C’est beau, la finance. Enfin, ça l’est surtout pour ceux qui détiennent des capitaux, et de fait un certain pouvoir dès lors qu’il s’agit d’investir ou réaliser des transactions. Bien sûr, tout dépend de ce que l’on fait de ses fonds, mais il n’en demeure pas moins que certains prennent grand plaisir à sortir de leurs métiers « de base » pour faire des incursions dans des domaines à la forte rentabilité potentielle…

La boulangerie en fait partie, il ne faut pas s’en cacher : une affaire bien située, avec une importante chalandise, peut représenter une véritable « machine à cash ». Cela fait abstraction de toutes les difficultés inhérentes au métier : personnel, matières premières, niveau de qualité à assurer au quotidien… mais ce n’est pas la préoccupation principale des investisseurs débarquant dans le milieu. En effet, ils se contenteront bien souvent d’employer un personnel peu qualifié, avec un niveau de qualité tout juste moyen. Pas besoin de faire plus si on a l’emplacement… et ils savent l’avoir : pour cela, la meilleure façon est de faire monter les enchères, ce qu’ils sont parmi les seuls à pouvoir se permettre.

On m’a récemment parlé de la -possible- prochaine entrée en lice sur la capitale de groupes asiatiques, ainsi que de restaurateurs aux assises financières solides. Cela pourrait bien donner un visage bien terne à la boulangerie parisienne, et même française à plus long terme, n’offrant au consommateur que des propositions uniformisées et standardisées, toujours pour des raisons de réduction des coûts et de multiplication. Le mouvement n’est pas nouveau : des entreprises comme Paul ou Eric Kayser ont depuis plusieurs années exercé une « pression » sur les fonds de commerce de boulangerie.

En dehors de Paris, la situation restera bien entendu différente, mais là encore les difficultés ne manquent pas : des enseignes comme la « boulangerie de Marie » se développent et rendent la tâche plus difficile aux artisans, notamment grâce à leur caractère pratique. Installés dans des zones commerciales, souvent de façon « couplée » à une offre alimentaire généraliste, le consommateur ne voit plus l’intérêt de se tourner vers un « vrai » artisan… d’ailleurs, ils en sont aussi, en définitive, puisque le pain est fabriqué sur place. Les frontières deviennent floues, les cartes troublées, c’est ainsi que les choses deviennent compliquées.

Compliquées, surtout pour les boulangers réellement talentueux, ceux qui pourraient offrir beaucoup au métier et à leur clientèle. Sont-ils condamnés à rester de simples ouvriers ? Bien sûr, le recours bancaire n’est pas impossible, mais on a souvent tendance à ne prêter qu’aux riches… Les meuniers aident aussi à l’installation, une action pertinente puisqu’elle assure par la même occasion leur survie, dans le cas des minoteries dites « artisanales », dont le métier reste encore aujourd’hui de fournir de la farine aux artisans et non pas à l’industrie. Il faut parvenir à faire front face à ces grandes entreprises, et au delà de l’ouverture, la pérennité de l’entreprise doit être assurée. Pour cela, il ne faudrait pas se limiter à réaliser des sandwiches comme certains savent très bien le faire, mais parvenir à mettre en valeur ce qui fait toute la singularité du savoir-faire d’artisan, au travers de pains variés et savoureux, de créations originales… et bien sûr créer une véritable relation de proximité avec la clientèle.

J’aimerais tellement que la notion de partage, pourtant si ancrée dans l’histoire du pain, se retrouve également entre artisans boulanger. En effet, trop peu d’entre eux échangent leurs recettes, créant ainsi une véritable communauté… au service du goût. Ceux qui diffusent le plus leurs créations sont, en définitive les meuniers et leurs démonstrateurs, pour le meilleur et pour le pire : quand on connaît la teneur des mélanges créés par certains d’entre eux, il y aurait de quoi préférer que ces derniers s’abstiennent de toute incursion dans le domaine boulanger pour rester concentrés sur leur métier de base… la meunerie, et donc la matière première, la farine.

Toujours est-il que certains artisans donnent tort à cet individualisme ambiant, où la compétition est souvent plus valorisée de l’échange (il n’y a qu’à voir le succès que rencontrent les concours professionnels !). C’est le cas de Christophe Rouget, qui n’hésite jamais à accompagner l’installation d’un de ses ouvriers, ou à apporter de l’aide à ses confrères parfois en difficulté.
Quant à ses recettes, idées et créations, elles finissent avec le temps par se répandre comme une traînée de poudre bien savoureuse… il faut dire qu’on pourrait difficilement regretter de trouver des produits comme les fameux « grissinis » ou même le Bosphore, ce pain à l’huile d’olive, au miel et à la nougatine.

Boulangerie Degrolard, Taverny (95)

Justement, on retrouve ce dernier toujours aussi bien réalisé, avec sa croûte torréfiée, chez Patrick Degrolard, installé dans le centre de Taverny. Cet artisan ne fait pas que reprendre la fameuse création gourmande mais propose une gamme de pain étendue et savoureuse comme on aimerait en voir plus souvent. Commençons par les fondamentaux, et notamment une baguette de Tradition Bagatelle de très bonne facture, pour seulement 1 euro les 250g. On regrettera seulement le fait que son façonnage offre un rapport mie / croûte plus à l’avantage du premier élément… mais cela demeure anecdotique. Difficile de passer à côté de la moelleuse et aromatique ciabatta nature ou aux olives, de la tourte de Seigle, du pain complet aux fruits secs et autres propositions aux céréales et graines… Des cuissons bien menées et des façonnages appliqués, quoique manquant globalement d’une certaine finesse, viennent parfaire le tableau.

Le pain, Boulangerie Degrolard, Taverny (95)

Les viennoiseries se déclinent avec sérieux entre classiques (croissants, pains au chocolat, pains aux raisins…) et spécialités maisons (escargot pistache-chocolat, torsade au chocolat…). Le feuilletage est bien maîtrisé, les produits soignés. Dommage que l’on ne retrouve pas cette application sur une partie de la gamme de pâtisseries, dont certaines références manquent sérieusement d’élégance : religieuses aux finitions approximatives, éclairs au glaçage discutable et parfois « zébré », tartes aux fruits hors saison… mieux vaut se concentrer sur les réalisations les plus boulangères, à l’image de l’honnête tarte aux pommes. Vous l’aurez compris, Patrick Degrolard est avant tout un boulanger et ses produits l’expriment pleinement. Rien de beaucoup plus intéressant côté traiteur, non plus.

Viennoiseries, Le Bosphore... et la vue sur le Fournil, Boulangerie Degrolard, Taverny (95)

Dans cette boutique tout en longueur, le service se veut sans doute à l’image du décor, sans ornement ni artifice. Cependant, il serait sans doute plus appréciable qu’il fasse preuve de plus de chaleur humaine et de volonté à partager pleinement les beaux produits que sait fabriquer cette maison. Au lieu de ça, on retrouve un mélange de désinvolture et de manque de professionnalisme… ce qui s’en ressent inévitablement sur l’efficacité de la vente. Même si on retrouve des personnes plus expérimentées, l’humain manque toujours à l’appel. Dommage.

