Chacun fait ses choix, porte ses convictions et engagements, pour arriver à mener droit sa barque et réaliser des objectifs… Ce n’est pas toujours une chose facile, mais c’est sans doute une vérité partagée par le plus grand nombre, faisant avancer le monde et la société. A chacun sa croix, comme le dit l’expression consacrée, en bref.

Pour un boulanger, on peut dire que la fameuse croix prend la forme de baguettes et autres pains… En tout cas, chez les Forest, c’est le cas. La Croix Pain, puisque c’est la dénomination sociale de leur entreprise sise au 8 rue de Ponthieu, dans le 8è arrondissement, n’a rien de bien religieux ou d’un chemin… de croix. Cela n’en reste pas moins une entreprise dynamique, puisqu’elle a réalisé l’an passé un chiffre d’affaire supérieur à 2,5 millions d’euros, employant près de 30 personnes ! A noter que les Forest possèdent également une deuxième boulangerie sur l’avenue des Ternes, dans le 17è arrondissement.
2011 aura d’ailleurs été une année faste pour la famille, puisqu’elle est parvenue à se classer dans le palmarès des meilleurs pains Bio d’Ile-de-France – à la 18è place plus précisément.

Au delà du classement, on peut apprécier le fait que cet artisan ait choisi de proposer des pains sortant un peu de la très classique baguette de Tradition, du complet ou encore du pain aux céréales, dans un quartier où le traiteur et plus particulièrement la restauration rapide contribue plus que fortement au fonctionnement financier de l’endroit, du fait de la présence de bureaux aux alentours, et surtout du coût élevé des loyers.
Ainsi, on trouve le Ponthieu, un grand pain de type Polka, vendu à la part (1,50€ pour environ 300g), des Pavés, une baguette de Tradition et une miche à la farine de Meule, tous certifiés biologiques. On appréciera le caractère plutôt marqué des cuissons, la bonne conservation des produits (même si ces derniers demeurent un peu secs) malgré un caractère plutôt timide : une note de levain s’exprime en fin de bouche, avec une légère acidité, sur des pains de tradition tels que le fameux Ponthieu, qui représente la « signature » de l’endroit.
Côté pains « classiques », la Tradition ne fait pas beaucoup plus qu’être honorable, pour un tarif relativement mesuré, quant aux spéciaux, ils s’inscrivent dans des standards sans relief (céréales, briochés…).
Pour l’anecdote, notre boulanger semble avoir récemment changé de crémerie… ou plutôt de meunier pour l’approvisionnement de sa farine, puisque les produits sont emballés dans des sacs l’Artisan Bio (moulins de Brasseuil), alors que l’étiquetage en boutique fait référence aux Moulins Bourgeois. Un changement qui nous montre qu’une fois encore, les concours parviennent difficilement à traduire la réalité du terrain, puisque ce dernier est sans cesse changeant… vivant, en somme, à l’image de la pâte qui fermente lentement.

Inévitablement, le traiteur occupe une grande place dans la boutique, avec un large choix de salades – thon, maïs, haricots verts, oeufs, pâtes… tout y passe, comme pour les diverses quiches et sandwiches. Ce n’est ni mieux ni pire qu’ailleurs, les produits ont le mérite d’être frais, même s’ils n’ont pas beaucoup d’âme… Nourritures laissées en proie à des cadres pressés. Les sandwiches, réalisés à partir de baguettes de pain courant, pâtissent forcément de ce choix.

Pas de miracle non plus en pâtisserie, même si on s’amusera de la tulipe aux fruits rouges ou du gâteau choux, un peu maladroit. Les viennoiseries s’inscrivent dans la même moyenne, passable.

L’accueil ne fait pas preuve d’une grande ferveur, le travail est fait certes sérieusement, mais sans chaleur particulière, ce qui fait que le lieu demeure désespérément froid, sans âme, à l’image de l’aménagement on ne peut plus standardisé de la boutique.

Infos pratiques

8 Rue de Ponthieu – 75008 Paris (métro Franklin D. Roosevelt, lignes 1 et 9) / tél : 01 43 59 27 91
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 19h30, le samedi le 7h30 à 19h.

Avis résumé

Pain ? Même si l’on apprécie l’idée d’avoir développé une gamme biologique dans un quartier où le pain est bien souvent délaissé, l’ensemble n’a pas énormément d’âme, même si la qualité de réalisation est là : belles cuissons, façonnages plutôt appliqués, conservations de bon niveau. Les pains biologiques expriment une pointe d’acidité en fin de bouche, avec des arômes plutôt timides. L’ensemble est un peu sec, cependant.
Accueil ? Ne cherchez pas ici de la chaleur humaine, nous avons affaire à un service « professionnel » avec tout ce que cela peut offrir en caractère automatique. La clientèle est néanmoins servie correctement et rapidement, ce qui est très certainement apprécié par les travailleurs pressés au déjeuner.
Le reste ? Les gammes sont étendues, en particulier sur le traiteur, avec une large déclinaison de salades, de quiches et d’en-cas. Rien de bien original, le tout est propre, presque trop d’ailleurs. Des produits que l’on pourrait retrouver dans la boulangerie voisine, en somme. Même constat du côté de la viennoiserie, standardisée – passable, et des pâtisseries ou seules quelques propositions amusent le regard (comme la tulipe aux fruits rouges, par exemple).

Faut-il y aller ? Pourquoi pas, si l’on passe dans le secteur, après tout. Cela n’a pas beaucoup d’âme, mais les tarifs demeurent mesurés compte tenu du quartier, avec une baguette de Tradition proposée à 1,30€ les 250g, acceptable même si cette dernière ne brille pas particulièrement de mille feux. En résumé, si l’on raisonne local, c’est une adresse plus qu’honorable. Sans faire une croix sur cette boulangerie, on continuera sans doute notre pèlerinage… notre chemin de croix, en somme.

