J’aurai pris un peu de temps pour digérer mon séjour à Poitiers. Pendant deux jours, j’ai pu assister à un spectacle qui m’a enfermé dans une certaine tristesse et donné une bien sombre image d’une partie de la filière boulangère. Non pas que je découvrais cette façon de penser, mais s’y confronter directement demeure toujours difficile et peu agréable quand on porte une certaine idée du pain et de la boulangerie.

Bref, peu importe, ce qui nous intéresse, ce sont les réflexions autour de l’avenir de nos baguettes et autres pains. En prolongement des sujets déjà développés, il a été également question de la boulangerie au sein du territoire. Il faut y voir plusieurs dimensions : tout d’abord, un aspect agricole, puisque les céréales ne se produisent pas par une opération de l’esprit. L’occasion pour Jean-François Gleizes, président de Passion Céréales, d’intervenir et d’insister sur l’importance que le blé peut avoir en terme de développement local, avec un accent particulier mis sur la cohérence dans la gestion des ressources et la proximité. Cela a tout de même de quoi laisser songeur quand on voit la gestion plutôt court-termiste en la matière, avec un épuisement progressif des terres et l’utilisation de variétés à fort rendement mais de mauvaise qualité, que ce soit en terme d’intérêt nutritionnel, de panification ou même de durabilité. Ces points là n’ont pas été évoqués, pensez-vous, pas très glamour ni vendeur.

Jean-Pierre Crouzet sur scène pour parler d’urbain, de ruralité…

En parlant de glamour, justement, c’est le caractère que l’on souhaiterait donner à la profession de boulanger, en lui associant le nom d’entrepreneur. L’idée est de mettre en valeur les possibilités offertes par la profession, notamment en terme de revenu et de développement de l’affaire, en oubliant un peu le caractère pénible et peu épanouissant du métier, qui serait alors dévolu aux ouvriers… oui, vous savez, ceux sur qui les patrons passent leur temps à « cracher », parlant aussi souvent que possible des difficultés rencontrées avec leur personnel.

Du personnel, pourtant, il en faut, et ce n’est pas toujours facile d’en trouver pour travailler dans des zones reculées ou plutôt désertiques. Peu à peu, les boulangeries quittent les villages, faute de rencontrer une clientèle suffisante. Certains résistent en proposant des services tels que des « tournées » dans les secteurs proches de leur boulangerie… Je lisais d’ailleurs un article publié récemment dans le journal l’Union (visible ici : http://www.lunion.presse.fr/article/aisne/les-boulangers-souffrent-en-campagne), traitant de ce problème.
Il peut tout d’abord trouver une réponse politique, et le FISAC, Fonds d’Intervention pour le  Commerce, peut participer à une volonté des élus de conserver de la vie dans leurs territoires. Au cours de ces dernières années, nous avons assisté à un fort étalement urbain, lié notamment aux prix de l’immobilier dans les coeurs de ville. Afin d’empêcher la création de véritables « cités dortoir », il appartient aux politiques de créer les conditions pour rendre le territoire attractif, avec notamment des aides à l’installation, la mise à disposition de locaux adaptés à l’activité artisanale, …

Pour autant, je ne saurais considérer que c’est la seule façon de voir perdurer une activité boulangère en région ou en zone péri-urbaine. Si j’ai appris une seule chose sur le commerce, c’est que deux éléments principaux peuvent être facteur de réussite ou d’échec : l’emplacement et le produit. Vous avez le premier, tant mieux : même en étant un piètre artisan, vous parviendrez sans doute à assurer la pérennité de votre entreprise. Vous avez le second, le chemin sera peut-être plus sinueux, mais votre talent parviendra sans doute à attirer la clientèle là où elle ne se serait pas rendue d’ordinaire. C’est bien sur ce point que je veux insister : en proposant du pain de qualité, savoureux et bien réalisé (conservation, texture, cuisson…), je pense qu’il est possible de faire face à la concurrence de la grande distribution, en préservant ainsi l’artisanat. Seulement, il faut s’engager et ne pas céder à l’apparente facilité offerte par de grands réseaux boulangers, qui ne répondent en rien aux difficultés du quotidien par leur pré-mixes à la saveur uniforme.

Justement, l’intervention de Sylvia Pinel – ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme – sert tout à fait mes propos : elle a défendu le savoir-faire de l’artisanat boulanger français, avec son caractère non délocalisable tout en étant grandement exportable (il n’y a qu’à voir le succès de certains de nos boulangers à l’international !). Avec 12 millions de clients par jour, le poids économique de la boulangerie est non négligeable et il doit être défendu. Cela passe notamment par un intérêt tout particulier porté à l’avenir… et à la jeunesse, à qui il faut proposer des formations adaptées et valorisantes, tout en ouvrant la profession à des publics toujours plus larges (et notamment aux femmes qui doivent intégrer de plus en plus les fournils !). La Fête du Pain 2013 sera d’ailleurs organisée autour du thème des jeunes en boulangerie.

Toutes ces interventions, réflexions et paroles me laissent à penser que la Confédération et bon nombre d’acteurs de la filière ont conscience d’être confrontés à de multiples problèmes et à des enjeux de taille pour l’avenir de leurs métiers. Seulement, ils sont bien loin d’y apporter les réponses adéquates et préfèrent se concentrer sur des solutions à court terme, apportant revenu immédiat sans chercher à se tourner vers des évolutions structurelles qui porteraient, pour moi, beaucoup plus de sens. Je pense notamment à un vrai sursaut qualitatif dans les cultures et sur le produit offert au consommateur. Les deux chantiers se rejoignent inévitablement, puisque le goût ne peut s’en trouver qu’amélioré dès lors que la matière première est de qualité. Au champ, au moulin et au fournil, les acteurs de la filière doivent aujourd’hui s’impliquer pour se différencier clairement des industriels et de la grande distribution, si crainte et décriée. Espérons simplement que le réveil ne soit pas trop tardif.

Certains acronymes sonnent presque comme des noms de mission, vous savez, un peu comme si nous vivions dans un immense film d’agents secrets, sans forcément courir le risque de se faire abattre à chaque coin de rue. Dans un sens, la réalité rejoint la fiction au quotidien, nous jouons des rôles plus ou moins assumés et le film s’achève la nuit tombée, pour mieux recommencer le lendemain… Pendant la journée, nous aurons ainsi parlé de feu l’ANPE, de la FIFA, et terminé brillamment cette démonstration de notre savoir par un CQFD quasi implacable.

