Fort heureusement, je ne fais pas que courir le pain, même si on pourrait parfois le penser. En dehors de ces plaisirs quotidiens que peuvent représenter le calme du jour qui se lève, le plaisir de construire et d’échanger autour de projets, d’histoires… je me promène souvent et je visite divers salons, professionnels ou grand public. J’y retrouve parfois des têtes biens connues, des marques très présentes sur le terrain ou dans l’espace médiatique. C’est tantôt un plaisir, tantôt une source de désagréments.
Olivier Deseine est sans doute l’une des personnes que j’ai eu l’occasion de croiser le plus souvent dans les événements liés de près ou de loin au pain. SIRHA à Lyon, SIAL à Villepinte, JTIC à Reims, ou plus récemment au cours de la Fête du Pain sur le parvis de Notre-Dame ainsi que lors des Journées Professionnelles des Moulins de Chérisy, … il faut dire que l’homme compte parmi les acteurs impliqués dans l’évolution de la filière.
Non content de diriger les Moulins de Brasseuil, il exerce des responsabilités au sein de l’ANMF (présidence de la commission Bio & de la Région Ile-de-France) et de l’Observatoire du Pain. Il participe ainsi aux évolutions de la filière et tente d’apporter une vision ouverte et constructive dans un secteur souvent enclin à l’immobilisme et aux guerres de clan.
C’est dans la région de Mantes-la-Jolie que son histoire au sein de la meunerie commence. Fils de Meunier – son père et son grand-père exploitaient le Moulin de Mantes -, il a commencé très tôt, avant même l’âge de 16 ans, à creuser le sujet… en travaillant aux Moulins de Brasseuil, que sa famille achètera finalement en 1984.
Entre temps, Olivier Deseine sera passé par une école de commerce, aura suivi des cours particuliers en meunerie et mis en pratique les compétences ainsi acquises de façon régulière au sein de multiples moulins.
Cette double expertise lui permet aujourd’hui d’être pointu sur l’ensemble des sujets ayant trait à son activité, en pouvant ainsi passer des aspects commerciaux en clientèle au travail auprès des agriculteurs et coopératives.
La spécificité des Moulins de Brasseuil est en effet d’avoir fait partie des pionniers de l’Agriculture Biologique, en s’y engageant dès 1972. En s’y installant durablement en 1987, la famille Deseine aura à coeur de développer cette activité. L’outil a été adapté en conséquence : initialement, le circuit pneumatique destiné au transport du grain et des produits était mutualisé entre les meules et les cylindres, ce qui imposait des interruptions de production à chaque changement de processus, en plus d’engendrer des risques de contamination entre céréales conventionnelles et biologiques.
Progressivement l’outil a gagné en capacité, tandis que le Bio prenait de l’ampleur… pour atteindre près des 2/3 de l’activité aujourd’hui, une belle preuve de la pertinence de l’engagement.
Pertinence mais également pragmatisme et engagement. Voilà trois mots qui correspondent bien pour décrire Olivier Deseine. Dans un secteur où de nombreux acteurs sont malades de leur égocentrisme et de leur manque d’ouverture d’esprit, il a au contraire fait le choix de se rapprocher d’autres acteurs pour les engager dans sa démarche. Ainsi est née la marque l’Artisan Bio, qui est distribuée par plusieurs meuniers nationaux (Chars, Chérisy, Fouché, Ceard, …).
En parallèle, des synergies ont été créées avec les moulins de la famille Maurey, qui fournissent notamment leur assistance en terme de services (démonstrateurs, tests de panification), de contrôle qualité… Ces derniers ont d’ailleurs pris une part conséquente de l’actionnariat du moulin, dans une optique de transmission et de continuité.
L’engagement prend forme dans les champs, où les Moulins de Brasseuil sont particulièrement impliqués : si d’autres acteurs se déchargent de ce sujet et le confient à des coopératives ou des négociants, la volonté développée ici était de créer une véritable dynamique pour développer l’Agriculture Biologique à proximité, dans une logique de développement durable et de « manger local ». Il a fallu convaincre les coopératives et les agriculteurs de se lancer dans ce mode de culture, en leur assurant un débouché fiable. Un véritable travail de fourmi. Aujourd’hui, entre 50 et 70% de l’approvisionnement en blés Biologiques est issu de l’Ile-de-France. Ce chiffre est une belle réussite pour le « meunier nature », lequel a tissé des liens étroits avec le CERVIA, organisme en charge du label Saveurs & Talents Paris Ile-de-France.
Si le sujet aurait pu paraître anecdotique il y a quelques années, il est devenu complètement dans l’air du temps aujourd’hui et fait l’objet d’une demande soutenue de la part d’artisans passionnés, qui souhaitent transformer des matières premières locales. C’est un axe de développement significatif pour le moulin, et une récompense pour la fidélité portée à ces valeurs. Des récompenses, on en retrouve d’ailleurs chez plusieurs des clients des Moulins de Brasseuil : Michel Fabre, Anthony Bosson et Frédéric Pichard se sont distingués à plusieurs reprises pour la qualité de leur pain biologique. Laura Petit, fondatrice de Scoop Me a Cookie, utilise également cette même farine… pour des biscuits savoureux et appréciés de nombreux gourmands.
Au bord de la Vaucouleurs, petit fleuve tranquille, le site semble donc couler des jours heureux. Les meules, véritable signature de l’entreprise, écrasent doucement le grain en dix passages… pour des pains riches en saveurs et en nutriments. De leur côté, les cylindres réalisent des farines plus conventionnelles, destinées à la réalisation de pains de Tradition, de viennoiseries ou de pâtisseries. Aujourd’hui, avec les Moulins de Versailles, c’est le dernier site meunier en activité dans les Yvelines.
Pour autant, il faut penser à l’avenir, et c’est sans doute l’une des préoccupations majeures entretenues par Olivier Deseine. Les vifs assauts de la grande distribution et des réseaux de boulangeries, la baisse de consommation de pain, la peur du gluten, … autant de sujets qui occupent une place importante dans son emploi du temps. Il multiplie les interventions dans le cadre de l’Observatoire du pain, tente de fédérer pour mettre en place des opérations de communication, … même si l’attentisme de ses confrères tend parfois à susciter un certain découragement.
Les prochaines étapes ? Mettre en place le Label Rouge pour les farines de Meule, un processus engagé de longue date (porté initialement par les Moulins Bourgeois), et surtout continuer à apporter une gamme de produits variée et qualitative, où les céréales anciennes trouvent de plus en plus de place (avec notamment le Petit Epeautre).
L’Observatoire du pain compte également développer de la communication sur le pain au petit-déjeuner, ainsi que sur le sujet sensible du Gluten. Autant d’occasions d’entendre Olivier Deseine défendre ses convictions… et sans doute pour moi de le croiser au hasard de mes pérégrinations !
Plus d’informations
Moulins de Brasseuil : http://www.moulindebrasseuil.com
Observatoire du pain : http://www.observatoiredupain.fr
planchiste :qui fait de la planche à voile ! C’est planchister !
Amitiés et merci pour ce reportage sur notre meunier.
Bien vu Basile, il manquait effectivement un r… ça doit être l’expression inconsciente d’un besoin de plage et de vacances 😉
c’est plansichter, et non planchister x’)
Merci!
Bravo et mes encouragements à ce Pionnier qu’est Monsieur De Sein.Car c’est un grand Monsieur, courageux et persévérant.