Certaines histoires marquent notre enfance plus que d’autres… En l’occurrence, je dois dire que les Contes de la rue Broca ont laissé une trace assez indélébile, sans bien savoir pourquoi. Peut-être était-ce le fait que cette rue existait, que je pouvais imaginer cette fameuse sorcière de la rue Mouffetard, que je me voyais descendre ces voies avec toute l’innocence que l’on peut avoir étant jeune… Un jour, la réalité s’est confrontée à la fiction, et j’ai bien du me rendre à l’évidence : le secteur était surtout envahi par les restaurants et autres boutiques à destination touristique… pas de sorcière, mais toujours quelques vampires, assoiffés d’argent.
Heureusement, quelques personnes ont décidé s’en faire autrement et d’aller à… L’Essentiel – en l’occurrence vers le bon pain, les gourmandises accessibles et les en-cas savoureux. C’est le cas d’Anthony Bosson. En effet, depuis hier, le talentueux artisan boulanger du boulevard Auguste Blanqui s’est ‘multiplié’, puisqu’il a ouvert sa seconde boulangerie, au 2 rue Mouffetard.
Un superbe emplacement, à tous points de vue : non seulement la zone est très passante, mais cette boutique d’angle laisse particulièrement bien pénétrer la lumière, ce qui ne manque pas de mettre en valeur les produits. Tant mieux, car ils le méritent.
Le habitués du 13è arrondissement ne seront pas depaysés, puisque l’on retrouve la même gamme que dans la boulangerie historique. Des pains dont la signature est le levain, avec une acidité bien présente, sans pour autant être désagréable. Les plus puristes pourront reprocher le fait que celle-ci se retrouve dans la flûte Bosson, la baguette de tradition des lieux. En effet, cette dernière exprime généralement une belle douceur lactique voire crémeuse dans certains cas. Même si son façonnage manque parfois d’application, la flûte nous joue une musique craquante et savoureuse.
Cependant, si l’on vient à L’Essentiel, c’est surtout pour sa large gamme de pains, dont la plupart sont certifiés Biologique. Pain d’Alouette aux céréales, pain à l’épeautre, ou ‘Versot’ au miel, raisins et noisettes grillées… Quelques noms qui cachent des produits aux cuissons très abouties et à la conservation exceptionnelle – le travail n’y étant jamais étranger. On notera également la création d’un pain signature pour cette nouvelle implantation, le Mouffetard. Mélange de farines de seigle et de meule, vendu au poids pour 8 euros le kilogramme, son façonnage en longues pièces permet de couper de larges tranches, idéales pour des tartines au petit-déjeuner ou toastées à l’apéritif. Ses notes persistantes de noisette, de céréales torréfiées et sa mie assez humide en font un pain de caractère, tout en sachant garder une place discrète à table. Dans tous les cas, le résultat est probant, ce qui est d’autant plus remarquable que l’artisan y parvient dès l’ouverture. Espérons que cela se maintiendra avec le temps.
Au delà de cette création, ce compagnon du Tour de France et son équipe ont également su s’adapter à la typologie un peu particulière de la clientèle du quartier. Ainsi, tout a été mis en oeuvre afin de fluidifier le service des produits de type « snacking ». Un large présentoir les propose en libre service, ce qui permet à chacun de choisir son sandwich parmi les nombreuses recettes proposées, sa salade, et même sa boisson ou encore son dessert. Il ne reste plus qu’à passer en caisse avant de déguster ces douceurs.
Autre point démontrant que cette installation a été particulièrement réfléchie, les horaires d’ouverture. En effet, au 2 rue Mouffetard, le service sera assuré 6 jours sur 7 – du mardi au dimanche – de 8h… à 21h30. C’est bien vu : le quartier reste animé en extrême soirée et cela permettra ainsi de « capter » des touristes en quête d’un repas sur le pouce. En tout cas, on peut l’espérer autant pour eux que pour notre artisan, car les produits sont frais, de qualité et vendus à des tarifs abordables… ce qui serait presque une exception pour le quartier. (les formules commencent à 6,85 euros, voire 5,50 euros pour les étudiants !)
Les plus gourmands ne seront pas en reste, avec de nombreuses pâtisseries développées par l’équipe de l’Essentiel, constituée de jeunes artisans dynamiques, à l’image du reste de l’entreprise. Même si des progrès restent à faire sur la qualité des finitions, on appréciera les efforts réalisés en terme de recherche d’associations de saveurs et de textures. Côté viennoiserie, c’est honnête, sans pour autant être particulièrement brillant.
Dernier point qui rend ce lieu agréable, en dehors de son aspect lumineux, sobre et élégant (matériaux nobles, tels que le bois pour les présentoirs), le service et son sourire sincère. On y retrouve bien entendu des membres de l’équipe de vente du 13è, qui auront sans aucun doute à coeur de transmettre leur goût du produit aux nouveaux arrivants.
Infos pratiques
2 rue Mouffetard – 75005 Paris (métro Place Monge, ligne 7 ou Cardinal Lemoine, ligne 10)
ouvert du mardi au dimanche de 8h à 21h30.
Avis résumé
Pain ? On retrouve la même gamme que celle proposée au 73 boulevard Auguste Blanqui, récemment enrichie du « Mouffetard », le pain signature de l’endroit. En parlant de signature, ici, c’est celle du levain que l’on retrouve : une acidité assez présente s’exprime, sans pour autant être agressive. Accompagnée de belles cuissons, formant des croûtes marquées, elle nous offre des produits à l’excellente conservation. Parmi les créations d’Anthony Bosson, le pain Versot (miel, raisins et noisettes grillées) ou le moelleux aux céréales accompagneront avec bonheur des petits-déjeuners gourmands.
La flûte Bosson, baguette de tradition spécialité de l’artisan, offre aussi cette pointe acide, ce qui ne sera pas forcément du goût de tous : on préfère souvent un pain doux et « lactique » dans ce cas précis, même si elle n’en demeure pas moins craquante et agréable.
Accueil ? Bien sûr, le service est encore en rodage, mais ses qualités humaines sont dors et déjà appréciables. Chaleur humaine, sourire sincère, tout y est pour accompagner ce lieu élégant et bien pensé. Assisté par un large présentoir de libre-service, je ne doute pas qu’il parviendra à régaler de nombreux touristes affairés à la découverte de notre belle capitale…
Le reste ? Large gamme traiteur, bien adaptée aux besoins du quartier : sandwiches variés, salades, desserts simples et pratiques à consommer sur le pouce, le tout dans un bel esprit d’accessibilité, c’est un sans faute. Les gourmandises ne sont pas pour autant négligées, avec une déclinaison de pâtisseries inventives, même si leurs finitions restent à parfaire. Les viennoiseries se situent dans une moyenne honorable, sans offrir un relief particulier.
Faut-il y aller ? La seconde boulangerie l’Essentiel deviendra sans doute rapidement une halte appréciée par la clientèle du quartier, aussi bien « locale » que touristique. Anthony Bosson et son équipe semblent en tout cas avoir tout fait pour, que ce soit de par des horaires d’ouverture larges, un lieu sobre… et bien sûr des produits de qualité. Espérons simplement que ce beau départ saura continuer longtemps, et que multiplication ne sera pas synonyme de division du goût.