N’ayons pas peur de le dire : certains artisans – boulangers ou pâtissiers – se croient rapidement dotés d’une supériorité et d’un sens aigu du bon et du beau dès lors qu’ils commencent à avoir un semblant de succès ou de reconnaissance. Cela ne se limite certainement pas à ces professions, c’est une réflexion plus générale, mais c’est à eux que je m’intéresse plus particulièrement ici.

Quand je goûte un produit, du pain, une pâtisserie, je retrouve un peu de la personne qui l’a conçu. L’artisanat exprime la nature des gens, leurs envies, leur façon de voir la vie. C’est peut être l’une des façons les plus sûres de découvrir et de comprendre quelqu’un, car il est difficile de mentir, de tricher.
Pour prendre un exemple récent, je goutais une pâtisserie de chez Hugo & Victor mercredi, une verrine à la poire. Enfin, à la poire. Entre une poire très sucrée et insipide, une gelée sans saveur et une crème au goût de citron plutôt que de poire, je cherche encore le fruit. Certes, le concept était amusant, le visuel attirant. Quel intérêt si le reste ne suit pas ? Hugues Pouget essayait de prouver son talent, prouver sa capacité à inventer des pâtisseries « haute couture ». Difficile de lui reprocher, cependant il serait préférable pour la satisfaction de sa clientèle de proposer des pâtisseries savoureuses, et non seulement inventives.
A l’inverse, une simple charlotte Fraise-Rhubarbe de chez Dominique Saibron remplissait bien mieux son office : la balance entre la douceur de la fraise et l’acidulé de la rhubarbe était bien là, la bavaroise à la vanille exprimait bien son parfum et le biscuit cuiller n’était pas trop sucré. C’est simple, on ne cherche pas à trop en faire, ça fonctionne. Pas de quoi être surpris ou y voir la pâtisserie du siècle, juste un produit honnête.

Je crois que le plus compliqué, c’est encore et toujours de rester simple et humble. Ne pas oublier d’où l’on vient, ce que l’on est, et vers où l’on va. Enfin, plutôt comment on y va, car je pense qu’il est plus intéressant de se concentrer sur le parcours que sur l’objectif en lui même.
Ce chemin n’est pas exempt d’obstacles et d’embuches, et la meilleure façon d’avancer est de demeurer à l’écoute des autres et des remarques qui nous sont faites. Ne pas avancer tête baissée en étant convaincu d’avoir raison.
On pourrait citer des dizaines d’exemples de personnes ayant pris le parti de se placer « au dessus » des autres, de chercher à asseoir leur supériorité. Peut-être sont-elles encore au sommet, mais cela finira par changer, leur public finira par se lasser de telles attitudes. A partir de ce moment, il sera certainement trop tard pour réagir.

Que dire d’autre à part d’inviter chacun à se concentrer sur ce qu’il sait faire, sur ce qu’il peut apporter aux autres pour améliorer un peu leur quotidien, leur vie ? Partager, tout simplement, sans calcul inutile.
Quant aux produits, eux aussi, ils doivent savoir rester simples et accessibles. Inutile de les rendre compliqués, coûteux, aristocratiques. Nous sommes dans le domaine des métiers de bouche, et je considère qu’ils sont justement empreints de cet esprit de partage et de plaisir.
Gardons les pieds sur terre… c’est tellement mieux ainsi.

Vous l’aurez peut-être remarqué, j’ai tendance à avoir un côté anarchiste et iconoclaste. Je crois en la nécessité de liberté et au fait que l’on doive tout faire pour la conserver et l’exprimer.
Pourquoi se laisser imposer des choix médiocres, pourquoi accepter de manger un pain de mauvaise qualité, qui aurait plus tendance à gâcher un repas alors qu’il devrait le sublimer ?

Comme j’ai déjà pu le souligner ici, certains restaurateurs proposent du pain plus que médiocre, de façon plus ou moins volontaire. Dans tous les cas, c’est loin d’être à l’honneur et à celui de leur table. En effet, dans certains cas, le reste des prestations est de bon niveau, mais les voilà ternies par quelques morceaux de pain. Dommage.
Au lieu de subir, reprenons un droit de regard sur ce point… ainsi a germé BOB, un joli petit nom, ou plutôt un acronyme. Bring your Own Bread. Cela reprend un peu ce que proposent déjà certains restaurants avec le vin, où il est possible de venir avec sa propre bouteille. Pourquoi nous -amateurs de mie et de croûte- ne ferions-nous pas pareil ?

