Les boulangeries sont des lieux de vie par excellence. Dès lors, il serait bien difficile d’apprécier toutes leurs qualités dès leur ouverture. En effet, au delà du parti-pris de l’artisan, ce sont aussi les clients qui impriment leur spécificités et leurs choix dans les murs. C’est ainsi que l’on peut conserver le mince espoir que les chaines industrielles ou semi-industrielles ne parviendront jamais à remplacer tout à fait ces boutiques de quartier… même si nos artisans ont tendance à se multiplier et à reproduire des concepts, eux aussi. Certains, oui, mais pas tous.

On critique souvent son caractère médiatique, l’importance donnée à son physique – je ne suis pas le dernier à le faire quand c’est nécessaire, et je dois dire que la récente couverture du Gault et Millau m’a laissé perplexe -, mais Gontran Cherrier reste attaché avant tout à la qualité des prestations proposées dans ses boutiques… et au goût des produits. Toujours ce goût, qui tient une place importante dans la démarche de l’artisan. J’ai souvent l’occasion d’en discuter avec lui, et c’est à chaque fois avec grand plaisir.

Gontran Cherrier, Saint-Germain-en-Laye

Du goût, lui et ses associés n’en ont en tout cas pas manqué dans l’aménagement de la boulangerie de Saint-Germain-en-Laye. J’avais eu l’occasion de vous en parler à son ouverture, elle a depuis revêtu ses habits définitifs, avec notamment la mise en place de sa devanture. Sobre et discrète, l’idée est de laisser à la clientèle le loisir de découvrir l’identité singulière de cette boulangerie en y pénétrant. Ce qui me frappe à chaque fois, c’est cet emplacement et le calme que procure le léger « retrait » vis à vis du centre ville. Un bel atout quand viendront les beaux jours (mais si, ils arrivent), car une superbe terrasse pourra se déployer ici.

L'espace épicerie et les confitures créatives élaborées par Ô Jardin Sucré

L’espace épicerie et les confitures créatives élaborées par Ô Jardin Sucré

En attendant, à l’intérieur, les Saint-Germinois ont marqué leurs goûts et opéré un vrai « dialogue » avec les équipes de Gontran Cherrier. Il faut dire que le responsable des lieux, Charles, y veille particulièrement. Ce passionné de pain, revenu depuis quelques mois de Montréal, oeuvrait déjà en boulangerie… mais également côté fournil ! Au contact de la clientèle, il a ainsi travaillé à l’adaptation de l’offre, avec des pâtisseries classiques et des pains vendus à la pièce plutôt qu’au poids. Ces ajustements démarquent cette boulangerie vis à vis des adresses parisiennes, et montrent bien qu’il est possible de donner une identité à chaque point de vente. On appréciera aussi les infusions et chocolats Coutume, venus rejoindre les cafés mis en place initialement, ainsi que les soupes de la Ferme de Gally. Ainsi, l’offre est complète et permet de passer un moment gourmand à toute heure de la journée.

Eclairs, tartes, Forêt Noire... des classiques recherchés par la clientèle locale

Eclairs, tartes, Forêt Noire… des classiques recherchés par la clientèle locale

Je ne doute pas du fait que ces évolutions continueront au fil des mois, mais le chemin déjà parcouru montre qu’une « rencontre » s’est réalisée ici entre une clientèle exigeante et une entreprise ouverte à ses attentes. Le choix de Saint-Germain-en-Laye se révèle tout à fait judicieux, car ses habitants possèdent un certain niveau de vie, en phase avec les produits et tarifs haut de gamme pratiqués par Gontran Cherrier. En attendant, profitons-en : les pains à la châtaigne sont encore proposés le week-end, jusqu’à épuisement du stock de farine (déjà atteint à Paris, malheureusement).

Infos pratiques

1 rue de la Grande Fontaine – 78100 Saint Germain en Laye (RER A Saint-Germain-en-Laye) / tél : 01 39 10 89 98
ouvert du vendredi au mercredi de 7h30 à 20h, 8h à 18h le dimanche.

Cela ne vous aura sans doute pas échappé, je vous propose de plus en plus fréquemment de quitter la capitale pour aller découvrir des artisans de banlieue. Non, je ne découvre pas la vie au delà du périphérique – puisque j’y habite moi même ! – mais il faut parvenir à sortir de notre parisiano-centrisme ambiant, et mettre en valeur les étoiles qui éclairent cette « jungle urbaine », très étendue et capable du pire comme du meilleur. C’est aussi l’occasion pour moi de m’aérer un peu la tête, surtout lorsque je prends plus de distance avec Paris.

A l'entrée de l'Isle-Adam

A l’entrée de l’Isle-Adam

Il faut croire que le hasard m’entraine souvent dans le Val d’Oise, ou bien que l’on me parle plus des bonnes adresses qui s’y trouvent. Dans tous les cas, je vous emmène aujourd’hui à l’Isle-Adam, un lieu charmant… Adam, charmant, je rapproche les deux mots pour que vous ne ratiez pas mon trait d’humour.
Lorsque l’on arrive ici, on peut difficilement rater le caractère assez « bon chic bon genre » de l’endroit. Cela peut se voir comme un héritage : en effet, la ville a été le fief puis le lieu de villégiature de certaines des plus grandes familles de la noblesse française avant de devenir au XIXè siècle une ville bourgeoise attirant les habitants de Paris et de nombreux artistes. Aujourd’hui demeurent deux châteaux (Conti et Stors), quelques monuments remarquables et… une plage. Quand je vous parlais de bourgeoisie !

Boulangerie Le Hoc'h, L'Isle-Adam (95)

Si nous sommes là, c’est avant tout pour tenter de faire un peu de tourisme… gourmand. En plein coeur du centre ville, ce sont ainsi trois échoppes qui peuvent attirer notre regard. A commencer par la chocolaterie-confiserie Vanille et Chocolat, au 3 Grande-rue. Ici, on peut apprécier – ou pas – le large déballage de ganaches, pralinés, pâtes d’amande, mais aussi de dragées, thés, cafés, glaces… En bref, un sacré bric-à-brac au bon goût plutôt relatif.

Vanille ChocolatAux Trois Petits Choux, L'Isle-Adam (95)

Côté boulangeries, les maisons Bidault et Le Hec’h se succèdent à quelques mètres et nous proposent malheureusement des produits bien ternes. Pour la première, les farines des Moulins Bourgeois, sélectionnées par cet artisan, ne sont pas franchement mises en valeur. Façonnages approximatifs, baguette de Tradition plutôt moyenne, on finira par se tourner vers une spécialité amusante, le « pain de Dieppe ». Entre le pain de mie et le pain viennois, cette boule moelleuse n’est pas sucrée, ce qui en fait un produit doux sans verser dans les excès que connaît parfois le domaine brioché. Le pain Normand qui l’accompagne se veut proche du Brié, sans nous donner envie d’aller revoir notre Normandie, comme dirait Frédéric Bérat.
Chez le couple Le Hec’h, on a choisi de faire confiance au groupement Banette, pour des résultats tout aussi médiocres. Dans les deux cas, mieux vaut s’abstenir de commenter les viennoiseries et pâtisseries débitées ici.