Le secteur de la distribution spécialisée me fascine. En effet, c’est un domaine où les acteurs doivent parvenir à séduire des populations bien spécifiques, avec des attentes souvent bien élevées et des exigences pointues. Une clientèle difficile et plutôt volatile, pour laquelle il faut chaque jour redoubler d’efforts afin de la conserver… voire d’attirer plus de chalands.

Parmi les tendances alimentaires de ces dernières années, le retour à des produits plus sains et naturels est incontestable, avec le développement de l’Agriculture Biologique, conjointement à d’autres mouvements parallèles (commerce équitable, …). Même si la grande distribution s’est inévitablement engouffrée dans la « brèche », les distributeurs spécialisés continuent à tenir une place importante dans ce marché. A Paris, les enseignes ne sont pas si nombreuses qu’on pourrait le penser, au delà des commerces indépendants disséminés au travers des rues. Biocoop et ses membres (avec parmi eux Lemo, Le Retour à la Terre, ou le groupement rassemblant les magasins de Grenelle-Glacière-Catalogne…), Bio Génération / Les Nouveaux Robinson, mais surtout Naturalia.

Naturalia Beaubourg, nouvelle version

« Ne soyons pas Bio à moitié », c’est la baseline de cette entreprise qui revendique aujourd’hui 62 magasins, dont la plupart en région parisienne, mais aussi depuis peu en province. Initialement indépendante (depuis sa création en 1973), la marque a rejoint le groupe Monoprix en 2008, tout en conservant une identité bien distincte des autres enseignes de cette nébuleuse très parisienne.
Historiquement, les magasins n’avaient rien de bien attirant : bien souvent enserrés dans des surfaces très réduites, les produits n’étaient pas particulièrement mis en valeur et tout cela n’attirait en définitive qu’une clientèle « d’afficionados » de la Bio, que l’on retrouve également sur les marchés biologiques de la capitale (ah, Raspail le dimanche matin…).

La donne a changé depuis le rachat, et ce mouvement s’est accéléré ces derniers mois avec des implantations toujours plus réussies, dans des emplacements de qualité, où l’on peut apprécier le soin développé dans l’aménagement et la décoration. Ainsi, les magasins de la rue Réaumur, de la rue Crozatier ou même de la rue Beaurepaire sont de belles réussites et offrent à la clientèle des espaces agréables.

Le rayon fruits et légumes du nouveau Naturalia Beaubourg : central et propre, un endroit où il est agréable de faire ses courses

Une nouvelle étape a été franchie, à mon sens, avec la rénovation de la boutique située rue Beaubourg. Réouverte aujourd’hui, elle offre à présent une expérience client dont beaucoup devraient s’inspirer.
Parmi les éléments clés, on retiendra la signalétique claire et abondante, mettant de l’ordre dans une offre biologique parfois peu lisible et nébuleuse pour le consommateur (séparation entre les gammes de produits, informations au sujet des spécificités et intérêts de certains d’entre eux, …). Les produits frais sont tout à leur aise, avec un rayon fruits et légumes central. On notera également la présence d’une offre « vrac », qui n’était pas présente dans le concept historique de la marque, mais qui est en cours de déploiement progressif. Une bonne chose pour limiter le gaspillage, autant en emballages qu’en produits.

C’est également l’occasion de s’intéresser aux pains vendus par Naturalia, puisque l’enseigne doit faire partie des principaux distributeurs de pain biologique dans notre capitale. Livrés quotidiennement – même le dimanche – par Patibio et Moulin, les magasins offrent à la clientèle une large gamme de pains, faisant la part belle aux céréales anciennes (Kamut, petit et grand épeautre, …) tout comme à des farines de blé assez complètes (T80, T110…). Je n’ai jamais été vraiment convaincu par ces produits, car les quantités à produire demeurent trop importantes pour parvenir à un résultat similaire à ce que peut offrir un artisan boulanger. De plus, les pains étant fabriqués tôt le matin pour être livrés ensuite, il est bien difficile de garantir leur fraicheur… d’où un résultat parfois sec.

Néanmoins, on ne peut que saluer les efforts faits pour proposer une gamme variée, qui se voit d’ailleurs renouvelée en cette rentrée : pain au fenouil, miel-amandes, graines de courges et lin germé… voilà qui devrait satisfaire notre soif painrisienne de diversité, même si les tarifs me semblent parfois assez excessifs – qui dit plusieurs intermédiaires dit plusieurs marges à assurer…

Des rayonnages bien propres et clairs dans le nouveau Naturalia Beaubourg

Dans tous les cas, même si l’on n’y vient pas pour le pain, on prendra toujours plaisir à se promener dans ce « nouveau » magasin Naturalia Beaubourg… d’ailleurs, si vous passez dans le secteur ce samedi, entre le métro Rambuteau et la rue de Bretagne, il n’est pas impossible que vous croisiez une des « filles » chargées d’offrir des sacs en coton biologique… Décidément, l’enseigne voit les choses en grand.

C’est (déjà) le retour des vacances, bientôt la rentrée et surtout… la réouverture de nos artisans préférés. Parmi eux, certains ont choisi de déserter le temps de quelques semaines leurs fournils, et je pense que c’est un choix dont on ne peut que les féliciter : rien de tel que du repos pour faire du bon pain… A l’image de la pâte, qui elle aussi doit reposer longtemps pour développer ses arômes.

Qui dit vacances dit aussi voyages. Au retour, dans les valises, il y a des souvenirs, mais aussi des aliments ou ingrédients que l’on pourrait bien retrouver dans nos pains, si seulement le boulanger est inspiré par ces derniers. Je crois que trop peu d’entre eux se laissent gagner par l’envie de nous faire partager un peu de leur univers, de leurs aspirations. Timidité, peut-être, mais surtout absence totale de prise de risque, toute nouveauté étant une possibilité d’échec, un nouveau produit pouvant peiner à rencontrer sa clientèle.

