arômes. La gamme est assez étendue, et on y retrouve la « signature » de l’enseigne Kayser, notamment au travers de la tourte de Meule, le pain au Sarrasin (équivalent du Rustique), les pavés aux Noix, Olives ou Figues… Côté conservation, c’est acceptable, tout comme les tarifs qui restent dans la moyenne du quartier. Pour le goût, même constat, cela se déguste sans difficulté. Les pains sont dépourvus d’acidité (travail sur levain liquide, « à la Kayser »), la baguette de tradition offre une croûte fine et une grande douceur, même si son caractère n’est pas très marqué.
Accueil ? Le service est efficace, professionnel. Il ne véhicule pas une grande chaleur humaine mais le travail est fait comme il se doit, la clientèle est respectée.
Le reste ? Passons notre tour sur les viennoiseries, sans intérêt, même si bien cuites. Elles n’offrent aucun plaisir particulier une fois en bouche. Pour les pâtisseries et macarons, les couleurs sont bien trop tapageuses pour être honnêtes, même si les finitions sont tout à fait correctes. Finissons par le traiteur, où l’on retrouve divers sandwiches, quiches et autres fougasses aux herbes. Acceptable, mais les tarifs ont tendance à rebuter.

Faut-il y aller ? La Petite Marquise nous offre une maison plutôt bien tenue, bien moins « poussiéreuse » que ne peuvent l’être Bechu ou Carton, installés quelques mètres plus loin sur l’avenue Victor Hugo. Les tarifs sont bien sûr à la « hauteur » du quartier, même s’ils demeurent assez sages comparés à certains de ceux pratiqués par ces deux confrères. On aura plutôt tendance à privilégier le pain et le salé que le sucré, plutôt moyen même si bien fini visuellement. Nous dégustons avant tout avec nos papilles…

L’argent et les enjeux financiers écrasent les hommes. C’est un des maux principaux de notre société, et nous devons malheureusement vivre avec, l’accepter et continuer à avancer. En matière de boulangerie, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’argent tient une place importante. Les enjeux sont énormes : la variation des cours du blé de ces derniers mois l’a bien montré, et le secteur de la meunerie ne se contente pas de fournir de la farine, il développe ses activités bien au delà, notamment dans les projets d’installation des artisans, en leur proposant divers fonds de commerce et même en finançant leur installation.
Dans ce contexte, où est l’humain, que représente une petite boulangerie ? Pas grand chose. Ma crainte est qu’au final le secteur finisse écrasé par ces préoccupations qui sont bien loin de porter un quelconque retour au goût et à des produits bons et sains pour les consommateurs.

Face à cela, quelques projets se développent dans une autre éthique, et c’est tout à fait ce que je peux rechercher en tant que painrisien et citoyen. Souvenez-vous, je vous avais parlé il y a quelques mois de la Conquête du Pain, une boulangerie autogérée à Montreuil. Cette petite entité continue à s’épanouir discrètement, à quelques mètres de la station Croix de Chavaux sur la ligne 9, en s’intégrant à la vie sociale et associative locale. Par exemple, la galette des rois aura été l’occasion d’aller à la rencontre des personnes âgées ou des plus jeunes… Une belle façon de partager des produits gourmands et de sortir de la simple relation commerciale que peut entretenir une boulangerie avec ses clients. Je n’avais pas eu l’occasion de vous faire partager quelques images de ce lieu, voilà un manque que je corrige aujourd’hui.

Dès que l’on entre dans cette petite boutique d’angle, on sent que quelque chose de différent se passe. Dans quelle autre boulangerie ai-je pu trouver des tracts anarchistes ou bien des livres « en libre circulation » (via le réseau Bouq’Lib’) ? Aucune. Comme j’ai pu l’écrire précédemment, la boulangerie ce n’est pas seulement de la technique, c’est aussi de l’humain et de l’esprit. On retrouve bien les deux ici. Peut-être est-ce pour cela que le pain est bon, aussi, et que la clientèle est fidèle. Les habitudes de chacun sont connues et le service est presque amical, chaleureux, maîtrisant ses produits sur le bout des doigts.