Boulangerie Le Hoc'h, L'Isle-Adam (95)

Une petite impression d’abattage que l’on ne retrouve pas si l’on s’éloigne un peu, que l’on cherche à rejoindre… Les Trois Petits Choux. C’est en effet le nom choisi par Sylvain Le Maux et son épouse Maryse pour leur boutique gourmande de l’avenue Michel Poniatowski. Ce pâtissier, passé par de grandes maisons comme Lenôtre, s’est entouré de trois petites têtes blondes avant de finir par poser ses valises ici fin 2001. Le succès rencontré par le couple et leur équipe les a rapidement engagés à réaliser des travaux d’aménagement – autant en vente qu’en production. L’affaire s’est même multipliée, avec un point de vente ouvert à Mériel. Aujourd’hui, c’est une boutique moderne, un peu bijouterie, qui s’offre à la clientèle. Un style peut-être un peu excessif au vu de l’environnement proche, plutôt verdoyant et loin du côté « bling-bling » que l’on pourrait retrouver dans la capitale.

Aux Trois Petits Choux, L'Isle-Adam (95)

Néanmoins, cela ne retire rien à la qualité du travail réalisé par cette équipe de 17 salariés. Ici, on vient avant tout pour le sucré, avec des pâtisseries créatives et des classiques soignés. Religieuses aux parfums de saison (pomme, crème de marron…), entremets, rien ne manque. Même constat du côté des chocolats, où l’artisan travaille une gamme à partir des couvertures Valrhona. Puisque nous sommes en plein lundi de Pâques, c’est d’ailleurs l’occasion de parler de ses créations : un oeuf-cube, une cabine de plage, un oeuf-burger, …

Les sujets de Pâques créatifs des Trois Petits Choux.

Les sujets de Pâques créatifs des Trois Petits Choux.

Du sérieux et une pointe de fantaisie que l’on retrouve dans le service, agréable et bien formé aux produits. Le constat est similaire côté boulangerie même si les pains de Tradition ont malheureusement tendance à manquer de cuisson et de caractère. Le Pain Stors (du nom du château proche, en réalité de la pâte de tradition cuite dans un moule) est amusant, sans plus. Les mies se font crémeuses, assez alvéolées, mais l’on se tournera plus volontiers vers la gamme biologique (réalisée avec les farines de l’Artisan Bio – moulins de Brasseuil) et son pain à l’épeautre ou la tourte de Seigle.

Les pains, Aux Trois Petits Choux, L'Isle-Adam (95)

Impossible cependant de passer à côté des viennoiseries et plus particulièrement de très gourmande brioche Cramique, que l’on trouve assez rarement chez nos artisans franciliens. Agrémentée de raisins et de sucre en grains, cette dernière se révèle moelleuse et savoureuse.

Les pâtisseries des Trois Petits Choux

Les pâtisseries des Trois Petits Choux

Non loin de là, citons également le Croque en Bouche, dont le propriétaire – Thibault Leymarie – possède une autre affaire à Viarmes, toujours dans le Val d’Oise.

Sur l'Oise...

Sur l’Oise…

Après toutes ces adresses gourmandes, il faut aussi profiter du calme et du paysage. L’Oise, qui borde la cité, nous offre un environnement boisé et apaisant qui nous ferait presque oublier que nous sommes toujours en Ile-de-France… Si bien qu’aller faire un tour à la plage n’en paraîtrait pas insensé !

Ville de l’Isle-Adam – Transilien ligne H – Gare de L’Isle-Adam – Parmain
Adresses citées :
Aux 3 petits choux – 48 avenue Michel Poniatowski / tél : 01 34 69 01 40
Boulangerie Bidault – 41 Grande Rue / tél : 01 34 69 01 51
Croque en Bouche – 76 rue de Nogent / tél : 01 34 69 11 19
Véronique & Florent Le Hec’h – 30 Grande Rue / tél : 01 34 69 00 20

Réflexions

30
Mar

2013

Savoir s’adapter

1 commentaire

Les espèces vivantes qui sont présentes aujourd’hui sur la surface de notre planète doivent leur longévité à une qualité essentielle : leur capacité d’adaptation à un environnement changeant. La terre n’a pas toujours été ce qu’elle est aujourd’hui, que ce soit en terme de conditions climatiques, de relief ou de végétation. De la jungle au désert, il  n’y a presque qu’un pas qui peut rapidement être engagé… Comme pour les activités économiques, en définitive. La conjoncture change rapidement, et les périodes de crise ou de reprise s’enchainent continuellement.

Nos artisans boulangers ne sont pas à l’abri de toutes ces variations, et ils doivent donc être en mesure de s’adapter pour survivre. En réalité, leur attention doit être autant portée sur l’état du marché que sur les attentes des consommateurs. Une boulangerie est le reflet d’un quartier, d’un environnement. Il serait donc bien difficile de développer une gamme qui ne corresponde pas à la clientèle locale. Certains artisans peinent parfois à trouver la « bonne note », la mesure vis à vis des moyens et des goûts développés au sein de leur chalandise : c’est un élément à ne pas négliger lorsque l’on s’installe ou que l’on reprend une affaire. Pour les chaines, difficile d’adapter complètement un concept, qui repose justement sur l’uniformité des points de vente et les économies d’échelle que cela permet. D’autres parviennent à se multiplier tout en cherchant à mettre en avant leur « singularité locale ». Eric Kayser le fait avec une certaine habileté, en proposant dans ses boutiques des « pains signature » portant le nom des quartiers où il s’implante, même si les bases demeurent bien souvent identiques. Si l’on va au delà de cette pratique marketing, on peut s’intéresser à des démarches plus poussées et honnêtes. Même si l’on peut reprocher à Gontran Cherrier son caractère médiatique et sa propension à se multiplier, l’artisan et ses équipes n’en savent pas moins capter la couleur locale et lui proposer une offre adaptée.

Une forêt noire, des éclairs, ... la gamme de pâtisseries développée chez Gontran Cherrier à Saint-Germain-en-Laye répond à la demande de "classiques" dictée par la clientèle locale.

Une forêt noire, des éclairs, … la gamme de pâtisseries développée chez Gontran Cherrier à Saint-Germain-en-Laye répond à la demande de « classiques » dictée par la clientèle locale.

C’est le cas notamment à Saint-Germain-en-Laye, dans sa toute dernière boutique. Ici, les adaptations ont été nombreuses : côté pâtisseries, de grands classiques de notre répertoire sucré sont déclinés, alors que c’est beaucoup moins le cas sur Paris : éclairs chocolat ou café, forêt noire, … Dans cette commune des Yvelines, la population assez bourgeoise et aisée apprécie les produits traditionnels. Même constat du côté des pains, où les créations les plus « agitées » n’ont pas franchi les portes : ainsi, pas de pain à la banane et au poivre, et une offre plus réduite en propositions vendues au poids. En effet, la clientèle ne comprenait pas l’intérêt de ce mode de vente, et s’orientait plus naturellement vers des pièces « figées ». Dès lors, difficile d’aller contre.

Boulangerie Tembely, Paris 18è

Pour d’autres, les contraintes se situent plutôt sur le plan tarifaire : il serait bien difficile de demander à une population peu aisée de mettre 8 euros du kilogramme dans un aliment de base tel que le pain. Est-ce un tort ? Cela devrait-il les contraindre à consommer un pain médiocre ? Certainement pas. Quelques uns le prouvent, comme le fait de façon admirable Anis Bouabsa et sa boulangerie Au Duc de la Chapelle ou bien Swan Casenove et son équipe chez Tembely, en plein coeur du quartier de la Goutte d’Or. Ici, pour des prix très doux, on peut s’offrir de délicieuses baguettes de tradition, des pains au levain savoureux, entre autres spécialités.