Pourquoi est-ce que je vous parle de tout cela, d’ailleurs ? Tout simplement pour annoncer l’ouverture de la nouvelle boulangerie d’un artisan qui aime décidément les acronymes. En effet, Benjamin Turquier inaugure ces jours-ci sa seconde adresse au 59 rue de Saintonge, tout près de sa boutique historique de la rue de Turenne. Là bas, c’était le 134 RdT, ici, ce sera donc le 59 RdS… du moins d’un point de vue administratif, puisque c’est ainsi que l’adresse est enregistrée au registre du commerce. Sur la façade, rien ne l’indique, puisque les travaux d’extérieur attendent encore une autorisation de la Mairie de Paris.

Intéressons-nous plutôt à l’intérieur, puisque c’est bien là que nous retrouverons les produits de la boulangerie. Il aura fallu plusieurs mois de gestation avant de parvenir au résultat proposé aujourd’hui, mais je dois dire que l’attente n’aura pas été vaine. Au programme, on retrouve ainsi des pierres apparentes, du bois et un vrai caractère authentique, servi par un éclairage moderne et élégant. Un style singulier, en nette rupture avec les standards d’aménagement très froid que savent nous proposer des sociétés comme CMC.

Pour être raccord avec cette ambiance beaucoup moins « plastique » et moderne que celle du 134 RdT, Benjamin Turquier réfléchit avec son équipe à l’offre qui sera déployée ici : des essais sont donc réalisés autour de grosses pièces vendues au poids, mais aussi de pains spéciaux telle qu’une baguette de Tradition délicatement parfumée au Sarrasin, un pain sur levain de cidre ou encore un pavé de Lodève et sa pâte très hydratée, pour une mie très alvéolée et une croûte bien craquante. Le temps et la clientèle participeront sans doute à cette mise en place, car il est toujours difficile de bien mesurer les attentes du secteur sans aucun recul. Pour autant, on retrouve dès à présent des produits qui ont fait le succès de cet artisan, dont une excellente baguette de Tradition, des petits pains gourmands tels que le Vannetais (au chocolat blanc), une tourte de Seigle et des viennoiseries au feuilletage bien développé. On pourra également noter l’effort qui semble être fait du côté des pâtisseries, avec des gourmandises simples et mieux finies que celles proposées alors par ce boulanger.

En haut de l’image, des gotchials, une spécialité briochée de la presqu’île de Rhuys. L’initiative de proposer des créations régionales, sortant un peu de l’ordinaire, est tout à fait appréciable et j’espère qu’elle trouvera écho dans la durée.

En toile de fond, les ouvriers façonnent et cuisent les produits proposés en boutique : ici, le laboratoire est de plein pied, un fait particulièrement appréciable pour le personnel, autant en vente qu’en production. Cela apporte de plus une transparence fort appréciable pour la clientèle, bien souvent malmenée par les soupçons de produits industriels qui se développent ces derniers mois.

Je vous ai parlé de seconde adresse, c’est en réalité inexact puisque Benjamin Turquier avait développé sur le boulevard du Temple son concept de BarAPain, en droite ligne avec sa volonté de développer la consommation de pain. Brunch le dimanche, soirées dégustation le jeudi soir, privatisations et démonstrations, le lieu avait même ouvert au déjeuner pendant quelques temps. Sans doute victime de la réalité économique, l’entrepreneur a cédé l’emplacement fin octobre. Fait plutôt amusant, celui-ci n’a pas tout à fait terminé sa relation avec la farine, puisqu’il propose à présent… des galettes de sarrasin, une crêperie ayant pris possession des lieux.

Dans tous les cas, voici une nouvelle adresse prometteuse par la qualité des produits déjà proposés, dans un Haut-Marais où les boulangeries de qualité ne sont malheureusement pas légion… A suivre, d’autant que l’ouverture « officielle » n’a pas encore réellement eu lieu, même si vous pouvez dès à présent vous y rendre !

Infos pratiques

59 rue de Saintonge – 75003 Paris (métro Filles du Calvaire, ligne 8 ou République, lignes 3, 5, 8, 9 et 11)
ouvert du mercredi au dimanche.

Je crois que je peux à présent le dire sans me tromper : les salons professionnels et moi, c’est une grande histoire d’amour. A chaque fois, cela représente une nouvelle occasion de me confronter à une réalité bien peu réjouissante : l’industrie possède une force de frappe impressionnante, et ne cesse de développer produits et process pour toujours asseoir sa puissance. Innovation, vous dites ? Je ne suis pas certain que l’on puisse parler ainsi, car elle sous-tend pour moi une notion de progrès, et j’avoue avoir bien du mal à en voir un quelconque ici.

Philippe Conticini, Akrame Benallal & Christophe Michalak nous ont parlé d’une pâtisserie moderne… et de goût.

Avant de m’aventurer dans les allées sinueuses du « TransGourmet Market », puisque c’est le doux nom que porte l’espace réunissant les acteurs de la restauration et du « food service », j’ai assisté à une conférence autour de la pâtisserie, animée par Philippe Conticini, Christophe Michalak et Akrame Benallal. Ainsi nous avons pu entendre parler de goût, en contraste avec les dégoûts de l’étage supérieur… car c’est bien là le centre de la démarche de notre « pâtisserie moderne », qui cherche à présent à répondre aux attentes des consommateurs. Le visuel, qui était jusqu’alors le centre des attentions, se met au service du travail réalisé par les chefs afin de proposer des produits plus équilibrés, moins sucrés mais non moins savoureux.

Cette évolution suit directement celle vécue par la cuisine depuis bien plus longtemps, et s’en approche par une recherche d’assaisonnement et de condimentation : chez Philippe Conticini, la fleur de sel est ainsi présente dans l’ensemble des créations pour créer de la longueur en bouche, parmi d’autres « effets » jouant sur les acides ou amers, en plus des textures habituellement présentes. En retour, la cuisine s’approprie justement ces textures, comme le soulignait Akrame Benallal.

Le problème demeurera toujours le fait qu’une pâtisserie proposée en boutique doit « vivre », et cela à plusieurs niveaux : tout d’abord, elle ne sera pas réalisée par le chef lui-même mais par l’un de ses assistants, ce qui modifiera quasi-inévitablement le goût, malgré tous les efforts mis en oeuvre pour « cadrer » la recette (pesées minutieuses, temps de cuissons précis…) et sélectionner les ingrédients. Ensuite, le temps passe et agit naturellement sur les pâtisseries, ce qui a pour effet d’en altérer le goût et la tenue. Le consommateur ne profite pas – ou bien dans de rares cas – d’un produit monté à la minute, et le prix des loyers parisiens n’arrange pas les choses : difficile d’avoir un laboratoire assez grand pour assurer la production de grandes maisons en plein coeur de la capitale. Les restaurateurs garderont toujours sur ce point une avance considérable, puisque leur discipline reste avant tout basée sur l’expression « dans l’instant ». Néanmoins, aucun des acteurs présents ne doutait des évolutions rapides de la pâtisserie et du sucré dans les années à venir.

