Il est amusant de voir comme les parisiens et franciliens ont une tendance naturelle à se diriger vers les mêmes endroits lorsqu’il s’agit de choisir leur lieu de villégiature. Ainsi, quand nos zones hyper-urbaines se vident, d’autres se remplissent… Rien de bien dépaysant là dedans, cela me rappellerait presque le roi qui emmenait avec lui toute sa cour lors de ses déplacements en France et Navarre…

Quelques zones remportent la palme : le Sud lorsque vient l’été, mais aussi la Normandie pour de courts week-ends au bord de la mer… c’est sans aucun doute ce qui a permis l’essor de Deauville : située à à peine 2 heures de Paris, la cité ne manque pas d’atouts pour les franciliens en quête d’embruns. Pratique, rempli de casinos, avec une ambiance en définitive très parisienne… Vous repasserez pour le dépaysement, mais qu’importe.

A marée basse, la plage apaisée de cette journée d’Octobre m’a laissé profiter un peu de ses embruns salés… L’occasion d’une pause bienvenue dans un monde souvent trop agité.

Je l’avoue, je me suis laissé tenter, moi aussi. Hors saison, cependant, en semaine, là où la ville souffle un peu, où elle reprend un peu son apparence de cité de province. Il devient alors agréable d’y respirer, une journée ou un peu plus. La foule est partie, mais les commerces restent. A l’occasion de ma visite, j’ai pu faire un petit tour d’horizon très painrisien de Deauville et Trouville, et malheureusement, d’un point de vue gastronomique et boulanger, elles ont hérité de tout ce qui est désagréable par chez nous : l’apparence est privilégiée au détriment du goût.

Des boulangeries, il y en a. Elles affichent des devantures fort sympathiques pour la plupart, mais une fois la porte passée, le problème devient bien plus épineux.
Commençons par la spécialité locale, le pain Brié. Ce dernier présente une mie serrée et assez moelleuse, ce qui lui permet de se conserver plusieurs jours sans difficultés : c’était d’ailleurs l’objectif, puisqu’il était le compagnon favori des marins et de leurs nombreuses campagnes. On le retrouve de façon assez fréquente dans nos boulangeries parisiennes à présent, parfois mieux réalisé qu’ici, en Normandie. Un comble.

Une des deux boulangeries Osouf, à Deauville.

A Deauville, les boulangeries se concentrent principalement autour de la place Morny. Aux  Délices de l’Etoile (rattachée au groupement Festival), les deux boulangeries Osouf… Rien de bien intéressant que ce soit du côté des pains ou des gourmandises. Pour ces dernières, on se tournera plus aisément vers l’institution locale, Dupont avec un Thé, qui propose quelques douceurs (pâtisseries & viennoiseries, notamment, ainsi que des chocolats) relativement acceptables, même si sur-tarifées au vu de leur qualité.
En définitive, les adresses les plus valeureuses se situent un peu à l’écart, avec pour le pain la boulangerie de l’Avenir (au 16 rue de l’Avenir) et une gamme axée autour de la baguette Rétrodor, très acceptable… et côté pâtisseries, le méconnu mais non moins excellent François Gayet (75, rue du Général-Leclerc) qui s’offre le luxe de n’ouvrir qu’en fin de semaine, pour proposer des douceurs directement issues de son laboratoire ouvert sur la boutique.

Passons maintenant à Trouville, nettement plus authentique et ayant conservé son aspect de village de pêcheurs. Bien sûr, on pourra faire un arrêt au marché aux Poissons, rénové avec goût, mais les amateurs de pain s’enfonceront un peu plus dans les ruelles de la cité pour découvrir les produits du couple Favris (38, rue Paul-Besson). Même si la maison a fait le choix de se rattacher au groupement Banette, la baguette de la maison, la Trouvillaise et ses 4 croûtons, n’en demeure pas moins savoureuse, en plus d’offrir une bonne conservation. Les pâtisseries sont acceptables, même si celles du salon de Thé Charlotte Corday (172, boulevard Fernand-Moureaux), dédiées à quelques personnalités (Francis Huster, Emma de Caunes, Karl Zéro…) demeurent certainement les plus appréciables.
On s’abstiendra de faire des commentaires sur la qualité du pain proposé par la succursale trouvillaise de Dupont avec un Thé (la baguette de Tradition, réalisée à partir d’une farine de chez Axiane, s’approche dangereusement du pain courant… seuls les pains Biologiques s’en tirent un peu mieux, sans grand relief cependant), sur les produits de Patrick Bligny, au parcours pourtant étoilé (ex Lucas Carton, notamment), ou encore du Fournil de la Touques, situé à quelques pas de la rivière du même nom, et autres Fournil des Halles ou Pâtisserie Lelièvre (bien poussiéreuse, par ailleurs !)…

Le Fournil de la Touques a pour seul intérêt de proposer des pâtisseries naïves et amusantes… comme ces sortes de voiliers, souris, hérissons ou encore bonhommes. Pour le goût, et bien… ne parlons pas des choses qui fâchent.

Il est aussi possible de faire des escales gourmandes dans les boutiques de la fameuse conserverie La Belle Iloise, dans la boutique du chocolatier Au Chat Bleu (que l’on retrouve à Paris, d’ailleurs), ou, pour les plus intrépides, à la Trinitaine, qui propose toujours ses douceurs plus ou moins « artisanales »…

Dupont avec un Thé, sur la place Morny, à Deauville.

Bref, vous l’aurez compris, mieux vaut sans doute ne pas aller ici si l’on recherche de l’authenticité et de vraies saveurs normandes ou du bon pain. Non, l’essentiel est ailleurs. Là, au bord du l’eau. Mon vrai bonheur était tout simplement de me laisser bercer par les embruns, de profiter de ces fameuses planches, entièrement désertes. Laisser passer le temps, observer les oiseaux et leur ballet aussi improvisé que charmant… Dans ces moments là, le pain, le matériel, importent bien peu en définitive. J’ai arrêté de courir (le pain) quelques minutes, et je crois qu’en fin de compte, j’y serais bien resté.