Je parlais également de conjoncture et d’environnement, et en la matière, l’artisanat a bien du soucis à se faire. Les industriels ou semi-industriels redoublent d’efforts pour s’implanter au plus près des consommateurs et leur proposer des équivalents « crédibles » à ce que sait produire un boulanger aujourd’hui : boulangeries « Ange », Marie Blachère et autres… mais aussi grandes et moyennes surfaces. A mon sens, la vraie réponse s’inscrit dans une adaptation par la qualité de l’offre artisanale : que ce soit en terme de matières premières, de méthodes de travail (longues fermentations, utilisation de levain naturel…) ou de diversité des produits, il est nécessaire de sortir des carcans imposés par certains réseaux boulangers ainsi que des recettes standardisées que la profession a développé au fil des années. Au delà du pain, ce sont des gourmandises accessibles mais néanmoins porteuses de marge qui doivent se développer… sans recours à l’industrie !

Caméléons d’aujourd’hui et de demain, nos artisans doivent donc développer leur souplesse et leur ouverture d’esprit… pour que les boulangeries vivent, et ce le plus longtemps possible.

J’aime les lieux, les entreprises et les projets atypiques. Ils mettent de la couleur dans un monde où l’uniformité est souvent de mise, que ce soit volontaire ou non. Difficile d’en vouloir à ceux qui choisissent de reproduire un modèle déjà éprouvé : en plus de les rassurer sur leurs chances de succès, cela leur évite d’avoir à mener des réflexions approfondies sur leur façon de procéder. Certes, tout cela est un peu triste, mais il n’y a qu’à voir combien le secteur de la boulangerie-pâtisserie sait aller dans ce sens, entre concepts standardisés, prémixes, …

Illustration à l'extérieur du magasin, Au Pain du Cardinal, Rueil-Malmaison (92)

Heureusement, certains créent des boutiques à la personnalité plus marquée, qui font que l’on s’en souvient forcément. C’est le cas du Pain du Cardinal, à Rueil-Malmaison. Atypique, l’endroit l’est pour plusieurs raisons. A commencer par son implantation : cette boulangerie a pris place dans l’ancien corps de garde de sentinelles du cardinal Richelieu, d’où son nom. Dans ce lieu très simple, dépourvu de toute fioriture, c’est le fournil qui s’impose en maître et se confond avec l’espace de vente.
Jean-Paul Guillaume, le propriétaire des lieux, n’avait pourtant rien qui le prédestinait à s’installer ici : ayant fait carrière dans les assurances et la banque, il s’est reconverti « sur le tard » à la boulangerie et rejoindre ainsi la fière armée d’artisans chargés de réaliser pains et autres gourmandises…

Au Pain du Cardinal, Rueil-Malmaison (92)

Ce parcours original – quoique de plus en plus fréquent, lorsqu’on voit le succès rencontré par les stages de reconversion professionnelle pour adultes – l’a sans doute amené à vouloir développer ce projet particulier qui se déroule ici au quotidien : en effet, l’ensemble des pains sont réalisés sur base de levain naturel… et vendus au poids. Pas de prix figé à la pièce, chacun peut prendre du plus petit au grand morceau. Le pain « signature », le Pavé du Cardinal, offre une mie souple et fraiche, avec une croûte fine et des parfums de levain doux. Pas d’acidité ici, mais une bonne conservation malgré des cuissons qui mériteraient d’être mieux gérées, le résultat ayant une désagréable tendance à la pâleur. Ne cherchez pas des façonnages artistiques, les pièces sont très rectangulaires et droites.

Les déclinaisons de pains. En fond, le fournil.

Les déclinaisons de pains. En fond, le fournil.

Les farines biologiques Decollogne mises en oeuvre pour la réalisation des produits sont rejointes par de nombreux ingrédients qui déclinent ainsi la même base de pâte : céréales, olives, amandes, noix de pécan, figues, noisettes, raisins, … tout y passe, avec des prix grimpant rapidement, puisque l’on se situe à plus de 9 euros du kilogramme sur ces déclinaisons « spéciales ».

La fameuse machine Distripain, à l'extérieur de la boutique. Un dispositif original... et un peu artisanal.

La fameuse machine Distripain, à l’extérieur de la boutique. Un dispositif original… et un peu artisanal.

Une baguette de Tradition plutôt honorable est également proposée. A l’extérieur, c’est une machine « Distripain » qui prend le relais en dehors des heures d’ouverture. Pour 2,2 euros la pièce d’environ 400g, le charmant automate nous délivre au choix une baguette à l’ancienne ou du pavé du Cardinal. Original…

Les plus gourmands se tourneront vers la fameuse Mouna, cette brioche parfumée à la fleur d’oranger, ou vers la Fouace, dont les origines nous sont plus proches. Rien d’intéressant à relever côté viennoiseries, et encore moins en pâtisserie, où les entremets tapageurs et éclairs se voulant modernes tranchent nettement avec la simplicité du lieu… tout en faisant fortement douter sur leur caractère artisanal.

On finira le tour par le service, bien formé et maîtrisant agréablement le mode de fabrication du pain ainsi que ses spécificités. Il sait de plus rester efficace malgré la relative difficulté du service « au poids », qui a toujours tendance à prendre plus de temps.

Les pâtisseries tranchent nettement avec la simplicité des lieux, pour un effet discutable.

Les pâtisseries tranchent nettement avec la simplicité des lieux, pour un effet discutable.

Infos pratiques

5 place Richelieu – 92500 Rueil-Malmaison (RER A, gare de Rueil-Malmaison) / tél : 01 47 51 88 83
ouvert tous les jours sauf le jeudi de 7h15 à 13h et de 16h à 20h, le samedi après-midi de 15h30 à 19h30 et le dimanche 7h30-13h.

Avis résumé

Pain ? Décliné avec de nombreux ingrédients plus ou moins gourmands (fruits secs, céréales, olives, …), le pavé du Cardinal, véritable signature de cette boulangerie, est travaillé sur un levain très doux, sans acidité, et offre une mie souple et fraiche. Sa croûte assez fine, ayant tendance à manquer de cuisson, garde une belle consistance avec le temps et assure une bonne conservation de l’ensemble. La baguette de Tradition ne se défend pas mal non plus, même si en définitive les tarifs pratiqués ici ont du mal à se justifier : les produits sont corrects, sans pour autant être exceptionnels.
Accueil ? Sympathique et souriant, possédant une bonne connaissance des produits et de leur mode de fabrication. L’efficacité n’en est pas pour autant perdue, les clients sont servis rapidement et dans un état d’esprit en phase avec les lieux : en toute simplicité.
Le reste ? Mis à part le pain, peu d’intérêt à rendre visite à notre ami le cardinal. Seules les Mounas et Fouaces peuvent justifier la gourmandise, car il n’y a certainement pas de quoi s’arrêter pour les pâtisseries tapageuses ou les viennoiseries sans grand relief.

Faut-il y aller ? Si l’on est amateur de pain biologique, réalisé sur levain tout en restant doux et sans acidité, pourquoi pas. La vente au poids est également très appréciable, car on peut ainsi choisir de n’acheter que ce dont on a réellement besoin, limitant tout risque de perte, malgré la bonne conservation du produit. Cependant, malgré la gamme variée en apparence, on retrouve en définitive une base commune à la plupart des produits et des tarifs relativement élevés.