Ces problématiques peuvent tout à fait être transposées au pain, qui subit les mêmes aléas liés au temps, à l’humain et à la difficulté d’être régulier. Je pense que les boulangers devraient s’inspirer du travail réalisé sur le goût et l’assaisonnement par les chefs pâtissiers, car il y a là de nombreuses opportunités à saisir pour donner à leurs pains une vraie dimension gastronomique et en faire un compagnon idéal de plats élaborés.

TransGourmet, qui se veut « engagé aux côtés » de la profession, a déployé un large espace présentant les marques distribuées par son réseau. Un univers où l’industrie est omniprésente… ce qui explique le niveau parfois bien faible de la restauration proposée en hôtellerie.

Justement, cela me donne l’occasion de monter de deux niveaux pour passer sur le stand Bridor, où étaient présentés des pains aromatiques, un peu trop colorés à mon goût d’ailleurs. Curry, menthe, citron-thym, … la marque s’est entourée du savoir-faire créatif de Lenôtre pour élaborer des gammes visant à proposer des assemblages festifs autour du pain. Sandwiches, burgers originaux, … en plus des pains plus traditionnels toujours présentés au catalogue. A cela s’ajoutent viennoiseries, parées d’AOC reconnues comme celle du Beurre de Charente-Poitou. Nous sommes là dans le « haut du panier » de l’industrie boulangère, marquant une certaine distance avec ce que nous pouvons retrouver chez beaucoup d’hôteliers, restaurateurs ou même boulangers, malheureusement.

Chez Bridor, les pains aromatiques sont présentés sous la dénomination de gamme « Arc-en-Ciel »… que de poésie !

Parmi les autres acteurs présents, on compte également Panavi – fournisseur du fameux pain à « McBaguette » – avec sa gamme de « pains Pérène » et bien d’autres pour de la pâtisserie surgelée : de Saint-Michel à Pasquier en passant par Ancel, Boncolac et autres… les visiteurs n’ont que l’embarras du choix.
La force de ces entreprises est de savoir mettre en scène et en valeur leurs produits : ainsi, des espaces de démonstration thématiques sont déployés en marge des stands, avec réalisation de sandwiches, desserts, soupes, planchas ou woks… pour le plus grand plaisir de nos narines, puisque l’environnement olfactif ne manque pas d’être chargé. Vous comprendrez aisément pourquoi je parlais de dégoûts.

Tartes, verrines, entremets… rien ne manque dans la gamme des industriels. Vous reprendrez bien un peu de dessert ?

Ce qui demeure assez frappant, c’est la quantité de références présentes au catalogue de ces marques : du simple caramel aux sauces, en passant par les fruits cuisinés ou même bruts, des fonds de tarte… il n’y a qu’à assembler – et c’est presque là le « meilleur » des cas – ou décongeler. En comparant les prix catalogues et ceux pratiqués en bout de chaine pour le consommateur, on comprend vite que les marges sont confortables, et c’est sans doute ce qui entretient ce système.

Chez Panavi, on retrouve les Doony’s, vous savez, les Donut’s présents chez nombre d’artisans boulangers… accompagnés de viennoiseries et autres gourmandises.

L’écart entre la démarche décrite au sein de la conférence dédiée à la pâtisserie et ce « TransGourmet Market » ne peut laisser indifférent. Il y aurait donc un goût « haut de gamme », laissant derrière une consommation plus quotidienne, tolérant l’incursion massive de l’industrie ? J’ose espérer que l’on peut encore faire du bon, honnête et accessible… mais peut-être suis-je idéaliste !

Dans leur vie d’artisan, nos boulangers ont parfois à faire des choix courageux, qui les impliquent tout autant que leur équipe. Difficile en effet de marquer des ruptures avec des habitudes, des codes presque « traditionnels » pour imposer sa singularité et se réaliser dans ce que l’on sait faire le mieux. Beaucoup trop y renoncent et s’engagent malgré eux dans un processus qui finira certainement par les broyer avec le temps, la lassitude et la routine se faisant…

Du côté de la rue Berthollet, ce n’est en tout cas pas ce qu’à souhaité Alexis Anton. Souvenez-vous, je vous avais parlé il y a quelques mois de sa boulangerie aux couleurs rouges écarlates, assez dépassées. La « Boulangerie Berthollet » aura vécu et l’héritage de cette boutique anciennement rattachée au groupement Banette également. Depuis la fin de l’été, on retrouve à la place les « Pains d’Alexis ».

Un lieu simple et sobre, aux éclairages délicats, où les pains développés par ce boulanger sont bien mis en valeur. La plupart d’entre eux sont proposés au poids : la clientèle peut ainsi choisir entre une élégante tourte de Meule, un pain de campagne, un autre de seigle et ses notes chantantes de miel, ou encore des créations autour des céréales ou autres fruits secs, à l’image du pain de Bavière. Les cuissons sont globalement bien menées, mais on pourra tout de même regretter le fait que la baguette de Tradition ne soit pas au niveau du reste des produits.

Si je parlais de singularité, c’est parce que notre artisan a fait le choix de ne pas proposer de pâtisserie au sein de sa boutique. En effet, vous y retrouverez des viennoiseries, sandwiches et autres gourmandises, mais rien de plus : un choix courageux qui devrait inspirer d’autres boulangers parisiens. Cela permet de se concentrer sur son métier de base et de lui apporter toute l’attention nécessaire : le pain n’est pas une mince affaire, et se disperser représente le risque de le délaisser à long terme.

Les gourmands apprécieront d’ailleurs des viennoiseries tout à fait honorables, ainsi que des sandwiches dans le même esprit. Le service sait se montrer tout aussi agréable et on se sent bien dans cet espace où la pierre et le bois se rencontrent pour créer une belle harmonie. Rien à voir avec l’apparence que pouvait avoir le lieu auparavant, et c’est tant mieux puisque cela met en valeur le travail réalisé par l’artisan.

Voilà un travail de rénovation qui était bien nécessaire, et que l’on sent réfléchi : Alexis Anton, ancien du Moulin de la Vierge et détenteur du titre de Maître Artisan Boulanger, ne s’est pas laissé porter par une tendance à vouloir donner dans le tapageur, mais a préféré retourner vers l’essentiel en supprimant des produits pâtissiers sans grand intérêt, en plus de s’éloigner de son coeur de métier, tout en élargissant sa gamme de pains.