Ma proposition a également pour objectif de faire évoluer les mentalités et de renverser le cours des choses. Pour cela, il faut rendre l’initiative visible, et c’est là que le painrisien intervient :
– Vous vous rendez à une table, vous dégustez le repas et êtes vraiment déçus par la qualité du pain proposé.
– En bons painrisiens, vous avez demandé votre « kit » BOB qui sera proposé si tout cela se met en place, constitué de quelques explications mais surtout de « cartes de visite ». Suite à votre repas, vous remettez une de ces fameuses cartes au restaurateur. Dessus, un message tout simple : ne négligez pas le pain ! – mais surtout, tant que ce sera le cas, nous apporterons nos propres baguettes, miches ou diverses formes.
– Une fois rentrés chez vous ou avec votre téléphone mobile, vous saisissez sur le painrisien les informations au sujet du restaurant où vous considérez qu’il est nécessaire de pratiquer le « BOB », ainsi que vos remarques au sujet du pain.

De cette façon, la communauté profite de votre expérience et cela peut amener la profession à se poser des questions sur ses choix, à évoluer.
Bien entendu, tout cela reste encore une idée, un projet parmi d’autres, et cela ne peut se faire sans VOUS, amateurs de pains et painrisiens ! C’est pour cela qu’avant tout, j’aimerais avoir votre avis : qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à commenter suite à cette note, ou bien à me contacter directement. Merci !

Comme le faisait très justement remarquer Estérelle sur Twitter, les « caisses automatiques » ont une fâcheuse tendance à se répandre au sein des boulangeries ces derniers mois. Ces dispositifs gèrent l’encaissement et le rendu de la monnaie en lieu et place du travail effectué par les vendeurs/vendeuses jusqu’alors.

J’en avais déjà un peu parlé dans de précédents billets, notamment au sujet des Berlingots d’Hier du Grenier à Pain des Abbesses ou encore du Moulin de la Vierge. Je ne peux me résoudre à accepter cette « évolution », que je qualifierais au contraire de régression. Peu à peu, on s’oriente vers un rapport complètement déshumanisé au sein des boulangeries, alors qu’elles représentent de véritables vecteurs de lien social. J’en fais peut être beaucoup pour peu de choses, mais c’est une question de principe. Il n’est pas normal de se cacher derrière des raisons d’hygiène pour justifier ce changement : il est toujours possible de respecter des normes de sécurité alimentaire strictes malgré un transit de liquidités entre le personnel de la boutique et la clientèle.

Le pain n’est pas une marchandise comme les autres. Il est porteur de valeurs fortes, presque « sacrées » : le partage, l’échange, la simplicité. Refuser tout contact humain lors de sa vente, c’est chercher à perdre un peu de tout cela. A terme, pourquoi ne pas en arriver à des boulangeries complètement automatisées, de véritables distributeurs de pain ? Pratique et hygiénique, sans doute, mais quelle tristesse. Acheter du pain, c’est aussi partager quelques mots, un sourire, un peu de chaleur humaine. C’est idiot et banal, mais cela peut représenter beaucoup dans des périodes de solitude.

J’invite donc nos amis les artisans boulangers à ne pas céder aux beaux discours des fournisseurs de matériel de caisse, qui sont bien souvent très habiles pour vendre des dispositifs toujours plus perfectionnés – et donc coûteux. Doit-on renoncer à l’humain pour quelques écarts de caisse ? Ne soyons pas ridicules.
De l’autre côté, je vous invite vous, consommateurs de pain, painrisiens, provinciaux et même étrangers qui me lisez (j’en profite pour vous remercier une fois encore !), à ne pas fréquenter des établissements faisant ce choix, pour exprimer une opposition de principe, en espérant que de cette façon nous continuerons à fréquenter des boulangeries humaines.

