J’avoue avoir un petit faible pour le charme un peu désuet des boulangeries où monsieur est au fournil alors que madame est à la vente. Je sais qu’il n’est pas toujours facile de travailler en famille, et la boulangerie ne doit certainement pas y échapper. Pour autant, c’est un commerce où ce type de situation demeure assez fréquente.

C’est du moins le cas chez les Dupuy, installés depuis 1980 au 13 rue Cadet, dans le 9è arrondissement. L’aspect assez dépassé de la boutique peut surprendre, mais pas tant que ça. Ici, le temps s’est un peu arrêté, et les années 2000 ne semblent pas avoir atteint cette boulangerie. D’un côté, c’est sûrement mieux ainsi, ces dernières décennies n’ayant pas apporté que de bonnes choses dans le secteur.
La maison cultive quelques spécialités, réalisées par les deux hommes de la famille, Daniel – le père – et Jérémy – le fils.

Commençons tout d’abord par le pain, sur lequel on peut constater une passion de l’artisan pour le travail sur levain. La création de l’endroit se nomme la baguette Rochetour, aux pointes élégantes. Au delà de son aspect, elle exprime une très légère acidité qui vient chatouiller le bout de la langue, un agréable arôme de noisette et se déguste avec plaisir grâce à sa croûte fine et croustillante ainsi que sa mie très soyeuse et douce, bien qu’assez peu alvéolée. On notera également la présence de divers pains Biologiques, ou bien le pain Limousin, très peu salé. Les cuissons sont généralement assez bien abouties et la conservation de la Rochetour est excellente. Le reste des pains présente un intérêt plutôt limité, la gamme épousant tout ce qu’il y a de plus traditionnel sans pour autant offrir une réalisation exceptionnelle.
Même constat pour les viennoiseries, sur lesquelles il n’est pas nécessaire de s’attarder particulièrement, mis à part pour une fameuse brioche feuilletée, riche et dodue. Les pâtisseries bénéficient d’un certain effort de soin, mais on pourrait leur reprocher de vouloir trop en faire pour une boulangerie. Cependant, c’est dans le domaine des pâtisseries boulangères que les clients seront satisfaits, notamment grâce à une superbe tarte tatin ou à des tuiles aux amandes parfaitement réalisées.
Côté traiteur, rien de bien exceptionnel, des produits classiques sans relief particulier. On peut cependant leur accorder la fraîcheur et un certain sérieux dans leur réalisation.

Ce qui est plus amusant et marquant, c’est sans doute l’accueil, puisqu’on retrouve derrière la caisse Mme Dupuy elle-même, qui nous sert avec son caractère et son côté un peu expéditif. Bien sûr, elle est accompagnée par une équipe de vendeuses, mais c’est bien pour elle que le déplacement en vaut la peine. Mis à part ces considérations, le service est agréable, professionnel et il répond sans difficultés aux questions posées sur ses produits.

Infos pratiques

13 rue Cadet – 75009 Paris (métro Cadet, ligne 7) / tél : 01 48 24 54 26
ouvert du mercredi au lundi de 7h à 20h, 13h le dimanche.

Avis résumé

Pain ? Dans cette boulangerie, la star est une baguette nommée « Rochetour », développée par le boulanger. Travaillée sur une base de levain naturel, elle exprime une très légère acidité qui vient chatouiller le bout de la langue, un agréable arôme de noisette et se déguste avec plaisir grâce à sa croûte fine et croustillante ainsi que sa mie très soyeuse. Conservation excellente même par temps difficile. On regrettera cependant son prix, un peu élevé, car elle est proposée pour 1,35 euros les 250g.
Le reste de la gamme ne soulève pas d’intérêt particulier, même si on trouve d’autres spécialités telles que le pain Limousin, très peu salé.
Accueil ? A l’ancienne. Peut-être un peu sec lorsqu’il s’agit de Mme Dupuy, bien que très professionnel et formé aux spécificités de chacun des produits. La patronne nous sert dans son style à elle, et cela contribue à donner à l’endroit un certain « corps », qui manque parfois aux boulangeries.
Le reste ? On s’attardera sur quelques spécialités de la maison, telles que la tarte tatin, vendue à la part et très généreuse, les tuiles aux amandes ou encore les brioches feuilletées, soignées par le fils Jérémy Dupuy. Les pâtisseries plus créatives, même si relativement soignées, ne présentent pas d’intérêt particulier, tout comme les viennoiseries.

Faut-il y aller ? Pour faire un retour vers le passé, dans les années 80, sans doute ! Sans cela, cela demeure une adresse à l’identité singulière, ayant développé sa propre gamme de produits et s’y tenant avec fidélité malgré le temps qui passe. La famille Dupuy parvient à relever le défi quotidien de travailler ensemble pour proposer sa gamme à la clientèle. Madame, en boutique, défend les produits des hommes de la maison avec son style bien à elle, ce qui peut prêter à sourire mais donne également un corps et un esprit à la boulangerie. Tout cela tient à des détails. En résumé, bonne adresse de quartier, où le boulanger est loin d’être le Cadet de la profession !

Les français n’ont pas le monopole du bon pain et de la boulangerie, même si c’est ce que l’on pourrait parfois penser. De nombreux autres cultures ont développé une vraie culture autour de cet aliment, et même s’il diffère des représentations que l’on peut en avoir, il n’en est pas moins intéressant.

Dans le cas présent, c’est un japonais qui nous apporte une vision intéressante du pain et des saveurs que l’on peut lui donner. Certes, le peuple japonais n’a pas réellement de culture particulière vis à vis de cet univers et s’est peu à peu approprié la nôtre, mais comme pour beaucoup d’autres secteurs, il a cherché à le réaliser de façon parfaite, et même améliorée.

Kenji Kobayashi et sa création, le pain Nikka

Kenji Kobayashi a rencontré le pain au Japon, chez une enseigne bien de chez nous : Paul. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le pain y est bien meilleur qu’ici. Impressionné par les arômes dégagés, il s’est intéressé de plus près à ce produit et s’est donc rendu en France pour mieux en saisir les différents aspects. Première déception, ici, Paul ne produit que des pains de qualité bien médiocre. Cela ne l’a pas pour autant découragé, et il a continué ses essais dans des boulangeries artisanales… jusqu’à passer lui même dans le fournil et passer son CAP de Boulanger grâce à une formation réalisée au sein de l’INBP. Par la suite, il a pu exercer ses compétences au sein du fournil de Jean-Luc Poujauran. Peu satisfait du caractère assez « massif » de sa production, Kenji a bien senti qu’il serait plus à sa place au sein d’une structure artisanale, où il pourrait exprimer sa sensibilité et sa créativité.