Je vous avais déjà un peu parlé de la féminisation des fournils, du thème de la Fête du Pain l’an passé « la boulangerie au féminin »… En théorie, tout cela est bien joli, la filière semble vouloir s’ouvrir aux femmes, les intégrer et les considérer comme les égaux des hommes. En pratique, leur intégration se révèle bien plus difficile, et on m’indiquait récemment que beaucoup de boulangères ou pâtissières finissaient par abandonner le métier malgré la formation qu’elles avaient suivi, qu’elle soit initiale ou en reconversion. Un constat plutôt triste, qui tient à mon sens autant en la difficulté du métier qu’à l’absence de bonne volonté et d’ouverture chez nombre de professionnels, qui entretiennent encore aujourd’hui une vision passéiste de leur profession.

Marie-Lucie Jacquey et son  charmant sourire

Marie-Lucie Jacquey et son charmant sourire

Au delà de la « base », parlons aussi des instances dirigeantes et des entreprises qui composent la filière. Vous aviez dit pari-quoi ? Je n’ai pas vu beaucoup de femmes à responsabilité au sein de la confédération, ni même dans les entreprises de meunerie. Heureusement, il existe des exceptions. En effet, chez Decollogne, le poste de PDG se décline au féminin, puisque c’est Marie-Lucie Jacquey qui l’occupe, assurant ainsi la suite du président « historique », Jacques Denizet. Elle avait rejoint le groupe Dijon Céréales, auquel appartient le meunier, en tant que directrice adjointe Marketing et Développement courant 2011.

Pour cette jeune dirigeante dynamique – seulement 33 ans ! -, la meunerie demeure un secteur assez nouveau puisqu’elle a effectué l’essentiel de son parcours aux Etats-Unis, dans le domaine de l’agro-alimentaire. Cela lui permet d’apporter un regard extérieur, non engagé dans les nombreuses querelles de clocher qui parasitent le milieu. Son absence de formation meunière ne l’empêche pas de porter aujourd’hui la marque Decollogne avec beaucoup de dynamisme, et une envie de relever le challenge qui lui a été confié.

La plaquette commerciale Decollogne résume leur organisation (et leur équipe, resserrée mais travailleuse !), leur gamme et leur démarche.

La plaquette commerciale Decollogne résume leur organisation (et leur équipe, resserrée mais travailleuse !), leur gamme et leur démarche.

Il faut dire que le secteur est ultra concurrentiel, avec des acteurs prêts à tout pour s’imposer : bien sûr, le premier levier demeure les tarifs, sur lesquels certains n’hésitent pas à tirer plus que de raison. Loin d’apaiser la guerre, les artisans jouent le jeu et mettent en compétition leurs fournisseurs potentiels pour obtenir la farine le moins cher possible.
Marie-Lucie Jacquey et son équipe doivent donc défendre leur produit, tout en mettant en avant son caractère qualitatif et engagé.

En effet, même si l’on peut souvent reprocher à Decollogne le fait d’appartenir à un important groupement céréalier – en l’occurrence Dijon Céréales -, ce dernier a fait le choix d’investir dans le Bio et y consacre des ressources toujours plus importantes. Sur le plan humain, tout d’abord, avec des embauches régulières, mais aussi au travers d’un outil de production. Ainsi, le moulin historique de Précy-sur-Marne a été rejoint par un second, situé à Aiserey, en Bourgogne. Dans cette ancienne usine à sucre, les meules de pierre et cylindres sont entièrement dédiées à la production biologique et offrent une capacité d’écrasement de 25000T/jour, soit un peu plus du double qu’en Seine et Marne.

Decollogne s'engage dans la filière biologique afin de la développer

Decollogne s’engage dans la filière biologique afin de la développer

Toutes ces capacités ne sont pas utilisées, et cela fait partie de la lourde tâche de la PDG de les remplir. A commencer par une redynamisation du site de Précy, à présent dédié aux farines dites conventionnelles. Il ne faudrait pas pour autant oublier la démarche développée par le groupe, qui cherche à créer une véritable dynamique en Bourgogne autour de l’agriculture Biologique. Collaborations étroites avec les coopératives, mise en place d’un « club Bio Decollogne » regroupant des acteurs de la filière blé-farine-pain, centres de formation…

Cela amène Marie-Lucie Jacquey a parcourir la France pour porter son projet, auprès de ses clients ainsi que dans des salons professionnels… mais aussi à l’international, où l’entreprise trouve de nouveaux débouchés. A commencer par le Japon, avec des clients toujours plus nombreux (Dominique Saibron et ses implantations nippones en fait partie historiquement, et a participé à l’introduction de la marque sur ce marché), mais aussi en Chine prochainement… La liste ne demande qu’à s’étendre.
Grâce à sa forte sensibilité marketing, la dirigeante rattrape peu à peu le retard qu’avait pris sa marque sur ce plan au cours de ces dernières années, un fait regrettable aujourd’hui puisqu’il limite d’autant la visibilité des produits auprès des clients potentiels.

Sur ce flyer, on découvre la future gamme Grand Public de Decollogne, avec de petits conditionnements et leur charmant vichy vert. Futur objet culte : la petite boite en métal... On me dit que les japonais sont déjà prêts à se l'arracher !

Sur ce flyer, on découvre la future gamme Grand Public de Decollogne, avec de petits conditionnements et leur charmant vichy vert. Futur objet culte : la petite boite en métal… On me dit que les japonais sont déjà prêts à se l’arracher !

D’ailleurs, en parlant de clients, nous pourrons bientôt nous procurer la farine Decollogne pour réaliser chez nous des pains ou pâtisseries biologiques. En effet, une gamme destinée au grand public est en cours de développement, en plus des travaux sur des propositions plus gourmandes chez nos artisans boulangers (autour de la brioche et du croissant, notamment). Bref, de nombreux développements en perspective pour cette marque engagée… et dynamique !

Des bulles. En définitive, malgré toute l’application que l’on peut mettre à avoir l’air sérieux, à s’employer à répéter des tâches avec rigueur, nous passons notre temps à faire… des bulles, comme les enfants. Oh, il n’est plus question de savon, non, les moyens sont tout autres : les grands bambins que nous sommes soufflent dans des cercles financiers, dans les activités économiques. Seulement, les enjeux sont loin d’être les mêmes, nos bulles ne font plus que s’envoler et éclater avec légèreté, non, il est question d’emplois, et par extensions de vies humaines. Cela ne semble pas beaucoup nous émouvoir, puisque nous soufflons, soufflons, et souvent cela explose… Souvenez-vous des années sombres de l’Internet, des crises financières, et bien d’autres petits plaisirs.

Ces dernières années, les bulles savent aussi toucher le secteur de la gastronomie. Il n’y a qu’à voir l’éclosion de toutes ces épiceries fines dans nos centres-ville, portées par la vague des émissions culinaires et du « fait maison ». Pas sûr qu’elles survivent toutes, d’ailleurs, j’aurais tendance à penser que la tendance a déjà bien commencé à se tarir.
En dehors des moments où l’on prend le temps de se retrouver autour d’une table, il y a bien sûr ces semaines de travail, avec des pauses toujours plus courtes… ce qui explique sans difficulté le développement exponentiel de la restauration rapide ces dernières années.