Le pain Monascus en boutique, accompagné de sa petite fiche explicative

Heureusement, rien de tout cela à la Gambette à Pain, dans le 20è arrondissement. Chez Jean-Paul Mathon, les ingrédients asiatiques passent sans difficulté la porte du fournil, pour notre plus grand plaisir. Peu de boulangers parisiens sont partis apprendre le mandarin comme il l’a fait. Dans le cas présent, c’est sa femme, d’origine asiatique, qui a profité de l’été pour nous ramener un produit qui aurait de quoi nous faire voir… rouge. Le Monascus, ou levure de riz rouge, donne en effet une couleur bien particulière à ce pain. La croûte se pare ainsi de tons violacés qui attirent notre oeil autant que notre curiosité.
Au delà de sa vertu colorante, le Monascus purpureus est un champignon microscopique, cultivé en Chine depuis des siècles. La levure provoque la fermentation du riz sur lequel elle est cultivée. Le produit ainsi obtenu est séché et réduit en poudre. Il est utilisé comme colorant ou comme rehausseur de goût dans diverses préparations alimentaires asiatiques : sauces et mousses de poisson, vin de riz, tofu rouge, légumes marinés, viandes salées, etc.

L’intérêt de tout cela se situe principalement sur le plan de la santé, car on lui attribue des vertus pour la digestion et la circulation sanguine, et par la même sur le taux de cholestérol . C’est pourquoi de nombreux compléments alimentaires l’intégrant sont apparus sur le marché ces dernières années.

En l’intégrant à du pain, Jean-Paul Mathon donne toutes ses lettres de noblesse à cet aliment, que l’on qualifie souvent comme « super-aliment », tant il est riche en qualités à la base. Ces dernières se voient ainsi renforcées, en plus d’un petit apport en terme de goût. On retrouve une légère saveur sucrée et caractéristique du riz, accompagnée des notes acidulées de… la baie de Goji ! L’artisan ne s’est pas arrêté en si bon chemin et a complété le tableau par ces petits fruits riches en Vitamine C.
Au delà de la santé, il y a bien sûr le plaisir, et comme d’habitude le gourmand ne peut qu’apprécier la mie bien alvéolée, fraiche et souple, accompagnée des parfums légèrement fumés qui signent ses pains. Les graines de sésame parsemées en décor achèvent de donner de l’allure à ces produits surprenant, en plus de leur apporter quelques notes grillées et chaleureuses.

Une création bien originale, tout autant qu’éphémère, puisque ce produit n’est pas appelé à se pérenniser au vu du coût de la levure de riz rouge… Néanmoins, tous ces efforts pour prendre soin de nous méritaient bien d’être immortalisés, voilà qui est à présent chose faite.

Pain Monascus, La Gambette à Pain – Paris 20è, vendu à la pièce – 2,70€ les 250g. 

A mon sens, le savoir-faire artisanal français est quelque chose de bien trop précieux pour que l’on se permette de le maltraiter, voire de l’insulter, comme certains savent le faire. En effet, certains ont bien compris qu’il y avait là de quoi faire de l’argent – beaucoup d’argent, notamment en détournant l’image que peuvent en avoir des touristes étrangers à leur avantage.

Les exemples sont malheureusement nombreux, et ils tendent à le devenir toujours plus. En boulangerie, l’un des exemples les plus frappants demeure sans doute Paul, qui s’est façonné une image de « maison de qualité » tout en développant des process industriels, en pratiquant des tarifs élevés pour un goût… discutable.
Du côté des gourmandises, même constat, quelques acteurs arrivent sur le marché avec des produits médiocres vendus sous le couvert de l' »artisanat ». Peu d’entre eux peuvent pour autant présenter une image aussi respectable que celle de Georges Larnicol. En effet, ce dernier dispose du titre de Meilleur Ouvrier de France comme argument marketing quasi-imparable.

Georges Larnicol, rue de Steinkerque, tout près du Sacré-Coeur

Le breton a naturellement débuté son aventure sur ses terres, et plus précisément à Quimper, où il a ouvert sa première boutique dans les années 80. Cela ne devait pas avoir grand chose à voir avec aujourd’hui, où l’entreprise est passée au stade quasi-industriel, avec plus de 23 boutiques – certaines franchisées, dont 3 à Paris. Pourtant, l’homme se défend toujours de respecter un processus purement artisanal et internalisé, mettant en valeur les meilleures matières premières. Dans les faits, les choses seraient bien différentes : la sous-traitance serait monnaie courante, selon des propos répétés. Qui croire ?

En l’absence de capacité à prouver la véracité des propos des uns ou des autres, intéressons-nous plutôt aux faits. Difficile de produire autant sans disposer de lignes de production à haute capacité : il faut approvisionner les boutiques, dont certaines accueillent plusieurs centaines de clients chaque jour. Chez Larnicol, on a bien compris quelles étaient les clés de la réussite du commerce… et parmi elles, l’importance de l’emplacement. Comment rater la boutique installée sur le boulevard Saint-Germain, ou passer à côté de « petit Musée du Chocolat » de la rue de Steinkerque, à deux pas du Sacré-Coeur ? A chaque fois, l’histoire se répète : les touristes affluent et pensent toucher à la fine fleur du chocolat français… col bleu-blanc-rouge, fièrement affiché en façade, oblige.

On pousse la porte pour pénétrer dans cet univers où le chocolat est en libre service… tout comme ces fameuses kouignettes, déclinées en de nombreux parfums. Parfums, parfums, il faut le dire vite, puisque ce sont avant tout le beurre et le sucre, présents en abondance, qui ressortent à la dégustation… en plus d’une invitation à faire une visite de courtoisie chez son dentiste. Je me suis toujours demandé quelles étaient les précautions prises par la maison en terme de stockage et de Date Limite de Consommation, étant donné que ces dernières sont entreposées à l’air libre. Cela ne doit pas manquer de les rendre dures, raison pour laquelle Georges Larnicol conseille de les déguster réchauffées – un vrai moment de plaisir, le côté gras et sucré étant exalté par la chaleur.