Pâtisseries, Le Bosphore... et la vue sur le Fournil, Boulangerie Degrolard, Taverny (95)

Infos pratiques

225 rue de Paris – 95150 Taverny (Transilien Ligne H, gare de Taverny) / tél : 01 39 60 04 10
ouvert du vendredi au mardi de 6h45 à 20h.

Le Bosphore... et la vue sur le Fournil

Le Bosphore… et la vue sur le Fournil

Avis résumé

Pain ? Il s’agit là incontestablement du point fort de la maison Degrolard. Réalisé à partir d’une farine livrée par les moulins Foricher, le pain se décline autant en variété qu’en qualité. La baguette de Tradition Bagatelle, proposée à seulement 1€ les 250g, nous offre sa belle saveur de froment et sa réalisation plutôt soignée, même si j’aurais apprécié un façonnage plus « fin », laissant plus de champ à la croûte. Le reste de la gamme est à l’avenant : ciabatta parfumées, Bosphore torréfié et sa nougatine aux notes chaudes et croquantes, tourte de Seigle comme miellée, pain Brié moelleux… rien ne manque, ni même les cuissons bien menées. J’aimerais vraiment que plus d’artisans de banlieue prennent le parti d’une telle offre, étendue et qualitative, pour des prix aussi modérés.
Accueil ? Passons du point fort au point faible : l’humain pêche par son incapacité à partager avec vigueur le beau produit vendu ici, on ne retrouve pas de chaleur ni même de professionnalisme particulier… L’impression qui s’en dégage n’est pas particulièrement agréable.
Le reste ? Les viennoiseries prolongent bien l’offre panifiée de la maison Degrolard : entre classiques de bonne facture et créations savoureuses, elles répondent parfaitement aux envies gourmandes de la clientèle, tout comme les plus boulangères des tartes proposées ici. Dommage que le constat ne puisse pas être identique du côté des pâtisseries, manquant terriblement de finesse. Rien de particulier du côté du traiteur, avec une gamme classique.

Faut-il y aller ? Pour le pain, sans aucun doute ! L’offre variée et particulièrement démocratique offerte au tabernaciens (oui oui, ce sont bien les habitants de Taverny !) a de quoi séduire… et même faire rêver d’avoir le même type d’endroit en bas de chez soi. Dommage que le reste des prestations ne soit pas aussi soigné, même si la maison n’en demeure pas moins très recommandable.

Le goût. C’est pour moi, chaque jour, une bien difficile tâche que de le comprendre et de tenter de l’exprimer afin de le partager avec le plus grand nombre. En effet, je ne pense pas qu’il doive d’être l’apanage d’un petit nombre de privilégiés, certes bien heureux de leur sort, mais en définitive bien seuls dans leur tour d’ivoire… J’en parle souvent, mais j’aime ce côté simple et accessible, tout en étant très riche, que possède le pain.
Seulement, comment distinguer un « bon pain » d’un « mauvais » ? Nous sommes là dans le domaine de la subjectivité, et il me paraît difficile d’établir des critères précis visant à apprécier un produit.

En réalité, il faudrait aussi parvenir à prendre en compte la multiplicité des procédés de fabrication pouvant être mis en oeuvre par les artisans. Prenez la baguette de Tradition : elle doit être composée de farine, d’eau, de sel, de levure et/ou de levain. C’est tout, mais c’est déjà beaucoup : sur chacune de ces matières premières, il y a possibilité de faire varier le goût du résultat de façon surprenante. Bien sûr, la plus évidente reste l’utilisation ou non de levain, qui apporte toujours un goût caractéristique, même si ce n’est pas forcément de l’acidité. Viennent ensuite les temps de pousse, la manière de pétrir, de façonner, … Bref, il y a de quoi faire.

La fameuse grille d'évaluation de Steven L. Kaplan.

La fameuse grille d’évaluation de Steven L. Kaplan.

Cependant, certains se sont évertués à tenter de développer des critères objectifs pour juger le pain. Steven L. Kaplan, universitaire américain, professeur à l’Université Cornell (New York), également chargé de cours à Sciences Po et à l’École normale supérieure, en fait partie et il a eu l’occasion de le démontrer au travers de son ouvrage paru en 2004, où il « court le pain », dressant un guide des meilleures boulangeries de Paris selon ses critères. Les connaissances de cet homme sur l’histoire du pain et son expérience de dégustateur sont incontestables, mais cela permet-il pour autant d’être aussi « catégorique » ?

Steven L. Kaplan et Alexandre Viron sont à l'origine de ce projet d'évaluation de la baguette Rétrodor.

Steven L. Kaplan et Alexandre Viron sont à l’origine de ce projet d’évaluation de la baguette Rétrodor.

Plus récemment, il a élaboré une grille d’analyse pour la minoterie Viron. Cette dernière s’oriente plus particulièrement vers la baguette phare de l’entreprise, la fameuse Rétrodor, mais elle devrait nous orienter vers ce qui serait une « bonne » baguette de Tradition. Voyons plutôt…
L’analyse s’effectue sur la base de 6 critères : aspect, croûte, mie, mâche, arôme(s) et goût(s).

  1. Aspect : premier objectif : « susciter » la gourmandise ». Droiture et régularité, accompagnés par une couleur jaune doré non cloquée (signe d’une mauvaise maîtrise de la pousse lente, ndlr) et coups de lame réguliers. Sole lisse, signe d’une cuisson sur four… à sole.
  2. Croûte : dimension sonore : le pain doit « chanter » à sa sortie du four. Elle doit être mince et croustillante, ce qu’une faible pression des doigts peut confirmer. Odeurs de caramel voire de noisette. Bruit « de tambour » lorsque l’on tapote la sole.
  3. Mie : sa couleur crème ou nacrée doit s’accompagner d’une texture élastique et souple, moelleuse au toucher et fondante en bouche. Présence d’alvéoles irrégulières, sauvagement distribuées.
  4. Mâche : croustillant puis fondant, le pain doit offrir une mâche aisée et fraiche, avec une révélation graduelle de la puissance du goût.
  5. Arômes : c’est l' »âme » du pain. Les premiers arômes proviennent de la croûte, puis de l’intérieur, en ouvrant la baguette verticalement. On doit ainsi retrouver des notes de beurre, de céréales chaudes, d’épices, de fruits frais, secs ou confits… Ces dernières sont issues, pour la plupart, de la caramélisation de la croûte.
  6. Goûts : Il s’agit ici de séparer saveurs et arômes, ce qui n’est pas une chose aisée. Les sensations sont en effet imbriquées les unes aux autres. La baguette doit offrir rondeur et ampleur afin de procurer une impression de moelleux et d’onctuosité en bouche. La saveur doit être « longue » et là encore rappeler le beurre, les noisettes, les fleurs, les fruits ou même le caramel…

Chacun des critères est pondéré : l’aspect est sur 3 points, la croûte sur 3, la mie également, la mâche sur 1 et enfin les arômes et goûts sur 5 chacun. Cela revêt une certaine forme de cohérence, puisque le consommateur recherche avant tout un produit savoureux, avec des textures marquées.