C’est grâce à l’une de ses amies, ayant réalisé un stage chez Du Pain et des Idées, que notre jeune boulanger a pu être introduit dans le fournil de Christophe Vasseur. Séduit par la passion de cet homme et le goût de ses produits, il a intégré son équipe, faisant de lui le seul ouvrier masculin de l’équipe. En effet, les autres salariés ne sont autre que des… salariées. Cela a nécessité quelques ajustements, comme pour l’enfournage a été automatisé, mais c’est une caractéristique assez remarquable. Revenons-en à notre ami.
Au delà du fait d’être un boulanger passionné, il est aussi particulièrement créatif et souhaite que l’on sorte du schéma traditionnel de la baguette « star » du boulanger. Ainsi, il apporte de nouvelles saveurs et développe des pains spéciaux originaux, bien en dehors des sentiers battus des céréales, farines de seigle…
Cette passion et ce goût de la recherche le pousse à rejoindre le fournil en dehors des heures de travail, le week-end notamment, moment privilégié pour effectuer des essais. Des essais, il y en aura eu pour aboutir à des créations telles que le pain de Campagne au miel, noix et moutarde, ou encore au pain Gingembre, noix et Sirop d’érable. Cela est souvent le fruit d’inspirations dans l’instant, passées ensuite au crible de la réalisation et du reste de l’équipe. Christophe Vasseur apporte son regard ainsi que des corrections lorsque cela est nécessaire. Il n’est par ailleurs pas le seul, puisque l’équipe de la Pâtisserie Pain de Sucre, dans le Marais – dont je vous avais déjà parlé précédemment, contribue également au travers d’échanges amicaux avec M. Kobayashi. C’est de cette façon que se mettent en place ces pains, mais également ces viennoiseries ou ces brioches tous plus créatifs les uns que les autres. Croissant à la rose, brioche à la châtaigne, et bien plus encore… où s’arrêtera-t-il ?

Christophe Vasseur et le pain Nikka

Malheureusement, il va bien devoir le faire, du moins temporairement. Des questions de Visa de travail le poussent à retourner dans son pays de façon prématurée, pour au moins trois mois. D’ailleurs, l’idée d’un retour définitif sur son sol natal ne touche pas encore réellement cet artisan, qui l’envisage d’ici à une dizaine ou quinzaine d’années. Dans cette attente, il compte bien continuer à régaler les gourmands français, et c’est pour cela qu’un rendez-vous « institutionnalisé » va être mis en place, chaque premier vendredi du mois. C’est ce jour là que l’on retrouvera chez Du Pain et des Idées ces fameuses créations. Initialement, cela devait se faire le samedi, mais l’organisation était assez compliquée, du fait du personnel limité ce jour de la semaine, habituellement période de fermeture pour la boulangerie.

Ce fut en tout cas un réel plaisir que d’échanger avec cet homme, partageant une vision très « painrisienne » de la boulangerie, à la fois ancré dans la tradition, le goût et la qualité du produit, mais cherchant également à proposer au consommateur de nouvelles saveurs, afin de créer de l’envie et d’éviter tout ennui à long terme.

Pain Nikka au Whisky, développé par Kenji Kobayashi

Justement, la nouvelle saveur du jour était un fameux pain au Whisky, développé à l’occasion d’un événement autour de la marque Nikka. Cette création très particulière intégrait des figues, des noisettes, des noix et des marrons, macérés dans l’alcool, en plus de l’incorporation de celui-ci dans la pâte à pain. Ces fruits secs, que le boulanger affectionne particulièrement puisqu’ils accompagnent la plupart de ses créations, prolongent les saveurs maltées et presque vanillées du Whisky, en plus du caractère ludique qu’ils apportent à la dégustation : croquant des noisettes et noix, auquel viennent s’ajouter les petites graines des figues.
Afin d’empêcher la présence de fruits secs à l’extérieur du pain, le coeur est « enveloppé » dans une pâte dépourvue de toute inclusion, tout cela pour éviter que ces ingrédients caramélisent à la surface et apportent des arômes trop soutenus, qui seraient venus perturber le plaisir de la dégustation.

Foie gras et fromage proposés pour accompagner le pain Nikka

D’ailleurs, avec quoi associer un tel pain ? Principalement au foie gras et à des fromages crémeux. Il se suffit également très bien à lui même, de par ses saveurs complexes et marquées et l’incorporation de nombreux ingrédients.
Comme d’habitude, la mie est d’excellente tenue, la cuisson bien aboutie et la croûte marquée et présente. Cette « signature » se retrouve sur l’ensemble des pains de Kenji Kobayashi, et je serais bien le dernier à m’en plaindre. L’ensemble est très gourmand et on y revient avec plaisir, sans lassitude puisque les notes sucrées restent bien dosées, malgré la présence de la figue. L’équilibre a été bien trouvé avec les noix et noisettes, qui créent une balance aromatique. On regrettera juste le caractère très éphémère et limité de ce produit, qui en deviendrait presque « haute couture », créé à façon pour une marque le temps d’un événement. Est-ce ainsi que le pain doit être ? Non, bien au contraire, car comme je le défends et le martèle souvent, c’est avant tout une histoire de partage !

Dans tous les cas, si comme moi vous souhaitez découvrir ce boulanger atypique, vous pourrez le trouver régulièrement en caisse chez Du Pain et des Idées, où il prend plaisir à accueillir la clientèle et à recueillir directement ses avis. Au fournil, à la création et en boutique, mais que ne fait-il pas ?! Une chose est sûre, du mauvais pain, en tout cas.

Il y a des sujets sérieux, qui sont malheureusement considérés avec trop peu d’importance par certains artisans. Pourtant, ce sont leurs clients et plus particulièrement leur santé qui sont concernés par ces questions. Parmi elles, l’hygiène et la sécurité alimentaire tiennent une place centrale.