Parlons-en, d’ailleurs, des produits. Cette « boulangerie révolutionnaire » aime bien surprendre les papilles et appliquer les mêmes principes anarchistes du côté des saveurs. Ainsi peut-on découvrir des pains au potiron, une « brioche serpent » au caramel, mais aussi des créations sorties toutes droit de l’imagination de boulangers un peu spéciaux, comme ce surprenant pain au riz au lait, miel et riz soufflé.
Le résultat est plutôt curieux. Cela n’a pas à proprement parler de croûte, le pain est cuit dans un moule qui forme ses « extrémités » au goût de caramel, le reste étant constitué d’une « mie » très blanche, collante et quasiment dépourvu de tenue. Au goût, on obtient un parfum presque vanillé, le miel fournit quelques notes sucrées. Cela se mange sans façon, avec ces quelques éclats de riz soufflé qui apportent un peu de craquant à l’ensemble. Drôle de gourmandise.

Les livres "en libre circulation"

Bien entendu, on trouve également des produits plus classiques, même si les noms restent assez originaux. Baguette Baobab ou Préhistorique (mélange de farines T80 et T65), Sarrasin de l’Espace, Arbre, Tourte Auvergnate, pains aux céréales, Blumblum (équivalent du pain noir)… Le choix ne manque pas et on appréciera les cuissons bien abouties ainsi que les façonnages plutôt réussis sur les pièces les plus volumineuses. Côté saveur, conservation et qualités de la mie, cela se tient très honorablement.
L’ensemble des pains sont réalisés à partir de farines biologiques, ce qui fait partie de l’engagement de la boulangerie, qui parle de l’importance de la qualité et de la salubrité des matières premières employées.

Les sandwiches proposés le midi expriment également un certain caractère communiste, qui peut prêter à sourire. On déguste ainsi un Louise Michel, un Lénine ou encore un Marx, pour des prix tout à fait raisonnables. Les plus gourmands pourront les intégrer dans des formules, rien de révolutionnaire là dedans.

Je pense que ce type de structure correspond tout à fait aux valeurs que doit porter la boulangerie aujourd’hui et demain : partage, humanisme et liberté, tout en proposant des produits sains et de qualité. Quand on prend en compte les aspects politiques se rattachant au pain, on ne peut que trouver l’idée pertinente et digne d’être reproduite ailleurs. J’en parle et je trouve important que l’on mette en avant de telles initiatives face à des entreprises où les salariés ne sont pas respectés, et qui vantent pourtant la qualité de leurs produits, tout en affichant des tarifs élevés et des marges confortables. Il est dans l’intérêt de tous de sortir de l’ombre de tels schémas.

Infos pratiques 

47 rue de la Beaune – 93100 Montreuil (métro Croix de Chavaux, ligne 9)
ouvert du lundi au vendredi de 11h30 à 14h et de 16h à 20h.
Actualités, horaires et détail des produits sur leur blog : http://laconquetedupainmontreuil.wordpress.com/

Plus d’informations dans mon premier billet : Détours en banlieue : La Conquête du Pain, Montreuil, une boulangerie révolutionnaire

L’organisation des réseaux de boulangeries est un peu complexe et parfois difficile à cerner pour le grand public. Certains laissent beaucoup de latitude aux artisans dans leur gamme de produits ainsi que dans l’aménagement de leur boutique, tandis que d’autres tentent de parvenir à une certaine uniformité, qui les rapprocherait presque d’une franchise.

Au Grenier à Pain, on est un peu entre les deux. Les boutiques reprennent pour la plupart des codes similaires (ambiance « tradition », couleurs marron et crème…) ainsi que des produits « phare » de l’enseigne, tel que le pain de 3. Néanmoins, chaque artisan possède une certaine liberté pour développer sa gamme et ses spécialités. Rue Saint-Charles, le Grenier à Pain « par T. Elma » propose justement ses propres pains et produits en marge des standards de l’enseigne.
Côté aménagement, rien de bien innovant, mis à part peut être les quelques tables que l’on retrouve à l’entrée pour déguster les produits sur place. Mis à part cet élément, souvent impossible à mettre en oeuvre ailleurs faute de place, l’ambiance et les matériaux sont fort similaires aux autres adresses : bois, références au côté traditionnel et rustique (épis de blé, matériaux de boulangerie et de paysannerie en décor…). On retrouve également une caisse avec insertion des pièces, comme dans la plupart des boulangeries appartenant au réseau de Michel Galloyer. Si l’on fait abstraction de ce fait, l’ensemble est plutôt réussi.