Billets d'humeur

21
Août

2011

Descendre les Champs Elysées…

La plus belle avenue du monde. Avenue des Champs Elysées, un après-midi d’été, la chaleur à son comble. Au milieu de cette horde de touristes venus admirer les « charmes » de notre capitale, je regarde autour de moi et je suis un peu désolé. Désolé de l’image que cela donne de la France. Ainsi donc les constructeurs automobiles, les chaînes de restauration rapide (Quick, Mc Donald’s, Brioche Dorée, Paul, Starbucks…) ou encore les créateurs de mode représenteraient notre pays aux yeux du monde ? Je ne vois pas vraiment ce qu’il y a de beau là dedans. Certes, l’avenue est majestueuse, elle s’offre à nous dans toute sa largeur et avec ce côté impressionnant qu’elle peut avoir. Son contenu est, quant à lui, représentatif de la pauvreté culturelle que nous entretenons.

Pour moi, être painrisien ce n’est pas que regarder le bon pain, non, c’est développer un mode de vie sensible à la beauté des choses, engagé dans l’idée que l’on peut rendre le quotidien moins morose en tentant de prendre du plaisir au travers de choses simples. A mon sens, ce n’est pas sur cette avenue que l’on peut trouver son « bonheur ». Tout y est tellement surfait, et les grandes sociétés multinationales y règnent en maîtresses. Est-ce tout ce que nous avons à offrir ? Loin de là.

Oui, descendons les Champs Elysées… pour se réfugier dans des quartiers plus authentiques, où l’on retrouve des produits qui ont du sens, une histoire et qui sont le fruit de l’amour d’un métier. Si c’était ce que l’on montrait aux touristes, ils prendraient peut-être conscience du savoir-faire que nous avons et passeraient moins de temps à le piétiner en célébrant des enseignes bas de gamme ou des maisons vivant grandement sur leur réputation. Parfois je suis un peu désespéré en voyant tout cela… puis je me reprends. Il y a d’autres choses à voir, demain.

Certaines tendances et manies m’agacent vraiment, car elles ne reposent sur… rien. Parmi elles, celle de fariner le pain. Un grand nombre d’artisans utilisent une quantité considérable de farine pour « décorer » leurs baguettes, bâtards et autres miches. Au final, c’est blanc comme un jour de neige.

A la dégustation, cela n’apporte strictement rien, mis à part un goût persistant de… farine. Or, le pain a des arômes bien plus complexes et intéressants que cela, il est donc idiot de les gâcher de cette façon. De plus, je ne suis pas persuadé que cela enrichisse le visuel : il n’y a rien de plus beau qu’une croûte bien dorée. Au final, tout cet amas de farine serait simplement destiné à donner un aspect plus « traditionnel » au pain, à rassurer le consommateur sur le fait qu’il achète un produit artisanal. Cela revient à considérer que nos ancêtres avaient des habitudes dispendieuses sur les matières premières – et je ne suis pas certain que ce soit les respecter que de penser ça.

C’est dommage, car on retrouve ce travers chez de bons artisans, qui gâchent leurs talents et leurs produits de cette façon. Bien entendu, la pratique est beaucoup plus répandue chez des boulangers cherchant à « prouver » leur maîtrise et leur savoir-faire. Il faut donc leur demander du pain, et non de la farine… En effet, le prix n’est pas le même au kilogramme, et la bonne farine se trouve certainement plus que le bon pain. C’est tout ce que l’on demande à un boulanger : du bon pain, qui nourrisse notre corps et notre âme. Tout le reste est superflu.

Notamment pour éviter de manger ça.

Façonnage approximatif, croûte molle dès l’achat, mauvais rapport entre mie et croûte (trop de mie pour une baguette !), quasiment aucun parfum, voilà une baguette de tradition bien peu attirante. Après ce premier contact, la dégustation prolonge le « plaisir » : mie pâteuse, mâche désagréable et goût de… levure. Autant vous dire que cela n’a aucun intérêt, et aurait plutôt tendance à gâcher un repas plutôt que de l’accompagner et de le sublimer.