Certaines villes font vivre leur passé au quotidien, de par un fort héritage historique. Cela se retrouve alors sur les façades et produits de leurs commerces, qui s’inscrivent dans une tradition parfois dépassée.
A Versailles, le château et l’ombre de Louis XIV pèsent encore fortement sur la cité royale, mais quelques artisans parviennent à renouveler le paysage, pour le plus grand plaisir de leur clientèle.

A Versailles, le marché est une véritable institution avec ses halles et ses « carrés », complétés par des stands extérieurs. C’est dans cet environnement que se tient la boulangerie Darras.

Un marché, des halles couvertes, une grande animation commerciale… et une boulangerie. En effet, c’est juste à côté de cette très vivante zone commerciale que se sont installés Cyril et Nathalie Darras, il y a maintenant 7 ans. Au 16 rue du Maréchal Foch, pas de dorures inutiles comme l’avait souhaité leur prédécesseur, M. Bigot, mais un atelier gourmand destiné à nourrir le peuple. Pour ce faire, l’artisan boulanger et son épouse ont réalisé d’importants travaux de rénovation au cours de leur fermeture estivale, et c’est au terme d’un mois de transformations que les clients ont pu à nouveau profiter des lieux.

Le résultat ne manque pas de charme, offrant un caractère moderne et sobre en associant les tons marron et vert. Cette couleur est en effet une des « signatures » de la famille, au point que la teinte choisie a été surnommée « Vert Darras ». Une expression de l’identité développée par ce boulanger et son équipe, qui a peiné pour se faire reconnaître par la population versaillaise : cette dernière est longtemps restée attachée au nom de Bigot et ne parvenait pas à identifier clairement le repreneur.

Pourtant, M. Darras n’a pas ménagé ses efforts pour se différencier et offrir des produits de qualité à sa clientèle. Cela a commencé par le choix de son meunier : ici, la farine provient du Moulin des Gaults, de la famille Foricher. L’artisan avait été séduit par l’implication de ses derniers dans leur démarche, cherchant à partager avec les boulangers bien plus que de la farine. C’est ainsi tout naturellement que l’on retrouve dans sa boutique le fameux pain des Gaults, vendu au poids, mais aussi une superbe Tourte de Seigle en plus d’une gamme de spéciaux assez variée (seigle aux noix, pain Forestier, …). La baguette de Tradition n’en est pas oubliée pour autant, avec de sympathiques notes acidulées en fond, qui lui confèrent un caractère appréciable, même si sa consoeur dite de « pain courant » demeure tout à fait honorable.

L’affluence, liée en partie à l’excellent emplacement de la boulangerie, a poussé M. Darras à chercher des solutions pour maximiser l’efficacité de son espace de vente : passe-pain façon « vide-ordures », vitrines à 90cm de hauteur pour une meilleure visibilité auprès de la clientèle, comptoir modulable (on peut en effet y retrouver des entremets, macarons et chocolats, avec un espace de conseil)… Des aménagements qui complètent des investissements réalisés depuis 7 ans afin d’améliorer le fonctionnement du laboratoire où sont produits pains et gourmandises.

Des gourmandises, d’ailleurs, il y en a et elles nous accueillent dès notre entrée en boutique. Simples et savoureuses pâtisseries (éclairs aux saveurs et couleurs multiples, entremets, tartes aux fruits, au chocolat ou encore à la vanille…), accompagnées par une belle déclinaison de sandwiches, quiches, salades ou encore boissons chaudes à emporter… On se laisse ensuite entrainer vers les spécialités feuilletées, croissants, pains au chocolat à la réalisation soignée. Voilà de quoi faire une pause gourmande sur la terrasse malicieusement disposée sur le côté de la boutique : avec le renfort des machines à café et boissons chaudes arrivées depuis la rénovation, la clientèle n’a plus à quitter les lieux et dispose d’une offre complète.

Au delà du caractère commercial des lieux, l’esprit qui y est développé mérite que l’on s’y intéresse. Je vous parlais d’une dimension d’atelier gourmand, et c’est quelque chose d’essentiel pour Cyril et Nathalie Darras. Dans leur boutique, on retrouve de nombreux détails qui s’y rapportent directement : tubes de peinture et couleurs pour présenter les formules déjeuner, pains présentés dans une cage en fer forgé-vieilli… ainsi qu’une porte séparant l’espace de vente des parties administratives et du laboratoire : cet élément a son histoire, en effet, elle est issue d’une forge dans laquelle un des ancêtres de Nathalie Darras a travaillé.

Il faut dire que notre artisan est un homme sensible aux objets et au travail des matériaux, ce qui l’amène à chiner au fil de ses rencontres. D’ailleurs, si l’on s’intéresse plus attentivement aux enseignes présentes sur les côtés de la boutique, on remarque la présence de petits bonhommes agrippés aux extrémités. Ils sont l’oeuvre d’un artiste sculpteur, Bernard Saint-Maxent. Ce dernier deviendra progressivement un véritable partenaire de la boulangerie Darras, puisque ses créations s’y inviteront dans les mois à venir, sur les poulies, dans les vitrines… Une belle idée pour créer de l’événement et de l’animation, instaurer des moments forts.

Cela n’a rien de nouveau au 16 rue du Maréchal Foch, où les fêtes ont toujours été dûment célébrées. Les habitués se souviendront sans doute du sable installé dans la boutique à l’occasion d’un voyage improvisé dans les Tropiques, de l’usine à Confiserie qui avait pris ses quartiers dans les lieux, ou encore de la reconstitution d’un véritable Chalet de Père Noël. Autant de choses qui sont parvenues à marquer les esprits et développer une véritable relation avec la clientèle versaillaise… même si de nombreux touristes passent la porte au détour de leur visite.

La belle lumière qui emplit les lieux se complète par un service jeune et charmant, mené d’une main de maître par Nathalie Darras. Je regretterai, à titre personnel, la présence de deux caisses « automatiques », même si l’on m’a assuré qu’elles permettaient d’entretenir une relation de vente plus personnalisée et orientée sur le conseil, déchargeant le personnel des opérations d’encaissement.

Infos pratiques

16 rue du Maréchal Foch – 78000 Versailles (Transilien Ligne L, Gare de Versailles Rive-Droite ou RER C, Gare de Versailles Rive-Gauche) / tél : 01 39 50 07 88
ouvert mardi au samedi de 7h à 19h30 ; le dimanche de 7h à 19h.