Description des critères d'appréciation, Dossier de presse Rétrodor

Bien sûr, je pourrais bien difficilement remettre en cause la pertinence de cette grille d’évaluation, même si son principe même n’est pas vraiment dans mes valeurs. Cependant, j’ai du mal à rejoindre Steven L. Kaplan sur cette description des arômes, qui reste à mon sens largement surjouée et en définitive peu conforme à la réalité vécue au quotidien sur le terrain : peu de baguettes offrent réellement ce parfum « de beurre », même si l’aspect noisette et céréales se retrouvent – forcément – plus communément. De plus, il s’agit là d’apprécier la baguette Rétrodor, élaborée selon un diagramme bien particulier. Rien à voir avec d’autres produits, réalisés avec du levain – même en petite quantité -, notamment.

Bon, d'accord, manger du pain c'est chouette, mais peut-être ne faudrait-il pas trop en faire ?!

Bon, d’accord, manger du pain c’est chouette, mais peut-être ne faudrait-il pas trop en faire ?!

Parmi les artisans réalisant la fameuse baguette des minoteries Viron, peu parviennent aujourd’hui à lui donner toutes ses lettres de noblesse. Longtemps considérée comme une référence parmi les baguettes de Tradition, la Rétrodor a perdu au fil du temps de sa superbe, sans trop que l’on sache si cela tenait à un manque de dynamisme des artisans ou du moulin lui-même. Bien sûr, certains artisans continuent à lui rendre hommage en la réalisant de façon tout à fait savoureuse : je pense notamment à Raoul Maeder, Xavier Doué dans le 16è arrondissement, Gilles Levaslot et ses Gourmandises d’Eiffel dans le 7è arrondissement, et par extension plusieurs des adresses du Grenier à Pain, dont le diagramme de la baguette de Tradition est plus ou moins directement issu de la Rétrodor, la matière première étant toujours livrée par Viron.
En banlieue proche, Pascal Flandrin en propose une de bonne tenue également, même si un peu salée à mon goût. Ce critère n’a d’ailleurs pas été évoqué par Steven Kaplan, alors qu’il est aujourd’hui central à mon sens : longtemps, cet ingrédient a été utilisé pour donner du goût, et on doit tendre à présent vers une réduction de son taux dans les produits de panification.

Ce que je reprocherais en définitive aux moulins Viron, et c’est un écart par rapport au sujet initial que je fais ici, c’est d’axer la plupart de ses efforts autour de la gamme Rétrodor : on retrouve en effet de nombreuses déclinaisons plus ou moins gourmandes de cette dernière, alors que je pense qu’il serait plus intéressant de travailler avec les artisans à la mise au point de produits réellement plus variés, avec des farines diverses (seigle, épeautre, …) et des propositions qui nous changent vraiment de la boulangerie « de Tradition » telle qu’elle a pu se développer depuis l’application du décret Pain de 1993 (et même avant, puisque la Rétrodor date de 1990)… 20 ans déjà, nous devons aujourd’hui aller plus loin !

En définitive, même si cela fait un peu réponse de normand, je pense que le bon pain est avant tout celui qui a une certaine force d’évocation pour nous, celui qui éclaire nos repas et s’intègre à notre culture… et pour cela, difficile d’établir des critères froids et objectifs.

Certains projets mettent du temps à aboutir, car ils ne voient le jour que lorsque ceux qui les mènent ont décidé qu’ils étaient à la hauteur de leurs exigences… et ces dernières peuvent être particulièrement hautes, au vu de la culture de l’excellence développée par certains artisans. Certes, cette « attente » présente un coût non négligeable et tout le monde ne peut se permettre d’investir sans avoir de retour immédiat. Néanmoins, tant d’entreprises et de personnes confondent aujourd’hui vitesse et précipitation, qu’il est presque charmant de rencontrer des entrepreneurs investis et portés par la volonté d’offrir le meilleur à leur clientèle.

, Acide Salon de Thé, Paris 17è

Dans le cas du salon de thé de Jonathan et Renata Blot, on peut dire qu’il en aura fallu, du

Un présentoir bien gourmand

Un présentoir bien gourmand

temps. Entre complications de chantier, élaboration des produits, mise en place du laboratoire afin d’être tout à fait opérationnel le jour J… l’endroit, qui devait voir le jour l’été dernier, a finalement ouvert ses portes hier. C’est ainsi que la rue des Moines est devenue terriblement gourmande, en ce mois de mars 2013. Non pas que je remette en question la capacité de la Romainville et ses pâtisseries industriellement roboratives ou bien de Thierry Gouin à satisfaire les appétits des habitants du quartier des Batignolles… mais en fait si, c’est exactement le cas.

Les viennoiseries bien dorées nous accueillent dès notre entrée.

Les viennoiseries bien dorées nous accueillent dès notre entrée.

Dans ce secteur en pleine mutation (d’importants travaux sont en cours non loin de là), ce salon de thé moderne et coloré participe bien à cette sensation de mouvement.

Ne nous laissons pas impressionner par les théières (en réalité, ce sont des lampes) qui pendent au plafond, entrons et découvrons cette nouvelle déclinaison de l' »univers » Acide. Ici, pas de macarons : pour découvrir la spécialité qui a fait le succès de la maison, il faudra continuer à se rendre rue Legendre, à quelques pas de la nouvelle adresse. C’est plutôt bien vu, car cela évite tout mélange des genres, même si les petits-fours meringués sont fabriqués dans le laboratoire situé au fond du tout jeune salon.

Une bonne machine pour un bon café : ici, pas de Nespresso... La maison est fidèle à ses engagements de qualité. Toutes les boissons sont soignées, y compris les limonades qui sont faites à la demande !

Une bonne machine pour un bon café : ici, pas de Nespresso… La maison est fidèle à ses engagements de qualité. Toutes les boissons sont soignées, y compris les limonades qui sont faites à la demande ! On appréciera aussi la vaisselle et son style bien particulier, très raccord avec l’endroit.

Parlons-en, justement, de ce laboratoire, car l’entreprise n’a pas reculé devant l’investissement et a souhaité sortir des sentiers battus de son activité initiale. Pour produire plus de 5000 macarons par jour, comme c’est leur cas (Acide livre en effet nombre de palaces et maisons réputées sur Paris), il faut adapter son outil. Un four à chargement a ainsi rejoint l’équipe… ainsi qu’un autre, à sole cette fois. C’est là que les choses deviennent

Dans la vitrine donnant sur la rue, on peut se laisser tenter par les bouchées sucrées ou bien par les focaccia 100% maison - pain y compris.

Dans la vitrine donnant sur la rue, on peut se laisser tenter par les bouchées sucrées ou bien par les focaccia 100% maison – pain y compris.

intéressantes.