Cette baguette, je l’ai tout simplement trouvée chez un boulanger près de chez moi, en banlieue parisienne. Elle est assez représentative des options que l’on peut avoir par ici, entre médiocre et mauvais. Je suis attristé par une telle situation, pour plusieurs raisons : tout d’abord car les consommateurs n’ont pas à leur disposition une offre suffisamment qualitative, ce qui a pour conséquence qu’ils se contenteront d’un produit plus que médiocre, pourtant proposé à un tarif « standard » (1,10 euros la baguette de tradition de 250gr). Ensuite, pour arriver à un tel résultat, il faut que l’artisan ayant réalisé ce pain n’y ait pas mis beaucoup du sien, je crois. C’est dommage : il répète jour après jour des recettes, des process, sans y apporter la moindre touche de sensibilité, d’amour, ce qui changerait peut-être le goût de cette fameuse baguette. Je crois énormément en l’importance de cet « ingrédient » pour obtenir un pain savoureux.

Ainsi je suis devenu un painrisien, un drôle d’individu prêt à « courir » le pain. Bien sûr, ce n’était pas la seule raison. J’avais besoin de reprendre goût à l’alimentation, à trouver du plaisir dans ce que je mangeais. Je ne crois pas que cela aurait été le cas si je n’avais eu en face de moi que ce genre de baguette, mis à part si j’avais eu un goût prononcé pour la levure et les produits insipides.
Cela me dérange un peu, au final. Nous n’avons plus d’excuses pour faire du mauvais pain, nous maîtrisons des technologies qui nous permettent d’assurer une excellente régularité de production (chambres de pousse à température contrôlée, fours à hydratation programmée, …). Malgré tout cela, nous continuons à nous complaire dans le médiocre, dans l’inintéressant. Pourtant, peut-être que les consommateurs seraient plus enclins à aller en boulangerie si le pain qu’ils y trouvaient se différenciait nettement de celui proposé en supermarché. Aujourd’hui, c’est trop rarement le cas, et je comprends presque leur démarche : c’est plus pratique et généralement moins cher. Dès lors, pourquoi s’en priver ?

Etre painrisien, je pense que c’est aussi être porteur d’une certaine « mission » : inciter les autres à s’intéresser au beau et au bon, mais également pousser les artisans peu impliqués à changer leurs habitudes. Certes, cela peut paraître naïf et utopique. Pourtant, c’est bien là mon engagement… et ce pour quoi je m’implique au quotidien, en écrivant ici même.

Je ne suis pas un fervent défenseur de l' »intellectualisme », je considère plutôt que la culture doit être accessible à tous, pas seulement réservée à une petite élite qui saurait quoi et comment penser. Au mot « culture » on peut ainsi associer plusieurs sens… Aucune n’est à dénigrer plus qu’une autre.
Ce qui me gène, c’est quand on commence à envahir des lieux où s’épanouit l’histoire et la culture. Dans ce domaine, quelques entreprises n’ont aucune limite.

C’est notamment le cas d’Autogrill. Cet opérateur de restauration, présent notamment dans plusieurs gares parisiennes (Gare de l’Est, du Nord) et sur de nombreuses stations d’autoroute, a repris depuis quelques années la gestion des restaurants du Caroussel du Louvre.
Ce centre commercial est installé dans les sous-sols du Louvre et regroupe quelques enseignes assez diverses, telles que Nature et Découvertes, Apple, Virgin ou encore Mariage Frères. On peut trouver cela discutable, car c’est ni plus ni moins exploiter la présence de touristes pour leur vendre des produits de consommation, dans un lieu qui devrait être dédié à la culture. Néanmoins, il aurait été difficile d’imposer l’implantation de boutiques se rapportant uniquement à ce domaine.

Là où je suis choqué, c’est dans l’espace « Restaurants du monde », géré par ce fameux groupe italien. Le concept ? Regrouper dans un « food court » différents corners proposant des spécialités culinaires du monde entier. En pratique, les produits proposés transpirent la friture et sont un concentré de tout ce que l’on peut offrir en terme de mauvais goût culinaire. Le mieux ? Prendre un plat au corner asiatique et le manger dans la zone Mac Donald’s. Il est possible d’en faire de même avec les autres styles de nourriture. Un voyage des sens garanti.

Je parlais de Mac Donald’s – car cette enseigne est bien présente dans l’offre développée par Autogrill… Son espace est situé en mezzanine sur des éléments appartenant au Louvre. Effet saisissant : la consommation de masse, l’agro-business, le fast-food surplombe l’histoire, dans tout ce qu’elle peut avoir de noble et de respectable.

