Je suis toujours impressionné par la force de certaines marques, leur côté « rouleau compresseur » qui parvient à les faire réussir grâce un déploiement de moyens parfois impressionnant. Certaines ne cherchent même plus à assurer leur domination du marché, considérant que c’est un fait certain et accompli, elles se contentent alors de reproduire les recettes qui ont fait leur succès… à tort ou à raison. Pour d’autres, la concurrence sait se faire suffisamment présente pour inciter le rouleau à avancer un peu, pour se réinventer.

C’est d’autant plus nécessaire à mon sens lorsque l’on est principalement reconnu pour un seul produit. Chez Ladurée, ce sont incontestablement les macarons qui tiennent la vedette, preuve en est des investissements réalisés autour de ces coques meringuées : une usine gigantesque en Suisse, pour abreuver la soif de sucre des consommateurs. Pour autant, la marque ne se limite pas à cette activité et déploie également des savoirs-faire dans des milieux variés : pâtisserie, bien sûr, mais aussi thés, confiseries ou encore… parfumerie et autres produits dérivés (qui n’a jamais rêvé d’une bougie macaron ? Et bien ils l’ont fait !).

Les Marquis de Ladurée

Le chocolat a toujours fait partie de leurs gammes, mais de façon plutôt anecdotique : il n’était pas particulièrement mis en avant et ne faisait certainement pas partie des choses auxquelles on associait le nom Ladurée. Visiblement, cela travaillait les têtes pensantes de la filiale du groupe Holder, puisque c’est tout un concept qui a été développé autour des dérivés du cacao. Son nom ? Les Marquis de Ladurée.

L'extérieur, Les Marquis de Ladurée, Paris 1er

Hors de question de quitter les codes de l’aristocratie et de ce « passé glorieux » comme on peut le retrouver dans les autres maisons Ladurée. Ici, rue de Castiglione, à deux pas de la place Vendôme et d’autres chocolatiers renommés comme Jean-Paul Hévin, une boutique à l’aménagement particulièrement soigné a ouvert ses portes la semaine passée. Un événement d’ailleurs plutôt discret et n’ayant pas fait l’objet d’annonce préalable particulière, comme si cela n’était même plus nécessaire : rien que l’évocation de la fameuse marque suffit à arrêter passants et touristes.

Un aménagement intérieur lumineux, formant un bel écrin pour les produits.

Un aménagement intérieur lumineux, formant un bel écrin pour les produits.

A l’intérieur, pas de doute, le chocolat est bien mis à l’honneur : on le retrouve dans l’ensemble des produits. Bonbons de chocolat variés, truffes, bouchées gourmandes, mais aussi pâtisseries made in Morangis (Saint-Honoré Chocolat, Savarin Grué de Cacao-Chantilly Chocolat-Grand Marnier, Religieuse Cassis-Chocolat, Tarte au Chocolat, …), viennoiseries (pain « tout chocolat », au feuilletage cacaoté, Bostock Cacao développé pour les 150 ans de Ladurée…)… Bien sûr, on retrouve des macarons pour compléter tout ceci.

Les macarons au chocolat sont bien mis en avant en vitrine, avec de nombreuses pyramides...

Les macarons au chocolat sont bien mis en avant en vitrine, avec de nombreuses pyramides…

Forcément, du fait de l’ouverture récente, le service est loin d’être aussi occupé et empressé qu’il peut l’être dans les autres succursales de l’enseigne, bien au contraire. Dans tous les cas, ce choix d’implantation ne doit pas manquer de présenter un coût important, ce qui laisse présager de grandes ambitions pour ce nouveau concept. Malgré les reproches que l’on peut inévitablement faire à une telle maison, elle prouve ainsi une certaine capacité à faire preuve d’ambition et à développer de nouveaux produits. L’incendie de la « vitrine » des Champs-Elysées avait suscité beaucoup d’interrogations, qui semblent aujourd’hui dépassées.

Infos pratiques

14 rue de Castiglione – 75001 Paris

Avoir du succès, c’est bien. Le faire durer, c’est mieux. Pour cela, il faut souvent beaucoup de talent et plus qu’une « bonne idée ». Quelques hommes possèdent cette capacité et la vision nécessaire pour y parvenir, et généralement ils ne sont pas étrangers à la création de l’entreprise qu’ils dirigent : on pourrait presque parler d’esprit d’entrepreneur, une façon de penser, d’agir et de vivre assez difficile à caractériser, mais qui ne manque pas de qualités. Bon, bien sûr, il ne faut pas que cela s’accompagne d’une fâcheuse manie à trop en faire, à chercher à défendre son statut coûte que coûte… mais je m’égare.

Quand la maison perd sa tête et change de mains, on peut parfois craindre un certain… flottement. Je crois que c’est précisément le cas de la maison Moisan, qui connaît ces dernières années un lent déclin, amplifié au cours de ces derniers mois. A l’origine, Michel Moisan a donné son patronyme à ce qui est aujourd’hui une des nombreuses enseignes du groupe Bertrand. Faut-il le rappeler, mais ces derniers sont avant toute chose des restaurateurs, en charge notamment d’Angelina, Lipp, Charlie Birdy ou de Bert’s. Même si la fameuse pâtisserie-salon de thé parisienne connaît un développement soutenu ces dernières années avec de multiples ouvertures, on ne peut pas en dire autant de leurs autres marques : la brasserie Lipp est progressivement devenue une institution poussiéreuse, Bert’s a considérablement réduit la voilure et ne compte plus que quelques unités… Rien de bien glorieux.

Malheureusement, Moisan s’est engagé sur la même pente. A l’époque de sa création et de son fondateur, la puis les boulangeries (son fournil historique se situe en face du marché d’Aligre, dans le 12è arrondissement) comptaient parmi les précurseurs du développement du pain Biologique.
Entre temps, Christian Vabret, le fameux Meilleur Ouvrier de France boulanger aux multiples casquettes (autant entrepreneur qu’acteur dans les instances de la profession ou formateur), avait rejoint l’aventure, avant d’être discrètement éjecté de la structure par le groupe Bertrand.

Au niveau de la station Maubert-Mutualité, sur le boulevard Saint-Germain, le "Boulanger de Saint-Germain" est passé aux mains de la famille Carton qui continue de proposer des pains Biologiques en association avec les moulins Bourgeois.