Avis résumé

Pain ? Des pains soignés, une baguette de Tradition aux belles oreilles, voilà qui met bien à l’honneur les farines Foricher, sélectionnées par cet artisan. On retrouve notamment une délicieuse Tourte de Seigle, avec des notes de miel entêtantes, ainsi qu’un pain des Gaults vendu au poids (5,9€ le kilogramme) d’excellente facture, avec une croûte bien présente et une mie sauvage.
Accueil ? Efficace et très professionnel, le service sait ici reconnaître ses habitués et dépasser la relation commerciale qui lie un boulanger à sa clientèle. Une attention particulière est portée au conseil et à la formation, afin de proposer une information fiable et pertinente sur les produits proposés. D’ailleurs, l’artisan réfléchit à un projet d’espace conseil, avec utilisation de tablettes tactiles présentant un catalogue interactif des créations : une idée bien vue pour améliorer l’information et même dynamiser les ventes, surtout en période de fêtes.
Le reste ? Les pâtisseries proposées ici ont le bon goût de rester simples, avec une note de fantaisie, avec notamment une collection d’éclairs aux parfums variés. Entremets, tartes aux fruits, au chocolat ou encore à la vanille… Rien ne manque. Même constat côté traiteur, avec une belle gamme de sandwiches, quiches et autres salades. Le plaisir peut d’ailleurs se consommer sur place, grâce à la terrasse qui borde l’établissement.

Faut-il y aller ? La boulangerie Darras, non contente d’offrir des produits de qualité à des tarifs abordables, développe un véritable état d’esprit qu’elle met au service de sa clientèle. Au travers de cet « atelier gourmand », on retrouve une belle authenticité qui tranche nettement avec le caractère souvent faux et rempli d’apparats inutiles des commerces présents dans de telles cités.

Les anglicismes ont une fâcheuse tendance à s’inviter partout, et ce y compris à des endroits où ils n’auraient vraiment rien à faire. Je ne suis sans doute pas le dernier à en utiliser, surtout quand je considère que cela rend l’expression moins lourde et plus claire, mais il ne faudrait pas pour autant oublier de défendre notre chère langue française… surtout que nous parlons ici de pain, d’artisanat, de tout ce qui fait notre richesse culturelle !

Sur la rue Saint-Honoré, Yannick Martin est loin d’être un nouvel arrivant. Cela fait en effet plus de 13 ans qu’il oeuvre ici, dans cette petite boutique entourée d’échoppes de mode, hôtels et autres endroits huppés. Son commerce trouve toutefois naturellement sa place dans cet environnement, car il y aura toujours des employés à nourrir, et malgré le caractère plutôt luxueux de leurs employeurs, on ne peut pas dire que leurs salaires le soient tout autant… On pourrait même regretter le fait que si peu de boulangers soient installés dans la rue portant le nom de leur saint patron, mais ne nous arrêtons pas à des considérations spirituelles.

Si j’ai commencé par parler d’anglicismes, c’est parce que l’artisan a choisi d’en ajouter un pour seconder son patronyme. En effet, depuis cet été et des travaux de rénovation, la devanture affiche fièrement « Yannick Martin, gustative corner ». Est-ce une démarche visant à attirer les nombreux touristes en vadrouille dans le secteur, ou à mettre en avant les quelques chocolats que l’on retrouve en entrant ? La question reste entière, mais ce qui demeure le plus intéressant dans ce changement de décor, au delà du caractère plus moderne et élégant qu’offre à présent l’endroit, est sans doute la petite enseigne « boulanger Bio, farines de Verdelot ».

Peu de boulangers ont déjà adopté cette signalétique, développée récemment par les moulins Bourgeois. Elle met en avant le savoir-faire – autant meunier que boulanger – développé autour de cette filière biologique, visant à aboutir à un produit plus « naturel ». L’effort est ici d’autant plus appréciable que la restauration rapide représente sans aucun doute une grande part de l’activité de l’entreprise, au vu de sa localisation.
J’ai souvent eu l’occasion de le dire, et même de le constater (notamment lors du concours du pain Bio organisé récemment), Biologique ne signifie pas forcément meilleur pour autant. Cependant, chez Yannick Martin, le pain est de très bonne facture. A commencer par la baguette de Tradition, avec son façonnage soigné – où la mie joue en majeur – et ses extrémités pointues, sa mie fraiche et bien alvéolée ainsi qu’une croûte fine et craquante. Attention toutefois, des notes de levain plutôt persistantes s’y développent, et même si l’acidité sait rester contenue, cela pourra dérouter les amateurs de pains plus « lactiques ».
On retrouve les mêmes qualités du côté du Pavé Saint-Honoré, vendu au poids (7,5€ le kilogramme), ou encore des « Cordes ».

Bien sûr, on ne saurait rater la large gamme de sandwiches et en-cas proposés ici. Du jambon-beurre – proposé à 3€ – au dinde-curry (4,3€), en passant par les quiches variées, baguettes garnies à réchauffer, salades… l’ensemble est de bonne facture, pour des tarifs très acceptables. La qualité du pain sert d’ailleurs cette gamme traiteur.
Les plus gourmands ne manqueront pas d’accompagner leur repas d’une douceur, avec des pâtisseries traditionnelles (tartes, pâtes à choux, entremets chocolatés) et plutôt soignées, dans la moyenne. Petit bémol sur les tartes aux fraises vendues hors-saison, et du côté des viennoiseries, juste passables.

Tout cela ne serait rien sans l’humain, et en la matière, le personnel de vente sait y faire : les vendeuses et leur habit de travail reprenant fièrement la dimension de « gustative corner » développée par les lieux nous offrent un service efficace et chaleureux. Un point particulièrement appréciable dans un quartier où les files d’attente ont tendance à s’allonger au déjeuner, et qui explique sans difficulté le succès rencontré par l’affaire de M. Martin.

Infos pratiques

300 rue Saint-Honoré – 75001 Paris (métro Tuileries, ligne 1 ou Pyramides, lignes 7 et 14) / tél : 01.42.60.58.61
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? La gamme développée par Yannick Martin autour des farines Biologiques des Moulins Bourgeois ne manque pas de qualités. Cet effort autour de la certification, mis en avant depuis ses travaux de rénovation estivaux, se retrouve dans des pains aux notes acidulées, aux mies fraîches et aux croûtes craquantes. Certes, on pourra regretter le tarif relativement élevé de sa baguette de Tradition (1,30€ les 250g), cependant sa bonne conservation, ses cuissons généralement bien menées et ses arômes en font une valeur sûre dans un secteur plutôt sinistré en terme de bon pain. On notera également la présence d’un pain proposé à la coupe, le Pavé Saint-Honoré (7,5€ le kilogramme) ainsi que de quelques créations gourmandes, comme un petit pain au cacao ou d’une ficelle noix-fromage, en plus des pains complets ou de campagne traditionnels.
Accueil ? Efficace, et il le faut, tout en sachant rester sympathique et avenant. L’organisation déployée au sein de la boutique permet de gérer l’affluence sans trop de difficultés au déjeuner, et c’est bien appréciable dans un quartier où le temps est souvent compté au déjeuner.
Le reste ? Les sandwiches, quiches, salades et autres produits traiteur sont proposés à des tarifs tout à fait abordables, en plus d’offrir une qualité de réalisation tout à fait honorable. Pour les becs sucrés, les pâtisseries sont classiques et dans la moyenne, elles complètent un repas pris sur le pouce, il ne faut pas en demander plus. On passera par contre sur les viennoiseries, plutôt passables.