Tout cela n’est pas très « painrisien », dans le sens qu’on ne retrouve pas le respect de cette ville qui nous entoure et nous entraîne, Paris. Ce qui fait sa beauté, son intérêt, est bafoué au profit d’intérêts commerciaux. D’ailleurs, ce n’est certainement pas ici que l’on retrouvera du bon pain ! Entre sandwiches industriels et baguettes ou pistolets surgelés, le mauvais goût est presque institutionnalisé par Autogrill. Tout cela est tellement triste…

Billets d'humeur

07
Août

2011

Saisir Paris, un dimanche d’août

Je l’ai déjà écrit ici, mais j’aime Paris autant que je la déteste. J’aime sa grandeur, sa diversité, sa vie permanente, mais je déteste sa fureur, ses mouvements d’humeur, cette atmosphère qui change les gens et les rend agressifs, mauvais… moi le premier. Pressés mais lents, toujours affairés mais perdus, nous avançons dans cette grande ville « lumière ».

Parfois, cependant, c’est un peu comme si tout cela disait juste « pause », comme si la ville avait décidé qu’il fallait faire une trêve, nous laisser vivre. Je ne suis pas seulement sensible au bon pain, aux bons produits, non, j’aime aussi profiter des ambiances, saisir les couleurs, parfums, instants. J’aimerais parfois me donner le temps de m’asseoir pour mieux profiter du spectacle, pour peindre ce tableau fascinant d’une ville telle que Paris.

Aujourd’hui, un dimanche d’août, je voulais sentir cette vie parisienne un peu apaisée. Dans le Marais ce matin, peu de monde, peu de voitures, peu de Paris. Notre grande dame prenait des couleurs de ville de province. En remontant la rue de Turenne, pas un seul commerce ouvert. Le calme, juste le calme. Pour seule compagnie, des mouettes. Il ne manquait plus que les embruns, le bruit des vagues, l’odeur des vacances. Même le marché des Enfants Rouges n’était plus aussi écarlate que d’habitude, seuls quelques courageux marchands se tenaient derrière leur comptoir, attendant sans grand espoir une foule qui se faisait bien attendre.

Changement de lieux, changement d’atmosphères. Un passage vers les buttes Chaumont en début d’après-midi, pour profiter des pains si spéciaux de chez Véronique Mauclerc. Même le parc semblait avoir été abandonné par ses habituels coureurs du dimanche. En passant par Marx Dormoy, je retrouvais par contre les mêmes odeurs et couleurs qu’à l’ordinaire, entre nourriture exotiques, langues d’ailleurs et multiples ethnies. Ici, le luxe des vacances n’est pas quelque chose d’accessible. Il y a de quoi se sentir un peu idiot, avec mon « pairisianisme », d’ailleurs. La préoccupation serait plus ici d’avoir du pain sur la table, peu importe lequel.

On redescend, le malaise un peu également. Montmartre, place de Clichy, l’Opéra. Le peu de vie parisienne restant en ce jour se concentre là, avec ces touristes venus découvrir la France et ses curiosités. Parmi elles, d’ailleurs, le pain et les douceurs. Attroupés dans les boutiques Ladurée, Pierre Hermé ou encore « la Cure Gourmande », les gourmands du monde entier se retrouvent et pensent toucher du doigt notre culture…

Je traverse ces quartiers, ces ambiances tout en courant le pain, tout en continuant à me nourrir de ces couleurs. Au fil des heures, j’ai saisi le fil de cette journée, j’ai senti ma capitale s’éveiller, vivre et peu à peu s’éteindre, s’endormir, se laisser porter par la douce langueur caractéristique du mois d’août. Je ne sais pas bien si je préfère des journées comme celles-ci aux autres, ce sont tout simplement des expériences différentes. Demain est un autre jour, d’ailleurs… Toujours aussi painrisien.

Un petit passage par la rue des Martyrs en cette belle fin d’après midi… il m’aura suffi d’un regard pour être partagé entre horreur et dégoût.

Je me demande un peu de qui se moque-t-on lorsque je vois ça. Certainement de la clientèle, mais aussi du travail des pâtissiers de la maison Delmontel, qui méritent malgré tout plus de respect que cela.
Ainsi donc on trouvait l’ensemble des petits gâteaux et entremets, la plupart abimés, présentés sur des plaques. J’ai du mal à croire que cela puisse attirer la clientèle. Peut-être que j’attache trop d’importance à la forme et pas assez au fond, mais je doute qu’il soit possible de retirer quelque chose de valable de tout ce gâchis.