C’est certainement sur les produits que cette boutique se distingue : la gamme développée ici en terme de pains varie selon les jours, et c’est bien agréable. On pourra ainsi retrouver au fil de la semaine le Pavé Saint-Charles, la Demoiselle (mélange de farines de meule et de tradition), l’Ardéchois – riche en fruits secs divers, divers pains Bio, des pavés au Levain, une baguette au Sarrasin, un pain de Mie complet… Un bel éventail de saveurs et de propositions qui permet à la clientèle de sortir des sentiers battus de la baguette de tradition. Pour autant, cette dernière est bien réalisée, façonnée avec soin et affichant une belle cuisson. C’est au final une Rétrodor d’excellente facture, sans grande fantaisie mais bien maîtrisée.
Les autres pains sont tout aussi bien réalisés, entre la Demoiselle et son parfum de noisette persistant, les pains au levain plutôt bien équilibrés, l’ensemble offre une belle cohérence et met bien en valeur la farine de la minoterie Viron.

Les viennoiseries ne sont pas en reste, avec des croissants et pains au chocolat de bon niveau, même si le reste est moins intéressant. A noter les sympathiques viennoises au chocolat blanc et leur agréable parfum lacté et vanillé. Si l’on continue dans le sucré, les pâtisseries sont très traditionnelles, loin d’être toutes de saison (je pense en particulier à ces fraisiers et tartes aux fraises présentés dans les vitrines), et sont plutôt soignées. Ce n’est pas ici qu’il faut rechercher des saveurs particulièrement intéressantes, mais cela satisfera sans difficulté une envie gourmande. Les flans, crumbles, financiers ou moelleux au chocolat sont plus dignes d’intérêt à mon sens, car on demeure dans une belle tradition boulangère.


N’oublions pas de nous pencher sur la gamme traiteur, qui propose notamment des sandwiches frais et de qualité, ainsi que divers « croques » (comme un sympathique Croq’Provençal). Quelques salades permettent également de composer un repas léger, tout comme le permettent les yaourts proposés à côté. Les tarifs se situent dans une moyenne très parisienne et sont relativement cohérents avec la qualité des produits.

Rien à signaler du point de vue de l’accueil, la clientèle est servie efficacement et avec le sourire, tout en offrant une bonne maîtrise des produits vendus au sein de la boutique. Cela contribue à donner une belle cohérence à la prestation d’ensemble.

Infos pratiques

134 Rue Saint-Charles – 75015 Paris (métro Charles Michels, ligne 10) / tél : 01 45 77 50 78
ouvert tous les jours sauf le lundi de 7h30 à 20h.

Avis résumé

Pain ? La gamme diffère de celle souvent proposée dans les boulangeries Grenier à Pain, et c’est pour notre plus grand plaisir. Chaque jour, des produits différents sont disponibles à la vente : Pavé Saint-Charles, la Demoiselle (mélange de farines de meule et de tradition), l’Ardéchois – riche en fruits secs divers, divers pains Bio, des pavés au Levain, une baguette au Sarrasin, un pain de Mie complet… le choix ne manque pas, et les saveurs non plus, puisqu’elles sont bien présentes, tout comme les cuissons. La baguette de tradition – de type Rétrodor – ne démérite pas pour autant et nous offre un craquant bien agréable, laissant découvrir une mie bien alvéolée. La « Demoiselle », vendue au poids, dégage un agréable parfum de noisette, pour un tarif très raisonnable (5,8 euros le kg).
Accueil ? Sérieux, professionnel et souriant, les clients sont servis efficacement et disposent d’informations pertinentes au sujet des produits proposés dans la boutique. Rien à signaler.
Le reste ? Les croissants et pains au chocolat sont de bonne facture, même si le reste des viennoiseries est plus banal. On notera toutefois la présence d’une sympathique viennoise au chocolat blanc, tout en douceur. Les pâtisseries sont traditionnelles, plutôt bien finies et soignées, même si l’on aimerait qu’elles soient plus respectueuses de la saisonnalité des fruits – un mal de plus en plus commun malheureusement. La gamme traiteur est à l’avenant, avec des sandwiches frais et bien vus, ainsi que quelques croques et salades alléchants.