Cela se décline en deux parties : ce qui se passe « à l’arrière », et ce qui est visible des clients, en boutique. Les deux postes sont au moins aussi critiques.
Au fournil, il va sans dire que les cuves, bacs, plans de travail… doivent être conservés propres afin d’empêcher le développement de bactéries et autres organismes divers. C’est une vigilance quotidienne qui doit être observée pour éviter tout risque lors du travail de la pâte. Egalement, l’hygiène des boulangers doit être irréprochable : mains propres, cheveux courts ou protégés, barbes entretenues… Ce sont eux qui sont en première ligne et peuvent potentiellement servir de relais à des infections.
Paris est infestée de rongeurs tous aussi sympathiques les uns que les autres. Ils sont très présents et représentent un véritable cauchemar pour les propriétaires ou locataires de fonds de commerce. Entre déjections et maladies, ces petites bêtes sont de véritables dangers, car les traces de leur passage sont nombreuses et durables. Beaucoup de fournils en sont infestés sans que les boulangers soient vraiment intervenus afin de mettre un « coup de propre » là dedans. Pourtant, même si elles ne sont pas parfaites, des solutions existent et les entreprises de dératisation font un travail remarquable chez certains artisans.

Si l’on s’intéresse à la boutique, il y a sûrement tout autant à dire. Dans une boulangerie seule, on pourrait penser que les problèmes d’hygiène sont plus limités. Du pain, des viennoiseries à servir, rien de bien sensible. Pour autant, les mains sont un ennemi redoutable de la propreté. Là encore, l’hygiène de chacun est primordiale. Combien de fois ai-je vu des vendeurs ou vendeuses passer d’une activité à l’autre sans prendre le temps de se laver les mains ?
Dès lors que la boutique vend également des pâtisseries, cela devient beaucoup plus sensible. Il faut, de toute façon, éviter tout risque de contact entre l’homme et le produit. Gants, pinces, … autant d’accessoires permettant d’assurer le service en toute sécurité. Là encore, ce sont des précautions bien souvent oubliées et certains prennent un grand plaisir à manipuler leurs pâtisseries à pleines mains… Sans moi.

Bien sûr, la norme HACCP : Hazard Analysis Critical Control Point sert ici de guide des bonnes pratiques à mettre en oeuvre, mais il n’est pas possible de « sur-aseptiser » le fournil et la boutique, qui sont par essence même des lieux de vie. Le pain naît au final d’une dégradation de cellules… Ne l’oublions pas.
Dans tous les cas, je pense que nous avons beaucoup de chemin à parcourir avant d’arriver à un résultat ne serait-ce qu’acceptable, et ce dans bien plus de boulangeries que l’on ne pense. Les artisans négligent de sensibiliser leur personnel sur ces normes essentielles, et cela s’en ressent au quotidien. Il faudrait également qu’ils prennent à coeur d’entretenir leur fournil pour empêcher la prolifération de petites bêtes. Tout un programme !

Pour continuer à exister, les entreprises chargées d’une longue -et parfois belle !- histoire doivent savoir évoluer et s’adapter aux aspirations de l’époque, en proposant une gamme de produits en phase avec les nouvelles attentes des consommateurs.

100 ans ! C’est l’âge de la marque Giraudet, fondée en 1910 par Henri Giraudet, alors Cuisinier-Traiteur à Bourg-en-Bresse. Il reprend la recette originale de la quenelle, développée par Joseph Moyne, et lui adjoint de nombreuses saveurs :  truffes, écrevisses, chair de volaille…
L’entreprise a construit son savoir-faire au fil du temps, autant sur ce produit que sur les sauces l’accompagnant, ainsi que sur le marché des soupes fraîches. Malgré les années qui ont passé, elle a su garder une certaine jeunesse en proposant des recettes adaptées aux goûts de l’époque, au travers de recettes autant simples que sophistiquées.
Dirigée depuis 1993 par Marie-Laure Reynaud, Giraudet fête aujourd’hui cet anniversaire en abordant l’avenir de façon sereine, avec sa position de N°3 du secteur de la Quenelle.

Les quenelles se dégustent aujourd’hui au wok, en infusion, en brochette… et se déclinent en fonction des saisons, tout comme les soupes de la marque. Qui a dit que tout ceci ne pouvait pas être tendance ? Peut-être un peu trop, au final, car cela devrait rester des produits simples et accessibles, ce qui n’est plus vraiment le cas dès lors que l’on cherche à faire de la « haute couture ».
La grande distribution est bien entendu en première ligne pour distribuer ces gammes (80% de l’activité), mais Giraudet a souhaité aller plus loin en développant son propre réseau de boutiques, où peuvent ses produits peuvent être dégustés sur place ou à emporter. Lyon, Bourg-en-Bresse et Paris, l’aventure s’écrit aussi bien sur les terres historiques de l’entreprise qu’au sein de la capitale. Ces bars à soupes et quenelles constituent des endroits de choix pour déguster les recettes élaborées par le chef Michel Porfido.  Quenelle de volaille aux cèpes et ail des ours à la vapeur, Aumônière de quenelle au safran et écrevisses, Soupe au chocolat et quenelle au sucre et épices, quelques exemples parmi tant d’autres de ces étonnantes créations qui parviennent à élever les ingrédients dans le domaine de la gastronomie.

La toute dernière boutique du réseau vient d’être inaugurée à deux pas de la place des Vosges, au 6 rue du Pas de la Mule. C’est au cours d’un « déjeuner de presse » que j’ai pu découvrir l’endroit, rempli pour l’occasion de journalistes et autres bloggeuses culinaires. L’occasion de se rendre compte que l’ensemble était assez bruyant, ce qui est certainement dû aux matériaux utilisés : beaucoup de plastique et peu de produits nobles tels que du bois dans cette ancienne boucherie, dont certains éléments subsistent.
L’aménagement est résolument moderne, entre alliance de tons noirs et blancs, chaises et tables hautes, difficile de rapprocher tout ceci de l’image un peu vieillotte que l’on pourrait se faire habituellement d’un bar à soupes.

Au final, on se dit que la marque cherche peut être à trop en faire pour être « moderne » et se perd un peu dans des recettes compliquées, mais le résultat est tout de même intéressant : les saveurs développées et les nouveaux modes de consommation des quenelles constituent un bel exemple d’une façon de faire évoluer un produit que l’on pourrait considérer comme limité. Egalement, les ingrédients mis en oeuvre sont d’excellente qualité et les compositions plutôt épurées. Une partie de la gamme est certifiée biologique.