En effet, Jonathan Blot est bien le passionné perfectionniste dont je vous parlais en introduction. Pour lui, hors de question de faire les choses à moitié : dans son salon de thé, toutes les gourmandises sont maison… le pain y compris ! Qu’il soit traditionnel, de mie ou agrémenté d’huile d’olive pour les focaccia, inutile de chercher sa provenance, tout comme pour les charmantes viennoiseries qui nous accueillent sur leur présentoir.
Ainsi, on peut débuter la journée devant un bon café – réalisé avec la superbe machine Marzocco – ou un chocolat chaud Corallo et la continuer au déjeuner avec une salade, des oeufs, un club sandwich… avant de s’arrêter au goûter pour déguster une douceur. Le lieu et la clientèle évoluent ainsi au fil des heures. A noter qu’il sera rapidement possible d’emporter une partie des produits proposés à la vente.

La gourmande tarte au chocolat et sa ganache travaillée à partir de couvertures de chez Claudio Corallo.

La gourmande tarte au chocolat et sa ganache travaillée à partir de couvertures de chez Claudio Corallo.

Côté sucré, le principe reste toujours le même : des portions mesurées pour éviter l’écoeurement et garantir le plaisir. Pour les plus curieux, il est à présent possible de découvrir chacune des saveurs en « bouchée », ce qui permet de s’ouvrir à un plus large

Impossible de passer à côté de la fantaisie des créateurs du lieu, qui n'ont pas hésité à faire cohabiter fauteuils futuristes et tables en bois !

Impossible de passer à côté de la fantaisie des créateurs du lieu, qui n’ont pas hésité à faire cohabiter fauteuils futuristes et tables en bois !

panel de saveurs. Paris-Brest à la noisette du Piémont, tarte Tatin et sa crème épaisse, Baba au vieux Rhum, … des douceurs classiques mais exécutées dans la modernité et avec une belle maîtrise technique.

Bien sûr, tout cela ne serait rien sans le service, toujours aussi attentionné et charmant – Renata y veille particulièrement ! – et c’est sans doute ce qui explique que l’endroit ne désemplisse pas depuis son ouverture : une relation de confiance s’est établie de longue date avec les habitants du quartier. Un fait qui justifie pleinement cette implantation dans un secteur peu habitué à ce type de commerce… à tort, car tout le monde a besoin d’un point de chute calme, lumineux et contemporain. Pour le 17è arrondissement, c’est à présent chose faite, grâce à Acide.

Infos pratiques

24 rue des Moines – 75017 Paris
http://www.acidemacaron.com ou Facebook

Presque une figure imposée chez Acide, on retrouve un "graf" dans ce nouveau salon de thé.

Presque une figure imposée chez Acide, on retrouve un « graf » dans ce nouveau salon de thé.

Je crois que je me prends parfois pour Jacques Pradel, l’aspect joufflu en moins. L’animateur présentait en effet à une époque la fameuse émission « Perdu de vue ». Reconstituer des amitiés, parfois des familles, voilà une tâche digne d’intérêt, un véritable service public en quelque sorte. Ici, je ne le fais pas pour la télévision ou pour un spectacle quelconque, mais tout simplement pour retrouver des artisans boulangers ayant laissé derrière eux une certaine réputation, ces derniers étant souvent regrettés par leur clientèle.

Boulangerie Maître Pain, Nanterre (92)

C’est précisément le cas d’Emmanuel Merlhès, le fameux « Maître Pain » de la rue de Charenton. Quoique, dans ce cas, le repreneur s’est révélé tout aussi valeureux : Antonio Dias Gil a repris une partie de la gamme tout en apportant ses propres spécialités et en perpétuant la tradition de qualité de la maison. Espérons que cela perdure, d’ailleurs, puisqu’on m’a récemment annoncé la vente de l’affaire… A suivre.
Toujours est-il que notre Maître Pain n’a pas cessé son activité, et qu’on le retrouve sous le même nom à deux pas de la gare de Nanterre-Ville, dans les Hauts-de-Seine.

Le pain chez Emmanuel Merlhès : baguette de Tradition Bagatelle, boule Bio, pavé Lorrain aux figues, brioche "maison"...

Le pain chez Emmanuel Merlhès : baguette de Tradition Bagatelle, boule Bio, pavé Lorrain aux figues, brioche « maison »…

Pour cette nouvelle implantation, ses engagements n’ont pas changé. En effet, on retrouve toujours la fameuse baguette de Tradition « Bagatelle », labellisée Label Rouge, ainsi qu’une boule Bio. Il faut dire que la famille Merlhès n’est pas une nouvelle venue dans cet univers : Dominique, le père de notre artisan, a longtemps été le Directeur Général de la « Générale des Farines France », laquelle a été à l’origine du Club le Boulanger, aujourd’hui porté par des meuniers tels que Foricher, Girardeau ou encore Trottin. Vous l’aurez compris, l’amour du pain dans ses formes les plus nobles se transmet ici de génération en génération.
D’ailleurs, c’est l’occasion de nous adonner à la Bagatelle, cette dernière étant tout ce qu’il y a de plus sérieuse : avec sa belle fraicheur, son parfum de froment soutenu et ses notes de beurre, elle répond bien aux attentes que l’on peut avoir pour cette baguette de Tradition. On regrettera simplement des cuissons souvent un peu courtes.
La boule Biologique ne démérite pas, pour un prix tout à fait raisonnable – 3,35€ les 500g. A la fois douce et parfumée, au levain bien maîtrisé, elle offre une excellente conservation.
Les plus gourmands ne résisteront pas devant l’attrait de la fameuse brioche « maison » (à base de miel et de levain de lait), pouvant se conserver une semaine sans difficulté dans son sachet, dont Emmanuel Merlhès a été l’un des premiers défenseurs.
On notera également la présence dans la gamme de sympathiques fougasses (nature ou aux olives), de traditions dites « aromatiques » (enrichies d’ingrédients salés) ainsi que de brioches feuilletées de très bonne facture.

La viennoiserie, Boulangerie Maître Pain, Nanterre (92)

En parlant de feuilletage, le croissant au beurre – 1€ l’unité – ne démérite pas. La gamme de viennoiseries n’est pas très étendue, mais l’essentiel reste de maîtriser ses classiques (comme le chausson aux pommes ou le pain aux raisins) … à l’image de ceux présentés du côté de la pâtisserie, où tartes fines aux fruits, au citron, flans, éclairs, millefeuilles et religieuses se révèlent tout à fait soignés et réussis. La maison n’en demeure pas moins créative, avec une gamme d’entremets en toute simplicité et accessibilité (en moyenne 3,6€ la part individuelle).