Sur le stand Fedipat, la section traiteur ressemble fort à celle de certains "artisans" qui proposent des produits issus de l'industrie.

Sur le stand Fedipat, la section traiteur ressemble fort à celle de certains « artisans » qui proposent des produits issus de l’industrie.

Au point qu’il fallait bien lui consacrer un salon. Chaque année, Porte de Versailles, le « snacking » et les sandwiches ont droit à leur grand messe, couplée à un événement similaire autour de la restauration italienne et des pizzas. Le Sandwich & Snack Show, puisque c’est son nom, se tenait cette semaine – les 20 et 21 mars. Impossible de passer à côté… rien qu’à l’odeur. Le plus frappant dans ce genre d’événement reste pour moi l’environnement olfactif particulièrement chargé qui s’y développe. L’estomac bien accroché, ce sont ainsi des centaines de visiteurs convaincus de tenir « la pépite ». En effet, ce que j’ai pu ressentir ici, à l’image de ce qui m’avait frappé à Univers Boulangerie en fin d’année dernière, c’est que la restauration rapide fait figure d’eldorado pour nombre d’entrepreneurs ou aspirants. Forcément, quand on voit le développement – et le succès, c’est vrai – de certaines franchises, il y a de quoi faire tourner les têtes.

Reconnaissez-vous ces muffins, donuts et autres brownies ? Fabriqués par Panavi Vandermoortele, ils sont repris par nombre d'artisans...

Reconnaissez-vous ces muffins, donuts et autres brownies ? Fabriqués par Panavi Vandermoortele, ils sont repris par nombre d’artisans…

Le problème, c’est que tout est bien loin d’être rose dans cet univers. A commencer par les échecs, car il y en a : combien de petites unités ont fermé leur portes rapidement à l’ouverture ? Même le « leader mondial » en terme de nombre de points de vente, Subway, a perdu nombre de franchisés dont l’implantation avait été mal étudiée. Constat similaire du côté des enseignes de bar à pâtes, entre autres, les indépendants n’étant pas épargnés par le « mouvement ». Des bulles, je vous disais.
Puisqu’il est question de Subway, je ne peux omettre de reprocher à ce secteur sa capacité à produire des repas de bien piètre qualité.

Les douceurs sucrées prennent les formes des tendances actuelles : déclinaisons de choux colorés, entremets légers...

Les douceurs sucrées prennent les formes des tendances actuelles : déclinaisons de choux colorés, entremets légers…

C’est sans doute ce qui frappe le plus dans ce salon, au delà du fait que sa taille avait augmenté de façon exponentielle par rapport à l’an passé. Des produits industriels à foison, des conserves, des surgelés (et même la fameuse entreprise Comigel, transformatrice de vraie-fausse viande de boeuf pour des lasagnes surprise)… Le lot commun des offres développées à destination de nos employés pressés. Ainsi on devrait considérer que consommation rapide implique également préparation rapide. Qu’il est normal de sortir des barquettes de salades déjà préparées, de mettre en oeuvre du pain fabriqué en industrie, de proposer des gourmandises juste décongelées sur le point de vente.

Chez Bridor, on développe des sandwiches créatifs avec des pains aromatiques... une démarche qui n'est pas sans rappeler celle de l'un de nos artisans parisiens ?

Chez Bridor, on développe des sandwiches créatifs avec des pains aromatiques… une démarche qui n’est pas sans rappeler celle de l’un de nos artisans parisiens ?

Bien sûr, en marge de ces pratiques, la profession tente de se donner une image bien plus respectable : pendant ces deux jours, les interventions de grands chefs n’ont pas manqué, ainsi que les démonstrations autour de recettes développées par de grandes références du secteur. Il faut dire que certaines d’entre elles ne manquent pas de créativité et proposent des associations de saveurs tout à fait dignes d’intérêt, à l’image de Bridor qui développe en partenariat avec Lenôtre une gamme inventive, dont nos artisans devraient parfois s’inspirer. Seulement voilà, on touche ici au « haut du panier », ces quelques arbres cachent une forêt où les loups se promènent en liberté…

Ces feuilletés noix de pécan ne sont pas sans me rappeler ceux proposés dans une enseigne se targuant de proposer des produits de haute qualité à Paris... Pas très glorieux.

Ces feuilletés noix de pécan ne sont pas sans me rappeler ceux proposés dans une enseigne se targuant de proposer des produits de haute qualité à Paris… Pas très glorieux.

Le plus triste dans tout cela, c’est sans doute que notre boulangerie-pâtisserie artisanale laisse entrer cet univers dans ses boutiques. Pour les excuser, on pourra dire que les appels du pied sont nombreux, les discours des commerciaux bien rodés, et la tentation des coûts peu élevés très forte. Coup de Pâtes, Fedipat, … il ne manquait personne, et les stands ressemblaient parfois à s’y méprendre aux vitrines que l’on retrouve aujourd’hui chez nos « artisans » d’hier. Le jeu était presque de trouver quel produit on avait repéré dans la boulangerie en bas de chez soi… avec, malheureusement, beaucoup de chances de gagner.

Sur le stand Château Blanc, filiale du groupe Holder, on retrouve des pains proposés en boutique Paul (benoiton, pains aromatiques). Qui a dit "maison de qualité" ?

Sur le stand Château Blanc, filiale du groupe Holder, on retrouve des pains proposés en boutique Paul (benoiton, pains aromatiques). Qui a dit « maison de qualité » ?

Gagner, gagner, non, au final, tout le monde est perdant : le savoir-faire se désagrège, les consommateurs perdent confiance et, dans une certaine mesure, le sens du goût : on ne leur propose que des saveurs uniformisées, standardisées. Plus de relief, juste la perspective de repas tristes.

Ah, l'un de nos "140 meilleurs boulangers français" s'est associé à Bridor pour créer des pains : forcément, cela donne une autre dimension à l'industriel.

Ah, l’un de nos « 140 meilleurs boulangers français » s’est associé à Bridor pour créer des pains : forcément, cela donne une autre dimension à l’industriel.

Le « show » a été assuré, la messe est dite. La bulle grossit doucement, et sincèrement, j’en viendrais presque à espérer qu’elle éclate, et que les consommateurs se tournent à nouveau vers des offres plus saines et honnêtes. A noter que cela n’est pas impossible, certaines enseignes et artisans y parviennent très bien : à Paris, cojean a bien fondé son succès sur cet engagement de qualité, de goût et de fraicheur. Côté boulangers, de nombreux artisans proposent sandwiches et en-cas artisanaux et respectueux de leur promesse d’authenticité. Fort heureusement, tout n’est pas perdu.

Les classements. J’ai appris à détester cette société de la performance, de l’obsession du « meilleur ». De cette façon, on parvient merveilleusement bien à se marcher les uns sur les autres, à oublier l’essentiel : vivre, tout simplement, et apprécier les plaisirs simples que peuvent nous apporter des produits, des sourires, le caractère tout simplement humain que porte la boulangerie. On me demande souvent quelle est la meilleure boulangerie parisienne selon moi… Question à laquelle je refuse de répondre, tout d’abord car je n’ai pas de réponse, mais aussi parce que la discipline est mouvante, vivante, et qu’il s’agit d’apprécier l’ensemble avec sensibilité et ouverture.

Tout le monde n’est pas comme moi, après tout, pourquoi pas. Je ne suis pas quelqu’un de fermé ni de borné, n’en déplaise à certains qui pourraient le croire. Ainsi, quand on m’a annoncé la publication par le magazine Gault & Millau d’un classement regroupant les « 140 meilleurs boulangers français », c’est avec curiosité que j’ai acheté la revue.