Faut-il y aller ? Voici une belle adresse pour le réseau Grenier à Pain, qui en compte d’autres un peu plus décevantes, comme j’ai pu le décrire précédemment. La boutique est bien tenue, le pain met bien en valeur la farine de la minoterie Viron et les croûtes bien ambrées ne tranchent pas dans ce décor très « tradition » voulu par l’enseigne.

Il me semble que la pire des choses dans la vie d’un consommateur est de se retrouver face à un mensonge qui aura pour conséquence de rendre son choix orienté selon des intérêts qui ne sont pas les siens, et qui ne le conduiront pas forcément à la satisfaction de son besoin de base. Malheureusement, certaines entreprises ont une fâcheuse tendance à agir ainsi.

Dans le cas présent, on pourrait parler d’un mensonge par omission, mais je trouve que ce n’est pas tellement mieux ni honorable. Quand on passe devant le Pain Complet de Paris, dans le 18è arrondissement, on pense avoir affaire à une boulangerie traditionnelle, dotée de plus d’une superbe façade à l’ancienne. Nul doute que cette boutique a une histoire, qui dépasse bien celle de son exploitant actuel. En effet, l’endroit n’est plus vraiment une boulangerie, du moins selon la loi, puisque le pain n’est pas réalisé sur place. Les établissements Moulin sont en effet propriétaires des lieux depuis quelques années et y proposent leur gamme de produits biologiques.
Beau – bon – Bio à la fois annonce la devanture. J’aimerais le croire, mais plusieurs éléments me font douter vis à vis de cette affirmation, qui aurait du mal à être différente venant de l’entreprise elle-même. Avez-vous déjà entendu un commerçant dire que des gammes de produits étaient de mauvaise qualité, qu’elles ne présentaient aucun intérêt ? Personne n’a envie de se tirer une balle dans le pied, et c’est bien normal.

Le problème, c’est que le pain que vous retrouvez ici est distribué dans nombre de magasins biologiques de la capitale et même de la banlieue. Depuis son site de production de l’Oise, Moulin fournit en effet l’ensemble des boutiques Naturalia, et également d’autres distributeurs tels que les magasins Biocoop et quelques indépendants. Difficile dès lors de prétendre respecter un processus entièrement artisanal, au vu des volumes à produire. De plus, il n’y a rien de très local dans cette démarche, puisque le pain doit voyager une certaine distance avant d’être proposé à la vente. Pas certain que ce soit tout à fait l’esprit originel de la Bio, qui cherchait plutôt à mettre en avant les produits locaux. Certes, l’Oise n’est pas si éloignée que cela, mais tout de même.

Au delà de ces considérations, intéressons nous aux produits. Identiques à ceux proposés en magasin Bio, ils se déclinent en de nombreuses variations, mettant en oeuvre diverses farines (plus ou moins complètes, de diverses céréales (Sarrasin, seigle, Kamut, et même plus inhabituel Teff, Riz ou Quinoa)…) mais aussi des fruits secs. Des pains sans gluten sont proposés, ce qui est sans doute le plus intéressant pour les intolérants. J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer mon avis au sujet de ces produits, mais il n’empêche que je dois parler de ceux proposés ici, au Pain Complet de Paris. Assez secs, relativement acides et denses, ils peinent à justifier les tarifs élevés auxquels ils sont proposés. Leur conservation n’est pas excellente, car leur caractère sec ne fait que s’accentuer, ce qui a pour effet de produire un résultat assez étouffe-chrétien le lendemain. Ici, pas de tradition, uniquement des produits réalisés sur des farines au minimum demi-complètes. Les baguettes sont donc « de campagne » au minimum.