Du calme, juste du calme.

La créativité est généralement une qualité appréciable, que ce soit au quotidien ou dans le cadre d’une activité professionnelle. Seulement, il ne faudrait pas que cette dernière devienne trop envahissante, farfelue… ce qui serait alors contre-productif. Cela arrive de temps à autre, inévitablement.

La boulangerie n’est pas épargnée. Ainsi, on trouve parfois des pains aux associations de saveurs saugrenues, aux formes improbables ainsi que des pâtisseries qui auraient du rester dans l’imagination de leurs auteurs. Rien de bien troublant, dans l’absolu, puisque les faits demeurent éphémères et peinent souvent à rencontrer leur clientèle, ce qui a pour effet de les faire rapidement tomber dans l’oubli.
Malheureusement, certaines décisions font date… à l’image de celle prise par les propriétaires de cette boulangerie de la rue Caulaincourt.
« La Bonne Cochonnerie », un tel nom associé à un couleur rose, il fallait oser, et ils l’ont fait. Du mauvais goût ? Sans doute, oui.

Passons tout de même la porte pour savoir si l’intérieur nous réserve ce que nous venons chercher dans une boulangerie, en l’occurrence du goût, du vrai, du bon.
Pour le coup, c’est raté, ce qui pourrait nous faire dire que l’adjectif « bonne » du nom serait presque superflu… passons sur les plaisanteries.

A défaut de regarder les produits, regardons le superbe plafond sous verre.

Du pain, il y en a, encore heureux, sur des présentoirs en métal et non pas dans des auges comme on aurait pu le craindre. La gamme est relativement variée, allant de la baguette de Tradition, juste correcte même si l’on appréciera le goût de froment et la cuisson bien menée, aux pains aux fruits secs (noix, figues…) en passant par les céréales. Le problème, c’est que le tout a une fâcheuse tendance à être gonflé à la levure, sans présenter un grand intérêt gustatif. Non, les ingrédients ajoutés ne doivent pas servir de « cache-misère »…

Est-il nécessaire de s’étendre sur les pâtisseries approximatives – de la tarte au citron à l’Opéra, en passant par le très chic empilement de rochers… non, pardon, de choux ou par les tartes fines pas si fines ? Ou encore sur les médiocres viennoiseries et gourmandises (même s’il y a du choix, muffin, brownie, financiers, cookies, … rien ne manque… mais cela ne ferait-il pas un peu trop ?)…

Viennoiseries & gourmandises

Rien de plus intéressant côté salé, avec des sandwiches sur fond de baguette de pain courant, certes très garnis, mais qui peinent bien à susciter une quelconque envie. Même constat pour les salades et autres quiches.

Relevons tout de même l’accueil sympathique et le décor plutôt agréable : le plafond sous verre d’époque a été conservé, et on peut prendre plaisir à s’arrêter quelques minutes dans la boutique grâce aux tables et chaises qui y ont été disposées.

Infos pratiques

111 rue Caulaincourt – 75018 Paris (métro Lamarck-Caulaincourt, ligne 12) / tél : 01 46 06 75 08

Avis résumé

Pain ? Les farines des Moulins Bourgeois, utilisées ici, peinent à être mises à l’honneur. La baguette de Tradition demeure à peine acceptable, grâce à une cuisson bien menée et à un façonnage correct. Pour le reste, les pains aux ingrédients gonflés à la levure ne présentent qu’un intérêt bien limité, même s’ils offrent une certaine diversité de saveurs… Encore qu’il serait sans doute préférable de déguster les fameux fruits secs dépourvus de cette enveloppe encombrante.
Accueil ? C’est sans doute ce qui demeure le plus charmant ici, avec un service efficace et plutôt souriant. Dans ce lieu bercé par une belle lumière naturelle, offerte par les larges baies vitrées de la boutique, on aimerait juste que les produits soient à l’avenant…
Le reste ? Pâtisseries, viennoiseries, sandwiches, gourmandises… Je ne peux pas dire que j’ai trouvé quoi que ce soit qui sorte du qualificatif inspiré par l’enseigne. Cochonneries, vous disiez ?

Faut-il y aller ? Pour avoir un exemple de mauvais goût, sans doute. Mis à part cela, nous sommes en présence d’une boulangerie comme il en existe – malheureusement ? – des centaines sur la place de Paris.

J’avais voté, mes trois autres compères également. Suite à cela, le classement s’était naturellement établi, mais le secret autour du nom des lauréats restait entier. 18 participants pour ce second concours du pain Bio d’Ile-de-France, et bien sûr… un seul vainqueur !

Le classement se déroule ainsi :

1 – Frédéric PICHARD – 88, rue Cambronne – 75015 PARIS
2 – Denis HECHT – 86, rue du Rocher – 75017 PARIS
3 – Mickaël FORCHER – 1, av. Poissy – 78260 ACHERES
4 – Anthony BOSSON – L’ESSENTIEL – 73, bld Auguste Blanqui – 75013 PARIS
5 – Jean Pierre CARTON – LE BOULANGER DE SAINT GERMAIN – 47ter, bld St Germain 75005 PARIS
6 – Stéphane HENRY – MON PERE ETAIT BOULANGER – 2bis, bld Morland – 75004 PARIS
7 – Philippe CONAN – AU PECHES NORMANDS BIO – 2, rue Yves Toudic 75010 PARIS
8 – Audrey TRABACH – AUX TROIS PETITS MITRONS – 2, bld Louis Boon – 94370 SUCY EN BRIE
9 – Anthony BOSSON – L’ESSENTIEL MOUFFETARD – 2, rue Mouffetard – 75005 PARIS
10 – Rudy REGNERY – FANTASIIIA – 35, rue d’Alésia – 75014 PARIS
11 – Olivier GESTIN – L’ATELIER DU PAIN – 35, place St Ferdinand – 75017 PARIS
12 – Claude AZAÏS – EN CAS DE CAMPAGNE – 11, Av. des Murs du Parc – 94300 VINCENNES
13 – Didier BALIGOUT – 79 rue de Sommeville – 77380 COMBS LA VILLE
14 – Alban GORGE – 69, rue Daguerre – 75014 PARIS
15 – J. Michel CARTON – CARTON GARE DU NORD – 6, Bld de Denain 75010 PARIS
16 – Franck THOMASSE LA PANETIERE – 29, rue Marcel Allégot – 92190 MEUDON
17 – Franck METAIREAU – LE FOURNIL DES FRANCK’S – 34, rue Robert Giraudineau – 94300 VINCENNES
18 – Daniel POUPHARY – 28, rue Monge – 75005 PARIS