Gontran Cherrier est mis en avant sur la couverture, mais également sur plusieurs pages. Une exposition discutable, d'autant que l'on reproche souvent l'importance que peut prendre son image vis à vis de ses produits...

Gontran Cherrier est mis en avant sur la couverture, mais également sur plusieurs pages. Une exposition discutable, d’autant que l’on reproche souvent l’importance que peut prendre son image vis à vis de ses produits…

Comme d’habitude, il y a « à boire et à manger ». Je ne reviendrai pas sur le discours tenu, sur les farines « plus riches », « plus concentrées », qui seraient apparues ces dernières années (?!), ni sur le fait que le travail sur levain naturel est érigé en panacée absolue de la panification. Il est possible de réaliser d’excellents pains sur levure, tout est une question de méthode de fabrication… d’autant que ce fait est en définitive reconnu par le Gault & Millau, puisque des produits mettant en oeuvre cet agent de fermentation sont plébiscités dans le classement. Vous cherchez encore à comprendre ? Moi pas.

L'intérieur, Gault & Millau Mars 2013

Il me serait bien difficile de parler des boulangers de province cités dans ce magazine, mis à part de Roland Feuillas ou bien d’Eric Marché. Je noterai malgré tout l’absence de Benoît Fradette, le fameux Farinoman Fou d’Aix-en-Provence, dont le travail demeure à mon sens particulièrement intéressant.

Pour revenir en terre « painrisienne », je dois avouer que quelques éléments du classement n’ont pas manqué de me faire sursauter :

  • Dans le Top 10, on retrouve Jean-Luc Poujauran, alors que son pain n’est plus proposé au grand public depuis bien longtemps. Certes, il reste possible de se le procurer chez quelques revendeurs, mais est-ce bien là une démarche normale dès lors qu’il s’agit de pain ?
  • Toujours dans ce haut du panier, Frédéric Lalos est mis en avant alors qu’il détient plusieurs boutiques, aux niveaux de qualité pour le moins… variés. Il n’est pas fait mention de l’adresse visée, et je dois dire que l’évocation du Longuet – un pain réalisé à partir d’un mélange aromatique développé en partenariat avec Philibert Savours – demeure plutôt gênante lorsqu’on fustige quelques lignes auparavant les ingrédients ajoutés pour donner du goût.
  • Le Boulanger de Monge apparaît dans le classement alors que cela fait bien longtemps que l’enseigne a perdu toute sa superbe. De plus, le nom de son gérant est cité alors que ce dernier n’est pas boulanger.
  • Des boulangeries reprises récemment intègrent le classement alors que nous ne disposons que peu de recul vis à vis de leurs gammes, et que ces dernières sont loin d’être tout à fait en place.
  • Le « reste » des boulangers sert de fourre-tout, avec des informations dépassées (Christian Marceau n’est plus chez Béchu depuis déjà quelques temps, par exemple) et beaucoup de boulangers ne méritant même pas d’être cités, tant leur production est aujourd’hui plus que moyenne. Dire que Rodolphe Landemaine ou Christophe Rouget se retrouvent dans ce pot-pourri, il y a tout de même un problème… à croire que c’est la capacité à s’imposer sur la scène médiatique qui prime, en définitive.
Le classement se détaille entre le top 10, les coups de coeur, les autres... et puis le "pot pourri" par région.

Le classement se détaille entre le top 10, les coups de coeur, les autres… et puis le « pot pourri » par région.

Pour le reste, il y a tout de même beaucoup de vrai, d’excellents artisans voient leur talent et leur implication reconnue comme on aimerait que ce soit le cas plus souvent (Jean-Paul Mathon intègre notamment le « top 10 national », une belle récompense pour ce boulanger trop discret). Dommage toutefois que les photographies mettent en valeur un nombre réduit d’adresses, dont la plupart n’en ont pas besoin… Philippe Boé a cédé à la tentation de la facilité, encore une fois. On regrettera également son manque de précision sur certaines informations, avec plusieurs patronymes écorchés, ce qui ne fait pas bien sérieux. Bref, ce n’est certainement pas aujourd’hui que je deviendrai amateur de classements !

Même sur les pages dévolues aux boulangeries de région, les illustrations sont issues d'adresses parisiennes. Cela met assez peu en valeur le formidable travail que peuvent réaliser ces artisans, souvent disséminés et un peu "seuls".

Même sur les pages dévolues aux boulangeries de région, les illustrations sont issues d’adresses parisiennes. Cela met assez peu en valeur le formidable travail que peuvent réaliser ces artisans, souvent disséminés et un peu « seuls ».

Pour information, le « Top 10 » : A Paris : Jean-Luc Poujauran, Christophe Vasseur – Du Pain et des Idées, Frédéric Lalos, Jean-Paul Mathon – La Gambette à Pain / Ailleurs : Mickaël Morieux (92 – Boulogne-Billancourt), Michel Izard – La Maison du Boulanger (29 – Lannillis), Franck Deperiers – La Petite Boulangerie (44 – Nantes), Alex Croquet (59 – Lille & Wattignies), Nicolas Streiff (57 – Lixing-lès-Saint Avold), Michel Corneloup, Le boulanger bio (42 – Le Coteau), Jean-Luc Beauhaire (31 – Léguevin)

En matière de reprise d’affaires, je comprends de plus en plus qu’il y a plusieurs écoles : certains sont très empressés de tout casser pour imposer leur image, d’autres préfèrent y aller plus doucement et s’introduire dans la clientèle par leurs produits, tandis que d’autres font le choix délibéré de reprendre trait pour trait la gamme développée jusqu’alors dans les lieux. Tout est une question de personnalité, de réputation, de confiance en soi… mais aussi de moyens, car l’aménagement d’une boutique n’est pas un investissement décidé à la légère !

Ces dernières années, Rodolphe et Yoshimi Landemaine ont discrètement « tissé leur toile » dans la capitale en reprenant des boulangeries implantées dans divers quartiers parisiens. D’abord le 9è, avec la rue de Clichy et la rue des Martyrs, puis le 11è et enfin le 18è en 2012. Il faut bien le dire, leurs deux adresses autour de la place Léon Blum n’étaient pas des plus reluisantes, un peu bloquées dans les années 80 et continuant à afficher l’héritage peu glorieux de leurs prédécesseurs. Une situation à laquelle la maison a choisi de remédier en ce début 2013, avec un programme de rénovation complète des deux boulangeries.

Boulangerie Landemaine Voltaire, Paris 11è

La première servie aura donc été celle que l’on surnomme « Voltaire » chez les intimes, au 130 rue de la Roquette. L’ancienne devanture bleue de cette boutique d’angle a fait place au gris sobre et clair qui représente la signature de la maison Landemaine. Cet emplacement de choix n’était pas mis en valeur par le côté sombre et étriqué des lieux, un fait désormais bien révolu.
En effet, si l’on doit retenir deux éléments du parti-pris de l’artisan, ce sont bien la luminosité et la sobriété. Cela ne laisse que peu de doutes quant aux nombreuses inspirations japonaises que porte la maison, toujours entre Paris et l’Asie.