Difficile de juger de l’accueil compte tenu du contexte, même si la volonté exprimée semble être de proposer un service haut de gamme, avec une ambiance sereine tout en restant décontractée. Cette boutique s’inscrit plutôt bien dans ce quartier, très à l’écoute des tendances et foncièrement parisien. Je ne doute pas du succès qu’elle remportera, les lieux pour déguster un repas rapide et original n’étant pas particulièrement légion dans le secteur.

Voilà dans tous les cas de bien belles soupes pour tremper des croûtons, en bons painrisiens que nous sommes !

Infos pratiques

6 rue du Pas de la Mule 75003 Paris (métro Chemin Vert, ligne 8) / tél : 01 42 78 71 62
ouvert du mardi au samedi de 10h à 19h30 ; le dimanche de 11h à 19h.

Il y a de ces ouvertures qui font du bruit, pour diverses raisons, pas souvent les bonnes, en définitive. Notre époque s’intéresse plus aux hommes et à leur impact médiatique qu’aux produits, qu’à la sincérité de la démarche et à la cohérence de l’ensemble.

Salut Cyril, moi c’est Rémi. Je crois que l’on n’a pas vraiment entamé notre relation sous le meilleur des jours, tu sais, je t’avais un peu démonté suite à ta présentation presse. Pour autant, je ne me limite pas à ça et j’ai prétention de vouloir juger les lieux que je visite de façon objective, en ayant une vision juste de la qualité de la production et de la prestation dans sa globalité. Ainsi, au delà de ce premier contact peu encourageant, le painrisien s’est rendu plusieurs fois rue Paul Bert, pour prendre la température des lieux et voir comment tout cela fonctionnait après l’ouverture.

L’endroit a été terminé quelques jours après que les premiers clients aient pénétré dans les lieux. Entre le auvent rouge clair – couleur de cette boulangerie – et quelques points de détail à l’intérieur de la boutique, il restait quelques points de finition à réaliser. Au final, l’endroit est assez clair, moderne et contemporain, mais cela n’a pas beaucoup d’âme. D’un côté, c’est peut-être préférable : il n’y a pas de photographie du chef cathodique maître des lieux en guise de décor, et cette « discrétion » est somme toute appréciable.
Au delà de la forme, il convient de s’intéresser au fond, et plus particulièrement au pain, qui n’avait pas été présenté lors de cette charmante après-midi passée au Chardenoux.

Pour s’occuper des baguettes, miches au levain et autres pains spéciaux, un certain Thomas Riss a été débauché de chez Pierre Gagnaire, où il était alors responsable de la boulangerie. Ici, il s’applique à cuire des fournées de baguettes de tradition tout au long de la journée, ainsi qu’à proposer une gamme assez courte – mais plutôt bien vue – de pains. Selon les jours, on trouve ainsi un pain aux tomates et parmesan, aux herbes de provence, olives et tomates séchées, ou encore le « pain bagnat », très moelleux et enrichi d’olives noires et vertes. Dans un registre plus traditionnel, les inévitables pains aux céréales ou aux fruits secs sont également présents.
Je lisais que la Pâtisserie by Cyril Lignac vendait 600 baguettes par jour en moyenne depuis son ouverture, ce qui représente un certain volume. Au delà de la performance numérique, il faudrait également qu’elle soit qualitative… et malheureusement, le pari ne semble pas gagné. J’avais été agréablement surpris par une baguette torsadée achetée le dimanche suivant l’ouverture, grâce à sa mie moelleuse, sa croûte aux notes de céréales torréfiées et sa bonne conservation. Ce produit ne semble pas vraiment suivi, et c’est en goûtant la baguette de tradition « classique » que j’ai été réellement déçu : en plus de n’être pas assez cuite (les cuissons sont en effet assez courtes et les baguettes trop blanches), sa mie était relativement collante et élastique, ce qui n’offre pas une mâche des plus agréables. Côté goût, rien de bien transcendant non plus. Une belle saveur de froment, certes, mais rien de plus. Pas de caractère, pas d’arômes complexes, l’ensemble est sans grand relief.

Pour le reste, les tourtes au levain expriment une acidité relativement marquée, ce qui pourra plaire autant que déplaire. On appréciera cependant les pains aux accents du sud, tels que le Bagnat qui, malgré son prix (3 euros), n’est pas dénué d’intérêt. Les pains sont façonnés avec soin et leur visuel est agréable.

Le visuel, cela semble être un peu trop le point fort du lieu : tout est joli, certes, mais pas aussi savoureux qu’on pourrait l’espérer, à l’image des pâtisseries dont on attendrait mieux. Entre un chocolat trop amer pour les éclairs et les religieuses, un crémeux trop prononcé pour la tarte au citron ou encore des saveurs évanescentes pour la religieuse « caramélia mangue-passion », le sucré fait chou-blanc, malgré là encore le renfort d’un « grand nom » – en l’occurrence, Benoit Couvrand, l’ex-bras droit de Christophe Adam chez Fauchon. On leur reconnaîtra cependant un caractère assez décent et une réalisation soignée, au vu des prix pratiqués – assez peu élevés compte tenu la moyenne des pâtisseries parisiennes. (de 3,5 euros à 5 euros la pièce)

Au final, ce sont certainement les produits traiteur qui sortent le mieux leur épingle du jeu : la gamme de sandwiches est fraîche, renouvelée au quotidien au travers de diverses créations et enrichie de plats chauds ou froids (salades, …) plutôt bien vus. Il n’en fallait pas moins pour attirer les passants du secteur, qui se pressent déjà à l’heure du déjeuner devant les présentoirs de la boutique. En effet, on ne peut pas dire que l’offre proposée dans la zone était jusqu’alors particulièrement attractive.
Les desserts, riz au lait, panacottas…, achèvent le repas sans fausse note. Des formules sont proposées à la clientèle, ce qui permet de s’offrir un repas complet pour à peine 8 euros.

Les viennoiseries sont, quant à elles, tout à fait correctes, et leur ressemblance frappante avec celles de chez Fauchon prête plutôt à sourire, l’exemple le plus marquant étant le façonnage des croissants, aux similitudes troublantes.
Enfin, l’accueil est très sympathique, dynamique et participe à donner au lieu un caractère humain et plutôt agréable, grâce à ces charmantes jeunes filles se relayant derrière le comptoir pour servir la clientèle. Les questions au sujet des produits sont répondues avec encore un peu d’hésitation quelque fois, mais rien de bien choquant ou anormal là dedans.