Pâtisseries classiques, Boulangerie Maître Pain, Nanterre (92)

Les travailleurs ne sont pas oubliés avec un présentoir libre-service dédié aux sandwiches  et propositions salées. Cela permet ainsi un service efficace en semaine, où l’affluence se fait importante en heure de pointe.
Parlons justement de service, puisque ce dernier sait se montrer professionnel et dynamique, même si la chaleur humaine ne semble pas être la plus grande de ses qualités. A noter la présence d’une caisse « automatique » et d’une autre classique : une bonne façon de ne pas heurter les réfractaires à ce type d’équipement, tout en prévenant un éventuel dysfonctionnement du système (et ceux-ci ne sont pas aussi rares qu’on aimerait l’entendre…).

Pâtisseries à partager, Boulangerie Maître Pain, Nanterre (92)

Infos pratiques

85 Rue Maurice Thorez – 92000 Nanterre (RER A, gare de Nanterre-Ville) / tél : 01 47 21 23 81
ouvert du lundi au samedi de 7h à 20h30.

Avis résumé

Pain ? De Paris à Nanterre, les choses n’ont pas changé : nous avons toujours affaire à un  Maître (du) Pain. De la craquante baguette de Tradition Bagatelle à la boule Bio en passant par les pains gourmands, la gamme offre saveurs et qualité à des prix très raisonnables. On regrettera juste des cuissons un peu justes sur la baguette, même si la clientèle a toujours tendance à être demandeuse de pains blancs… Pour les plus gourmands, la fameuse brioche « maison » se révèle être un excellent choix : offrant une conservation exceptionnelle (une semaine sans difficulté dans son sachet), une belle légèreté et un caractère « digeste » (grâce à l’absence d’additifs et au travail sur base de levain de lait), elle est proposée à seulement 3,95€ la pièce.
Accueil ? Efficace, professionnel et bien formé, même si la chaleur humaine n’est pas forcément ce qui le décrit le mieux. Dans tous les cas, l’organisation développée dans cette boutique rénovée – à l’aide du FISAC – avec goût, permet d’avoir l’assurance de ne pas trop attendre, même en période d’affluence. Libre-service traiteur, caisse manuelle et automatique… Les équipements ne manquent pas.
Le reste ? Une viennoiserie classique, accessible et bien maîtrisée, avec un généreux croissant pour seulement 1€. Côté pâtisserie, les grands noms du sucré sont représentés de façon honorable (éclairs, religieuses, tartes aux fruits, millefeuilles), accompagnés par des entremets simples mais néanmoins honnêtes. La gamme sucré prolonge cette offre sérieuse.

Faut-il y aller ? Emmanuel Merlhès – et sa famille, très impliquée dans l’affaire – reste fidèle à ses engagements et à sa « tradition » de qualité, qu’il développait déjà dans le 12è arrondissement parisien. Sa nouvelle implantation permet d’apporter ses valeurs en banlieue, ce qui n’est pas une mauvaise chose, à commencer pour les nanterriens. On n’enterre pas un Maître (du) Pain… même à Nanterre !

La société humaine agit bien souvent sans disposer du recul nécessaire pour mesurer la portée et les risques que peuvent impliquer ces actes. Disons que cela doit sans doute faire partie du processus menant au « progrès » : une prise de risque sans trop penser aux conséquences potentielles afin d’avancer… oublier un peu la peur liée à l’inconnu. Malheureusement, cela peut donner lieu à des accidents de parcours qui font date dans l’histoire. C’est ainsi. Je crois en réalité que le pire est atteint quand le mal se produit insidieusement, au fil du temps, ce qui le rend bien moins visible, comme insaisissable.

En matière de santé humaine, les exemples sont légion. Entre scandales liés à des médicaments peu fiables, d’autres liés à des médecins peu soucieux de la portée de leurs actes… La partie émergée de l’iceberg, en quelque sorte. Pourtant, au quotidien, c’est dans nos assiettes que la partie se joue, l’alimentation devant être « notre premier médicament », se transformant peu à peu en notre premier poison.
Il faut dire que la course à la productivité et aux rendements n’a pas échappé au secteur de l’agro-alimentaire. Matières premières de qualité douteuse, additifs variés, conservateurs, tout est bon pour maximiser les profits. Nous sommes en plein dans le sujet avec la récente mise en lumière d’une fraude à l’étiquetage de viande bovine. Les consommateurs ont été trompés, mais il me semble qu’ils continuent à l’être de façon tout à fait légale.

C’est le cas dans le pain, notamment. On nous promet des baguettes de Tradition dépourvues d’additifs, pourtant ce n’est pas tout à fait le cas. Les farines connaissent depuis bien longtemps un ensemble de « corrections meunières » qui visent à faciliter le travail des artisans boulangers. Elles permettent en effet de limiter les variations de propriétés, et donc de recettes, entre les récoltes de blé. Parmi ces manipulations, on compte l’ajout de gluten sec, riche en protéines, ce qui permet de faciliter la pousse du produit… Oui, mais le problème, c’est que ces derniers seraient mal tolérés à long terme par nos organismes. En réalité, j’ai été particulièrement sensibilisé au sujet, car on m’avait à un moment diagnostiqué une éventuelle intolérance – légère – au gluten. Même si des examens complémentaires ont montré que ça n’était pas le cas, la question s’est posée pour moi de savoir si la consommation de l’ensemble de ces pains, à la farine de qualité parfois douteuse, ne pouvait pas entrainer une telle situation à plus ou moins long terme.

Bien sûr, il ne s’agit pas de tirer sur l’ambulance : ces corrections sont malheureusement nécessaires pour nombre d’artisans, peu intéressés par leur métier et recherchant avant tout une farine facile à mettre en oeuvre, avec des garanties « solides » sur le résultat. Pour d’autres, c’est tout le contraire : ils aiment se poser des questions, acceptent le caractère vivant de la matière première et prennent plaisir à la travailler. Ces derniers peuvent ainsi se tourner vers des fournisseurs en phase avec ce mode de pensée, comme c’est le cas pour des petits moulins, à l’image de Roland Feuillas à Cucugnan, chez qui l’idée même d’une manipulation de son fait est inenvisageable. D’autres parviennent à commander une farine « sur mesure », comme Dominique Saibron ou la Maison Pichard. Tout est une question de volume et de volonté.

Sur l'étiquette de ce "clafoutis aux cerises" fabriqué en industrie, le gluten ajouté est bien mentionné.

Sur l’étiquette de ce « clafoutis aux cerises » fabriqué en industrie, le gluten ajouté est bien mentionné.

En définitive, ce qui demeure pour moi le plus choquant là dedans est le fait que le consommateur soit très mal informé sur ces sujets, alors que cela concerne sa santé. Difficile de savoir en boulangerie artisanale quels traitements a reçu la farine, même s’il s’agit de Tradition. Certains artisans ne le savent pas eux-mêmes… La situation serait presque moins floue en industrie, où les compositions des produits sont parfois très détaillées : ainsi, je lisais récemment sur un paquet de biscottes la mention précise de gluten ajouté. On peut ainsi réaliser son choix en connaissance de cause, même si la question des « risques » à long terme reste posée. Rendez-vous dans quelques années…

Plusieurs boulangers ont déjà eu l’occasion de m’en parler : les services sanitaires sont toujours plus exigeants lors de leurs contrôles. Normes nationales ou européennes, les règlements ne manquent pas et rendent parfois la vie des artisans difficile… alors qu’à côté de cela, des établissements profondément insalubres, aux pratiques honteuses subsistent. Il faut bien savoir que pour se conformer à l’ensemble des textes en vigueur, la plupart des boulangeries devraient disposer de laboratoires bien plus spacieux, et quand on sait le prix des loyers dans notre chère capitale, on se dit que l’équation économique serait bien difficile à réaliser. Le problème demeure et la pression est forte, car les chaines de restauration rapide ne voient pas d’un très bon oeil la place prise au fil du temps sur « leur » marché par les artisans… lobbying quand tu tiens.