Bien sûr, l’adresse ne se contente pas de proposer les pains de chez Moulin, elle offre aussi à la clientèle les différentes tartes sucrées et salées, viennoiseries et autres sablés développés par l’entreprise. La constante ? Le tout est sec, rien de bien agréable à la dégustation dès lors. Les différentes tartelettes ne s’en sortent pas trop mal cependant, et il est plutôt sympathique de pouvoir les déguster sur place, grâce aux tables et chaises disposées face à la vitrine. Les prix restent difficiles à justifier du fait du caractère peu artisanal de l’offre. On trouve aussi diverses céréales en vrac ainsi que de la farine, des biscuits pré-emballés ou encore des pâtes, ce qui est plutôt surprenant pour ce qui est avant tout une « boulangerie » et non pas une épicerie. Même remarque pour les paniers de fruits et légumes Bio qui sont proposés via le Campanier.

Quant à l’accueil… contentons-nous de dire qu’il a tendance à être aussi sec que le pain vendu, à croire que l’un influe sur d’autre. Cependant, la clientèle est tout à fait respectée et servie avec une certaine efficacité – c’est le principal, après tout.

Infos pratiques

59 bis rue du Mont-Cenis – 75018 Paris (métro Jules Joffrin ou Lamarck-Caulaincourt, ligne 12) / tél : 01 42 52 22 29
ouvert du lundi au vendredi de 9h à 20h, le samedi de 9h à 19h.

Avis résumé

Pain ? Ici, nous sommes presque dans le show-room de cet « industriel » du pain Biologique, les établissements Moulin. On y retrouve toute leur gamme, très diversifiée : diverses farines, plus ou moins complètes, diverses céréales (Sarrasin, seigle, Kamut, et même plus inhabituel Teff, Riz ou Quinoa) mais uniformément sèche, dense et assez acide. Rien de bien intéressant là dedans, d’autant que ces gammes peuvent être retrouvées en magasin Biologique, même si les tarifs sont certainement plus élevés du fait du nombre d’intermédiaires.
Accueil ? Le service a tendance à suivre la même tendance que le pain : assez sec, il est néanmoins efficace et les produits sont extrêmement bien maîtrisés. La clientèle est respectée, le tout est sérieux, c’est donc plus qu’acceptable.
Le reste ? Moulin propose également des viennoiseries et tartes sucrées ou salées qui sont revendues dans certains magasins Bio. On les retrouve au Pain Complet de Paris, avec l’avantage de pouvoir les déguster sur place, grâce à quelques chaises et tables. L’occasion de profiter du décor qui, il faut l’admettre, parvient à donner plus de charme aux produits. Malgré tout, rien de bien exceptionnel. Plus surprenant, des graines et céréales en vrac ainsi que de la farine, des biscuits pré-emballés ou encore des pâtes sont vendues dans la boutique, ce qui donne une sensation plutôt étrange : sommes-nous dans une « boulangerie » ou dans une épicerie biologique ?

Faut-il y aller ? Très honnêtement ? Cela ne présente pas beaucoup d’intérêt, mis à part pour le décor. Certes, la devanture est superbe, la boutique a certainement une belle histoire, mais les produits, qui, je le rappelle, ne sont pas fabriqués sur place mais dans l’Oise, ne sont pas à la hauteur de la promesse faite par un tel lieu, ce que l’on ne peut que regretter. De plus, il suffit de se rendre dans un Naturalia ou une Biocoop pour en retrouver la plupart…

Chaque jour, les boulangers font un travail comparable à celui des musiciens. Ils jouent une partition, suivent des recettes et tâchent de faire en sorte que cela donne un résultat harmonieux, qui soit agréable en bouche, tout comme la musique à l’oreille. Il arrive qu’il y ait quelques fausses notes, bien sûr, parfois il faut revoir ses gammes et jouer dans d’autres répertoires… On peut être bon ou mauvais boulanger autant que musicien. Il en est ainsi pour tous les métiers d’art et d’artisanat.