Comme toujours, c’est l’habilité que l’on a à communiquer qui prime sur la qualité propre des produits. Cela m’attriste d’autant plus que les visiteurs étrangers sont noyés par ces messages troubles, tout comme des artisans bien plus sincères situés à proximité de ses implantations (citons par exemple Un Dimanche à Paris à Odéon ou bien Christophe Roussel à Montmartre ainsi qu’à Guérande).

Bien sûr, il appartient à chacun de se faire un avis, car les adeptes de ces fameuses kouignettes, torchettes et autres Boules à Jojo ne manquent pas.

La gastronomie, c’est avant tout une affaire de parti-pris, de sensibilités. Difficile de bien savoir à quoi s’attendre lorsqu’on lit l’intitulé d’un plat ou d’une création, car d’une maison à une autre, le résultat sera bien différent. C’est pourquoi il peut être intéressant d’étudier les hommes avant leurs produits, ce qui nous permettrait ainsi de mieux cerner la volonté créative… et en définitive, le goût, avant même d’avoir dégusté quoi que ce soit.

En effet, il ne suffit pas de manger, il faut aussi comprendre. Comprendre le chemin et l’intégrer à ses sens. En parlant de chemin, celui que parcourent les épices pour arriver jusqu’à nous est bien souvent long et fut, par le passé, assez tortueux. Beaucoup d’explorateurs ont fait rêver nos assiettes, et on ne peut que les en remercier.

Du côté du pain, peu d’artisans cherchent vraiment à les intégrer dans leurs produits, certainement de peur de ne pas parvenir à les vendre par la suite. Pourtant, des acteurs bien connus du monde de la boulangerie les utilisent… dans leurs prémixes ! C’est le cas des Moulins de Chars, qui a intégré dans sa baguette aux céréales « l’Impatiente » des notes de curry et de cumin, pour susciter l’appétit du consommateur. En effet, les notes sucrées de ce mélange rendent la dégustation fort agréable. Le groupe Holder a tenté la même expérience plus récemment, avec sa gamme de « pains aromatiques » : curry-cumin, menthe et carvi… Des mélanges qui ne sont pas sans rappeler ceux de Gontran Cherrier, qui est certainement le plus créatif dans le domaine.

Justement, c’est pour cela que je parlais de parti-pris en introduction : chez cet artisan, les épices sont très présentes, et le pain devient alors plus un « support de saveurs » qu’autre chose. Ses parfums propres (froment, seigle, levain…) passent en arrière plan, un choix que l’on pourrait discuter longuement.
A l’inverse, chez les Pichard, hors de question de produire des pains qui n’en auraient pas le goût, à l’image de leur fameuse baguette et ses notes lactiques ou de leurs boules biologiques à la douce acidité, primées l’an passé. Ainsi, j’ai été plutôt surpris en découvrant dans leur boutique une nouveauté : le pain 4 épices.

Nous sommes bien loin du riche pain d’épices que l’on pourrait imaginer, il s’agit plutôt d’un pavé de tradition, bien classique de prime abord. On appréciera le décor amusant en damier, qui recouvre une croûte bien craquante. Au nez, les épices annoncées seraient difficilement perceptibles. Cannelle, gingembre, clou de girofle et noix de muscade, où êtes-vous ?
A l’intérieur, ou plutôt, au goût. En effet, on découvre au fil des bouchées les délicates notes épicées, qui accompagnent la saveur de froment bien marquée. Le résultat est très subtil, peut-être trop pourrait-on dire… Les épices apportent une belle longueur au bouche à ce produit, elles « montent » au fur et à mesure tout en restant mesurées. Cela s’accompagne d’une réalisation impeccable, comme d’habitude : mie bien alvéolée, fraiche et de couleur légèrement crème. Rien à redire non plus sur la conservation, au contraire : le pain garde bien sa consistance le lendemain, et ses saveurs n’en sont que plus développées.

Voilà donc une agréable surprise, un pain délicat et tout à fait à l’image des autres produits de la maison Pichard : respect de la tradition, qualité et savoir-faire. Cette note de fantaisie apportée par les épices est bien appréciable, et je suis heureux d’assister à de telles initiatives.

Pain 4 épices, Maison Pichard – Paris 15è, vendu à la pièce – 1,70€ les 250g 

Paraît-il que l’amour dure trois ans. Pourtant, certains vieux couples perdurent encore et encore, sans qu’ils parviennent à se séparer tout à fait, bien qu’en réalité la rupture soit consommée depuis bien longtemps. Certes, les divorces se font de plus en plus fréquents ces dernières années, le mariage ayant fini par se désacraliser. J’aimerais bien que d’autres institutions connaissent une même évolution, si tant est que l’on puisse nommer ce changement ainsi.

Pourquoi est-ce que je vous parle de tout cela, d’ailleurs ? Ah, oui, sans doute parce que le couple boulangerie-pâtisserie me donne parfois l’occasion d’éprouver des regrets bien amers, car il pousse des artisans doués à s’éparpiller plutôt qu’à se concentrer sur leur spécialité.
A Courbevoie, tout près de la gare de Bécons-les-Bruyères, Fabrice Capezzone m’a encore une fois prouvé que l’on ne pouvait pas exercer plusieurs métiers en les élevant au rang d’excellence. Qui pourrait être joueur de football et pilote de F1 ? Pas moi, mais ce n’est pas le sujet.