Au niveau de la station Maubert-Mutualité, sur le boulevard Saint-Germain, le « Boulanger de Saint-Germain » est passé aux mains de la famille Carton qui continue de proposer des pains Biologiques en association avec les moulins Bourgeois.

Pourtant, tout semblait réussir au « pain au Naturel », devenu « éditeur de pains bio » : de nombreux points de vente sur des axes passants (boulevard Saint-Germain, à côté de la Gare du Nord, avenue du Général Leclerc, …), de nombreux restaurants et magasins livrés depuis leur laboratoire de Villejuif (les restaurants du Groupe Bertrand, bien sûr, mais aussi Monoprix, entre autres)… seulement voilà, à force de rester immobile, de ne rien réinventer, d’appliquer les mêmes recettes avec une qualité toujours plus moyenne, malgré des prix élevés, la clientèle a fini par se lasser… aussi bien chez les restaurateurs que les consommateurs.

Certes, il reste bien des « indéboulonnables » comme Monoprix, mais pour combien de temps ? La marque perd de sa portée au fil de son détricotage déjà bien entamé : plusieurs points de vente ont été cédés, un à un : à deux pas de l’église Saint-Médard (Paris 5è), boulevard Saint-Germain, boulevard Denain… Certains en ont profité, comme la famille Carton, mais ce n’est pas toujours le cas des clients qui ont pu voir apparaître des enseignes bien peu qualitatives comme Saines Saveurs (sic !). J’ai eu également des retours au sujet de restaurateurs bien heureux d’avoir changé de crémerie…

Quel avenir pour Moisan, à présent ? Leur image de « boulangerie Biologique » de référence est à présent sérieusement entachée, l’offre s’étant considérablement développée au fil de ces dernières années, de façon très qualitative de plus. Les meuniers ont pris le tournant et développé leurs marques : l’Artisan Bio pour les Moulins de Versailles / Brasseuil, le Boulanger Bio chez Bourgeois, … en plus des acteurs 100% Bio comme Decollogne et son très bel outil récemment inauguré à Aiserey, en Bourgogne.
L’avenir nous le dira…

Actualité

21
Déc

2012

Au fait… Ce sont les fêtes !

Le temps passe vite, trop vite. J’ai l’impression d’avoir abordé ce sujet à peine hier, et le voilà qui revient au centre des préoccupations. Forcément, il faut bien créer des occasions pour consommer et donner du travail à nos artisans boulangers et pâtissiers. En fin d’année, ils vont réaliser une grande part de leur chiffre d’affaire annuel grâce aux fêtes et à l’agitation qu’elles provoquent. Cette agitation n’est pas le fruit du hasard : forcément, beaucoup de monde dans les mêmes boutiques, au même moment, cela finit par créer un certain désordre…

Justement, plutôt que de tenter de dire où acheter les meilleurs produits pour Noël, je voulais commencer par inciter à la patience et à la compréhension. Depuis plusieurs semaines déjà, les fournils et laboratoires sont en ébullition pour donner le meilleur à la clientèle. Les personnels sont souvent soumis à une forte pression, en production comme en vente. Nous sommes avant tout des humains, et aussi importantes que puissent nous paraître ces moments de fête, il faut rester compréhensif et accepter l’erreur. D’autant plus en boulangerie : ici, on travaille sans filet ! Pas de surgélation comme en pâtisserie, les pâtes sont pétries au fur et à mesure… on devra donc passer sur des façonnages un peu hâtifs, des cuissons plus courtes que d’ordinaire, même si le goût s’en trouve modifié, il n’y a sans doute pas de quoi s’indigner.

Au bout de la chaine, c’est à nous, clients, de faire notre choix, notre marché, dans une offre pléthorique et souvent peu lisible. Sans doute est-il préférable de revenir à une certaine simplicité, se souvenir que l’important est avant tout de partager ces instants avec ceux que l’on aime.
Bien sûr, le pain fait toujours partie des essentiels, et son caractère simple, universel et partagé en font un ami de choix pour nos repas de fêtes. C’est aussi une source intéressante d’accords et de reliefs pour les plats qui se succèdent sur nos tables. Voici donc quelques conseils…

Le Pain Châtaigne-Figue-Citron de chez Rodolphe Landemaine. La base de farine de Châtaigne apporte sa douceur sucrée, relevée par le citron.

Le Pain Châtaigne-Figue-Citron de chez Rodolphe Landemaine. La base de farine de Châtaigne apporte sa douceur sucrée, relevée par le citron.

Le plus universel ? Un bon type « campagne » au levain. Réalisé sur une base de farine de Meule, agrémentée ou non de Seigle, ses notes acidulées se révèlent un excellent support pour la plupart des mets. Poissons, viandes, foie gras… tout y passe, sans aucun problème. L’acidité doit demeurer maîtrisée, bien entendu, sinon quoi l’expérience peut être moins agréable. Vous en trouverez d’excellents dans les boutiques de Rodolphe Landemaine (son « Pain d’Antan » est une valeur sûre, fort appréciée par les restaurateurs), Dominique Saibron (la boule Bio au levain de miel et d’épices demeure une référence), des Gâteaux et du Pain, La Gambette à Pain (fermée jusqu’au 2 janvier, malheureusement) ou des artisans comme Denis Hecht (17è arrondissement), La Parisienne (3 boutiques), Nature de Pain, …

Pour les fruits de mer ? Du Seigle, assurément. Privilégiez les vraies tourtes auvergnates, réalisées sur levain et très hydratées comme la maison Landemaine sait si bien en faire. A l’occasion des fêtes, on voit aussi apparaître des déclinaisons agrémentées de citron, ce qui rend le mariage encore plus évident.

Pour le foie gras ? Les pains aux fruits secs (à la figue, notamment) sont appréciables pour leur côté sucré-salé qui pourra donner du relief à votre foie gras. Néanmoins, un pain de Mie légèrement toasté se révèle également très efficace, tout comme un pain d’épices grillé. Si l’on souhaite sortir des sentiers battus, on peut aller vers des propositions comme la châtaigne, et des pains « aromatiques ». Parmi mes dernières découvertes, l’accord avec le nouveau pain banane-amande-poivre de Jamaïque de Gontran Cherrier est étonnant, même si son seigle-miso demeure un classique !