Infos pratiques

24 rue Paul Bert – 75011 Paris (métro Faidherbe-Chaligny, ligne 8 ou Charonne, ligne 9) / tél : 01 43 72 74 88
ouvert du mardi au dimanche de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? La baguette de tradition pêche malheureusement par une absence de caractère, des cuissons trop courtes et une mie assez pâteuse. Dommage, car les parfums de froment sont bien là, et la matière première (une farine fournie par la minoterie Viron) est de qualité. Les pains au levain sont assez acides et un peu trop coûteux à mon goût. Ce sont les pains spéciaux qui sauvent l’ensemble, avec d’agréables créations aux accents du Sud, particulièrement appréciées avec un repas ou une simple salade.
Accueil ? Souriant, efficace et professionnel. Les jeunes filles en charge du service parviennent à donner à l’endroit un caractère sympathique et accompagnent le client dans son choix, même si la maîtrise des produits reste parfois un peu approximative.
Le reste ? C’est l’offre traiteur qui tire le mieux son épingle du jeu, grâce à une belle variété dans la gamme (sandwiches, salades, plats…), des recettes bien senties et une fraîcheur appréciables. Les formules déjeuners rendent l’ensemble accessible à un grand nombre de bourses, et cela explique sans difficulté la file d’attente qui se forme dans la boulangerie au déjeuner.
Pour le reste, comme j’ai déjà pu l’exprimer auparavant, les pâtisseries pêchent non pas au niveau de leur finition ou de leur visuel – toujours très soigné, « Fauchon’s touch » oblige – mais sur le plan des saveurs. Cela se perd un peu trop dans cette « fausse simplicité », annoncée par le nom de l’endroit, La Pâtisserie by Cyril Lignac.
Les viennoiseries sont cependant tout à fait honnêtes et répondront avec élégance aux envies de gourmandise de chacun.

Faut-il y aller ? Pourquoi pas, après tout. Par curiosité, au moins. Au final, cette « pâtisserie » aurait plutôt tendance à devenir une boulangerie de quartier, où l’on se rend pour acheter un sandwich et une gourmandise rapidement oubliés autant qu’engloutis. C’est assez en phase avec le souhait affiché par le chef, donc il n’y a pas grand chose à redire. Mis à part qu’on aurait peut-être aimé plus de cohérence et de goût.

Ce n’est pas tout de manger du bon pain et de beaux produits, il faut également s’intégrer dans la communauté qui nous entoure. Faisons rimer painrisien avec citoyen ! D’autant plus quand on peut associer la gourmandise avec la beauté du geste…

C’est ce que vous propose en ce moment l’association Jwah, créée afin de soutenir des enfants en situation de vulnérabilité – généralement à l’hôpital, pour leur redonner le sourire. Cela passe notamment par des activités d’éveil des sens : la gourmandise, la beauté des arts graphiques, les bienfaits des rituels de massage et de toucher, etc. viennent distraire, exalter les sens, apaiser le corps et l’esprit tourmentés par les maux du quotidien.
J’ai ‘fait connaissance’ avec cette jolie cause au travers de sa charmante fondatrice, Karen, avec laquelle j’ai eu le plaisir de travailler pendant quelques mois. Impliquée et perfectionniste, elle s’implique aujourd’hui corps et âme dans ce projet.

Cela se retrouve tout à fait dans l’action dont je souhaitais vous parler aujourd’hui. A l’occasion des fêtes de fin d’année, Jwah vous propose une vente le samedi 17 et le mardi 20 décembre à la cave du Vin en Tête des Batignolles, dans le 17è arrondissement. Au menu, des truffes au praliné maison, enrichies de noisettes, de riz soufflé ou encore de noix de pécan. Ces délicieuses gourmandises sont réalisées à partir d’ingrédients de première qualité, tels que du chocolat grand cru de chez Valrhona. Elles sont présentées dans de mignonnes boites à oeufs, protégées pour le transport. Pour la somme de 14 euros euros, vous obtiendrez 24 truffes, de quoi vous faire plaisir (ou faire plaisir), tout en faisant une bonne action !

Des cartes de voeux au visuel soigné sont également proposées. En bref, vous n’aurez aucune excuse pour ne pas faire de jolis cadeaux à vos proches, et passer dire bonjour à Karen de ma part. Bien entendu, c’est également l’occasion pour découvrir la gamme de produits proposée par le Vin en Tête. Entre bonnes bouteilles et conseils avisés, la boutique offre un choix soigné et appréciable pour les amateurs d’oenologie.

Infos pratiques

Ventes organisées au Vin en Tête, 30 rue des Batignolles – 75017 Paris (métro Rome, ligne 2 ou Place de Clichy, ligne 2 et 13) les 17 et 20 décembre, de 11h à 21h.
Plus d’informations sur l’association Jwah sur son site internet : http://www.jwah.fr ou sur Facebook : http://www.facebook.com/Jwah.asso

En matière de pains spéciaux, je pense que l’on pourrait aller loin, très loin. La pâte est en effet un excellent support pour la créativité des artisans, car il est possible de lui imprimer de nombreuses saveurs, au travers d’ingrédients ajoutés, tels que des épices, des fruits secs, des arômes, et que sais-je encore… Chaque boulangerie a la possibilité de développer ses spécialités.

A l’occasion des fêtes, il faut surprendre, inventer, pour que le mot « fête » prenne tout son sens : on tente d’illuminer sa table en la parant de mets d’exception, qui rendront les repas inoubliables. Le pain peut également se parer de ces habits festifs, et les boulangers nous proposent des produits spécifiques, prévus pour accompagner les différents plats. Pain de seigle au citron pour les huitres et les poissons, pain de mie pour le foie gras, pain de châtaigne pour les volailles, … Le choix est multiple dans le répertoire classique.

Ce répertoire peut aussi être enrichi par des créations vraiment originales, et c’est notamment le cas chez Dominique Saibron cette année, avec le « pain des 13 desserts ». Ce nom n’a pas été choisi au hasard : il fait référence à la tradition provençale, où Noël est fêté avec ces fameux 13 desserts, constitués de fruits secs et confits. Le boulanger d’Alésia a choisi de tous les réunir en un seul et même pain, une pièce de deux kilos de forme circulaire, assez plat.
Ma question de fond est de savoir si tant de fruits dans un seul pain peut constituer un ensemble pertinent et agréable à la dégustation. A mon sens, le risque est de perdre son palais avec un trop grand nombre de saveurs mélangées, et surtout que le résultat soit assez sucré – malgré l’utilisation de fruits secs, sans sucre ajouté.
J’avoue ne pas avoir été particulièrement séduit quand j’ai goûté ce pain, n’étant pas un adepte des fruits ajoutés à la mie, dans tous les cas.