Dans son élégante boutique d’angle mêlant des tons noirs et violets, cet artisan propose une gamme complète de produits, de la boulangerie à la pâtisserie, en passant par le désormais incontournable traiteur. Seulement, et c’est ce qui frappe sans doute le plus dès lors qu’on regarde avec un semblant d’attention, ce sont les douceurs sucrées qui tirent nettement leur épingle du jeu. En effet, ces dernières bénéficient d’une qualité de réalisation plutôt exceptionnelle pour une adresse de banlieue. Un visuel soigné, des créations inventives, des associations de textures bien maîtrisées pour des prix raisonnables (la pâtisserie individuelle se négocie en moyenne à 4,5€). On pourra citer notamment de sympathiques déclinaisons autour des religieuses (café et chocolat pour les plus traditionnelles, mais aussi caramel au beurre salé et pistache-framboise…) et des tartes. A noter également une gamme de macarons, pour les amateurs.

Malheureusement, le pain ne parvient pas à nous séduire tout autant. La baguette de Tradition se révèle fort décevante. Manque de cuisson, mie pâteuse et mâche manquant de fraicheur, on lui préférera les pains biologiques et notamment une tourte de Seigle de meilleur niveau. Les farines mises en oeuvre au fournil sont fournies par les moulins de Chérisy et de Brasseuil pour la partie biologique (sous la marque « L’Artisan Bio »). On notera tout de même le bel effort pour proposer une gamme étendue, avec certaines créations aux pistaches et aux fruits secs. Dommage que la réalisation et les façonnages peinent à suivre.

L’offre de restauration pâtit de ces défauts, puisque les sandwiches, malgré leur fraicheur, ne peuvent pas faire de miracle compte tenu de la base utilisée. Mieux vaudra se tourner vers les quiches vendues à la part, déclinées en plusieurs recettes et servies avec générosité. Quelques salades et fougasses complètent l’ensemble, dans des prix toujours raisonnables.

Une tarte aux framboises pleine de surprises : les fruits reposent en effet sur un crémeux aux fruits rouges, tandis que le cube est parfumé au coquelicot. Accompagnés d’un fond de tarte fin et croquant, l’ensemble est frais et créatif.

On terminera en revenant dans le domaine des douceurs, avec des croissants de très bonne facture, accompagnés de viennoiseries variées tout à fait honorables. La douceur se retrouve dans l’accueil, très avenant et dynamique, développant par ailleurs une agréable proximité avec la clientèle. Pas de fioritures ni de préoccupations inutiles, mais une belle sincérité, en phase avec l’honnêteté des produits.

La Baguette de Tradition manque de couleurs…

Infos pratiques

10 avenue de la Liberté – 92400 Courbevoie (Transilien ligne L, gare de Bécons-les-Bruyères) / tél : 01 43 33 02 54
ouvert du vendredi au mardi de 6h30 à 20h, 19h30 les samedis et dimanches.

Avis résumé

Pain ? Ce n’est certainement pas ce qui brille le plus ici. Malheureusement, la baguette de Tradition ne parvient pas à convaincre : elle manque en effet de cuisson et sa mie se révèle plutôt pâteuse, peu alvéolée. Un constat récurrent, qui nous fera préférer la tourte de Seigle biologique ou le pain au Sarrasin, plus savoureux, même si leur conservation n’est pas excellente. On saluera tout de même les efforts en terme de diversité de l’offre, même si moins de produits et plus d’application sur les façonnages et cuissons seraient préférables.
Accueil ? Dynamique, chaleureux et efficace, le service offre une belle proximité avec la clientèle et maîtrise bien ses produits. Malgré l’affluence au déjeuner, l’attente reste limitée grâce à un personnel nombreux et bien organisé.
Le reste ? S’il faut bien s’arrêter ici pour quelque chose, c’est sans doute pour les pâtisseries, fines, créatives et accessibles. Que ce soit pour les classiques revisités par la maison (religieuses, tartes aux fruits), les entremets créatifs ou les millefeuilles variés, difficile de ne pas fondre. Dans le prolongement, les macarons et croissants proposent d’autres opportunités gourmandes.
Côté traiteur, rien de surprenant, les sandwiches s’inscrivent dans le registre de la pâleur, ce qui incite à se tourner vers les quiches à la part ou les salades.

Faut-il y aller ? Fabrice Capezzone a choisi de se rapprocher de Paris fin 2010, quittant Rueil-Malmaison pour Courbevoie, et notre gourmandise ne pourra que saluer ce choix. En effet, on trouve dans sa boutique d’agréables pâtisseries, à des tarifs modérés. Une offre comme on aimerait en voir plus souvent, d’ailleurs. Malheureusement, le pain n’est pas au même niveau, et c’est le couple boulanger-pâtissier qui nous prouve encore une fois que les histoires d’amour sont parfois bien étranges… Ce qui n’enlève pas pour autant à cette maison son caractère avenant et chaleureux.

Billets d'humeur

21
Août

2012

Le meilleur

Si je devais sélectionner une question parmi toutes celles que l’on me pose, ce serait sans doute celle de savoir qui est le meilleur boulanger parisien que je retiendrais. A cela plusieurs raisons, tout d’abord pour sa fréquence, mais aussi parce que je me sens bien incapable d’y répondre. En réalité, je ne sais pas et je ne veux pas.

Comme tout le monde, j’ai sans doute voulu prendre « le problème » dans ce sens, partir en quête de cet absolu, trouver le meilleur pain, le manger et ressentir un certain sentiment d’accomplissement. Seulement voilà, au fil des mois, des rencontres, des réflexions, on se rend bien compte que le pain ne saurait fonctionner de cette façon, que notre relation avec cet aliment ne répond pas à des critères purement objectifs et techniques. Pour le comprendre et l’apprécier à sa juste valeur, il faut intégrer des sentiments, des morceaux de vie, des souvenirs, des envies… De l’humain, en réalité. Aucun classement ne saurait en rendre compte.