Frédéric Pichard, arborant fièrement son prix, en compagnie de Jacques Mabille

Frédéric Pichard succède donc à Michel Fabre, qui ne pouvait concourir cette année du fait de son titre obtenu l’an passé. Cela ne fait qu’un titre supplémentaire pour cette maison, déjà récompensée pour ses croissants ou ses galettes par le passé.
Les autres nominés m’intéressent plus, en définitive, puisque l’on retrouve en seconde place la boulangerie de Denis Hecht, représenté par sa femme et l’un de ses ouvriers. Cette discrète adresse du 17è arrondissement ne manque en effet pas de valeur, et c’est une excellente chose qu’ils commencent à se faire connaître en dehors de leur clientèle « locale ».

On passera sur les secrets de polichinelle, comme le fait que beaucoup des produits présentés avaient été réalisés par des ouvriers et non par les patrons eux-mêmes, ou que ces remises de prix sont surtout l’occasion de déboucher quelques bouteilles de champagne…
L’important, en définitive, demeure de proposer la même qualité au consommateur, comme l’a justement rappelé Jacques Mabille, le président du syndicat. En ce qui concerne le pain Bio, l’honnêteté et la rigueur devraient également être au coeur de la démarche : l’acide ascorbique, sans doute utilisé par quelques-uns des artisans en compétition, devrait être exclu comme c’est le cas pour la baguette de Tradition.

Dans tous les cas, je ne peux qu’espérer que certains artisans tout aussi talentueux participeront l’an prochain, à l’image de Jean-Paul Mathon, car il est dommage de retrouver dans l’ensemble des concours les mêmes têtes…

J’aime voir des projets se concrétiser. On m’en parle parfois comme ça, négligemment, entre deux sujets, comme une douce ponctuation dans cet amas d’informations qui constitue nos journées. Ils me reviennent à l’esprit de temps à autre, et je me demande quel en est l’avancement… L’occasion parfois de le demander aux intéressés.

Dans d’autres, c’est le hasard qui me donne la réponse et ce fut le cas hier, étant de passage rue d’Odessa, dans le 14è arrondissement. En effet, au 19 de cette voie, la boulangerie a changé de propriétaire il y a tout juste trois jours. La devanture affiche encore « Aux Délices d’Odessa », mais à l’intérieur, c’est la gamme de… La Parisienne que l’on retrouve. En effet, Julien – le précédent boulanger oeuvrant pour le compte de Mickaël Reydellet sur le boulevard Saint-Germain – et son épouse se sont installés ici, comme le jeune artisan me l’avait annoncé il y a plusieurs mois.

Dans cette boulangerie un peu vieillotte, les produits étaient restés sur la même dynamique – ou plutôt, absence de dynamique. Une large gamme de pains, tous issus de prémixes fournis par le groupement Banette, peu de propositions à l’heure du déjeuner… Des faits qui font dors et déjà partie de l’histoire ancienne, puisque les recettes de la maison sont à présent appliquées, avec quelques suppléments puisqu’un pain Bio – en cours de certification – a fait son apparition. La baguette de Tradition aura encore besoin de changement, puisqu’elle demeure réalisée la méthode du prédécesseur pour ne pas trop perturber les habitués des lieux. L’artisan compte cependant proposer un large éventail de produits le week-end, sa boulangerie étant la seule ouverte dans le secteur. Baguettes aux figues, tradition feuilletée (une des spécialités que je vous avais présenté)… Le tout réalisé à partir d’une farine livrée par les Moulins de Chars.

Un travail sur l’aménagement des lieux sera sans doute à mener en parallèle, mais laissons les choses se mettre en place. Dans tous les cas, on peut déjà apprécier l’accueil charmant et les larges horaires d’ouverture (du mardi au dimanche, de 7h à 20h).

Côté pâtisserie, la gamme reprend les standards développés dans les deux autres adresses de l' »enseigne », avec des classiques et divers entremets simples et honnêtes.
La démarche de Mickaël Reydellet est en tout cas plus qu’appréciable : il donne en effet de l’indépendance à ses salariés, en les accompagnant dans leur installation, tout comme cela avait pu être le cas à ses débuts avec la famille Julien. Un bel état d’esprit que plus de patrons devraient développer, surtout que l’homme a su rester simple et à l’écoute malgré le succès de son entreprise.

La Parisienne applique donc l’adage « jamais deux sans trois », on ne va certainement pas s’en plaindre !

Infos pratiques

19 rue d’Odessa – 75014 Paris (métro Edgar Quinet, ligne 6 ou Montparnasse-Bienvenüe, lignes 4, 6, 12 et 13) / tél : 01.42.79.92.58
ouvert du mardi au dimanche de 7h à 20h.