Ce pain est avant tout un très bel objet de décoration, à poser sur la table festive : il apporte une touche authentique et élégante. Ensuite, il constitue un cadeau original : quoi de mieux que d’arriver avec cette belle miche sous le bras, pour remercier de l’hospitalité offerte par une maison ? On retrouve là encore beaucoup de symboles forts, tels que le partage, autant rattachés au pain qu’à cette période de fêtes.
C’est également un appel à l’imagination et aux expériences pour associer cette création à des mets et plats. En effet, cette note sucrée peut très bien s’accorder avec divers produits : le foie gras, souvent suggéré avec du pain aux figues, est magnifié par cette note sucrée/salée. C’est également le cas pour certains fromages, dont le goût sera souligné. Il est préférable de toaster au préalable ce pain, pour en apprécier l’ensemble des saveurs.

Les 13 fruits en train d'être préparés

Si l’on s’intéresse à la « technique », les fruits secs marinent ensemble pendant plus de 24h avant d’être mis en oeuvre au sein d’une pâte « Alésiane » (c’est à dire similaire à la baguette alésiane, un pain de tradition française) pour sa douceur (un pain plus acide aurait masqué le parfum des fruits). Tout cela est façonné en pain plat de 2kg puis passé au four, spécialement pour les clients ayant commandé ce produit au préalable. En effet, cette création ne sera pas proposée en boutique, du fait de son caractère spécial et de son format plutôt imposant.
La conservation de ce produit est assez bonne, même s’il a tendance a devenir plutôt sec avec le temps, ce qui rend le fait de le toaster plutôt bienvenu.

Malgré tout, je demeure assez perplexe face à cette tendance de pains spéciaux « tout azimut », car ils ne permettent pas de sentir toute la subtilité et les arômes complexes que peut exprimer une baguette, une miche ou un bâtard. Au contraire, ils pourraient même servir à masquer un manque de talent de la part du boulanger l’ayant réalisé, les ingrédients ajoutés parvenant à compenser le manque de parfum du pain « nature ».
Dans le cas présent, l’écueil serait de privilégier le symbole au détriment du goût à proprement parler.

Infos pratiques

Pain des 13 dessertsDominique Saibron, Paris 14è / 19,90 euros la miche de 2kg – 30cm de diamètre / Pour 12 à 15 convives. A commander 48h à l’avance au 01 43 35 01 07.

Je n’arriverai jamais à bien comprendre l’acharnement de certains artisans à vouloir se multiplier et implanter leurs boutiques un peu partout, tout en perdant complètement le contrôle de la qualité des produits réalisés au sein de chacune d’entre elles. Pire encore, cela induit la mise en place de processus semi-industriels qui, s’ils sont associés à une volonté de réduire les coûts, peuvent impliquer d’importantes baisses de qualité pour les consommateurs.

Pierre Thilloux, propriétaire et fondateur de la boulangerie -et désormais enseigne- La Fournée d’Augustine, implantée historiquement rue Raymond Losserand, a ouvert il y a à peine 3 jours une nouvelle adresse, au 5 de la rue Vavin. Il remplace ainsi un boulanger existant jusqu’alors à cet emplacement, ce qui lui assure dès à présent une clientèle de quartier, habituée à se rendre ici pour acheter son pain. Même si certains clients n’aiment pas le changement, il y a fort à parier que beaucoup continueront à faire confiance à la boulangerie, par rapport à son emplacement et non pour des considérations d’enseigne ou de produit.

L’aménagement intérieur est dans la « norme » de ce qui se fait actuellement : le lieu affiche un aspect très clinique, aseptisé, avec un grand réfrigérateur pour les pâtisseries et produits traiteur. En passant devant la boutique, on pourrait très bien la rattacher à l’un des autres artisans qui se multiplient dans la capitale.
Pour autant, c’est bien à Augustine, et à sa fournée, que l’on fait référence ici. La star devrait être la baguette de tradition, car M. Thilloux ne manque pas une occasion de mettre en avant le prix de deuxième meilleure baguette de la ville de Paris, obtenu en 2004. Or, cela n’est pertinent que pour la boulangerie où le pain primé a été réalisé. Passons, ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Comment est-elle, cette fameuse baguette ? Façonnée approximativement, ses grignes ne se développent pas à la cuisson, elle demeure très moyenne. Quant aux pains spéciaux ou même les pains de tradition, les façonnages et les cuissons sont uniformément mal réalisées, signe qu’il y a d’importants ajustements à faire dans les processus de fabrication. Espérons que tout cela se mette en place avec le temps.

Sur les autres produits, il y a là encore des marges d’amélioration : les croissants manquent de cuisson, et le fond de pâte des tartes affichent une régularité quasi-industrielle. A force de cette expansion, il semblerait qu’Augustine soit en train de perdre toute son âme et son caractère jusqu’alors défendu de « boulangerie à l’ancienne ». Dans un sens, c’est assez inévitable, mais cela n’en est pas moins regrettable. Il faut dire qu’avec 7 boutiques à Paris et en banlieue, il devient nécessaire d’être productif. On retrouve en effet La Fournée d’Augustine jusqu’à… Rungis !

On donnera cependant un bon point à l’accueil, disponible et agréable malgré l’affluence et les quelques difficultés rencontrées avec le système de caisse (ah, ces caisses gérant le paiement et le rendu en monnaie, je les aime toujours autant !). Cela a du mal, à mon sens, à compenser le manque d’humanité et de chaleur induit par le décor très standardisé de la boutique, mais il faut apprécier l’effort.

Infos pratiques

5 rue Vavin (métro Notre-Dame-des-Champs, ligne 12 ou Vavin, ligne 4) / tél : 01 43 25 73 91

Comme tous les jours, des centaines de passants se seront pressés dans leur boulangerie pour acheter leur baguette de tradition française. Un acte anodin, mais c’est ce qui maintient notre rapport à ces boutiques, car la baguette est un produit qui ne se conserve pas et doit donc être acheté au quotidien. C’est ainsi que les boulangeries continuent à exister en France, et qu’elles ont pu disparaître – partiellement, voire quasi-totalement- dans d’autres pays.