Pour les viandes rouges ? Là encore, les pains incorporant du Seigle font merveille, même si l’ajout de fruits secs tels que la noix ou la noisette donnent des résultats intéressants.

… et les blanches ? Ici, la douceur est à privilégier, et une baguette de Tradition demeurera un classique fort à propos, même si la châtaigne et ses notes sucrées se révèle également intéressante. Les pains au curry ou au curcuma s’associent également très bien, comme ils peuvent aussi le faire avec des poissons fumés par ailleurs.

Pour les fromages ? Tout dépend du type. Pain aux céréales pour le Gruyère ou le Comté, pains aux olives ou fougasses avec les chèvre… mais en définitive, le pain de campagne reste un incontournable et permettra de ne pas dénaturer la saveur du produit.

Dans tous les cas, les fêtes demeurent une occasion de découvrir des produits sortant de l’ordinaire, et certains ont redoublé d’imagination : pains Châtaigne-Figue-Citron, Seigle-Miso-Algues… chez Rodolphe Landemaine, pain des 13 desserts chez Dominique Saibron, Châtaigne ou Seigle et Framboise chez Citron Meringué à Châtillon…

Et au dessert ?

Une part de bûche Murmur de chez Joséphine Bakery. La mousse au chocolat parfumée au thé fruits rouges se révèle très douce et gourmande, accompagnée par la gelée de mûre peu sucrée et légèrement acidulée. La base croustillante au caramel relève l'ensemble.

Une part de bûche Murmur de chez Joséphine Bakery. La mousse au chocolat parfumée au thé fruits rouges se révèle très douce et gourmande, accompagnée par la gelée de mûre peu sucrée et légèrement acidulée. La base croustillante au caramel relève l’ensemble.

Forcément, la bûche reste la maîtresse du sucré pour Noël. Le marron est fortement représenté dans les créations de nos chefs cette année. Côté chocolat, on cherche de plus en plus à travailler sur des origines et des caractères fruités, ce qui renouvelle un peu la discipline. Les prix ont toujours tendance à crever des plafonds, avec des parts pouvant dépasser allègrement les 10 euros dans les grandes maisons. Dans la masse des propositions, mes recommandations iront sans doute (même s’il est un peu tard !) vers les créations de Claire Damon chez des Gâteaux et du Pain, de Manuel Bouillet chez Un Dimanche à Paris, de Benoît Castel chez Joséphine Bakery ou encore de Nathalie Robert et Didier Mathray au Pain de Sucre.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter de bonnes fêtes, sans excès mais non sans gourmandise !

Il y a des personnes que l’on croise et recroise, plus ou moins par hasard. Autant parfois c’est heureux, car ce sont des rencontres que l’on apprécie, autant parfois on préfèrerait que le hasard soit moins facétieux. Cela devient intéressant quand on peut suivre de cette manière des projets humains et savoureux, souvent trop discrets par ailleurs. Au cours de mes promenades painrisiennes, j’ai l’occasion de me rendre compte à quel point la ville est petite : je finis par retrouver des têtes bien connues au hasard des rues, dans des quartiers parfois improbables.

Si je commence ce billet ainsi, c’est parce que j’avais eu l’occasion de recroiser Alexandre, l’un des deux fondateurs de Terroirs d’Avenir, un jour d’été. Cet entrepreneur de l’alimentaire ne m’était pas inconnu, puisqu’il tenait « marché » devant la boulangerie Du Pain et des Idées avant que l’aventure ne prenne fin pour des raisons légales. Quelques mots échangés et une annonce réjouissante : l’ouverture d’une boutique rue du Nil pour le mois d’août.

Terroirs d'Avenir, Paris 2è

Le temps a passé, le soleil aussi, et ce beau projet a connu du retard, comme il en serait presque coutume en matière de commerce. Notre patience n’aura pas été vaine, puisque Terroirs d’Avenir vogue au 7 rue du Nil depuis hier. Dans une boutique à l’aménagement simple mais chaleureux, on retrouve les éléments qui font le succès de l’entreprise : du beau, du bon, tout cela à des prix doux. Le secret ? Sélectionner des producteurs les plus locaux possibles, réaliser un certain volume d’affaires afin de réduire les marges tout en assurant le bon fonctionnement de l’entreprise. Un pari réussi pour Samuel Nahon et Alexandre Drouard, qui livrent aujourd’hui nombre de grandes tables parisiennes. Seulement, les deux compères avaient toujours souhaité mettre leur savoir-faire en sourcing au service du grand public. C’est aujourd’hui chose faite, et ce sera deux fois plus le cas demain – ou plutôt courant janvier – avec l’ouverture des boutiques Boucherie et Poissonnerie au 6 de la même rue, juste en face. Pour cela, ils ont dors et déjà recruté un boucher de haut vol, passé notamment par la prestigieuse maison Le Bourdonnec.

Fruits et légumes, Terroirs d'Avenir, Paris 2è

Même si l’offre n’est pas encore complète, il y a déjà de quoi se sustenter : entre les légumes d’une extrême fraicheur (choux variés, poireaux, blettes, courges… en cette saison), les fruits (pommes, poires, agrumes), les fromages – crèmes crues, beurres et fromages blancs fermiers ou même quelques volailles (coucou de Rennes, notamment) et salaisons (jambon de Porc Noir de Bigorre de chez Pierre Matayron, jambon Prince de Paris, Truite de Banka fumée…), le choix ne manque pas. On pourra même repartir avec une bonne infusion ou une bouteille pour faire passer le tout, à moins que l’on préfère le miel, les pâtes ou encore les vinaigres et les huiles. Vous l’aurez compris, les beaux produits sont à l’honneur, sans que notre porte-monnaie n’aie à en souffrir abusivement. Un état d’esprit très painrisien, en somme.