Dans le 16è arrondissement, l’avenue Mozart est une occasion rêvée pour les propriétaires de boutiques. En effet, elle leur donne une belle source d’inspiration pour le nom de leurs échoppes, qui tournent souvent autour d’un univers très musical. La boulangerie « A la Flûte Enchantée » n’y échappe pas et s’est mise au diapason.
Dans ce lieu, ouvert par Olivier Raybaud il y a plus de 10 ans, il est possible de déguster les produits sur place, grâce à une petite partie Salon de Thé. Le décor n’est pas particulièrement contemporain, on évolue dans un cadre pris entre rose et brillant, quelque chose de très traditionnel et commun dans ce quartier de Paris. Néanmoins, l’ensemble est bien tenu, les vitrines sont très propres et on sent un grand sérieux dans cette boulangerie.

Ce sérieux se retrouve du côté des pains, réalisés à partir d’une farine des Moulins Bourgeois. La baguette de tradition – certes tarifée à 1,30 euros, mais rien de surprenant dans le secteur – est tout à fait honorable : elle affiche une belle croûte dorée, un façonnage plutôt soigné et est agréablement craquante. Côté saveurs, nous sommes bien dans le domaine de la tradition, au travers d’un doux parfum de froment.
Quelques pains spéciaux apportent un peu d’originalité dans la boutique, comme le pain de la forêt noire – riche en graines et céréales, à la mie sombre et à la croûte épaisse, mais aussi diverses baguettes réalisées à partir de mélanges de farines. Les plus gourmands seront satisfaits par le « bun’s », un petit pain incorporant miel et fruits secs. Belle tourte de seigle également.

Pour les becs sucrés, la musique se prolonge avec un rayon pâtisserie très traditionnel, entre tartes aux fruits (malheureusement pas tous de saison, on retrouve notamment des framboises), tropézienne en vedette, fraisiers (en février, snif) et différents entremets au chocolat ou aux fruits (comme ce simili-Ispahan). Finitions soignées là encore, pour des gâteaux tout à fait honnêtes. Les viennoiseries suivent le même chemin, avec des croissants et pains aux chocolats de bonne facture. Le reste est un peu moins intéressant, même si l’on se laissera aisément tenter par l’une des gourmandises traditionnelles proposées par cette boulangerie (tuiles aux amandes, cakes…).

Côté salé, l’offre est assez variée, dépassant le cadre de la simple proposition boulangère. On retrouve en effet des plats chauds ou des salades, sans intérêt particulier. A cela viennent s’ajouter les habituels sandwiches, pizzas et quiches, très traditionnels. Pas de fantaisie ici, les classiques sont exécutés mais nous ne sommes pas en présence d’un chef d’oeuvre qui jouerait une symphonie lors de la dégustation. Néanmoins, on appréciera le côté pratique apporté par les tables et chaises du salon de thé, permettant de s’asseoir un peu, le temps d’une pause.

Le service est dynamique, souriant et les produits sont bien maîtrisés. Les sections traiteur et boulangerie/pâtisserie sont séparées, ce qui est plutôt bien vu, car cela permet aux clients « pain » de continuer à être servis rapidement au déjeuner.

Infos pratiques

Avis résumé

Pain ? La gamme de pains est réalisée avec sérieux, les croûtes sont bien dorées, signe de cuissons menées à leur terme. La baguette de tradition s’en sort honorablement, craquante et plutôt savoureuse. Le plus intéressant se situe sans doute du côté des pains et baguettes spéciaux, comme avec ce pain de la forêt noire, riche en graines, avec sa mie sombre et sa croûte bien épaisse. Notons également la présence d’une belle tourte de seigle et de diverses baguettes (mélanges de farines, céréales…), ainsi que de petits pains spéciaux. Les tarifs restent dans une moyenne acceptable compte tenu du quartier, la baguette de tradition est certes proposée à 1,30 euros les 250g, mais les pains spéciaux – dont la plupart sont vendus au poids – restent dans le domaine du raisonnable.
Accueil ? Jeune, dynamique et souriant. Les questions au sujet des produits sont répondues sans difficulté, et la séparation mise en place entre le service « traiteur » et le reste des produits permet d’assurer la fluidité de l’ensemble.
Le reste ? Les pâtisseries s’inscrivent dans le registre de la tradition, entre tartes, babas, éclairs, tropéziennes et entremets au chocolat ou aux fruits. Le tout est plutôt soigné et les becs sucrés trouveront de quoi satisfaire leurs appétits. Croissants et pains au chocolat sont à l’avenant, tout comme les quelques gourmandises parsemées dans la boutique (tuiles aux amandes, cakes…). Le reste est moins intéressant, à l’image de l’offre traiteur, sans grand attrait. Le cadre n’est pas très chaleureux, très « seizième » et traditionnel, mais on appréciera les quelques tables disposées dans l’espace salon de thé, permettant de prendre une petite pause en cours de journée.