C’est la crise ma petite dame. Certes, ce n’est pas faux, mais il ne faudrait pas non plus tirer un bilan catastrophique de la situation. Les cours des matières premières subissent des variations importantes ces derniers mois, mais le fait n’est plus vraiment nouveau : nos artisans ont fini par être habitués à ces augmentations qui touchent aussi bien la farine, le lait, le beurre, les oeufs… tout ce qui est mis en oeuvre dans leurs produits, en bref.

Toutefois, je pense qu’il ne faut pas céder à la « panique » et garder la tête froide. En effet, il convient de prendre le problème avec sérieux et recul, car celui-ci comporte plusieurs aspects.

A commencer par considérer la part que représentent les matières premières dans le prix des produits finis. Pour une baguette de pain, nous étions à près de 20% l’an passé, la main d’oeuvre, les charges salariales… tout ce qui est humain, en bref, restant l’un des postes les plus coûteux – près de la moitié de l’addition. En définitive, la part dévolue à la matière première augmente, certainement plus rapidement que ne le font les salaires. Cela pose donc la question de l’augmentation des prix : qu’ils soient salariés de la filière ou d’une autre, les consommateurs peuvent-ils, ou veulent-ils, encaisser ces fluctuations ? Rien de moins sûr.

Il faut dire que le climat pousse beaucoup d’entre nous à avoir les yeux rivés sur les dépenses quotidiennes, et nous avons souvent tendance à nous serrer la ceinture sur les produits de première nécessité, moins sur les loisirs et ce qui est considéré comme des achats de « plaisir » (même si à mon sens, le pain demeure l’un des plaisirs les plus quotidiens et accessibles !).
La logique agit donc de cette façon :
– Les matières premières augmentent, les artisans boulangers répercutent le phénomène sur les clients ;
– Ces derniers ressentent immédiatement la hausse et vont privilégier des modes d’approvisionnement moins onéreux et souvent plus pratiques (grande distribution, (semi)-industriels…) ;
– La boulangerie artisanale perd donc de la clientèle et ne parvient pas à assumer son équation économique autrement que par les prix…

Le phénomène est donc dangereux à long terme, mais il ne se réalise que si nos artisans ne font pas preuve de clairvoyance et adoptent un autre raisonnement.
En effet, il est aussi possible de choisir d' »encaisser » les variations, pour maintenir un produit de qualité accessible, tout en développant une gamme « plaisir » simple et à la portée du quotidien (sur ces produits, les marges sont bien souvent plus élevés, même si l’on conserve des prix bas !). A mon sens, c’est de cette façon que les boulangeries peuvent se démarquer nettement de leurs concurrents : difficile de trouver des viennoiseries, tartes ou même sandwiches et quiches de qualité en industrie…

Les exemples ne manquent pas, et devraient en inspirer certains : on peut notamment citer la maison Pichard et sa fameuse baguette, toujours maintenue à 1 euro, proposée conjointement à un large assortiment de gourmandises de qualité, tout aussi accessibles. Inutile de chercher d’autres preuves du bien fondé de la démarche que la longue queue qui se déroule devant les lieux chaque week-end. Même idée chez les Rouget à Beaumont-sur-Oise, chez Dominique Saibron dans le 14è arrondissement, … dans tous les cas, on retrouve des artisans passionnés, qui savent sortir de leur fournil pour comprendre leurs clients et s’adapter à leurs attentes. La profession ne doit pas adopter une position de victime, mais bien être force de proposition pour continuer à avancer.

J’ai souvent l’occasion de me lamenter en passant devant de vieilles boulangeries parisiennes, aux façades d’époque. Pour plusieurs raisons : beaucoup d’entre elles ont changé de vocation tout en conservant leur devanture (forcément, cette dernière étant classée, difficile d’y toucher), ce qui donne lieu à des situations parfois cocasses (une boutique de mode annonçant « boulangerie », cela surprend forcément), mais aussi pour la qualité des produits. En effet, malgré les références courantes à un « pain à l’ancienne », on ne peut pas dire que ces boulangeries brillent souvent par leur offre… A croire que les artisans qui y sont installés pensent que le décor doit suffire.

C’était précisément le cas dans la boulangerie Au Panetier, dans le 2è arrondissement. Cette belle boutique de style « art déco », avec une façade déclinant des tons entre le vert et le bleu, avec un intérieur tout aussi authentique. Certes, le temps est passé par là et l’entretien ne semble pas été suffisant pour assurer un parfait maintien des lieux. Les produits avaient tout autant de mal à se maintenir, avec notamment un pain très médiocre.

Fort heureusement, les choses changent, les propriétaires passent. Depuis deux semaines, la boulangerie Au Panetier a changé de mains et cela s’est immédiatement ressenti : le nouvel artisan (boulanger, en l’occurrence, puisque c’était lui le tenancier des lieux) est arrivé avec la volonté de bousculer cette routine. Avec un certain talent, je dois dire, puisque la spécialité des lieux, le « Petit Père », un pain assez plat, bien cuit et façonné en de grandes pièces découpées à l’envie du client se révèle un excellent choix : on appréciera ainsi ses notes acidulées et boisées, sa mie d’excellente tenue, assez dense mais bien hydratée. La baguette de Tradition n’est pas en reste, plutôt soignée et savoureuse, même si l’on se tournera plus volontiers vers ce petit père qui nous tend les bras.
Au delà de ça, la gamme est très courte : quelques petits pains aux fruits secs et boules, rien de bien élaboré. Dans un sens, c’est sans doute mieux ainsi : l’artisan semble avoir fait le choix de réaliser les produits qu’il maîtrise, accompagné par les farines des Moulins Bourgeois.

La Fouace et le Petit Père sont les stars de la vitrine… D’ailleurs, ce dernier ne vous rappelle-t-il pas la spécialité d’un célèbre boulanger parisien ?