Faut-il y aller ? Rares sont les boulangeries de qualité dans ce secteur, et Yannick Martin parvient à faire honneur à son titre d’artisan boulanger en proposant des produits de bonne facture, en plus d’être certifiés biologique. On prend ainsi plaisir à venir y chercher son pain, et pas uniquement un casse-croûte. Un endroit où, malgré un bien curieux anglicisme, le goût n’a pas filé à l’anglaise.

Peu de boulangers peuvent prétendre faire le tour de la planète pour revenir à Paris, à plus forte raison de façon fréquente. Quelques uns de nos artisans les plus talentueux et en vue sont parvenus à s’exporter, notamment dans les pays asiatiques, où notre savoir-faire est tout particulièrement rayonnant. Rayonnant, certes, avec toutefois quelques adaptations nécessaires : les boulangeries deviennent systématiquement des salons de thé, et les pains ont une fâcheuse tendance à se faire petits et moelleux… Question d’habitude et de culture.

Gontran Cherrier fait partie de ces entrepreneurs de la boulangerie. On peut lui reprocher, comme beaucoup ne manquent pas de le faire dans la profession, de chercher à s’étendre trop rapidement, à développer son image plutôt que la qualité de ses produits… Même si, comme chez l’ensemble des artisans, il y a des jours avec et des jours sans, on ne peut mettre en doute l’engagement profond de l’entreprise dans la sélection de ses matières premières, ainsi que dans le développement d’une véritable démarche axée autour du goût. Un exemple ? Un déplacement en Bretagne en fin de semaine dernière, afin de chercher une farine de sarrasin plus parfumée que celle utilisée jusqu’alors. Certes, peu de boulangers peuvent se permettre ce genre de démarche, mais cela dénote d’un certain niveau d’engagement.

Le tableau noir annonce les dernières nouveautés… et notamment l’étonnant Méteil aux Graines de Coriandre !

Au cours de notre entretien, ce qui est sans doute le plus frappant, c’est que nous n’avons que peu parlé de boulangerie, mais plutôt de goût : c’est bien là le coeur de sa démarche. Cette fameuse farine de sarrasin demi-complète pourra peut-être servir à élaborer une brioche façon Fouace, avec de la crème fraîche… Une idée parmi tant d’autres dans l’esprit de ce créatif bouillonnant.
Au 22 rue Caulaincourt comme rue Juliette Lamber, le pain intègre réellement le repas ou se déguste comme une gourmandise. Pas question de proposer des produits aux olives dans des formats trop conséquents, par exemple. Il faut en effet garder une certaine cohérence, et c’est précisément ce que recherche Gontran Cherrier. Cohérence également avec les saisons : les pains aux épices Zaatar ou aux pignons de pin et romarin ont laissé leur place à de la semoule de maïs, ainsi qu’à un savoureux Méteil (mélange de farines de froment et de seigle à 50-50) aux graines de Coriandre.

Pain Méteil au Graines de Coriandre – un façonnage peu courant pour un pain chez Gontran Cherrier, puisque ce dernier est moulé.

L’élaboration des produits passe surtout par des souvenirs, que l’artisan partage avec sa clientèle. Dans le cas de cette dernière création, ce sont des références à des voyages en Russie, où ce type de pain est fréquemment dégusté. On y retrouve des saveurs marquées, le seigle jouant en sourdine sur la Coriandre, pour une expérience assez rare dans notre capitale. C’est précisément pour cela que l’on vient ici, et que cette boulangerie peut se permettre certaines libertés – notamment tarifaires, car certains pains sont loin d’être accessibles à tous.

Les pains à la semoule de maïs ont fait leur retour pour les mois froids à venir. On appréciera toujours autant cette texture granuleuse et ce parfum particulier… que l’artisan souhaiterait plus prononcé. Il réfléchit en effet à l’utilisation de farine de maïs pour toujours plus s’approcher du Broa portuguais qu’il apprécie tant. Le fait qu’ils soient à présent proposés en boules et non plus en grosses pièces à la coupe est bien vu.

Les mois passent et l' »aventure » grandit. Singapour, Tokyo, … Gontran Cherrier aura passé de nombreuses semaines à l’étranger ces derniers temps, mais il a bien fini par poser un peu ses valises en France pour cette fin d’année. Cela ne s’est pas fait sans raison, d’ailleurs, puisque nous assisterons début décembre à l’ouverture de sa troisième boutique dans l’hexagone… à Saint-Germain-en-Laye. Un nouveau challenge et une grande surface (plus de 200m2) pour dynamiser l’offre boulangère de cette cité, où certaines institutions sont déjà bien installées, comme j’avais pu le constater il y a quelques temps.
En parallèle, les adresses parisiennes ne seront pas oubliées, avec des nouveautés et produits hivernaux (retour des Saucissons Lyonnais briochés, de feuilletés variés, …).

Les plus gourmands auront remarqué le retour de la tarte pomme-raisins-fleur d’oranger

L’histoire s’écrit aussi hors boulangerie, puisque c’est sur TGV Est que les fameux buns multicolores développés par Gontran Cherrier embarqueront dès demain. En effet, dans le cadre d’un partenariat avec Newrest Wagons Lits, la boulangerie Thierry (en charge de la production) et notre créatif, des sandwiches ronds et moelleux intègrent la carte proposée aux voyageurs, ainsi que nous le décrit le site de la compagnie. Une initiative intéressante, aussi bien en terme de visibilité pour l’artisan, que pour les clients de TGV Est : nous n’avons que trop souvent l’occasion de critiquer l’offre de restauration proposée à bord des trains, et ce type de projet pourrait bien parvenir à la dynamiser. Espérons que Cremonini Restauration – en charge de l’approvisionnement des autres trains à grande vitesse de la SNCF – s’en inspire dans le futur.

Voici donc quelques nouvelles, mais je ne doute pas que les mois à venir nous donneront encore l’occasion d’en écrire d’autres…

 

J’ai certainement déjà eu l’occasion de l’écrire, mais la boulangerie, c’est un peu de la musique. Chaque jour, un chef et son orchestre jouent une partition faite de recettes, diagrammes, façonnages et temps de fermentation… Ce qui est intéressant, c’est le fait que l’habitude et la répétition peuvent, dans les deux cas, aboutir à une baisse de qualité en terme de résultat. Le quotidien est un ennemi redoutable.