Faut-il y aller ? Sans nous offrir un concert d’exception, la boulangerie A la Flûte Enchantée est une maison bien tenue, offrant une certaine cohérence au sein de ses diverses gammes de produits. Une bonne adresse pour le quartier, inscrite dans une tradition de qualité, aux finitions soignées.

En s’intéressant à la gamme de pains de certaines boulangeries, on peut parfois retracer leur historique, et notamment les différents propriétaires des lieux. En effet, certains d’entre eux développent leurs produits et il est difficile de renoncer à les fabriquer une fois la revente réalisée, la clientèle s’étant habituée à les retrouver en boutique. Ainsi ces pains sont « essaimés » au fil des installations et départs successifs.

Au Grenier de Félix, dans le 15è arrondissement, le trace du passage de Thierry Racoillet est encore bien visible, puisque l’on y retrouve les baguettes Picolla, ces fameuses baguettes torsadées, à la mie très moelleuse, presque cotonneuse. Elles sont également présentes dans les boulangeries Coquelicot, où ce même artisan a oeuvré et continue à travailler dans l’une d’elles (en l’occurrence, la Prairie de Coquelicot, rue de Douai).
Dans le 15è arrondissement, c’est Franck Tombarel qui a repris le flambeau. L’artisan n’a pas démérité, puisqu’il a reçu pour sa baguette de tradition le Grand Prix de la Baguette de la Ville de Paris en 2009. Je ne le répèterai jamais assez, ce concours n’est pas forcément représentatif de la qualité des produits au quotidien, néanmoins certains boulangers primés parviennent à réaliser l' »extraordinaire quotidien » en proposant du pain savoureux jour après jour.

La gamme salée : quiches, sandwiches, fougasses garnies, paninis...

C’est le cas ici, au Grenier de Félix. Ici, pas de croquettes pour ce fameux chat noir et blanc, mais une belle gamme de pains, réalisés à partir d’une farine des moulins Bourgeois.
La baguette de tradition, une « Reine des Blés » (farine de tradition Label Rouge), se montre à la hauteur de sa réputation. Sa cuisson est parfois un peu courte, mais elle affiche toujours de belles grignes en diagonale et un façonnage élégant, tout en longueur, de quoi ravir les amateurs de croûte. Celle-ci est fine, craquante, et enveloppe une mie bien alvéolée. L’ensemble dégage des saveurs persistantes de beurre, de crème, qui rendent la dégustation extrêmement gourmande et agréable. Difficile de s’en lasser, on en découpe des morceaux sans façon, au fil de l’envie.

La gamme de pains

Franck Tombarel ne s’arrête pas là et nous offre une gamme généreuse, déclinée au fil des jours de la semaine. Du lundi au samedi, on retrouve ainsi un pain Allemand, un pain à la châtaigne, un autre aux céréales, un complet, une Picolla aux graines… J’apprécie cette pratique qui relance l’intérêt de la clientèle et donne à la boutique un caractère vivant.
Au delà de ces pains « en rotation », des permanents répondent à l’appel, comme la très belle gamme Biologique, et notamment la baguette Bio aux superbes cuissons. La boule Bio est un peu plus ordinaire. On notera également la présence de quelques mélanges élaborés par les Moulins Bourgeois, comme la baguette Fleur de Lin, la Baguette des Prés ou encore le Troubadour. Dans l’ensemble, les façonnages sont élégants, les saveurs présentes et les cuissons bien menées. Les tarifs demeurent plutôt modérés, ce qui est appréciable. Ainsi, la baguette de tradition est proposée à 1,10 euros, et la biologique à 1,20 euros pour 260g.