Jambons, volailles et salaisons variées

Jambons, volailles et salaisons variées

Bien sûr, quelques jours seront encore nécessaires pour que l’équipe soit rodée, et que les horaires soient tout à fait définis, mais l’essentiel est là. On ne peut souhaiter que le navire vogue paisiblement sur cette rue du Nil, déjà bien gourmande jusqu’alors avec la présence du fameux restaurant Frenchie. Dans tous les cas, j’ai trouvé de quoi accompagner mon pain avec brio ! – d’ailleurs, on pourrait presque dire que c’est un beau cadeau de Noël pour garnir nos tables de fête.

Vins, vinaigres, farines et pâtes

Vins, vinaigres, farines et pâtes

Infos pratiques

7 rue du Nil – 75002 Paris (métro Sentier, ligne 3)

Je pense que l’on a tous des souvenirs de sandwiches et repas pris rapidement dans une gare ou un aéroport. Vous savez, cette sensation désagréable de s’être fait avoir, du fait du prix généralement démesuré, ce qui aura pour effet de rendre le repas encore plus amer et sans intérêt qu’il l’aurait été en temps normal. Forcément, les opérateurs chargés de la restauration en concession dans ces lieux de passage ont compris qu’ils disposaient là d’une clientèle quasi-captive, pressée et peu au courant des autres opportunités disponibles dans le secteur. De plus, la satisfaction n’est même pas si importante, puisque la plupart des voyageurs ne repasseront pas dans le lieu, ou alors dans les mêmes conditions…

Eric Kayser rue du Départ, Paris 14è

Fort heureusement, les rues situées aux alentours des gares restent libres et des commerces de bouche peuvent s’y implanter, pour développer des offres moins onéreuses et plus qualitatives. En la matière, Paris ne manque pas d’opportunités et chaque quartier chaque quartier compte ses adresses… souvent complétées ou renouvelées.
Non loin de la Gare Montparnasse, sur la rue du Départ, la Maison Champin proposait depuis plusieurs années une gamme réalisée à partir de farines du groupement Festival. L’emplacement aidant, la clientèle se faisait nombreuse et l’entreprise prospérait. Seulement voilà, depuis quelques temps, ses portes restaient closes et des travaux suivaient leur cours dans les murs… pour préparer l’arrivée d’Eric Kayser, qui est maintenant, on peut le dire, sur le Départ.

Pains, Eric Kayser rue du Départ, Paris 14è

A vos marques, prêts, partez… Chez cet « artisan », on se targue de s’adapter à chaque quartier en proposant un pain signature. Ici, c’est le pain du Départ, qui s’apparente en définitive à un Rustique façonné en boules de 1kg et vendu au choix entier, en demi ou en quart. On y retrouve en effet un mélange de farines de froment, de sarrasin et de levain naturel. Sa réalisation semble encore être assez aléatoire, car j’ai pu découvrir lors d’une de mes visites un produit à la mie étonnamment noire, sans saveur marquée. Pour le reste, même si la fameuse baguette Monge et son acolyte en grand format nommé « pain de Montparnasse » manquent de couleur et sont façonnés de façon parfois approximative, on appréciera la largeur de la gamme, qui décline autant le pain aux Figues que la Ciabatta.

Sandwiches, Eric Kayser rue du Départ, Paris 14è

Impossible de rater le large présentoir à sandwiches et en-cas en libre service : la vocation du lieu est loin d’y être étrangère. D’ailleurs, c’est sans doute ce qui justifie l’implantation d’Eric Kayser dans une boulangerie à la surface aussi petite, ce dernier privilégiant les opportunités permettant la mise en place d’un espace salon de thé. Pas de surprise, les produits sont semblables à ceux proposés dans les autres adresses, à l’image des pâtisseries et viennoiseries dont la réalisation est centralisée, ce qui répond à une obligation de rationalité.

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L’accueil est efficace et globalement bien formé, on retrouve l’expérience de l’entreprise dans le domaine, le temps et les volumes de ressources à gérer aidant. Les flux de clientèle sont bien gérés et l’agencement mis en place est parvenu à donner une autre dimension au lieu, plutôt étroit et étriqué du temps de la maison Champin. On peut s’arrêter quelques instants sur une large table disposée face à la vitrine… avant de repartir vers de nouvelles aventures, plus ou moins loin de Paris.

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Infos pratiques

27 rue du Départ – 75014 Paris (métro Montparnasse-Bienvenüe, lignes 4-6-12 et 13) / tél :
ouvert du lundi au samedi de 6h15 à 20h15.

Avis résumé

Pain ? La « spécialité » de cette boulangerie Kayser est le pain du Départ, réalisé à partir de farines de froment, de sarrasin et de levain (liquide) naturel. En définitive, cela s’apparente à un pain bien connu de la maison, le Rustique, simplement façonné en boule de 1kg vendu en portions. L’intérêt de ce type de grosse pièce est généralement d’offrir une cuisson plus marquée, et donc une croûte plus affirmée. Sa réalisation semble encore un peu aléatoire, avec notamment des résultats étranges et une mie très sombre… à l’inverse des croûtes des baguettes, dont les cuissons sont assez courtes. On appréciera la gamme assez développée, avec une tourte de meule, un pain aux noix, aux figues, aux céréales, de Seigle, une Ciabatta… dans les standards Kayser. Dans l’ensemble, cela se tient, rien à signaler.
Accueil ? Professionnel, efficace et plutôt chaleureux, on retrouve bien l’expérience de l’entreprise en matière de gestion des ressources humaines et de formation. Les produits sont bien maîtrisés et le service se fait fluide dans ce lieu qui n’a plus rien à voir avec l’ancienne boulangerie Champin.
Le reste ? On pouvait s’en douter, l’accent est mis sur les sandwiches et en-cas, proposés dans un large présentoir de libre service. Pas de surprise de ce côté-là, on retrouve des propositions comparables aux autres succursales Kayser. Côté douceurs, la gamme est resserrée, avec un choix limité de pâtisseries, accompagné de viennoiseries et autres douceurs (financiers, brioches, …). Le nom des formules pourra prêter à sourire : Petit Train et Grand Train, voilà qui reste… dans les rails.

Faut-il y aller ? Voilà une alternative très sérieuse à l’offre développée au sein de la gare toute proche, sans pour autant prendre le risque de s’éloigner des quais et donc de rater son train. Même si les produits demeurent très standard, les prix relativement élevés et les pains encore un peu aléatoires, le résultat demeure plus que correct. On préférera tout de même des artisans indépendants, comme La Parisienne, située à quelques pas sur la rue d’Odessa.