Le « meilleur boulanger » ne se partage pas. C’est une vision et une appréciation purement personnelle. Plutôt que de parler ainsi, il faudrait évoquer une capacité à nous toucher, à nous raconter des histoires, ou à nous en faire revivre. Comment ne pas se laisser aller à la rêverie quand on retrouve des saveurs d’enfance ? Ainsi, on pourra toujours essayer d’établir des classements, organiser des concours et des dégustations, le goût reste le domaine du subjectif et nous ne pourrons pas y faire grand chose.
Dès lors, comment pourrais-je justifier l’intérêt du painrisien ? Je tente simplement de partager mon expérience avec la large palette de produits boulangers que j’ai pu goûter au fil du temps.

En définitive, quand bien même on élirait le meilleur boulanger, la meilleure baguette ou le meilleur être humain, il ne pourrait pas l’être éternellement. De par notre propre nature, ce titre aurait de toute façon tendance à atteindre les qualités qui auraient permis d’y parvenir : l’orgueil est rarement facteur de remise en question… or, pour conserver ses lettres de noblesse, il faut se réinventer chaque jour, sans cesse se poser des question. Le pain est comparable à la vie, tant il est imprégné des hommes qui le façonnent.

Tout cela ne fait qu’exprimer les traits d’une société où la performance est devenue reine, dépassant de loin toutes les autres considérations humaines. Je me demande bien où tout cela peut bien nous conduire, car les choses n’ont du goût que si l’on prend du temps pour les faire, que l’on y met de la sincérité… rien de révolutionnaire, bien au contraire, puisque c’est tout simplement revenir à des valeurs passées. Ce sera peut être de cette façon que nous serons meilleurs… sans chercher à être les meilleurs.

Les quartiers ont une influence directe sur le prix des produits proposés dans les boulangeries. Que ce soit pour des questions de loyer, de concurrence, ou même de niveau de vie de la population, on pourra ainsi trouver des baguettes de tradition à des tarifs très variables, allant de 1 euro à plus d’1 euro 30 dans certains secteurs… De plus, on ne saurait négliger l’effet « d’émulation » qui se créé ainsi entre artisans.

Dans le 16è arrondissement, le pain a souvent tendance à être plus cher qu’ailleurs. Certains boulangers, tels que les fameux Desgranges, très présents (3 adresses !) dans la zone, n’hésitent pas à proposer des produits à des tarifs parfois honteux à mon sens, car ils sont loin d’être en adéquation avec la qualité de la marchandise vendue…
Chez Francis Rault, le phénomène semble ne pas avoir touché sa baguette de Tradition – réalisée à partir d’une farine fournie par les Grands Moulins de Paris / Ronde des Pains, puisqu’elle est proposée au tarif de 1,10€, soit un prix couramment pratiqué dans les rues de la capitale. Au delà de son attractivité sur le plan pécuniaire, elle parvient également à nous séduire au travers d’une qualité de réalisation plus qu’honorable. Sa croûte fine et craquante, sa mie crème bien alvéolée et son parfum de froment soutenu en font un pain agréable à déguster sans façon, simplement rompu du bout des doigts. Malheureusement, le reste de la gamme ne saurait tellement satisfaire notre appétit painrisien, car en plus d’offrir une diversité (mélanges de céréales, noix ou raisins) plutôt limitée, leur qualité générale laisse à désirer, malgré des cuissons assez bien menées. Ajoutez à cela des tarifs excessifs (le pain « au seigle » – donc loin d’être réalisé à 100% avec de la farine de seigle – culmine ainsi à 2,10€ les 250g…), et vous obtenez un résultat sur lequel on ne souhaitera pas s’étendre.

Pour le reste, les pâtisseries sont accessibles autant qu’acceptables, même s’il ne faut pas trop en demander. On y trouve des classiques (éclairs, tartes aux fruits individuelles ou à la part…) et quelques créations maison. N’attendez cependant pas trop de finesse ni de soin. Les viennoiseries devraient être au meilleur de leur forme, ne sommes-nous pas au pays de Mozart ? En définitive, pas vraiment, puisqu’elles sont loin de briller dans leur vitrine…
Toute cette musique boulangère peut se consommer sur place, grâce à quelques places disposées dans le fond de la boutique. Pratique pour les travailleurs du secteur, pour qui l’artisan a développé sa gamme traiteur : des salades et plats sont proposés, en sus des quiches, pizzas et sandwiches. Ces derniers manquent de soin et n’attireront pas notre gourmandise.

Francis Rault n’est pas un inconnu sur la « scène boulangère » parisienne. En effet, ce boulanger normand a obtenu le premier prix du meilleur croissant d’Île-de-France en 2001, puis est parvenu à se classer honorablement à d’autres concours (galette aux amandes, notamment)… tout cela dans le VIè arrondissement, à l’angle de la rue Madame et de la rue de Vaugirard. Il s’installera ensuite dans la boulangerie tenue à présent par Alain Yhuel dans le centre de Paris, avant d’acquérir cette affaire dans le XVIè fin 2009.

Le lieu s’inscrit dans un style sobre, relativement élégant, servi par un service aimable et efficace. Les personnes âgées, qui ne manquent pas de se presser en nombre devant les portes de l’établissement, sont bien servies et accompagnées, preuve d’une patience parfois bien nécessaire.