Côté viennoiseries et pâtisseries, on passera notre tour, le personnel n’ayant d’ailleurs pas changé sur ce secteur, laissons un peu de temps à l’ensemble pour prendre de la consistance : une reprise n’est jamais de tout repos. Cependant, une gourmandise doit retenir notre attention : la Fouace, une brioche assez dense mais « légère » (assez peu
sucrée et beurrée), parfumée à la fleur d’oranger et à l’angélique se révèle très savoureuse. Vendue à la coupe pour 15 euros/kg, c’est l’autre spécialité des lieux à ne pas manquer, d’ailleurs elle nous interpelle dès l’entrée.

En boutique, l’accueil n’a pas changé non plus, et on retrouve ainsi un service sympathique et efficace, forcément bien accoutumé aux lieux. Ajoutez à cela le charme de la place, on s’accorderait bien quelques minutes très parisiennes à l’une des tables disposées devant la boutique.

Infos pratiques

10 Place des Petits Pères – 75002 Paris (métro Bourse, ligne 3) / tél : 01 42 60 90 23
ouvert du lundi au vendredi de 7h30 à 19h.
Avis résumé
Pain ? Le changement qui vient de s’opérer ici aura été plus que bénéfique pour le pain. Au travers d’une gamme courte, le nouvel artisan propose des produits bien maîtrisés, dont un « Petit Père » aux notes acidulées, à la croûte épaisse et bien cuite ainsi qu’à la mie d’excellente tenue. L’ensemble dégage un parfum boisé que l’on retrouve bien à la dégustation. On regrettera tout de même un prix assez élevé : 8 euros le kilogramme, cela commence à faire. La baguette de Tradition (1,2€ les 250g) est également de bonne tenue, même si c’est la spécialité maison qui tient la vedette.
Accueil ? Sympathique et bien à sa place dans les lieux, le service est efficace et défend ses produits, assez différents depuis la reprise par ailleurs. Cela accompagne bien le superbe décor et l’ambiance apaisée de cette petite place, en retrait de l’agitation. A noter les quelques tables qui peuvent servir de point de chute appréciable pour une pause gourmande.
Le reste ? Passons sur les pâtisseries, viennoiseries et l’offre salée qui font encore bien triste mine, mettons cela sur le compte de la reprise récente, en se promettant d’y refaire un tour d’ici quelques temps. Une gourmandise mérite cependant de ne pas être négligée : la Fouace, sa belle cuisson et ses notes de fleur d’oranger s’avère une belle surprise, d’autant qu’elle est vendue au poids, chacun choisissant ainsi la taille de sa part.
Faut-il y aller ? Pour un morceau de Petit Père ou de Fouace, bien sûr ! Avant la reprise, on n’y serait allés que pour le plaisir des yeux, le décor étant sympathique. Maintenant, les  produits commencent à être à l’avenant, et l’on ne peut que s’en réjouir.

On peut parfois me reprocher de critiquer sans faire les choses moi-même, de ne conserver qu’un rôle d’observateur, qui serait alors bien confortable. Difficile de donner tort à un tel raisonnement, mis à part en s’engageant : pour ma part, cela commence en assumant pleinement mes écrits, je ne suis pas caché et il a toujours été possible d’en savoir plus sur moi, et même de voir à quoi je ressemble. Vient ensuite le temps des actes, et je ne suis pas le dernier à me déplacer pour participer à des événements lorsqu’on me le propose.

Ainsi, j’ai pu prendre part hier au second concours du meilleur Pain Bio d’Ile-de-France, organisé au sein des locaux de la Chambre Professionnelle des Artisans Boulangers-Pâtissiers, au 7 quai d’Anjou. J’ai souvent eu l’occasion de critiquer ce genre de concours, où certains boulangers peu scrupuleux présentent des produits bien éloignés des pains proposés quotidiennement en boutique. Il me sera ainsi possible de comparer de façon réelle et objective.

18 artisans avaient répondu présent en apportant leurs pains. Pour la plupart, il s’agissait de boules au levain, et cette unicité de format nous a permis de comparer les produits sans trop de difficulté : difficile en effet d’établir un cliché type du pain Bio, sinon qu’il est généralement réalisé sur levain, et présente donc un caractère plutôt acide. Certains originaux avaient cru bon d’apporter des baguettes, pains aux céréales ou couronnes… Ce qui était leur droit, après tout.

Nous étions 4 jurés à noter les pains, selon des critères d’aspect, de cuisson, d’alvéolage, de goût et de parfum. Le pain ne doit pas seulement être agréable en bouche, il doit aussi séduire l’oeil, éveiller les sens, susciter l’envie, tout simplement. En ce qui concerne l’alvéolage, il y a là un problème : en effet, l’acide ascorbique n’est pas interdit pour les pains Biologiques, ce qui signifie que les pains les plus développés et donc alvéolés y ont sans doute eu recours. Difficile de le vérifier pour nous, mais le doute persiste, et c’est une des raisons pour lesquelles le pain de Tradition est parfois préférable : ce dernier en est forcément dépourvu, puisque les additifs sont proscrits de sa recette.

Chaque artisan boulanger avait amené sa création en deux exemplaires. Comme vous pouvez le voir, nous avons eu à juger des pains aux céréales ou des baguettes, ce qui rendait toute comparaison avec le reste impossible.

Il y avait du bon et du moins bon, mais dans l’ensemble, je dois reconnaître que le niveau était assez élevé : des mies gourmandes et bien hydratées, une acidité assez maîtrisée, et pour certains des arômes soutenus (céréales, fleurs, épices…), de beaux bouquets concentrés.

Cela a été aussi l’occasion d’échanger avec des passionnés du pain, et même si je peux regretter une certaine tendance à rencontrer des têtes grisonnantes plutôt que des jeunes (à croire que l’on parvient difficilement à transmettre la passion du pain…), c’est toujours un moment agréable. J’ai également pu discuter rapidement avec Jacques Mabille, le président de la Chambre, qui travaille actuellement à l’instauration d’un label valorisant la réalisation artisanale des viennoiseries et autres gourmandises, un engagement sans doute difficile à soutenir auprès de certains acteurs influents du secteur, mais qui ne pourra que faire du bien à la profession.