Bref, peu importe, ce n’est pas réellement le sujet du jour, quoiqu’un peu puisqu’un boulanger parisien a fait preuve d’un courage tout particulier, bravant les interdits et les risques sanitaires en faisant pénétrer un Barbu dans son fournil… et même dans son pétrin, c’est vous dire. Pas n’importe quel barbu, en réalité : le Barbu du Roussillon. La scène aurait pu être déconseillée aux âmes sensibles si seulement il ne s’agissait pas en réalité d’une variété de blé ancienne, remise au goût du jour par Roland Feuillas et ses fameux Maîtres de Mon Moulin. En effet, ce dernier prend un plaisir particulier à redécouvrir des cultivars oubliés, mis sur le bas côté pour des questions de productivité.

Pain Barbu du Roussillon, Boulangerie Bonneau, Paris 16è

Dans ce cas précis, le Barbu du Roussillon avait été mis au rencart à la fin du 19ème siècle. Quelques graines retrouvées, replantées chez un agriculteur de Pia qui en assure la production sur 5 hectares… 17 ans pour obtenir un résultat, profondément inscrit dans son terroir. C’est ainsi que ce blé peut à nouveau offrir aux consommateurs ses grandes qualités nutritionnelles et gustatives.

Des glutens fragiles, une attention toute particulière nécessaire pour travailler cette farine, cela n’a pas pour autant arrêté Laurent Bonneau, qui prend visiblement beaucoup de plaisir à participer à l’aventure du « pain 100% Nature », initiée à Cucugnan.
Ainsi, hier et aujourd’hui, au 75 rue d’Auteuil, une joyeuse bande de Barbus nous attendait en boutique. Difficile de les rater, avec leur teint légèrement jaune et leur croûte bien dorée. Les pièces de 500g façonnées par l’artisan ne manquaient pas d’allure et se révélaient assez « denses » à la prise en main, une impression bien vite oubliée à la dégustation.

Vue tranchée, Pain Barbu du Roussillon, Boulangerie Bonneau, Paris 16è

En effet, c’est une fois rompu que les Barbus peuvent s’exprimer pleinement… alors laissons les parler. Laissons les nous offrir leurs notes chaleureuses, presque épicées – avec un fond malté qui ne serait pas sans rappeler… une bonne bière (la boisson préférée des barbus ?). Laissons les nous transporter tout droit dans leur terroir : le parfum de cette farine n’est pas sans rappeler celui des blés longuement dorés au soleil, car ce dernier n’est pas rare dans cette région. Ici, l’artisan a pris le parti d’un travail sur levain liquide, avec un faible marquage de son « empreinte » : la matière première s’exprime dans sa plus grand pureté, un fait que certains pourront regretter car il est toujours intéressant de retrouver une signature, un travail singulier sur les fermentations.
Cela n’en retire pas moins l’excellente conservation de ce produit, ainsi que sa mie bien hydratée, gourmande et enveloppée par une croûte fine. L’alvéolage irrégulier et assez marqué permet une agréable sensation de fraicheur à la dégustation.

Je dois avouer que j’étais plutôt dubitatif de prime abord : de tels pains, marqués par un discours sur le terroir, la naturalité et l’intérêt nutritionnel, allaient-ils trouver leur public au sein d’un quartier bourgeois, généralement inscrit dans une certaine tradition ? Je m’étais visiblement trompé, puisque la clientèle du 16è arrondissement plébiscite le produit, si bien qu’il se fait rare en début d’après-midi… Un excellent signe pour la démarche, et pour notre artisan, qui pourra ainsi continuer à nous faire profiter de ces « expérimentations » savoureuses.

Pain « Barbu du Roussillon », Boulangerie Bonneau – Paris 16è, vendu à la pièce le samedi et dimanche 2 & 3 mars 2013, 4 euros les 500g.

Je me prends parfois à me rappeler les activités futiles que l’on peut mener lorsqu’on est enfant. Peut-être est une recherche effrénée d’un passé perdu… ou tout simplement une façon souriante de se souvenir d’un temps où la légèreté était maîtresse. Parmi ces jeux, les phrases que l’on peine à prononcer rapidement, où il faut souvent s’y reprendre à deux fois. Vous savez, l’éternelle question de savoir si les chaussettes de l’archiduchesse… Bref, vous aurez compris. Revenons au monde sérieux des adultes, si tant est qu’il le soit réellement.

Boulangerie Edwige et David Babin, Soisy-sous-Montmorency

Cette semaine, j’avais envie de prendre l’air et de découvrir des secteurs où j’ai rarement l’occasion de me rendre. C’est ainsi que j’ai été à Soisy-sous-Montmorency, dans le Val d’Oise. 15 minutes de Paris, et pourtant, rien à voir avec l’agitation de la capitale. A quelques centaines de mètres d’Enghein-les-Bains et de son fameux hippodrome, Edwige et David Babin ont choisi de s’installer dans une petite boulangerie, en toute simplicité. La précédente affaire de l’artisan était bien plus reculée, et c’est la volonté de pouvoir s’exprimer plus librement qui l’a orienté ici. En effet, la clientèle n’est pas la même dans des zones rurales, et il est souvent difficile de proposer des gammes « originales » dans ces territoires.

Pâtisseries, Boulangerie Edwige et David Babin, Soisy-sous-Montmorency

L’originalité et les produits haut de gamme, David Babin les a bien connus, ayant oeuvré notamment à l’Isle-Adam, une ville assez bourgeoise, ainsi qu’au sein du laboratoire de Christophe Rouget à Beaumont-sur-Oise. Aujourd’hui, sa créativité est mise au service de sa propre clientèle, et notamment le week-end où il développe une large proposition de pâtisseries inventives. Ainsi, on retrouvera dans ses vitrines une religieuse Groseille-Framboise en cette fin de semaine, parmi de nombreuses autres douceurs. Le reste du temps, ce sont des gourmandises plus simples mais honnêtes qui sont proposées à la clientèle : tartes aux fruits, éclairs, … de quoi répondre à une envie sucrée sans caractère festif particulier.