Infos pratiques

48 avenue Mozart – 75016 Paris (métro Ranelagh, ligne 9) / tél : 01 42 88 14 21

Avis résumé

Pain ? Même si on peut saluer le prix modéré – 1,10€ – et la bonne qualité de sa baguette de Tradition, le reste de la gamme développée par Francis Rault à partir des farines des Grands Moulins de Paris demeure plutôt basique et sans grand intérêt. Les produits sont en effet très classiques et n’offrent pas une qualité de réalisation exceptionnelle, tout cela pour des tarifs trop élevés.
Accueil ? Souriant, efficace et chaleureux, le service de la Boulangerie Mozart nous offre une belle musique, sans fausse note. La clientèle est servie rapidement, avec un conseil avisé et agréable.
Le reste ? Même si elles demeurent simples et manquent parfois un peu de soin, les pâtisseries de la maison Rault sont relativement acceptables et accessibles, alliant classiques (éclairs, millefeuilles, tartes aux fruits individuelles ou à la part…) et créations. Même si la qualité du feuilletage de cet artisan a été plusieurs fois primée, ses viennoiseries ne jouent pas dans le domaine de l’exception au quotidien. Quant aux sandwiches, ils font plutôt triste mine, et on leur préférera les quiches ou pizzas servies à la part. Des plats et salades sont également proposés.

Faut-il y aller ? La Maison Rault nous propose une prestation de boulangerie « de quartier », plutôt honnête sans pour autant briller comme ses nombreux classements aux concours professionnels pourrait nous le laisser penser. Cette boulangerie présente néanmoins le caractère pratique d’être ouverte le dimanche, chose plutôt rare sur l’avenue Mozart. Cela permet ainsi aux habitants du secteur de se fournir en pain frais, et plus particulièrement en baguettes de Tradition, cette dernière étant de bon niveau.

Certaines histoires s’écrivent en famille, mais aussi dans un terroir, un lieu bien particulier où c’est toute une communauté qui se développe autour de l’entreprise familiale. Difficile pour les enfants d’échapper à cette tradition, mais ce n’est pas forcément un mal, car cela permet de conserver l’esprit propre à la maison, et ainsi d’éviter des changements qui pourraient avoir des conséquences plus ou moins regrettables à long terme.

David Bourgeois dirige le moulin familial, conjointement avec son frère Julien.

Rien de tout cela à Verdelot, puisque le moulin est resté dans la famille Bourgeois depuis les années 1920, époque à laquelle ces meuniers se sont installés dans la région. Le moulin, ou plutôt les, puisque l’histoire a commencé à quelques kilomètres de là, plus précisément à Couargis.

Enseigne du moulin de Couargis

Impossible de passer dans le secteur sans s’arrêter dans ce moulin à eau entièrement rénové dans les années 2000. Son activité a été arrêtée peu après l’acquisition du moulin actuel, ce qui explique sa « conservation » : en effet, les équipements de l’époque avaient été laissés en l’état, ce qui n’est pas le cas pour nombre d’autres bâtiments du même genre exploités plus longtemps. Anecdote amusante, la marque des outils de mouture sur cylindre est la même que celle utilisée à Verdelot : en effet, Bühler reste aujourd’hui un des fabricants incontournables en meunerie.

A l’époque du moulin de Couargis, on réalisait déjà de la mouture sur cylindre. La technologie employée actuellement n’a donc que peu évolué, ni même le constructeur : si l’on regarde attentivement, on lit bien Bühler sur les machines.

Le même nom, mais une capacité d’écrasement bien différente. David et Julien Bourgeois ont mis en production en fin d’année dernière leur moulin flambant neuf, avec des machines permettant de moudre deux fois plus de grain que le précédent. Le précédent ? Oui, le 27 juin 2010, un incendie ravageait le bâtiment, emportant avec lui l’outil de production familial. Même si les silos à grain et à farine ont été préservés, la période transitoire n’a pas manqué d’être difficile : il fallait rassurer les clients et leur assurer le même niveau de qualité. Un challenge relevé par les deux frères, qui ont réussi à maintenir leur entreprise à flots malgré la concurrence dans le secteur.
On pourrait se demander l’intérêt d’avoir investi dans une capacité plus importante : ce nouvel outil permet une « tension » moindre sur la production, et ainsi de ne pas tourner à plein, voire seulement une partie de la semaine.

Dans le moulin de la famille Bourgeois, l’ensemble du processus est automatisé. Les opérateurs peuvent contrôler le bon fonctionnement grâce à un système informatique.

En plus des farines « traditionnelles », les Moulins Bourgeois disposent également d’une gamme de produits biologiques ou réalisés à partir de mouture sur Meule. Historiquement, la région de la Ferté sous Jouarre était réputée pour la qualité de sa pierre meulière et ce n’est sans doute pas étranger au développement de cette activité ici. Malgré tout, la farine « blanche » et type 65, utilisées pour la confection des baguettes (tradition & pain courant) représentent 90% des commandes de la clientèle.

Dans ce moulin à cylindres « miniature » sont réalisées les farines type 65 biologique. Au premier plan, ce sont les farines de meule type 80 et plus spécifiques qui sont traitées.

Chez les Bourgeois, on défend une certaine vision de la meunerie, justement proche de ses clients. Pas d’industriels, mais uniquement des artisans boulangers. Depuis 2004 et leur départ du groupement Banette, les frères ont mis en place leur identité, leurs inévitables prémixes (baguettes céréales, aux ingrédients) entièrement réalisés « maison », ainsi que des dispositifs de communication (PLV, sachets, …), tout en gardant à l’esprit qu’il fallait valoriser l’artisan et pas le meunier : c’est ainsi que la marque « Artisan Boulanger » est apparue. Cela dénote d’une volonté de se placer en partenaire, et non pas  en entreprise écrasante comme c’est trop souvent le cas dans le secteur.

Vous connaissez sans doute cet écriteau, puisque beaucoup de boulangers l’ont choisi pour orner leur devanture. Ici, ce sont les prénoms des deux frères qui accompagnent la marque « artisan boulanger », exprimant la volonté des Bourgeois de valoriser avant tout le boulanger, sans chercher à « l’écraser » sous une politique de réseau.