A force de temps, on finit par intégrer le fait qu’il ne suffit pas seulement de comprendre… mais qu’il faut aussi apprendre. Intégrer des notions pour avancer et permettre à ses idées d’avancer, à sa vision de s’affiner pour apporter une expertise toujours plus fine et cohérente. Certes, cela n’est parfois pas sans « risques » : nous adoptons forcément un autre point de vue, plus technique et moins « innocent » qu’il ne pouvait l’être par le passé.

Je vous en avais déjà un peu parlé, mais l’idée a grandi et fini par prendre corps. Je me suis inscrit à la session du CAP Boulanger de juin 2013, en candidat libre. Pourquoi candidat libre, en définitive ? D’abord pour une raison strictement personnelle : difficile pour moi de retourner sur les bancs « de l’école », j’ai toujours préféré apprendre par moi-même… et j’ai déjà eu l’occasion de commencer à le faire. Mes connaissances en boulangerie ne sont certainement plus les mêmes que celles que je pouvais détenir en commençant cette aventure painrisienne, en avril 2011 !
Candidat libre, c’est justement une histoire d’amour de la liberté, de pouvoir m’ouvrir à un grand nombre de façons de faire, de voir, de comprendre…

Je ne sais pas pourquoi, mais je me dis que tout cela est bien loin d'être suffisant pour devenir un bon boulanger !

Je ne sais pas pourquoi, mais je me dis que tout cela est bien loin d’être suffisant pour devenir un bon boulanger !

Cela commence par quelques bases : je vais bien sûr me plonger dans les ouvrages de référence, intégrer des notions techniques. Ce à quoi s’ajoutera un travail plus concret, et j’espère que les boulangers parisiens ne rebuteront pas trop à m’aider sur ce point, car c’est d’eux dont j’ai besoin : un peu de place dans leur fournil, le partage d’un « coup de main », d’un savoir-faire… J’en profite d’ailleurs pour commencer à leur lancer un appel : si vous souhaitez participer à « l’aventure », n’hésitez pas à me le faire savoir !

L’aventure, justement, a pour objet de toujours mieux défendre la boulangerie artisanale française. Je n’ai pas réellement vocation à devenir boulanger à court terme, même si je n’exclus pas, à l’avenir, de me lancer dans l’aventure pour partager mon goût du pain mais aussi des autres, en intégrant de réelles valeurs sociales, qualitatives et environnementales dans un projet humain… mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour.
Certes, tout cela aura tendance à me faire perdre la vision de consommateur que j’avais jusqu’alors. Il faut tout de même reconnaître que cette dernière avait eu plutôt tendance à s’effriter au fil du temps, alors n’ayons pas peur de passer le pas. Au contraire, je pense que cela me permettra d’être plus juste et mesuré que je l’ai été parfois.

J’espère dans tous les cas parvenir à mener à bien ce projet au cours des six mois qui me séparent encore de l’examen. Vous pourrez suivre ces nouvelles aventures ici-même, bien entendu, en plus de ce qui a toujours fait le painrisien !

La banlieue serait en définitive comparable à l’espace. Une vaste étendue, remplie de planètes et, c’est sans doute ce qui nous intéresse le plus, d’étoiles. Cela s’applique particulièrement en ce qui concerne les commerces « de qualité », les artisans talentueux. L’avantage de Paris est d’en offrir un véritable concentré, même si en définitive la superficie s’avère assez importante. Cependant, cela peut tout autant devenir un problème : il est plus difficile de distinguer les étoiles quand elles sont proches les unes des autres… La vie est mal faite. Heureusement, nous avons inventé les téléscopes. Le painrisien en fait partie.

Les travaux ne sont pas encore terminés : il n'y a pas d'enseigne, la façade est donc un peu vide et anonyme.

Les travaux ne sont pas encore terminés : il n’y a pas d’enseigne, la façade est donc un peu vide et anonyme.

Cela devait être pour lundi, mais les travaux ont toujours un caractère aléatoire qui les rendent charmants… ou pas tant que ça, en définitive, car les retards représentent autant de chiffre d’affaire non réalisé. J’y étais passé, puisque l’on m’avait annoncé l’ouverture, mais j’avais trouvé la boutique du 3 rue Grande Fontaine encore en plein chantier. Le lieu n’avait cependant pas manqué de me séduire, et c’est avec plaisir que j’ai enfourché mon RER A favori pour m’y rendre de nouveau aujourd’hui.

La fameuse machine à café Coutume, et le pressoir à oranges.

La fameuse machine à café Coutume, et le pressoir à oranges.

Il faut dire que cet ancien garage AD entièrement reconverti ne manque pas de charme, disposé dans un angle et empli d’une belle lumière naturelle. Dans la large surface de vente, les clients pourront prendre plaisir à s’attabler quelques instants sur les chaises d’un rouge pimpant. Ici, l’artisan et ses associés n’ont pas lésiné sur la qualité des prestations proposées : en plus des douceurs, en-cas et gourmandises, il est possible de boire un café « Coutume » ou un jus d’orange pressé minute. Une belle cohérence qui incitera sans aucun doute les locaux à prendre rapidement possession des lieux.

Les pains affichent ici des couleurs que les habitants du secteur ont bien rarement l'habitude de voir...

Les pains affichent ici des couleurs que les habitants du secteur ont bien rarement l’habitude de voir…

Justement, il faudra sûrement d’adapter à la couleur locale et banlieusarde, ce qui poussera sans doute Gontran Cherrier et ses équipes à modifier l’offre, à la simplifier : on m’indiquait à mon passage que quelques clients avaient été surpris par les pains bariolés et les associations de saveurs surprenantes proposés ici. On ne trouvera donc pas le pain banane séchée-amandes-poivre de Jamaïque qui a rejoint la gamme du 22 rue Caulaincourt depuis quelques jours, mais des produits non moins intéressants : les pâtisseries seront notamment légèrement différentes, d’ailleurs prochainement rejointes par une Forêt Noire, tout à fait de saison vu les températures.

Les chaises en bois d'un rouge pimpant font forte impression !

Les chaises en bois d’un rouge pimpant font forte impression !