Les cuves dans lesquelles la pâte de la baguette Pichard fermente

Alors que certains artisans se contentent d’appliquer des recettes développées par leurs meuniers, d’autres cherchent au contraire à raconter une histoire, à créer une baguette vivante, sans doute chaque jour différente, mais toujours intéressante. C’est le cas de Frédéric Pichard, créateur de la fameuse baguette du même nom.
La demoiselle n’est plus toute jeune, sa création remonte en effet à 1992. Elle a été commercialisée à partir de 1994, après de longs mois d’élaboration. Pour autant, ce pain très fin et tout en croûte n’a pas pris une ride, notamment au travers d’évolutions au fil du temps et des investissements réalisés par le boulanger au sein de sa boutique. On pourrait même dire que sa jeunesse a des chances d’être éternelle, puisque chaque fournée est différente. La pâte est une matière vivante, et ça n’est vraiment rien de le dire dans cette boulangerie, installée au 88 rue Cambronne, dans le 15è arrondissement.

J’ai passé la matinée dans le fournil, mais je crois qu’il serait possible d’y passer des jours, voire des semaines, simplement pour observer la fermentation de cette pâte. Sa composition ? De l’eau et de la farine. Rien de plus, rien de moins. C’est au cours de cette fermentation endogène que se développe le bouquet aromatique de la baguette Pichard. Les blés, réduits en farine, expriment tout leur caractère, comme le font les individus que nous sommes. Il faut bien partir de là : une matière première d’excellente qualité, sans aucun additif, réalisée tout spécialement pour Frédéric Pichard. Il pousse l’engagement jusqu’à aller sélectionner l’agriculteur qui fournira le blé utilisé pour produire sa farine. Des blés longs, aux rendements certes plus faibles mais aux qualité exceptionnelles de panification, lui sont nécessaires. Son meunier lui dédie ainsi des silos, dans lesquels la farine restera au moins 3 mois afin de disposer du « plancher » suffisant pour réaliser son pain. M. Pichard m’indiquait que cette année serait d’ailleurs exceptionnelle en terme de saveur, du fait des très faibles rendements obtenus, à l’inverse de l’an passé. Avec cette absence de mélange, d’uniformisation et d’additifs, l’artisan doit adapter son processus de fabrication à chaque nouvelle livraison de farine. Il n’y a donc pas de recette pour réaliser la baguette Pichard, mais uniquement des « bases », des « principes ». Parmi eux, une fermentation en cuve – stérilisée après chaque fournée, afin d’empêcher le développement d’acide acétique au travers d’éventuelles impuretés – ainsi que l’utilisation d’une quantité très faible de levure et de sel avant le façonnage. Les arômes ressentis sont donc liés uniquement à la qualité du travail effectué par l’artisan.

Pour lui, le bon pain français ne se développe pas grâce au temps, mais bien à la maîtrise du processus de fermentation. C’est en l’étudiant qu’il en est venu à mettre au point ses propres machines, ses propres outils pour mener à bien son travail. Ici, rien n’est standard : tout est fait sur mesure, pour correspondre aux exigences de la maison. Il serait impossible de multiplier les adresses et les installations, puisque le résultat serait nécessairement différent, que ce soit pour des raisons humaines (le personnel travaillant au sein de la boulangerie Pichard a été fortement impliqué dans le développement de la gamme et compte une très belle ancienneté dans l’entreprise) ou techniques. Au sous-sol de la boulangerie, c’est une véritable cave qui a été creusée, où une température constante de 17°C est entretenue, afin de permettre un développement harmonieux de la pâte.

Au travers de ce cheminement, Frédéric Pichard tient à défendre corps et âme le « pain français », symbolisé par la baguette. Un pain doux, réalisé à partir de farine T55 « au parfum de lait », selon les propres mots du boulanger. C’est pourquoi son fournil accueille régulièrement des visites du grand public, afin de lui transmettre ce goût du bon pain et permettre de cette façon son développement. L’objectif est que le consommateur devienne exigeant et l’exprime auprès de son boulanger, ce qui permettrait au fil du temps d’imprimer un changement dans les habitudes des artisans. Exit les mélanges, les ingrédients ajoutés pour développer le goût (malt torréfié, notamment), les additifs… Il y a du chemin à parcourir, mais le combat n’est pas perdu, et j’y participe modestement à mon tour.

Ce qui est remarquable chez les Pichard, c’est que l’on retrouve ce niveau d’engagement et d’exigence à tous les niveaux. Pour la viennoiserie et les feuilletages, seul du beurre frais de Pamplie est utilisé, ce qui est un gage de goût et de qualité pour le produit final. Il n’y a pas de mystère quant aux raisons qui ont amené leur croissant à être primé, de même que les galettes des rois, dont la réputation dépasse de loin les frontières du 15è arrondissement.
Même constat du côté de la pâtisserie, où les tartes aux fruits sont réalisés avec des poires, pommes ou autres abricots soigneusement sélectionnés voire même récoltés par l’entreprise. C’est Geoffrey, le fils de Frédéric Pichard, qui veille à la qualité de réalisation des douceurs sucrées. Malgré son jeune âge (25 ans !), il a passé avec succès un grand nombre de concours, avant d’exercer son talent dans le domaine de la boulangerie d’ici quelques années. En effet, la famille considère que les hommes doivent atteindre une certaine maturité pour pouvoir insuffler une certaine « âme » au pain.
Le mot clé reste également l’accessibilité des produits, proposés des tarifs très modérés, preuve en est de la baguette Pichard qui ne coûte qu’un euro. Cela s’explique notamment par l’absence d’intermédiaires entre le boulanger et ses fournisseurs. En effet, Frédéric Pichard ne reçoit aucun représentant et préfère entretenir des relations directes avec les producteurs : de cette façon, tout le monde s’y retrouve.