Les viennoiseries

Les viennoiseries sont correctes, sans plus de relief. A noter toutefois un beau feuilleté aux pommes, généreux et bien doré. Côté pâtisseries, on reste dans un domaine très boulanger, au travers d’une déclinaison de tartes individuelles axées principalement autour des fruits, ainsi que quelques pâtes à choux. L’ensemble est soigné et plutôt réussi. On notera également les quelques gourmandises qui viennent agrémenter le tout, comme ces tuiles aux amandes, cookies, sablés nature ou au chocolat, ou encore paille d’or et lunettes à la framboise. Pas de complexité excessive, cet artisan a bien compris que la simplicité était la meilleure des maîtresses pour parvenir à un résultat de qualité.

La gamme salée : quiches, sandwiches, fougasses garnies, paninis...

Même chose pour les propositions salées. Des sandwiches et des quiches divers et soignés, des paninis ou des fougasses, tout cela est très boulanger et ne déborde pas sur un penchant à devenir plus traiteur que boulanger. C’est décidément bien vu et très cohérent.

De très beaux carreaux peints à l'extérieur de la boutique

Pour ne rien gâcher, la boutique est très élégante, décorée avec goût et agrémentée sur sa façade de carreaux peints du meilleur effet. Cela confère au lieu un aspect chaleureux, authentique et accueillant, avec vue sur le fournil au travers d’une vitre dans le magasin. Le service qui est proposé dans ce décor est plutôt sympathique et efficace, même si l’on sent une petite tendance à plaisanter sur les ventes réalisées entre collègues. Néanmoins, la clientèle est servie avec le sourire.

Infos pratiques

64 avenue Félix Faure – 75015 Paris (métro Boucicaut, ligne 8) / tél : 01 45 54 57 48
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h et le samedi de 7h à 14h.

Avis résumé

Pain ? Franck Tombarel propose dans sa boulangerie une belle gamme de pains. De la baguette de tradition à la croûte fine et craquante, à la mie douce et alvéolée et aux parfums de beurre et de crème aux pains spéciaux, la clientèle dispose de quoi varier les plaisirs tout en restant dans des tarifs plutôt mesurés. On notera la présence d’une gamme Biologique de bonne facture, mais aussi de pains spéciaux déclinés au fil de la semaine. Pain Allemand (pain noir aux graines de tournesol), à la châtaigne, aux fruits secs ou encore aux céréales… il y en a pour tous les goûts et toutes les envies. Les façonnages sont élégants, les cuissons assez bien menées (parfois un peu courtes sur la tradition, ce qui est un peu dommage) et la conservation de bon niveau. Les recettes du meunier demeurent assez présentes dans l’éventail des pains proposés, ce que l’on peut regretter, même si le consommateur sera de fait beaucoup moins perdu. Reste du passage de Thierry Racoillet en ces lieux, la Picolla – une baguette torsadée, à la mie moelleuse et presque cotonneuse -, fera le plaisir des adeptes de douceur.
Accueil ? Plutôt efficace et dynamique. Le sourire est assez présent, même si certaines plaisanteries entre collègues manquent tout de même de finesse et de bon sens. Cependant, la clientèle est respectée et servie comme il se doit.
Le reste ? Les viennoiseries sont correctes, sans relief particulier mais leur réalisation demeure honnête, même si le feuilleté aux pommes est plutôt réussi et généreux. Les pâtisseries demeurent très « boulangères », ce qui est tout à fait pertinent : tartes aux fruits, au chocolat ou au citron, quelques pâtes à choux, la maison ne cherche pas à s’aventurer sur des terrains qu’elle ne maîtriserait pas. Même constat du côté des propositions salées, de bonne facture. Sandwiches, quiches variées, fougasses garnies… Des produits frais et savoureux, rien à signaler.

Faut-il y aller ? Ne serait-ce que pour goûter la baguette de tradition, sans doute ! Elle réunit nombre d’éléments qui la rendent vraiment agréable : un bon rapport mie/croûte, une saveur beurrée, crémeuse très gourmandise, un beau craquant et une très bonne conservation… Difficile de lui reprocher quoi que ce soit, et cette baguette a bien mérité sa distinction. Le reste des pains demeure tout à fait intéressant, et le reste des gammes affiche une belle cohérence. Ajoutons à cela un décor élégant, un service correct, et voici une boulangerie plus que recommandable.