Pains, Boulangerie Edwige et David Babin, Soisy-sous-Montmorency

Il ne faudrait pas oublier que nous sommes avant tout dans une boulangerie, et c’est bien pour le pain que nous venons ici au quotidien. La gamme n’est pas particulièrement étendue, un peu courte à mon goût, mais les fondamentaux sont bien maîtrisés : la baguette de Tradition – 1,15€ les 250g -, réalisée avec un peu de levain, offre une mie bien crémeuse et une croûte fine et craquante. Son parfum de froment prononcé est renforcé par les notes de levain, sans acidité. On notera également sa bonne conservation : elle a ainsi bien mérité sa 4è place au Concours de la Meilleure Baguette du Val d’Oise en 2012.
Pour les amateurs de pains un peu plus typés, la Corde, son mélange de froment et de seigle et son façonnage torsadé se révèle être un bon choix. Pour le reste, quelques classiques comme la baguette aux céréales ou des mélanges de fruits secs (pain Vigneron  aux raisins, …) ainsi que le pain Diabemix, au faible index glycémique.
Globalement, les cuissons sont assez bien menées (sur la Tradition, l’artisan prend soin de proposer une large étendue de cuissons) et les façonnages appliqués. La matière première a été sélectionnée avec soin, puisque ce sont les moulins Foricher qui livrent ici leur farine Label Rouge.

Viennoiseries, Boulangerie Edwige et David Babin, Soisy-sous-Montmorency

Pas beaucoup de fantaisie non plus sur le plan des viennoiseries ou du traiteur. Un croissant honorable à 1€, quelques propositions briochées dont une intéressante brioche d’Automne, incorporant de la pomme, des noix ainsi qu’un mélange d’épices, … de quoi composer un petit déjeuner gourmand ou un goûter. Quelques sandwiches sont proposés, accompagnés de plats chauds et tourtes feuilletées.

Pour l’accueil, c’est madame Babin qui veille au grain et prend soin de défendre le travail réalisé par son mari et toute son équipe au laboratoire. La structure est familiale, chacun s’y implique pour assurer son bon fonctionnement au quotidien.

Infos pratiques

2 bis avenue du Général Leclerc – 95230 Soisy-sous-Montmorency (gare d’Enghein-les-Bains, Transilien ligne H) / tél :
ouvert du mardi au samedi de 6h45 à 20h, le dimanche de 7h à 19h.

Avis résumé

Pain ? Même si la gamme demeure assez limitée, la baguette de Tradition est incontestablement la star des lieux avec son façonnage élégant, ses douces notes de levain ainsi que sa mie crémeuse, en contraste avec une croûte bien craquante. On appréciera sa bonne conservation et sa cuisson généralement bien menée. Pour le reste, la Corde et sa touche de seigle offre un caractère appréciable, sinon quoi il est aussi possible de se tourner vers les propositions aux céréales et autres pains briochés.
Accueil ? Sympathique et disponible, mené sous la vigilance de Mme Babin, laquelle a à coeur de répondre aux besoins de la clientèle tout en portant le message d’artisan de son mari. On se sent bien dans cette petite boutique familiale, où les produits sont proposés dans un bel esprit de simplicité.
Le reste ? En semaine, ce sont des douceurs bien traditionnelles que l’on retrouve ici : pâtes à choux (éclairs, Paris-Brest, …), tartes aux fruits, … accompagnés de meringues parfumées et autres pâtes de fruits, chocolats et biscuits secs. Le week-end, les vitrines prennent une autre allure avec des créations imaginées par David Babin : religieuses fruitées, entremets variés, chaque semaine les clients peuvent se faire plaisir avec des produits inventifs et sans cesse renouvelés. L’artisan s’exprime pleinement dans le domaine du sucré, tout en cherchant en permanence à aller plus loin dans sa maîtrise des techniques pâtissières (formations chez Bellouet Conseil, …).
Les viennoiseries ne sont pas en reste, avec un croissant tout à fait honnête et des brioches gourmandes. Pour le déjeuner, quelques sandwiches simples assurent l’essentiel, accompagnés de quelques plats chauds et tourtes.

Faut-il y aller ? La boulangerie Babin constitue une halte gourmande sympathique à Soisy-sous-Montmorency, non loin du Champ de courses d’Enghein-les-Bains. On aura tendance à préférer s’y rendre le week-end pour découvrir les créations de David Babin, pour qui la pâtisserie est un véritable moyen d’expression.

L’expression populaire voudrait que les voyages forment la jeunesse. C’est sans doute vrai, mais pourquoi réduire cette vertu aux seules têtes blondes ? Je crois au contraire que le voyage est nécessaire à tout âge, pour s’enrichir et s’ouvrir à d’autres goûts et cultures. Ainsi, on développe des valeurs importantes telles que la tolérance, la curiosité… et il n’est jamais trop tard pour le faire. Bien sûr, les occasions sont plus nombreuses quand les contraintes sont moindres, qu’il n’y a pas de famille à nourrir… mais hors de question de renoncer.

En tout cas, ce n’est certainement pas la démarche que certains ont adopté… au point d’en faire leur marque de fabrique, à l’image de Gontran Cherrier. L’artisan n’est jamais avare de créations aux inspirations multiples, parfois rattachées à ses envies du moment… ou bien à des partenariats noués avec des marques souhaitant mettre en valeur leurs produits de façon gourmande. Il faut dire que l’homme n’en est pas à son coup d’essai, avec des collaborations variées dans l’univers de la restauration – ses fameux buns multicolores ont d’abord servi pour plusieurs tables – mais pas seulement : par exemple, Ecusson l’avait sollicité pour créer des galettes assorties à leurs cidres.

Aujourd’hui, c’est l’association Qualité Landes qui a fait appel à ses services afin de mettre au point deux recettes, proposées jusqu’à la fin du mois (c’est à dire ce jeudi, malheureusement !) dans ses boutiques.
Un ingrédient salé et un sucré, issus de la dite région des Landes, sont mis à l’honneur. Pintade fermière et kiwi de l’Adour enfilent ainsi des habits briochés, lesquels parviennent à les mettre en valeur avec beaucoup de goût.

La brioche aux Filets de Pintade Fermière des Landes

La brioche aux Filets de Pintade Fermière des Landes

A commencer par la Brioche aux Filets de Pintade. Ici, la viande est marinée dans un mélange de gingembre, sauce soja, jus de citron vert, d’estragon, de coriandre, de ciboulette et de piment. Un mélange qui pourrait sembler explosif de prime abord mais qui parvient à trouver un certain équilibre. L’estragon exprime toute sa fraicheur, tandis que gingembre et citron vert apportent des notes acidulées. Ainsi, on peut apprécier le contraste marqué entre la douceur de l’enrobage brioché, lequel incorpore des flocons de pommes de terre, et la garniture aux accents vifs. A peine tiédi, ce produit d’apparence simple se révèle être particulièrement « cuisiné » et travaillé.
Vendu 4,5€ la pièce à emporter, 4,9€ dans le cas d’une consommation sur place.

La Brioche au Kiwi de l'Adour, Pamplemousse confit et Vanille

La Brioche au Kiwi de l’Adour, Pamplemousse confit et Vanille

Pour accompagner petits déjeuners ou goûters, le kiwi de l’Adour s’insère d’un mélange de pamplemousse confit et de vanille. Là encore, cette création joue sur les contrastes, mais aussi les textures. En effet, sa croûte est légèrement recouverte de sucre, lequel va figer à la cuisson pour créer une couche croquante.