Rien à voir avec l'ancienne boutique, à l'aspect étriqué et sombre. Les larges présentoirs mettent en valeur pâtisseries, viennoiseries, pains et autres gourmandises. Esprit sobre, détails soignés (lampes style industriel, chemin lumineux au plafond, meubles vieillis...), la qualité de finition est très appréciable.

Rien à voir avec l’ancienne boutique, à l’aspect étriqué et sombre. Les larges présentoirs mettent en valeur pâtisseries, viennoiseries, pains et autres gourmandises. Esprit sobre, détails soignés (lampes style industriel, chemin lumineux au plafond, meubles vieillis…), la qualité de finition est très appréciable.

A l’intérieur, le contour lumineux – entièrement réalisé en LED, associant ainsi économies d’énergie et durabilité – qui chemine autour du plafond apporte une touche distinguée et soignée qui souligne bien le carrelage blanc et les éléments d’aménagement.
Entrer ici, c’est un peu faire un retour dans le passé, au début des années 1900, mais avec tout l’éclat et la qualité de finition que savent produire nos artisans aujourd’hui. Meubles patinés, présentoirs de pain en fer forgé, lampes chinées au hasard des rencontres, vieux miroir… Rodolphe Landemaine a pleinement exprimé ses choix et est allé plus loin dans sa recherche de sobriété, déjà entamée lors de l’aménagement de sa boutique de la rue de Clichy. Son partenaire Pep’s Création n’a eu qu’à suivre ses directives… pour un résultat déjà tout à fait convaincant.

Deux postes de caisse ont été installés afin d'assurer un service fluide. Derrière elles, le pain se décline parmi les désormais classiques de la pain : baguette de Tradition, de Campagne, tourte de Meule, ... servi par un personnel renforcé.

Deux postes de caisse ont été installés afin d’assurer un service fluide. Derrière elles, le pain se décline parmi les désormais classiques de la pain : baguette de Tradition, de Campagne, tourte de Meule, … servi par un personnel renforcé.

Je dis « déjà » car il reste bien sûr des finitions à réaliser, notamment en terme de flux de clientèle : il sera rapidement possible de sortir sur le côté, guidés par une élégante table à gourmandises, ce qui facilitera le service. Un meuble à boissons viendra compléter l’ensemble rapidement. Pour autant, l’essentiel est là : cette impression d’espace, de clarté, qui n’étaient pas présents auparavant. Un véritable plus pour la clientèle – déjà enchantée de ce changement – mais aussi pour le personnel, qui dispose à présent d’un outil fonctionnel et agréable, aussi bien en vente qu’en production. L’organisation de cette dernière a été revue en parallèle, pour la rendre plus efficace et pertinente. Des avancées qui ne manqueront pas de se retrouver sur les produits vendus ici, avec une gamme toujours plus gourmande et savoureuse : impossible de passer à côté de la fameuse « baguette de Campagne » et ses notes chaudes de miel, ou du pain Forestier et son mélange de céréales et fruits secs. Les plus pressés apprécieront les quarts de tourte de Meule pré-tranchés et conditionnés, disposés sur le côté de la caisse, ainsi que la gamme variée de pains de mie à venir prochainement.

A l'extérieur, les lanternes font de cette boulangerie un véritable phare à la nuit tombée. Avec son emplacement très central, impossible de la rater en venant de la rue de Charonne ou de l'avenue Ledru-Rollin.

A l’extérieur, les lanternes font de cette boulangerie un véritable phare à la nuit tombée. Avec son emplacement très central, impossible de la rater en venant de la rue de Charonne ou de l’avenue Ledru-Rollin.

Prochaine étape ? Faire la même chose de l’autre côté de la rue, dans l’autre boulangerie Landemaine du 11è arrondissement. La même chose ? En réalité, pas tout à fait : l’artisan souhaite que chaque boutique conserve sa propre identité, pour ne pas créer une chaine sans âme. Les travaux ne devraient d’ailleurs pas tarder à commencer… Affaire à suivre !

Infos pratiques

130 rue de la Roquette – 75011 Paris (métro Voltaire, ligne 9) / tél : 01 43 79 98 03
ouvert du mardi au samedi de 7h à 20h30, le dimanche jusqu’à 20h.
Site web : http://www.maisonlandemaine.com

On peut – et on doit, sans doute, en silence – me reprocher mon caractère très « parisien ». Même si je suis banlieusard depuis toujours, il est vrai que les habitudes de la région parisienne ont déteint sur moi plus que je ne le souhaiterais parfois, et que ma vision des choses peut en être modifiée en conséquence. Malgré tout, j’essaie de garder une ouverture d’esprit optimale, de comprendre avant de juger et de me dire que si c’est différent, c’est sans doute que cela répond mieux à un certain mode de vie… qui n’est pas le mien – mais qu’importe !

Sylvain Joubert, Taverny (95)

Ainsi, quand je m’éloigne de la capitale, je saisis parfois la couleur locale… même si nous sommes toujours en Ile-de-France, les habitudes tendent à changer dès lors qu’on s’approche de ses frontières. Entre Taverny et Beauchamp, Sylvain Joubert n’est pas installé en centre ville mais à côté d’un centre… commercial, avec son supermarché. Une ambiance un peu « campagne », en quelque sorte.

La devanture de la boulangerie Joubert met bien en avant les prix obtenus par la maison... et ses salariés : une bonne façon de les impliquer dans une démarche qualitative.

La devanture de la boulangerie Joubert met bien en avant les prix obtenus par la maison… et ses salariés : une bonne façon de les impliquer dans une démarche qualitative.

Il ne faudrait pas pour autant négliger cet artisan talentueux et passionné, qui est parvenu à fidéliser une clientèle nombreuse. Cette dernière ne s’est pas trompée sur la qualité de ses produits, régulièrement primée lors des concours professionnels : tartes aux pommes, éclairs au chocolat, galette des Rois, baguette de Tradition… que ce soit en catégorie patron ou ouvriers, c’est l’ensemble de l’équipe de la boulangerie Joubert qui a à coeur de valoriser ses produits. Tant mieux, car on retrouve ce même engagement au quotidien. A commencer par le pain, où la gamme, même si très classique (variations autour des graines et céréales, pain complet, …) est réalisée avec sérieux. Sans doute est-ce pour ne pas nous détourner de la « star » de l’endroit, la baguette de Tradition, laquelle offre un parfum de froment très pur et marqué, accompagné d’une belle fraicheur en bouche. On regrettera cependant la conservation juste moyenne de ce produit, sa croûte fine ayant tendance à perdre de sa consistance assez rapidement malgré des cuissons bien menées.

La large gamme de viennoiseries

La large gamme de viennoiseries

Une chose est sûre, les becs sucrés ne sont pas déçus de leur visite ici : Sylvain Joubert et son équipe prennent visiblement beaucoup de plaisir à proposer des produits variés, et souvent renouvelés. Ainsi, au rayon des viennoiseries, les très fondants et feuilletés croissants côtoient des propositions inventives, telle que la « rose aux pommes », la « croustade Nutella », entre autres torsades, pains suisses ou encore déclinaisons autour du flan (nature, chocolat ou noix de coco). Un goût pour la diversité qui se retrouve tout autant en pâtisserie, avec là encore des classiques (tartes aux fruits, religieuses, éclairs) et créations maison (entremets variés autour des fruits, du caramel, du café…). Pour Pâques, le chocolat est également mis à l’honneur avec des sujets colorés.
Difficile de passer à côté des tendances, et la maison développe pour y répondre une gamme de macarons ayant le bon goût d’éviter l’écueil de la surenchère tapageuse que l’on retrouve souvent.