La flamme latérale dans le four Gueulard

Pour revenir justement au pain, comment omettre de parler de ce sublime four à bois de type Gueulard, mis en service en 2008 ? Utilisé pour la cuisson des baguettes Pichard, il est équipé d’une sole tournante et a été réalisé sur mesure selon les besoins de l’artisan. Son nom figure d’ailleurs sur la porte du four, marquant ainsi profondément son empreinte sur l’équipement et le lieu. Il sera d’ailleurs mieux intégré à la boutique à l’avenir, puisqu’elle doit subir des travaux pour lesquels les autorisations tardent à venir.
En attendant, la boulangerie s’est parée d’une devanture en chalet pour les fêtes de fin d’année, apportant un peu de chaleur, en plus de celle fournie par le charmant service, réalisé sous l’oeil attentif -et bienveillant- de Mme Pichard.

Difficile de ne pas être sous le charme de cette famille pour qui la boulangerie est un engagement profond, de génération en génération. M. Pichard est lui-même issu d’une famille de cultivateurs de la Beauce, qui, doit-on le rappeler, est historiquement le « Grenier de la France ». Le grain a en tout cas germé en cet homme proche de son produit et de son terroir, comme peuvent l’être à leur façon les vignerons – les parallèles entre les deux professions étant d’ailleurs assez nombreux. Espérons qu’il puisse en être encore ainsi de nombreuses années, pour qu’il puisse faire profiter à un grand nombre de personnes sa passion et son implication, comme il l’a fait auprès de moi aujourd’hui. Merci !

Chaque artisan a ses spécialités. Ou du moins, c’est le cas des bons boulangers, qui mettent du coeur à proposer à leurs clients des produits singuliers, qui parviendront à susciter leur intérêt et à les fidéliser à long terme. Bien sûr, c’est toujours la qualité qui sera importante, et pas forcément l’originalité ou la spécificité. Cependant, il est tout à fait possible d’associer les deux.

C’est en tout cas ce que parvient à réaliser Antonio Dias Gil au sein de sa boulangerie du 225 rue de Charenton, dans le 12è arrondissement. Ce boulanger a repris l’affaire précédemment tenue par Emmanuel Merlhes, qui avait alors nommé sa boulangerie « Maitre Pain » et avait acquis une certaine réputation au fil du temps. Difficile de prendre la suite d’un artisan renommé, mais le couple -puisque madame assure la vente en boutique- y est parvenu avec succès.

Sa spécialité est sans doute la flûte Lorraine, une baguette au façonnage élégant, avec de superbes pointes et un grignage bien marqué. Sa croûte est assez présente en bouche, et on ne saurait la déguster sans remarquer ses douces notes de levain, sans pour autant présenter une forte acidité. Bien craquante à l’achat, elle se conserve bien et sa mie -bien alvéolée, par ailleurs- reste fraîche. Au delà de cette spécialité, le boulanger nous propose également une baguette de tradition française, réalisée à partir de farine Bagatelle Label Rouge. Elle ne démérite pas, mais ne présente pas d’intérêt particulier, d’autant que sa cuisson est souvent trop courte.
A côté des baguettes, on trouve quelques pains spéciaux, tels qu’une ciabatta ou des fougasses nature. La gamme s’étend aussi à des pains réalisés à partir de levain naturel ou de farine Biologique. Parmi eux, on peut citer le Pavé de Charenton, vendu au poids, qui exprime un goût de levain là encore très justement dosé, en plus de présenter une croûte épaisse et bien cuite. Sa mie est assez dense, et forcément, la miche se conserve très bien. On pourrait le présenter comme un cousin du pain Poilâne, d’ailleurs. Son prix – à peine plus de 5,5 euros le kilogramme – en fait un pain accessible et de bonne qualité. De plus, étant vendu au poids, chacun peut choisir une quantité correspondant à ses besoins.

Pour le reste des produits, les viennoiseries sont assez soignées et de bonne facture. Côté pâtisserie, on retrouve des classiques, même s’il est préférable d’éviter les créations de la maison, dont la finesse demeure toute relative. Les gourmandises ne sont pas en reste, avec de belles brioches nature ou parfumées, divers cakes et gâteaux de voyage. Du sucré très « boulanger », et l’on ne va pas s’en plaindre.
En traiteur, les sandwiches ne présentent pas d’intérêt particulier. On s’intéressera plutôt aux fougasses, très gourmandes, et aux diverses propositions de tartes (pizzas, quiches…). Les produits sont frais, honnêtes et proposés à des tarifs abordables.

L’accueil est sympathique, patient, dynamique et chaleureux. Il prend le temps de répondre aux questions avec le sourire malgré l’affluence que connaît la boutique. Les habitués du quartier sont reconnus, et on leur réserve un accueil bien particulier, ce qui est signe d’une bonne intégration de l’artisan au sein du quartier.

Infos pratiques

225 rue de Charenton – 75012 Paris (métro Daumesnil, ligne 8 & 6) / tél : 01 43 43 52 48
ouvert tous les jours sauf le jeudi de 8h à 20h30, jusqu’à 14h30 le dimanche.

Avis résumé

Pain ? La star, c’est la flûte Lorraine ! Dotée d’une belle croûte, bien présente en bouche, d’une mie bien alvéolée et d’un goût de levain justement dosé, elle est très agréable à déguster seule ou en accompagnement d’un repas. Les divers pains réalisés eux aussi sur levain (Pavé de Charenton, notamment), expriment là encore ce caractère tout en demeurant très peu acides. Leur conservation est de très bon niveau, par ailleurs. A noter la présence de quelques pains spéciaux, comme une ciabatta ou des fougasses.
Accueil ? Charmant, disponible malgré l’affluence, maîtrisant parfaitement les produits, on sent que madame veille au grain et ce côté très familial est bien agréable.
Le reste ? Les produits sont soignés et bien finis dans l’ensemble, même si les créations pâtissières ne brillent pas particulièrement par leur finesse. Les viennoiseries sont de bon niveau, il en est de même pour les diverses gourmandises proposées par M. Dias Gil : cakes, brioches… L’offre traiteur ne présente pas d’intérêt particulier, mis à part de ne pas être trop onéreuse et de proposer des produits frais.

Faut-il y aller ? Antonio et Isabelle Dias Gil ont repris avec brio cette boulangerie installée en plein coeur du 12è arrondissement, en continuant à proposer des pains savoureux – notamment Biologiques ou sur levain -. La fameuse flûte Lorraine, spécialité de la maison, est très agréable, constituée pour sa majeure partie d’une croûte bien présente et craquante. Ajoutez à cela une alléchante gamme de gourmandises boulangères et un accueil avenant, le résultat est bien agréable et c’est une boulangerie à visiter dans le 12è arrondissement.