L'intérieur de la Le dessous de la Brioche au Kiwi de l'Adour, Pamplemousse confit et Vanille, Gontran Cherrier, Paris 18è

Vient ensuite le moelleux de la brioche, le caractère « humide » de la garniture fruitée, puis les graines de pavot et leur saveur poivrée. Bien sûr, le pamplemousse et son amertume jouent en majeur sur l’ensemble, mais la douceur du kiwi et de la vanille travaillent là encore sur l’équilibre. Au delà du goût, le visuel soigné du produit et sa petite étoile dessinée sur la croûte suscitent l’envie et la gourmandise. On pourra bien entendu trouver que le prix est élevé, mais la réalisation de cette brioche nécessite une certaine quantité de main d’oeuvre.
Vendu 2,5€ la pièce d’environ 100g.

Le dessous de la brioche

Le dessous de la brioche

Cette sympathique promenade dans les Landes sera prolongée par deux autres chefs parisiens, lesquels apporteront eux aussi leur sensibilité pour valoriser des produits du terroir. Vous pourrez découvrir leurs créations mais aussi les recettes de Gontran Cherrier sur le site http://www.qualitelandes.com.
Voilà dans tous les cas une excellente initiative, qui met bien en avant le savoir-faire d’une région française !

J’essaie de suivre quasi systématiquement les recommandations de mes lecteurs. Elles ne sont pas forcément très nombreuses, mais qu’importe. Mon objectif n’est certainement pas d’en faire la publicité, d’ailleurs, je ne parle pas forcément de toutes les adresses que l’on peut me conseiller. Difficile en effet de toujours partager les avis de l’ensemble des amateurs de pain qui me lisent… tout comme l’inverse est aussi vrai ! C’est ce qui fait que l’échange est aussi intéressant.

Boulangerie Rainette, Paris 13è

Cette fois, c’est par le biais de Twitter que l’on m’a interpellé au sujet d’une jeune boulangerie, ouverte depuis la fin d’année dernière sur le boulevard de Port-Royal, dans le 13è arrondissement. J’étais sans doute passé à proximité plusieurs fois, mais sa discrète devanture ne m’avait pas arrêté ni réellement renseigné sur le fait qu’il s’agissait là d’une boulangerie. Pourtant, le Port Royal abrite désormais une… Rainette. Espérons simplement qu’elle ne nous file pas entre les doigts comme le font nombre de ses congénères grenouilles, car nous tenons là une adresse bien savoureuse.

Pas de doute à avoir, nous sommes bien dans une boulangerie. L’essentiel des références se concentrent sur le pain, au travers d’une gamme variée où le levain s’invite à chaque fois en note de fond. La baguette de Tradition n’y échappe pas, mais il serait bien malvenu de s’en plaindre : sa mie très hydratée et alvéolée laisse une belle impression de fraicheur, en contraste avec la croûte fine et craquante. Quelques notes acidulées viennent compléter la dégustation, tout cela pour un tarif particulièrement attractif : seulement 1 euro la pièce de 250g, l’artisan fait là un bel effort. Celui-ci est d’autant plus à saluer quand on connait la qualité de la matière première utilisée : en effet, les moulins Foricher livrent ici leur fameuse farine Label Rouge / CRC. On pourra seulement regretter les cuissons un peu courtes sur ces « petites pièces », travaillées par ailleurs à l’aide d’une diviseuse de type PanovA / Panéotrad.

Boulangerie Rainette, Paris 13è

Si je parle de petites pièces, c’est parce qu’il y en a aussi de grosses, et de belles : tourte de Meule, tourte de Seigle déclinée en diverses associations de fruits secs (noisettes-raisins, figues…), les amateurs de pains vendus au poids seront servis. N’oublions pas pour autant le sympathique pain à la Châtaigne ou à l’Epeautre. Quelques « classiques » développés par Foricher, également, comme le All Black et son mélange de céréales dans une mie sombre, dans l’esprit des pains allemands ou nordiques. Seul point regrettable, le fait que l’étendue de cette gamme pousse visiblement cette jeune entreprise à repasser certains produits le lendemain…

Dans le reste des présentoirs, pas de pâtisseries aux prétentions usurpées mais uniquement quelques douceurs très boulangères. Rien d’exceptionnel là dedans, une proposition relativement honnête, à l’image de celle proposée côté viennoiseries. Même pratiques pour le salé, où la gamme traiteur ne s’étend pas plus que de raison : quelques sandwiches, l’essentiel est là, tant mieux.

Le service, discret et peut-être un brin réservé, se fait beaucoup plus prolixe dès lors qu’il s’agit de parler des pains et de la qualité des matières premières, une implication agréable que l’on aimerait tellement retrouver plus souvent.

Infos pratiques

5 boulevard de Port-Royal – 75013 Paris (métro Les Gobelins, ligne 5)
ouvert du mardi au samedi de 7h à 13h45 et de 15h30 à 20h, le dimanche de 8h à 13h30.

Avis résumé

Pain ? Difficile de trouver des pains de cette facture dans le secteur, mis à part chez Alexis Anton rue Berthollet. En effet, la baguette de Tradition et ses douces notes acidulées de levain nous offre une mie très hydratée et alvéolée, avec une belle fraicheur en bouche. Bonne conservation malgré des cuissons un peu courtes, tout cela pour un prix particulièrement accessible : seulement 1 euro. Le reste de la gamme ne démérite pas, avec une savoureuse tourte de Meule, de Seigle – déclinée en plusieurs versions, enrichies de fruits secs, un pain d’Epeautre, de Châtaigne… dont la cuisson est d’ailleurs plus aboutie, à mon plus grand plaisir. Vous l’aurez compris, chez Rainette, nous sommes bien dans une boulangerie !
Accueil ? Un peu réservé, mais très professionnel et maîtrisant parfaitement les produits et leur méthode de fabrication. On sent une belle implication dans l’entreprise, fait suffisamment rare pour qu’il soit noté.
Le reste ? Les viennoiseries occupent la plupart des présentoirs, sans pour autant vraiment nous détourner du pain proposé ici. Elles se révèlent honnêtes, sans plus de relief. Quelques gourmandises les accompagnent, tout comme des sandwiches pour le déjeuner. Une simplicité bien appréciable quand on voit les offres surabondantes développées parfois, laissant une large part à l’industriel.

Faut-il y aller ? Voilà une excellente adresse pour ce quartier, où les boulangeries de qualité ne sont malheureusement pas légion. Ici, le pain est à l’honneur, autant en terme de qualité que de variété. Un peu plus, et cette nouvelle installation me ferait sauter de joie… comme savent si bien le faire ces petites grenouilles, les Rainettes. Espérons simplement que celle-ci rencontrera le succès qu’elle mérite pour éviter qu’elle nous file entre les doigts.