Pâtisseries, Sylvain Joubert, Taverny (95)

Le traiteur n’est pas mis à l’écart, avec un choix de plats du jour, salades et autres croques gourmands. De quoi composer un repas complet et rapide, qu’il soit à consommer sur le pouce ou pourquoi pas chez soi, notamment en cas de… grosse fatigue !

Des sujets de Pâques gourmands et colorés

Des sujets de Pâques gourmands et colorés

L’accueil sait se montrer professionnel et efficace, avec une bonne formation. Le service est ainsi réalisé avec rapidité et courtoisie, difficile de demander plus sinon un peu moins de « distance » avec la clientèle, les actions semblant être plus guidées par l’automatisme que par l’humain.

Infos pratiques

2 avenue de Verdun – 95150 Taverny (Transilien Ligne H, gare de Taverny ou de Montigny-Beauchamp) / tél : 01 39 60 21 22
ouvert du mardi au samedi de 7h à 19h45, le dimanche de 7h à 13h30.

Avis résumé

Pain ? La maison Joubert propose une gamme très classique, avec diverses déclinaisons autour des céréales, des graines, un pain complet ou « de campagne ». Rien de bien particulier ni de créatif, ce qui nous conduit tout naturellement à nous concentrer sur la baguette de Tradition. Nous n’avons d’ailleurs certainement pas à le regretter, puisqu’elle nous offre son agréable parfum de froment et son très léger fond de levain, sans acidité. Sa mâche fraiche et sa croûte fine, accompagnées par des cuissons bien abouties, en font un produit très gourmand. Dommage toutefois que sa conservation soit plutôt moyenne, le produit ayant tendance à perdre rapidement de ses qualités organoleptiques, et notamment de sa consistance.
Accueil ? Sérieux, professionnel et efficace. La chaleur humaine pourrait sans doute être un petit peu plus présente, mais rien de particulier à signaler de ce côté, puisque les produits sont bien maîtrisés et la rapidité du service assurée.
Le reste ? C’est sans doute sur le secteur sucré que Sylvain Joubert et son équipe expriment le mieux leur savoir-faire. Les nombreux prix obtenus aux concours de la galette aux amandes, du croissant, de la pâtisserie… en attestent, et c’est mérité : difficile de passer à côté du superbe croissant proposé ici, avec son façonnage appliqué et son feuilletage croustillant. Pour autant, les spécialités maison ne déméritent pas, avec de sympathiques torsades ou « roses aux pommes ». Un parcours gourmand qui se prolonge avec des pâtisseries classiques ou créatives honnêtes et soignées, avec régulièrement de nouvelles créations. Ces dernières rencontrent par ailleurs un vif succès le week-end, où la clientèle se presse nombreuse aux portes de l’établissement pour découvrir les saveurs rassemblées par l’artisan.
En traiteur, les salades, plats du jour et autres en-cas complètent ce tableau sérieux.

Faut-il y aller ? Sylvain et Anita Joubert tiennent à Taverny une maison bien gourmande, aux produits honnêtes et accessibles. Plus que sur le pain, on se concentrera ici autour des douceurs proposées par l’artisan et son équipe, car ces dernières ne manqueront pas d’enchanter petits-déjeuners et fins de repas.

Je vous dois bien une confidence : les brioches ont longtemps eu toutes les peines du monde à recueillir mes faveurs. J’en gardais des souvenirs plutôt lointains, souvent trop beurrés, légèrement écoeurants, me faisant préférer pour tous mes petits-déjeuners du pain à l’opportunité réconfortante du moelleux d’une de ces fameuses spécialités… Il faut dire qu’en la matière, toutes sont bien loin de se valoir, et que le savoir-faire de l’artisan est particulièrement mis à contribution : si ce dernier est talentueux, le résultat sera léger, agréable, … tandis qu’à l’inverse, le produit pourra se révéler peu digeste, trop riche et dénué de toute fraicheur. Bien sûr, les brioches industrielles se classent souvent dans cette catégorie, de par les excès volontaires réalisés pour leur fabrication (on « surdose » pour donner du goût), le manque de temps laissé pour la fermentation du produit, ou encore l’ajout d’additifs.

Je ne sais plus comment je me suis réconcilié avec ces douceurs matinales. J’ai certainement du appeler un de ces talentueux médiateurs, comme Gontran Cherrier, lequel propose dans ses boutiques une Vendéenne qui ferait chavirer le coeur du plus endurci des réfractaires au genre. En la matière, on compte également à la Garenne-Colombes un éminent spécialiste du sujet. Nicolas Bernardé ne s’est pas contenté d’en réaliser au sein de son laboratoire, non, il leur a consacré un plein ouvrage aux éditions Marabout en 2011. Brioches, puisque c’est naturellement son nom, propose aux gourmands débrouillards de réaliser eux-mêmes ces douceurs, de la plus basique à la plus sophistiquée.

Brioche aux amandes, Nicolas Bernardé (92)

Ecrire, c’est bien, mais notre artisan-MOF sait avant tout agir… et nous proposer, en fin de semaine, une brioche en fin de semaine au sein de sa boutique de gourmandises. Selon l’humeur du chef, elle pourra se parer d’éclats de pain d’épices, de pralines, de macarons… Cette semaine, c’était au tour des amandes de pénétrer dans la mie pour lui apporter ses saveurs gourmandes. En effet, ces dernières apportaient au produit des notes chaudes et croquantes, relevées par le traitement apporté aux fruits en amont (torréfaction pour certaines, tandis que d’autres n’étaient pas sans rappeler les dragées).

Brioche aux amandes, Nicolas Bernardé (92)

Il ne faudrait pas pour autant se concentrer sur ce seul ajout, non, l’essentiel est ailleurs : comme pour les pains, il ne faut jamais négliger la « base » : la mie, la croûte, la cuisson… Cette dernière, bien aboutie, sans pour autant être trop marquée, permet à la brioche de Nicolas Bernardé et son équipe d’exprimer de beaux arômes de caramélisation, qui contrastent avec la douceur beurrée de la mie. Fondante, moelleuse, on notera sa couleur légèrement jaune, signe de l’utilisation d’une certaine quantité d’oeufs et de beurre… que voulez-vous, les brioches sont assez riches par essence, mais le tout est de trouver la juste mesure.

Vue tranchée, Brioche aux amandes, Nicolas Bernardé (92)

Un défi largement relevé par le pâtissier, qui nous propose en définitive une brioche très… pâtissière, raffinée et loin du caractère un peu « brut » des produits que peuvent nous proposer certains artisans boulangers. Tout est une question de sensibilité, et dans le cas de cette spécialité « à la frontière » des deux mondes, il est intéressant de découvrir les partis-pris de chacun. Bien sûr, le plaisir se fait aussi visuel dans le cas présent, avec un tressage élégant et un léger saupoudrage de sucre glace. Une harmonie que l’on aurait presque peine à rompre… si ce n’était pas pour se délecter des savoureuses miettes qui ne manquent pas de se former à la découpe ! Ce serait bien dommage, car même si la conservation de cette brioche est excellente, il ne faudrait pas en perdre… une miette, justement.

Brioche aux amandes, Nicolas Bernardé – La Garenne-Colombes (92), proposée le week-end du 16 mars 2013, 4,5€ la pièce d’environ 300g.