Pour les résultats, rendez-vous jeudi prochain, à l’occasion de la remise des prix !

J’aime toujours lire les commentaires que vous, visiteurs, laissez sur le painrisien au fil des journées. Certains me font sourire, d’autres me touchent ou parfois m’agacent… mais dans tous les cas, ils ne peuvent me laisser indifférent, car c’est votre expression en retour de mon travail, un effort que je ne saurais négliger. Je prends parfois un peu de temps à y répondre, mais c’est une belle source d’inspiration et de motivation pour moi.

Parfois, les informations qu’ils contiennent m’amènent à faire des visites, ou des re-visites. C’est le cas ici, dans la boulangerie reprise par Frédéric Lalos et Pierre-Marie Gagneux en plein coeur du très chic 16è arrondissement. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en avril dernier, la boutique un peu vieillotte n’était pas au diapason du « standing » du secteur, chose à laquelle l’entreprise devait remédier rapidement.

Ainsi, quand un certain « Ben » m’a indiqué (non sans précisions et emphases qui laisseraient à penser que ce dernier est bien plus qu’un simple client, mais passons) que la boulangerie du 22 rue des Belles Feuilles offrait une nouvelle devanture, je n’ai pas tardé à m’y rendre.
Ici, plus question de parler de l’enseigne « Le Quartier du Pain », c’est le nom Lalos qui est mis en avant. Un patronyme qui s’est peu à peu mué en marque, au travers des différents partenariats noués par le fameux Meilleur Ouvrier de France. Cela s’inscrit donc dans le prolongement de cette démarche.

On m’avait promis une boutique soignée, j’ai effectivement été servi, le résultat est plutôt probant. Un mélange assez chic et rétro, qui s’inscrit parfaitement dans son environnement. Ici, on n’a pas fait appel à des agenceurs traditionnels tels que CMC, mais à une spécialiste du « design d’intérieur », en la personne de Laura Gonzalez, excusez du peu. Cela se veut la figure de proue d’un nouveau concept, qui, je le pense, sera surtout amené à se développer à l’international, les ambitions de notre artisan au col bleu-blanc-rouge semblant être à peu près aussi dévorantes que celles de l’ami de la rue Monge…

Passons à ce qui est le plus important, les produits. Si l’écrin a repris des couleurs, ils en ont fait autant, avec des pains de bonne facture, à l’image de la boule au levain douce et parfumée ou d’un Longuet (en baguette et en pavé) et ses notes de sarrasin made-in-Philibert-savours. Reste que les pains de Tradition et ‘à l’ancienne’ (1,20€ les baguettes de 250g) ne sont pas particulièrement intéressants, avec des cuissons un peu justes et un effet « gonflé à la levure » – ce qui les rapproche dangereusement de la baguette de pain courant. Du chemin reste encore à parcourir… Les déclinaisons des ciabattas (nature, olive ou tomate) n’en sont pas moins gourmandes et bien vues.
Les viennoiseries se défendent toujours très honorablement, tout comme les pâtisseries (entremets, tartes fines feuilletées, éclairs…) même si leurs tarifs sont assez élevés (de 3,6€ l’éclair à près de 5,2€ l’entremet).

On appréciera également l’accueil, plutôt chaleureux et sympathique, chose à laquelle nous ne sommes pas toujours habitués dans ce quartier… Même si la présence d’une superbe « machine à sous » en caisse est toujours aussi regrettable pour la qualité de la relation client.

Un cimetière de pains décoratif… J’adore toujours autant ça.

Infos pratiques

22 rue des Belles Feuilles – 75016 Paris (métro Victor Hugo, ligne 2)
ouvert tous les jours sauf le mercredi.

Avis résumé

Pain ? Ce n’est toujours pas ça. Certes, les boules au levain sont de bonne tenue, mais les cuissons demeurent trop justes sur les pains de tradition, et les baguettes (de Tradition & à l’ancienne) manquent vraiment d’intérêt. Dans tous les cas, on est bien loin de ce que l’on pourrait attendre d’un boulanger au tel pédigrée.
Accueil ? Sympathique, souriant, poli et bien formé. Rien à redire sur ce point.
Le reste ? Les gourmands apprécieront viennoiseries, cakes et pâtisseries de bonne facture, même si les tarifs n’en demeurent pas moins élevés – somme toute en droite ligne de ce qui est généralement pratiqué dans l’arrondissement.

Faut-il y aller ? Pour découvrir la « nouvelle identité » de Frédéric Lalos, pourquoi pas. Cela semblait en tout cas fasciner le public japonais qui se pressait en masse devant les lieux. C’est assez significatif des ambitions de ce boulanger à l’international : je pense qu’il ne fait pas de doute que cette première boutique « Lalos » se verra largement exportée… d’ailleurs, cela a déjà commencé au Japon et à Taiwan, si l’on en croit le très bien renseigné Ben… Quant à nous, français, nous n’aurons qu’à nous contenter d’un pain juste moyen, en définitive.

Il y a des billets que je mets plus de temps à écrire que d’autres. A cela plusieurs raisons, différentes dans chaque cas. Parfois parce que je considère que cela n’a pas grand intérêt, parfois parce que j’ai d’autres choses à dire sur le moment… mais aussi, et surtout en fait, parce que certaines appréciations laissent à penser qu’elles doivent s’affiner sur la durée pour prétendre à un espoir de justesse.