Billets d'humeur

21
Juil

2011

La vie de palace

Si j’ai choisi d’écrire et de réfléchir autour du pain, c’est surtout car j’aime les valeurs qu’il peut véhiculer : le partage, la simplicité, l’accessibilité, … et bien sûr pour le goût qu’il peut avoir lorsqu’il est réalisé avec talent.
Bien sûr, j’ai l’occasion de rédiger des billets sur d’autres sujets, il y a une vie autour et je considère qu’il est important de s’y intéresser. Pour autant, je n’ai pour but que de parler de choses accessibles au quotidien, de petites « touches » -pas forcément indispensables- qui éclairent l’existence sans pour autant impliquer des dépenses folles ou des sacrifices inutiles. La vie c’est un peu un tableau que l’on peint jour après jour, il faut juste savoir choisir ses tubes de peinture et ses pinceaux, faire en sorte qu’ils complètent l’ensemble sans fausse note. Il serait dommage de rogner sur la qualité de ces « matières premières », mais ce n’est pas une raison pour les payer un prix déraisonnable.

Déraison, c’est peut être le mot avec lequel je qualifierais la « folie palace », car ce sont des lieux où les réalités semblent s’évader un peu. Ce n’est certainement pas désagréable, mais prendre le risque de s’y habituer pourrait être relativement dangereux. D’autant que sous les dorures et les étoiles, la réalité n’est pas si extraordinaire qu’il y paraît.

Paris est bien dotée en établissements de ce genre, notre ville attire des hommes et des femmes fortunés de tous horizons et forcément, il doit bien y avoir une offre pour satisfaire cette demande. Meurice, Crillon, Plaza Athénée, Four Seasons George V, Park Hyatt Vendôme, Ritz… Autant d’adresses prestigieuses, même si au final elles sont concentrées sur une petite zone de la rive droite.

Dès que l’on y pénètre, l’atmosphère est différente, empreinte du luxe des lieux, chaque personne semblant jouer un rôle, qui ne la met pas toujours en valeur, d’ailleurs. Certains sont plus contemporains, tandis que d’autres continuent à jouer la carte d’un classicisme assez poussiéreux, comme si le monde n’avait pas changé. Les jugements se font à l’emporte-pièce, en se basant sur des signes ostentatoires de richesse. Porter de grosses montres et des bijoux constituerait-il un vrai signe de réussite et de bon goût ? Pas sûr.
J’avoue que je suis partagé entre admiration et dégoût du travail effectué au quotidien par le personnel de ces hôtels. Contraints de tenir la « ligne » de l’hôtel, ils doivent adopter une attitude dédaigneuse envers des personnes du même niveau social qu’eux, et accepter de se faire écraser par des auto-proclamés « puissants ». La situation ne doit pas être toujours facile à tenir.

Sans y passer une nuit, il est aussi possible de toucher « du bout des doigts » ce rêve de paillettes, par exemple en y prenant un thé et une pâtisserie. C’est ce que je fais parfois. Pour ne rien vous cacher, le résultat n’est pas souvent à la hauteur des attentes que l’on peut avoir, malgré des prix très élevés, tout bonnement prohibitifs. L’expérience en vaut-elle la peine ? Pas sûr. En réalité, j’aurais même tendance à penser qu’une fois celle-ci tentée, on prend plus de plaisir à retrouver des lieux authentiques, où les produits sont vraiment exceptionnels, tout en échappant à ce décorum inutile.

Cependant, il faut tout de même savoir apprécier le décor, car il est parfois sublime. Dernière essai en date, le tout jeune Shangri-La, avenue d’Iéna, dans le 16è arrondissement. Pianiste, verrière, lumière, ambiance calme et apaisée, service agréable et délicat, voilà ce dont il faut profiter, car les douceurs sucrées ne sont pas réellement à la hauteur de leur aspect. C’est là tout le résumé de cette vie de palace : entretenir le paraître, en oubliant le vrai. Je serais tenté de dire qu’il y a mieux à faire…