En plus du travail au laboratoire et au fournil, en boutique, c’est un véritable passionné de pain qui a pris les rennes : tout droit revenu du Canada où il a passé les 5 dernières années, l’homme n’est pas qu’un vendeur mais un véritable boulanger, ce qui lui permet de comprendre le produit… en plus de l’aimer profondément. Une excellente chose pour mener la toute jeune équipe de vente, encore un peu perdue dans la gamme.

Sur un îlot central, les produits d'épicerie fine proposés par Gontran Cherrier (confitures, miels, caramels à tartiner, cookies et autres biscuits apéritifs) sont bien mis en valeur.

Sur un îlot central, les produits d’épicerie fine proposés par Gontran Cherrier (confitures, miels, caramels à tartiner, cookies et autres biscuits apéritifs) sont bien mis en valeur.

Dans tous les cas, la qualité n’est pas perdue, elle : malgré le premier jour d’exploitation, les produits étaient au rendez-vous : une superbe baguette de Tradition, aux oreilles bien développées et aux douces notes presque épicées, des gros pains à la coupe aux cuissons abouties, des sandwiches créatifs et bien gourmands… ainsi qu’un Stollen, prochainement rejoint par son ami le Kugelhopf, bien agréable en ce jour de froid et à l’approche de Noël.

Les pains sont au garde à vous dans une boutique au style proche des adresses parisiennes : carreaux blanc nacré, liseré bleu, plafond du même auteur...

Les pains sont au garde à vous dans une boutique au style proche des adresses parisiennes : carreaux blanc nacré, liseré bleu, plafond du même auteur…

Même si cette étoile de la boulangerie ne nous était pas tout à fait inconnue, elle s’épanouit maintenant dans un lieu lumineux et placé un peu à l’écart de toute l’agitation parisienne. Une bonne raison supplémentaire d’aller faire un saut du côté de cette charmante cité qu’est Saint-Germain-en-Laye !

Tartes, entremets et sandwiches. On notera notamment la présence de gâteaux à partager, plutôt rares dans les boutiques parisiennes.

Tartes, entremets et sandwiches. On notera notamment la présence de gâteaux à partager, plutôt rares dans les boutiques parisiennes.

Infos pratiques

3 rue Grande Fontaine – 78100 Saint-Germain-en-Laye (RER A, Gare de Saint-Germain-en-Laye)

La rentrée avait été riche en ouvertures de boutiques, mais le plus important reste sans doute d’être prêt pour les fêtes de fin d’année. Certes, le choix d’ouvrir en septembre peut se révéler plus judicieux afin d’être bien calé en terme de production et de service, mais les impératifs en terme de recrutement, travaux et autres formalités administratives poussent souvent à être moins « prévoyant »… l’essentiel restant de ne pas perdre le chiffre d’affaire potentiel que représente la période, une bonne part du résultat de l’année par ailleurs.

L’un des premiers à ouvrir le bal a été Patrick Roger, avec sa boutique-musée de la place de la Madeleine. Un lieu plutôt impressionnant, sur trois niveaux, où le chocolatier-sculpteur expose ses oeuvres dans un écrin fait de tubes d’acier, qui ne sont pas sans rappeler ceux de l’orgue de l’église située juste en face. Ainsi, au delà du caractère strictement commercial du lieu, on trouve une véritable dimension artistique qui rejoint astucieusement le marketing : impossible de ne pas être marqué par l’expérience offerte au visiteur-client. Bien sûr, le produit est tout aussi remarquable, et cette cohérence ne peut qu’être appréciée. Des chocolats créatifs, aux saveurs et textures parfois détonnantes… l’expression d’un beau savoir-faire.

Pour continuer dans le registre des chocolatiers, et même des Meilleurs Ouvriers de France, Arnaud Larher a ouvert hier sa boutique en plein coeur de Saint-Germain-des-Prés. Située au 93 rue de Seine, la nouvelle implantation de l’artisan montmartrois se veut ambitieuse car faisant face à une institution du quartier, en l’occurrence Gérard Mulot. On y retrouve l’ensemble des gammes développées par le pâtissier-chocolatier : gâteaux individuels ou à partager, macarons, chocolats, confitures et autres gourmandises… Le lieu est plutôt moderne, sobre et lumineux, avec une certaine hauteur sous plafond.

La Pâtisserie des Rêves voit de son côté les choses en grand et ouvre deux boutiques en deux jours. Aujourd’hui, c’était au 19 rue Poncelet, dans le 17è arrondissement, et dès demain au sein du centre commercial Parly II, au Chesnay. Cela s’inscrit dans le prolongement naturel des investissements réalisés ces derniers mois, avec un nouveau laboratoire en septembre 2011 et de nombreuses créations pour cet automne-hiver. Je ne doute pas que nous aurons à nouveau l’occasion de parler de développements pour cette marque…

Passons maintenant aux ouvertures à venir, et nous traversons la Seine pour nous retrouver dans un des autres quartiers « gastronomiques » de la capitale… et plus précisément une rue, la rue des Martyrs. Non contente d’avoir vu s’implanter Sébastien Gaudard, Popelini, Yves Thuriès ou encore la Chambre aux Confitures au cours de l’année écoulée, elle accueillera à compter du 4 décembre la seconde adresse parisienne du chocolatier-caramélier Henri le Roux. La marque cherche à se faire un nom sur la place parisienne et choisit pour cela des adresses dans les centres « traditionnels » de la gourmandise… Pas de prise de risque, mais un effort qui ne doit pas manquer de présenter un certain coût.

Quittons d’ailleurs ces zones pour le 12è arrondissement, où c’est une plus triste nouvelle que j’ai appris : le discret pâtissier-traiteur et même un peu boulanger Sébastien Dégardin a déserté sa boutique du 29 boulevard de Reuilly. Un départ qui ne manquera pas de décevoir les habitants du secteur, appréciant la qualité et l’accessibilité des produits de cet artisan. La qualité est d’ailleurs au coeur de ce choix, puisque c’est pour des raisons de manque de place au sein de son laboratoire que l’ancien chef pâtissier de Michel Troisgros et Pierre Gagnaire a agi ainsi. Nous devrions toutefois le retrouver dans un nouveau lieu en 2013, puisque c’est sa promesse.