Continuons dans les parallèles en évoquant la difficulté de trouver une « note juste » dans sa façon de jouer, pour exprimer une identité propre tout en satisfaisant les attentes de sa clientèle. Certes, pour beaucoup de boulangers, hors de question de chercher à sortir des sentiers battus, il faut au contraire se conformer de façon précise à ce que peuvent leur indiquer meuniers et autres réseaux boulangers. Je ne dis pas que c’est toujours une mauvaise chose, au contraire, certains artisans excellent ainsi dans la réalisation des baguettes Retrodor, Gana et autres, au plus grand plaisir de leur clientèle… même si ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus. Une affaire de goûts.

Une année a passé du côté de la rue Paul Bert. Souvenez-vous, je vous en parlais alors, la Pâtisserie ‘by’ Cyril Lignac allait ouvrir ses portes. Les débuts ne m’avaient pas franchement convaincu, mais je ne suis pas sectaire et j’ai pris conscience, avec le temps, de la difficulté de s’installer, surtout lorsque la boulangerie n’est pas forcément son métier d’origine. Cela ne m’a pas empêché d’y retourner de temps en temps, pour prendre la température et voir si l’endroit trouvait son ancrage dans le quartier.

Le pari semble plutôt réussi pour les deux compères, Benoît Couvrand et Cyril Lignac, car la clientèle se presse plutôt nombreuse devant les portes de la boutique. Pour le premier, ce doit être d’autant plus appréciable sortant d’une grande maison où il n’était pas forcément aussi libre qu’il peut l’être aujourd’hui.
Depuis la rentrée, les présentoirs de la boulangerie-pâtisserie se sont enrichis de nouvelles créations, autant sucrées que salées.

Bonne surprise du côté des pains, où le choix a été fait de sortir des « grands classiques » pour aller vers des terrains… aromatiques, et notamment du côté des plantes avec un pain au Thym Citron !
On pourrait aisément lui associer le sous-titre « … comme une infusion », même si cette dernière prend texture et corps au travers de sa mie et de sa croûte. Ainsi, les délicates feuilles de la plante constellent ce pain et lui confèrent un caractère très parfumé. Les notes herbacées et citronnées viennent relever la douceur du froment : en effet, le choix a été fait d’utiliser une base de pâte de tradition, ce qui laisse champ libre à l’épice. Cette dernière est plutôt bien réalisée, et nous offre une mie assez alvéolée et une croûte fine, affichant une cuisson bien menée. Cependant, on pourra regretter le fait que ce pain perd rapidement de la fraîcheur et de la consistance, devenant trop humide. Egalement, une dorure légèrement grasse et – à mon sens – superflue est apposée sur le dessus, ce qui n’apporte rien au produit.

Néanmoins, ce pain demeure une expérience fort agréable et surprenante, apportant un peu de soleil à une période où nous en avons bien besoin. De plus, c’est une belle opportunité d’accords mets-pains : le Thym Citron sublime les poissons et viandes blancs, mais il peut tout aussi bien s’inviter au petit-déjeuner, accompagné de confitures douces ou plus acidulées… Cela fait fonctionner l’imagination, et plus de boulangeries devraient tenter l’expérience pour inciter leurs clients à s’y intéresser : les pains spéciaux ne se limitent pas aux fruits secs.
Petit bémol sur le prix, 3 euros pour une pièce de 250g, cela commence à faire et malgré le coût que peuvent générer les feuilles de Thym Citron, j’ai un peu de mal à voir ce qui rend la farine de Tradition si coûteuse, mis à part l’effort de création.

Pain au Thym Citron, La Pâtisserie by Cyril Lignac – Paris 11è, vendu à la pièce, 3 euros les 250g (également disponible en petites pièces, 0,60€ l’unité) 

Billets d'humeur

02
Nov

2012

Voler, créer, respecter

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Il paraît que nous vivons dans une société avec des valeurs, que la civilisation humaine se fonde justement sur ce « réseau » pour exister et parvenir à faire en sorte que nous co-existions de façon plus ou moins pacifique et respectueuse. Les écarts entre théorie et pratique sont parfois étonnants, et je crois que dans le cas présent, il est tout simplement sidéral.

Que ce soit pour du pain, de la cuisine ou quoique ce soit qui se rapporte au goût, il est bien difficile de prétendre détenir la paternité d’une recette ou d’une création. Malgré tout, en observant ou en goûtant des produits, on parvient à distinguer ce qui s’apparente à une « signature », une empreinte laissée par l’artisan sur son travail. Elle exprime sa sensibilité, son savoir-faire, et il serait bien difficile de l’imiter. Pour autant, sans y parvenir tout à fait, certains ne se gênent pas pour s’approprier du savoir, des façons de faire, qu’ils ne mettent pas au service du plus grand nombre mais bien de leur propre et seule réussite. En effet, il ne suffit pas de façonner, cuire, pétrir… pour donner, tout dépend de l’état d’esprit dans lequel on le fait.
Ainsi donc certains feraient du vol leur activité principale, leur capacité à communiquer et à vendre faisant alors le reste et constituant la totalité de leur talent. Rassurons-nous cependant en nous disant que la supercherie finit toujours par être découverte, ou bien que la vie fait tourner naturellement la roue.

Les vrais créateurs finissent par être mis à l’honneur, même si certains d’entre eux préfèrent malgré tout rester discrets. On reconnaît dans cette humilité leur talent et tout ce qui fait que l’on apprécie leur travail. La création est un acte complexe et noble, qui nécessite bien plus d’implication et de volonté qu’il n’en faudrait pour simplement paraître. L’être humain s’exprime dans tout ce qu’il a de plus noble et trouve un sens à sa propre existence, en apportant à celle des autres quelques étincelles singulières.

J’ai pu rencontrer quelques uns de ces fameux artistes, toucher ou effleurer leur univers, même si je me demande en définitive si je suis parvenu à le comprendre autant que je l’aimerais. A mon tour, je voudrais créer de quoi rendre hommage à leur talent, et parvenir à mettre à l’index les voleurs qui subsistent malgré leur faibles qualité. Dans tout cela j’observe avant tout une question de respect, à plusieurs dimensions.

Il s’agit de respecter les êtres qui nous entourent, en leur offrant un minimum d’honnêteté et de sincérité, mais aussi de respecter les terres, les matières premières, tous les produits que l’on peut assembler dans le cadre de nos activités. Vient ensuite le moment de tarifer, et là encore il faudrait penser à ne pas voler ceux qui nous font vivre, adopter une démarche cohérente et permettant à chacun d’accéder à quelques instants de plaisir, parfois bien nécessaires.