C’est précisément le cas ici, pour la boulangerie Bonneau, dans le 16è arrondissement. Installé ici avec son épouse Sylvie et ses cinq enfants depuis 1992, et fêtant donc cette année ses 20 ans d’ancienneté dans le quartier, l’engagement de cet artisan dans le secteur ne date vraiment pas d’hier. Ce normand, Compagnon Boulanger du Devoir, a débuté sa carrière à seulement 16 ans, lui permettant ainsi d’appréhender différentes méthodes de travail au sein d’établissements dispersés sur le territoire. Tours, Bordeaux, Biscarosse, Verdun… Tout cela pour revenir là où il avait commencé, à Paris, en s’installant dans le 14è arrondissement en 1988.

En parallèle, notre artisan a également fondé en 1997 le site Boulangerie.net, l’un des principaux sites d’actualité et de partage de la profession, où se retrouvent quotidiennement des dizaines de boulangers pour échanger sur des sujets divers. C’est notamment dans ce cadre qu’il a développé, parmi les premiers, des actions de défense de la viennoiserie maison (« je suis artisan, je fais mes croissants »), ainsi que d’autres orientées autant sur le prix du pain, le travail au levain naturel ou encore la baguette de tradition.

Une spécificité amusante : même si le fournil n’est pas visible directement depuis la boutique, une télévision permet de voir les boulangers travailler… des images visibles également sur le site http://www.bonneau.fr !

Seulement, il est difficile d’être présent sur tous les fronts, et c’est certainement celui de sa propre boulangerie qui en a pâti. On n’oubliera pas de citer le fait que Laurent Bonneau est parvenu à se classer 2ième au concours de la meilleure baguette de Paris en 1996, 8ième en 1997 et 8ième en 2004… avec depuis une certaine forme d’endormissement. Routine, volonté de développer ses autres projets ? C’est un peu le sentiment que j’ai eu la première fois que je me suis rendu dans les lieux, fin 2011. A l’époque, les pains étaient réalisés avec une farine des Grands Moulins de Paris, ces derniers ayant financé en partie l’installation de l’artisan dans le 16è arrondissement.

Au fil des mois, c’est un réveil, un véritablement changement de fond que j’ai pu suivre, et je ne vous cache pas que ce sont des évolutions qui me donnent espoir dans le fait que la profession n’est pas perdue, et que des « brebis égarées » peuvent encore reprendre le chemin de la qualité en y étant sensibilisées. Sensibilisé, c’est bien le mot. Tout cela fait suite à des rencontres, et à un voyage. A Cucugnan, il découvre le travail de Roland Feuillas et le pain qu’il en ramène ne manque pas de faire sensation, dès son trajet de retour d’ailleurs. L’odeur n’a en effet pas laissé indifférent ses compagnons de voyage, et cela n’a fait que conforter son sentiment : il y avait là matière à opérer un changement, à tenter quelque chose de nouveau dans son fournil.

Depuis deux semaines, Laurent Bonneau travaille également un pain pur Engrain (Petit Epeautre) le dimanche. La céréale et son parfum très puissant y sont bien mis à l’honneur.

Cela a commencé avec des sacs de farine des Maîtres de mon Moulin, livrés quelques semaines après. De cette matière première est née du pain, le fameux « pain de Cucugnan » que l’on retrouve à présent du mercredi au dimanche dans les présentoirs du 75 rue d’Auteuil. Rome ne s’est pas faite en un jour, et il aura fallu de la pratique pour parvenir à un résultat convainquant tel que celui que peuvent apprécier les clients aujourd’hui. Certes, ici, le pain est réalisé à partir d’un levain liquide et l’on pourrait reprocher le fait que cela a, de fait, moins de caractère que les produits issus du fournil du Moulin… mais ne soyons pas intégristes. Apprécions simplement le fait de voir des habitués demander tout naturellement un « Cucugnan » en boutique, signe que la qualité et le goût ne laissent pas indifférents, peu importe le lieu.

Le lieu est important, car même si la clientèle du 16è arrondissement est plutôt aisée, elle n’en est pas moins difficile et pas forcément réceptive à des messages tels que ceux adressés par la démarche entamée par notre artisan. Peu importe, car le succès de ces pains n’est pas à remettre en question. A côté de cela, c’est l’ensemble de la gamme qui a repris des couleurs, avec un changement de meunier (la farine est aujourd’hui livrée par les moulins de Chars) et plus de soin : la baguette de Tradition retrouve ses lettres de noblesse, tout comme les tourtes de Seigle ou pains dits ‘de Campagne’.

Pour le reste, je ne vous cacherai pas que je ne serais pas client des viennoiseries, pâtisseries, gourmandises et produits traiteur proposés ici, mais ils ont au moins le bon goût d’être tous réalisés sur place, un fait suffisamment rare pour le signaler. L’ensemble des gammes se situent dans un domaine très traditionnel, sans relief particulier. Eclairs, entremets, tartes variées, spécialités feuilletées salées ou sucrées, rien ne manque.

Le pain dit « de Cucugnan », à ses débuts. Nous sommes bien loin du résultat obtenu à présent, que vous pourrez retrouver sur la page Facebook de la boulangerie : http://www.facebook.com/pages/Boulangerie-Pâtisserie-Bonneau/154341821270979

Quant à l’accueil, on appréciera sa simplicité dans un arrondissement ayant plutôt tendance aux courbettes et figures de style fort inutiles. Même si le tout est parfois un peu expéditif, les jeunes filles qui oeuvrent ici tentent de servir la clientèle avec efficacité et courtoisie, qui n’est d’ailleurs pas toujours réciproque…

Infos pratiques

75 rue d’Auteuil – 75016 Paris (métro Michel Ange-Auteuil, ligne 9 & 10 ou Porte d’Auteuil, ligne 10) / tél : 01 46 51 12 25
ouvert du mercredi au dimanche de 6h30 à 20h30