Hors de question de finir sur une note aussi noire, annonçons plutôt une bonne nouvelle en banlieue : la troisième boutique de Gontran Cherrier, située à Saint-Germain-en-Laye (décidément, ces Saints Germain !) et plus précisément au 3 rue Grande Fontaine, devrait ouvrir ses portes samedi prochain, le 8 décembre. Voilà qui devrait agréablement bousculer le paysage gourmand de la cité à l’approche des fêtes.

Début 2013, d’autres lieux s’annoncent déjà, avec notamment les très attendus Gâteaux Thoumieux sur la rue Saint-Dominique – sans cesse repoussés mais déjà bien actifs avec la fourniture des desserts dans nombre de restaurants Costes ou pour des événements comme le Sandro Sunday tout récemment. Alain Ducasse devrait également rejoindre le bouillonnant 11è arrondissement, avec un comptoir à chocolat rue de la Roquette.
Tout cela n’est qu’un avant goût, et l’an prochain s’annonce toujours plus gourmand… à suivre.

[MISE A JOUR]
Comme le faisait très justement remarquer Charles en commentaire, la Maison Pariès ouvre sa première boutique parisienne le 15 décembre au 9 bis rue Saint Placide, tout près du Bon Marché. Une excellente nouvelle pour les amateurs de gâteau basque !

Cela bouge aussi autour de la rue Cler, puisque François Pralus ouvrira au 44 sa seconde boutique au sein de la capitale dès samedi prochain, le 8 décembre. L’occasion de découvrir sa toute nouvelle barre infernale Pistache, une expérience très gourmande.

Enfin, les Merveilleux de Fred continuent leur invasion faite de meringue et de crème, puisqu’ils ont récemment inauguré un nouveau point de vente 94 rue Saint-Dominique, dans le 7è arrondissement.

J’aurai pris un peu de temps pour digérer mon séjour à Poitiers. Pendant deux jours, j’ai pu assister à un spectacle qui m’a enfermé dans une certaine tristesse et donné une bien sombre image d’une partie de la filière boulangère. Non pas que je découvrais cette façon de penser, mais s’y confronter directement demeure toujours difficile et peu agréable quand on porte une certaine idée du pain et de la boulangerie.

Bref, peu importe, ce qui nous intéresse, ce sont les réflexions autour de l’avenir de nos baguettes et autres pains. En prolongement des sujets déjà développés, il a été également question de la boulangerie au sein du territoire. Il faut y voir plusieurs dimensions : tout d’abord, un aspect agricole, puisque les céréales ne se produisent pas par une opération de l’esprit. L’occasion pour Jean-François Gleizes, président de Passion Céréales, d’intervenir et d’insister sur l’importance que le blé peut avoir en terme de développement local, avec un accent particulier mis sur la cohérence dans la gestion des ressources et la proximité. Cela a tout de même de quoi laisser songeur quand on voit la gestion plutôt court-termiste en la matière, avec un épuisement progressif des terres et l’utilisation de variétés à fort rendement mais de mauvaise qualité, que ce soit en terme d’intérêt nutritionnel, de panification ou même de durabilité. Ces points là n’ont pas été évoqués, pensez-vous, pas très glamour ni vendeur.

Jean-Pierre Crouzet sur scène pour parler d’urbain, de ruralité…

En parlant de glamour, justement, c’est le caractère que l’on souhaiterait donner à la profession de boulanger, en lui associant le nom d’entrepreneur. L’idée est de mettre en valeur les possibilités offertes par la profession, notamment en terme de revenu et de développement de l’affaire, en oubliant un peu le caractère pénible et peu épanouissant du métier, qui serait alors dévolu aux ouvriers… oui, vous savez, ceux sur qui les patrons passent leur temps à « cracher », parlant aussi souvent que possible des difficultés rencontrées avec leur personnel.

Du personnel, pourtant, il en faut, et ce n’est pas toujours facile d’en trouver pour travailler dans des zones reculées ou plutôt désertiques. Peu à peu, les boulangeries quittent les villages, faute de rencontrer une clientèle suffisante. Certains résistent en proposant des services tels que des « tournées » dans les secteurs proches de leur boulangerie… Je lisais d’ailleurs un article publié récemment dans le journal l’Union (visible ici : http://www.lunion.presse.fr/article/aisne/les-boulangers-souffrent-en-campagne), traitant de ce problème.
Il peut tout d’abord trouver une réponse politique, et le FISAC, Fonds d’Intervention pour le  Commerce, peut participer à une volonté des élus de conserver de la vie dans leurs territoires. Au cours de ces dernières années, nous avons assisté à un fort étalement urbain, lié notamment aux prix de l’immobilier dans les coeurs de ville. Afin d’empêcher la création de véritables « cités dortoir », il appartient aux politiques de créer les conditions pour rendre le territoire attractif, avec notamment des aides à l’installation, la mise à disposition de locaux adaptés à l’activité artisanale, …

Pour autant, je ne saurais considérer que c’est la seule façon de voir perdurer une activité boulangère en région ou en zone péri-urbaine. Si j’ai appris une seule chose sur le commerce, c’est que deux éléments principaux peuvent être facteur de réussite ou d’échec : l’emplacement et le produit. Vous avez le premier, tant mieux : même en étant un piètre artisan, vous parviendrez sans doute à assurer la pérennité de votre entreprise. Vous avez le second, le chemin sera peut-être plus sinueux, mais votre talent parviendra sans doute à attirer la clientèle là où elle ne se serait pas rendue d’ordinaire. C’est bien sur ce point que je veux insister : en proposant du pain de qualité, savoureux et bien réalisé (conservation, texture, cuisson…), je pense qu’il est possible de faire face à la concurrence de la grande distribution, en préservant ainsi l’artisanat. Seulement, il faut s’engager et ne pas céder à l’apparente facilité offerte par de grands réseaux boulangers, qui ne répondent en rien aux difficultés du quotidien par leur pré-mixes à la saveur uniforme.