Plusieurs éléments vont d’ailleurs dans ce sens : l’ensemble des livraisons sont assurées par l’entreprise, ce qui représente près de la moitié de ses 80 collaborateurs. Un savoir-faire et une indépendance que David Bourgeois n’entendrait pas perdre, car il lui permet plus de flexibilité et de mieux percevoir les retours des boulangers auprès des livreurs. Dans une activité où le marché a tendance à stagner voire à se réduire (la grande distribution prenant toujours plus de place dans les achats de pain chez les consommateurs), chaque détail compte et il faut en faire beaucoup pour espérer garder sa clientèle. Le « point d’équilibre » numérique n’est d’ailleurs atteint que si le meunier recrute chaque année environ 50 nouveaux clients, un chiffre qui n’est pas anodin.

Dans le cadre du contrôle permanent de la qualité des blés, les Moulins Bourgeois disposent d’un moulin d’essai miniature, qui leur permet de réaliser des essais sur des échantillons.

Bien sûr, le plus important reste la qualité et la régularité. Pour l’assurer, des blés issus d’un périmètre de 150km autour du moulin sont écrasés ici, avec des équilibrages différents en fonction des années. Compte tenu des volumes à fournir, il serait difficile d’envisager de développer un « pain de terroir », ce qui aurait pour conséquence d’éventuelles variations selon les années et la qualité des récoltes. Au travers de plus de 450 essais de panification sur les lots de blé et des contrôles à réception, le moulin de Verdelot assure un produit régulier et fiable, sur lequel les artisans boulangers peuvent compter. Les différents labels auxquels adhère l’entreprise participent à ces garanties : ainsi, la baguette de tradition française Reine des Blés est certifiée Label Rouge, et une gamme complète de farines biologiques (répondant au cahier des charges Saveurs Paris Ile-de-France) est proposée.

Dans ce laboratoire de formation, les boulangers peuvent suivre des modules de perfectionnement, pour le pain mais également pour de la tarterie ou du snacking.

Cette démarche de partenaire se prolonge par des formations proposées aux boulangers et à leur personnel : autant en vente qu’en production, les Moulins Bourgeois peuvent apporter leur savoir-faire afin de tirer le meilleur de leurs matières premières. Un accompagnement souvent nécessaire dans le cadre de reconversions professionnelles.

Une boutique de formation a été aménagée afin de transmettre des techniques permettant de mieux mettre en valeur les produits fabriqués au fournil.

En définitive, vous l’aurez bien compris, à Verdelot, les Bourgeois produisent une farine pour le peuple, avec tout le caractère noble que cela peut avoir !

Le moulin est situé dans le périmètre de l’église de Verdelot, qui est classée aux Monuments Historiques. Cela a impliqué certaines contraintes lors de la construction du nouveau moulin, notamment en terme d’inscription dans le paysage. Ainsi, l’architecte a tenté de donner au bâtiment les couleurs d’un tronc de bouleau pour le « fondre » dans cet ensemble. Une tâche difficile, dont le résultat ne semble pas faire l’unanimité.

Ceux qui me lisent régulièrement auront fini par le comprendre, je ne suis pas un grand amateur des conventions, des institutions et façons de faire usées. Au contraire, j’aurais plutôt tendance à être iconoclaste et presque… anarchiste ? On ne se refait pas, que voulez-vous. Ainsi, j’ai développé une légère aversion vis à vis du système bien rodé des communiqués de presse, orchestré par agences et chargés de relations publiques. Ma préoccupation est avant tout la sincérité de l’information fournie au lecteur : comment peut-elle l’être pleinement dès lors que l’on doit défendre un intérêt commercial ?
Se pose aussi la question des invitations et cadeaux offerts aux bloggueurs : sommes-nous tout à fait capables de garder la tête froide ? Mon propre jugement n’a-t-il pas été influencé les fois où j’ai été invité ?

Dans le cas présent, je dois dire que j’ai plutôt souri, et que si je vous en parle, c’est que la chose m’a un peu surpris. En effet, vendredi dernier, j’ai reçu un email provenant du service Communication de Paul. Vous imaginez le sentiment partagé entre honneur et fierté que j’ai pu ressentir : moi, petit bloggueur, suis ‘reconnu’ par une si grande entreprise. En fait, il y a eu comme un… blanc.
Oui, l’objet du communiqué est les produits « blancs » que l’enseigne lance à la rentrée.

Carré feuilleté au chocolat blanc

Rien de bien innovant en réalité, puisque Paul se contente de retravailler légèrement de grands classiques : il est ainsi question du macaron Vanille, renouvelé et réalisé à partir d’une ganache au chocolat blanc (mister obvious est passé par là) et de vanille de Madagascar. Le plus original reste sans doute le carré feuilleté, garni de crème… au chocolat blanc. On terminera sur la viennoise… au chocolat blanc, gagné, qui doit elle aussi arriver bien blanche à la livraison.

Viennoise au chocolat blanc

Bref, rien de bien nouveau sous le soleil – qui sera peut-être encore présent le 4 septembre, date à laquelle ces nouveaux produits envahiront les boutiques Paul, suscitant – je n’en doute pas une seconde – l’enthousiasme du public. J’aurais préféré un communiqué m’annonçant une plus grande exigence quant à l’approvisionnement des farines, à la qualité des process de fabrication… mais côté pain, l’enseigne se contente d’appliquer des recettes bien huilées, mis à part pour les pains dits « aromatiques » développés récemment, et dont l’avenir ne me semble pas radieux…

On terminera simplement sur les prix de vente « conseillés » (ils ont tendance à s’envoler rapidement dans les gares et autres lieux de forte fréquentation) : le Macaron vanille de Madagascar – 80g : 3€, la Gourmandise chocolat blanc – 135g : 1,75€ et la Viennoise chocolat blanc – 125g : 1,40€. Autant dire reste toujours plus intéressant de se tourner vers son artisan boulanger, bien souvent moins cher, plus honnête et offrant des produits d’une toute autre qualité, dès lors qu’il n’a pas cédé aux sirènes de l’industrie.