En définitive, je voulais simplement nous interroger sur les valeurs qui fondent nos actions et comportements, en espérant juste que la raison et le bon sens finissent par prendre le pas sur ce brouillard, cette fumée déployée par quelques individus…

Je suis admiratif de l’engagement profond qu’entretiennent certains artisans : non seulement ils ont à coeur de proposer à leurs clients des produits de qualité, mais ils essaient de valoriser leur savoir-faire au travers des concours professionnels, tout en le partageant par des formations dispensées à des apprentis ou autres boulangers. Ces « têtes » de l’artisanat portent haut et fort les couleurs et le goût du bon pain.

C’est notamment le cas du très dynamique Meilleur Ouvrier de France Mickaël Morieux. Ce titre, obtenu en mai 2011, n’est que l’aboutissement d’un engagement de longue date pour l’artisan boulonnais : engagé dans le Compagnonnage dès son plus jeune âge, après avoir fait ses premières armes dans la boulangerie de son village natal, il a parcouru la France avant de trouver son port d’attache dans les Hauts-de-Seine et établir un palmarès impressionnant : médaille d’argent au championnat du monde de Boulangerie en 1999, médaille d’or au championnat de France en 2005, 1er prix du 92 pour le dynamisme et la gestion d’entreprises au concours des Arts et métiers en juin 2007, 1er prix au concours du meilleur artisan boulanger-pâtissier des Hauts-de-Seine, catégorie des employeurs…
De quoi faire tourner les têtes, mais définitivement pas la sienne, car le personnage sait rester accessible – une qualité appréciée par les boulonnais – et réalise des prestations de conseil et de formation en France, mais aussi à l’étranger et notamment au Japon.

Pour autant, il ne faudrait pas laisser de côté la discrète boutique de la rue d’Aguesseau, où Florence et Mickaël Morieux sont installés depuis 2002. C’est loin d’être le cas, et les habitants du secteur ne s’y trompent pas : le week-end, il faut souvent s’armer de patience avant de pouvoir croquer dans la fameuse baguette de Tradition vendue ici. Fameuse, elle a toutes les raisons de l’être. Travaillée sur levain, elle exprime une très légère note d’acidité en fin de bouche, mais c’est bien la douceur qui domine. On la retrouve notamment au travers de sa mie très fraiche, légèrement cotonneuse et bien alvéolée. Rien à redire non plus quant au soin porté au façonnage, les baguettes sont toutes élégantes et nous offrent un rapport mie/croûte bien étudié, offrant aux gourmands le loisir de profiter du craquant de cette tradition. Pour 1,20€ les 250g, voilà une Tradition de caractère, à l’excellente conservation et aux notes de noisette bien agréables. Fait à noter également, la baguette ordinaire n’est pas délaissée et bénéficie d’un certain soin également, M. Morieux tenant à proposer un pain accessible mais non moins savoureux.
Si seulement notre MOF se contentait d’exceller sur la baguette, notre choix serait vite fait, mais c’est bien loin d’être le cas : entre la tourte de seigle auvergnate biologique, les pains de campagne, le Baton aux Céréales, les miches au levain naturel et je fais volontairement l’impasse sur les déclinaisons aux fruits secs… Dans chacun des cas, on retrouve la même signature : un travail sur levain d’une grande douceur et subtilité, des cuissons bien menées et des façonnages minutieux. La farine des Moulins de Chars, choisie par l’artisan, est ici mise à l’honneur.

Les viennoiseries ne sont pas en reste, avec de superbes et généreux croissants, ainsi que des chaussons aux pommes de haute volée. On pourra également se laisser tenter par les brioches bien dodues qui surplombent cet étal de gourmandises. Nous sommes bien là dans le coeur de métier de l’artisan, et on voit assez rapidement que la pâtisserie n’est pas son domaine de prédilection. Quelques grands classiques nous sont proposés, en toute simplicité. Parmi eux, les points forts sont sans conteste les tartes feuilletées aux pommes ou aux abricots, ainsi que le gâteau basque vendu à la part – région d’origine oblige !
La maison n’oublie pas de régaler les travailleurs avec des sandwiches honorables, ainsi qu’un choix de quiches à la part aux recettes bien senties (lorraine bien sûr, mais aussi des propositions dont l’énoncé réchauffe le coeur, à l’image de la « poulet-provençale »). Quelques salades accompagnent le tout.

Un dernier mot sur l’accueil, souriant et chaleureux, même si parfois un peu débordé au vu du succès rencontré par l’adresse. D’ailleurs, ce n’est pas la seule où les boulonnais peuvent se régaler, puisque Mickaël Morieux est également présent avenue Jean-Baptiste-Clément. Une relation de confiance est entretenue avec les habitués, toujours avec cet esprit de partage qui semble être la marque de fabrique de la maison.
Les horaires d’ouverture – jusqu’à 21h une partie de la semaine ! – complètent bien ce tableau qui nous prouve que la banlieue n’est pas dépourvue d’adresses de grande qualité.

Infos pratiques

35 Rue Aguesseau – 92100 Boulogne-Billancourt (métro Boulogne – Jean Jaurès, ligne 10) / tél : 01 41 10 94 36
ouvert tous les jours sauf jeudi, de 7h à 21h – 20h les samedis et dimanches.

Avis résumé

Pain ? C’est là la grande force de la maison, et ce n’est sans doute pas par hasard si Mickaël Morieux a décroché le fameux titre de Meilleur Ouvrier de France. Chez cet ancien compagnon, la baguette de Tradition nous offre un caractère légèrement acidulé, même si on se laisse tenter sans peine par les pains de campagne au levain ou autres tourtes de Seigle. Façonnages appliqués, cuissons abouties et conservations de bon niveau, rien ne manque.
Accueil ? Sympathique et efficace, et il faut l’être car la queue est parfois bien longue devant cette petite boutique. On ressent un bel esprit de partage, cher à cet artisan qui ne cesse d’enchainer formations et autres animations.
Le reste ? On appréciera la qualité des viennoiseries, avec un croissant généreux et développé, ainsi que la simplicité bien vue de la gamme sucrée. Parmi les spécialités, le gâteau basque fait honneur aux origines de M. Morieux. Le traiteur reste dans cette ligne, sans relief particulier, mais réalisant son office.

Faut-il y aller ? Une adresse discrète, une boutique étroite, mais un beau talent pour ce boulanger passionné. Voilà qui justifie pleinement un arrêt ici, voire un petit détour par Boulogne, qui n’est qu’à deux pas de Paris !