Justement, l’intervention de Sylvia Pinel – ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme – sert tout à fait mes propos : elle a défendu le savoir-faire de l’artisanat boulanger français, avec son caractère non délocalisable tout en étant grandement exportable (il n’y a qu’à voir le succès de certains de nos boulangers à l’international !). Avec 12 millions de clients par jour, le poids économique de la boulangerie est non négligeable et il doit être défendu. Cela passe notamment par un intérêt tout particulier porté à l’avenir… et à la jeunesse, à qui il faut proposer des formations adaptées et valorisantes, tout en ouvrant la profession à des publics toujours plus larges (et notamment aux femmes qui doivent intégrer de plus en plus les fournils !). La Fête du Pain 2013 sera d’ailleurs organisée autour du thème des jeunes en boulangerie.

Toutes ces interventions, réflexions et paroles me laissent à penser que la Confédération et bon nombre d’acteurs de la filière ont conscience d’être confrontés à de multiples problèmes et à des enjeux de taille pour l’avenir de leurs métiers. Seulement, ils sont bien loin d’y apporter les réponses adéquates et préfèrent se concentrer sur des solutions à court terme, apportant revenu immédiat sans chercher à se tourner vers des évolutions structurelles qui porteraient, pour moi, beaucoup plus de sens. Je pense notamment à un vrai sursaut qualitatif dans les cultures et sur le produit offert au consommateur. Les deux chantiers se rejoignent inévitablement, puisque le goût ne peut s’en trouver qu’amélioré dès lors que la matière première est de qualité. Au champ, au moulin et au fournil, les acteurs de la filière doivent aujourd’hui s’impliquer pour se différencier clairement des industriels et de la grande distribution, si crainte et décriée. Espérons simplement que le réveil ne soit pas trop tardif.

Certains acronymes sonnent presque comme des noms de mission, vous savez, un peu comme si nous vivions dans un immense film d’agents secrets, sans forcément courir le risque de se faire abattre à chaque coin de rue. Dans un sens, la réalité rejoint la fiction au quotidien, nous jouons des rôles plus ou moins assumés et le film s’achève la nuit tombée, pour mieux recommencer le lendemain… Pendant la journée, nous aurons ainsi parlé de feu l’ANPE, de la FIFA, et terminé brillamment cette démonstration de notre savoir par un CQFD quasi implacable.

Pourquoi est-ce que je vous parle de tout cela, d’ailleurs ? Tout simplement pour annoncer l’ouverture de la nouvelle boulangerie d’un artisan qui aime décidément les acronymes. En effet, Benjamin Turquier inaugure ces jours-ci sa seconde adresse au 59 rue de Saintonge, tout près de sa boutique historique de la rue de Turenne. Là bas, c’était le 134 RdT, ici, ce sera donc le 59 RdS… du moins d’un point de vue administratif, puisque c’est ainsi que l’adresse est enregistrée au registre du commerce. Sur la façade, rien ne l’indique, puisque les travaux d’extérieur attendent encore une autorisation de la Mairie de Paris.

Intéressons-nous plutôt à l’intérieur, puisque c’est bien là que nous retrouverons les produits de la boulangerie. Il aura fallu plusieurs mois de gestation avant de parvenir au résultat proposé aujourd’hui, mais je dois dire que l’attente n’aura pas été vaine. Au programme, on retrouve ainsi des pierres apparentes, du bois et un vrai caractère authentique, servi par un éclairage moderne et élégant. Un style singulier, en nette rupture avec les standards d’aménagement très froid que savent nous proposer des sociétés comme CMC.

Pour être raccord avec cette ambiance beaucoup moins « plastique » et moderne que celle du 134 RdT, Benjamin Turquier réfléchit avec son équipe à l’offre qui sera déployée ici : des essais sont donc réalisés autour de grosses pièces vendues au poids, mais aussi de pains spéciaux telle qu’une baguette de Tradition délicatement parfumée au Sarrasin, un pain sur levain de cidre ou encore un pavé de Lodève et sa pâte très hydratée, pour une mie très alvéolée et une croûte bien craquante. Le temps et la clientèle participeront sans doute à cette mise en place, car il est toujours difficile de bien mesurer les attentes du secteur sans aucun recul. Pour autant, on retrouve dès à présent des produits qui ont fait le succès de cet artisan, dont une excellente baguette de Tradition, des petits pains gourmands tels que le Vannetais (au chocolat blanc), une tourte de Seigle et des viennoiseries au feuilletage bien développé. On pourra également noter l’effort qui semble être fait du côté des pâtisseries, avec des gourmandises simples et mieux finies que celles proposées alors par ce boulanger.

En haut de l’image, des gotchials, une spécialité briochée de la presqu’île de Rhuys. L’initiative de proposer des créations régionales, sortant un peu de l’ordinaire, est tout à fait appréciable et j’espère qu’elle trouvera écho dans la durée.

En toile de fond, les ouvriers façonnent et cuisent les produits proposés en boutique : ici, le laboratoire est de plein pied, un fait particulièrement appréciable pour le personnel, autant en vente qu’en production. Cela apporte de plus une transparence fort appréciable pour la clientèle, bien souvent malmenée par les soupçons de produits industriels qui se développent ces derniers mois.

Je vous ai parlé de seconde adresse, c’est en réalité inexact puisque Benjamin Turquier avait développé sur le boulevard du Temple son concept de BarAPain, en droite ligne avec sa volonté de développer la consommation de pain. Brunch le dimanche, soirées dégustation le jeudi soir, privatisations et démonstrations, le lieu avait même ouvert au déjeuner pendant quelques temps. Sans doute victime de la réalité économique, l’entrepreneur a cédé l’emplacement fin octobre. Fait plutôt amusant, celui-ci n’a pas tout à fait terminé sa relation avec la farine, puisqu’il propose à présent… des galettes de sarrasin, une crêperie ayant pris possession des lieux.

Dans tous les cas, voici une nouvelle adresse prometteuse par la qualité des produits déjà proposés, dans un Haut-Marais où les boulangeries de qualité ne sont malheureusement pas légion… A suivre, d’autant que l’ouverture « officielle » n’a pas encore réellement eu lieu, même si vous pouvez dès à présent vous y rendre !

Infos pratiques

59 rue de Saintonge – 75003 Paris (métro Filles du Calvaire, ligne 8 ou République, lignes 3, 5, 8, 9 et 11)
ouvert du mercredi au dimanche.