Avis résumé

Pain ? Lors de ma première visite en décembre 2011, je dois dire que j’avais été plutôt désagréablement surpris, attendant mieux d’un compagnon, aussi impliqué dans des démarches tentant de valoriser l’artisanat boulanger. C’est par la suite que j’ai compris combien le temps et la routine pouvaient être des ennemis redoutables pour la qualité des produits et du pain en particulier. Réalisé alors à partir d’une farine des Grands Moulins de Paris, il n’offrait pas une qualité et des saveurs de bon niveau. Le temps a passé, et les rencontres qu’a pu faire Laurent Bonneau ces derniers mois ne sont sans doute pas étrangères au changement qui s’est opéré ici. Après un voyage dans les Corbières, l’artisan a en effet décidé de changer de meunier, en plus de travailler cette farine moulue par Roland Feuillas dans son moulin de Cucugnan. Aujourd’hui, les habitués peuvent retrouver un pain réalisé à partir de variétés de blés anciens du jeudi au dimanche, avec toutes les qualités nutritionnelles et gustatives que ces céréales peuvent avoir. En plus de cela, les pains « traditionnels » ont gagné en qualité de par l’utilisation de farines moulues par la famille Maurey à Chars. Ainsi, baguettes de Tradition, pains de campagne, tourtes de Seigle et autres spéciaux ont retrouvé « de la couleur », même s’il reste sans doute du chemin à parcourir.
Accueil ? Le service est d’une simplicité tout à fait appréciable dans ce quartier. On pourra lui reprocher son caractère parfois un peu sec, mais c’est un peu à l’image de la clientèle à laquelle les femmes qui oeuvrent ici sont confrontées. Néanmoins, elles demeurent de bonne volonté et servent les produits avec efficacité et rigueur.
Le reste ? Chez les Bonneau, les produits sont fait maison, et c’est un point important à l’heure actuelle, car c’est trop peu souvent le cas. Même si je ne vous cacherai pas que j’ai tendance à penser que les viennoiseries, pâtisseries, gourmandises et propositions salées manquent de finesse, elles semblent rencontrer leur clientèle et c’est sans doute ce qui importe.

Faut-il y aller ? Ne serait-ce que pour apprécier le pain réalisé à partir des farines de Cucugnan, oui, bien sûr : Laurent Bonneau peut se vanter d’être l’un des seuls artisans boulangers à avoir choisi de les travailler de façon pérenne, avec toutes les contraintes que cela peut présenter : dépourvues de « correction meunière », il faut à chaque livraison adapter sa façon de faire pour parvenir à un résultat de qualité. Nous sommes bien loin des produits standardisés développés par les GMP, auxquels notre artisan avait choisi de faire confiance. Le signe qu’une véritable « révolution boulangère » s’est produite ici, dans le fournil de ce boulanger qui a fêté hier ses 50 ans. Un demi-siècle, dont une grande partie aura été consacrée à la boulangerie, pour parvenir aujourd’hui à réveiller une endormie qui aura, je l’espère, encore de belles années devant elle.

Actualité

22
Sep

2012

500 billets, rien que ça !

Je regardais négligemment le dashboard du painrisien ce matin, pour finalement tomber sur le nombre de 500 billets publiés. En le lisant, ce n’est pas de la fierté que je ressens, mais surtout l’envie d’aller plus loin et de toujours me poser des questions pour faire évoluer cet outil qui se veut toujours plus proche de la réalité boulangère, en cherchant non seulement à l’écouter mais aussi à partager le bon pain…

Toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort, comme aime le dire un certain Olivier, puisque l’on ne saurait continuer sans évoluer.
500 billets, c’est plus d’un an et cinq mois de travail, avec des erreurs, des questions, des évolutions mais aussi et surtout des rencontres. De belles rencontres, et au final, le sentiment que plus le temps passe et plus l’on comprend que dans le fond, c’est le pain et l’importance de l’humain dans sa réalisation que l’on rencontre. J’étais bien loin de le saisir en commençant en avril 2011, certes j’avais déjà pu goûter le travail de nombreux artisans, mais je demeurais le simple consommateur que je peinerais bien à être encore aujourd’hui. J’aimerais, sans doute, car cela me permettrait de moins avoir le regard désabusé que je peux avoir parfois. Cependant, j’ai encore l’occasion de faire de belles découvertes et c’est ce qui me donne envie de continuer. Savoir nourrir l’enfant qui est en nous, avec son oeil émerveillé, sa sensibilité exacerbée, un exercice parfois difficile mais c’est l’une des choses auxquelles je veux m’engager avec le plus d’ardeur.

Tout cela est bien beau, oui… mais demain ? Bien sûr, le painrisien va continuer à se remplir de mots, de découvertes, de réflexions, … mais en plus des évolutions « techniques » qui ont pu être apportées ici au cours de ces dernières semaines, ce sont à présent des avancées de fond qui vont être menées.
Cela me concerne directement, puisque je souhaite me former à la boulangerie pour en maîtriser les éléments techniques, et ainsi acquérir la légitimité qui me fait aujourd’hui défaut. En plus du regard et du goût que j’ai pu développer, je serai ainsi à même d’apporter une vision plus juste du métier et de ses enjeux. Je ne serai sans doute pas un boulanger à court terme (même s’il n’est pas impossible que je m’y mette un jour ou l’autre, j’aime les défis et entreprendre fait partie de ceux qui me motivent le plus) mais ce n’est pas le but recherché dans la démarche.

Au delà de ça, ces 500 articles représentent une matière incroyable sur la boulangerie parisienne, et je suis convaincu qu’il faut les partager de façon plus étendue que cela peut être le cas aujourd’hui. Il faudra sans doute passer par le support papier et faire de cette belle expérience un livre auquel je tenterai d’apporter toute la sensibilité et l’intérêt pour que cela ne soit pas un énième guide froid, mais au contraire un ouvrage riche et retranscrivant cette belle aventure « painrisienne » ! Amis éditeurs et apparentés, si vous me lisez…