Le talent des marchands de fonds et autres intermédiaires oeuvrant à la cession des commerces est aussi impressionnant qu’indéniable : ils parviennent en effet à convaincre des acquéreurs de payer une somme, parfois non négligeable, pour acheter « quelque chose » d’intangible, dont la valeur réelle porte de plus en plus à interrogation. En effet, compte tenu du contexte de concurrence exacerbée et du développement des créations échappant de fait à ce système bien rodé, comment peut-on justifier de payer 100% d’un chiffre d’affaires (lequel n’est pas forcément synonyme de rentabilité, entendons nous bien !), voire 120% ou 140% dans certains cas ? Au delà d’un emplacement, l’artisan achèterait une clientèle, ce qui n’est plus pertinent quand on sait son caractère de plus en plus volatile. Plus que tout, c’est le savoir-faire (aussi bien en terme de produit, de gestion et de vente) d’une équipe qui font le succès d’une entreprise de boulangerie. Dès lors, quand cette dernière se dissout ou se transforme du fait d’un changement de propriétaire, les cartes sont rebattues.
La réussite de Jasmine et Guillaume Delcourt au 100 rue Boileau, Paris 16è, dans une petite boutique à la visibilité réduite, était une parfaite illustration de cette réalité. Penser pouvoir faire au moins aussi bien en reprenant l’affaire était pour le moins prétentieux. Bien sûr, l’alignement des planètes n’était sans doute pas favorable au nouvel arrivant compte tenu de l’installation du très dynamique couple Cocardon à quelques mètres, mais c’est bien la qualité et le savoir-faire déployés par l’artisan au sein de sa « maison Soleil » qui sont à remettre en question pour expliquer ce résultat.
Si une histoire s’est arrêtée dans la capitale, une nouvelle a démarré à l’été 2016 pour le couple Delcourt en face de l’église de Rueil-Malmaison (92). Le challenge était d’ampleur : reprendre une boulangerie au chiffre d’affaires conséquent, tenue en roue libre depuis plusieurs années. Les investissements pour y parvenir ont été nombreux, à commencer par le matériel et le rafraichissement de la boutique. L’espace de vente a été modifié pour supprimer des vitrines inutiles et faciliter le parcours client, notamment pour l’offre snacking dont une partie est proposée en libre service. La pâtisserie est omniprésente dans les vitrines et occupe une bonne partie d’entre elles : c’est un marqueur fort de l’identité de Guillaume Delcourt, qui a développé un riche savoir-faire autour des arts sucrés. Gâteaux colorés et créatifs, gourmandises boulangères, tartes et en-cas variés (cakes, financiers, …) se déclinent ainsi au fil des saisons et des envies, de même que les glaces encore présentes en ce début d’été indien.
Si la qualité des produits est bien présente ici, c’est non seulement parce que l’artisan n’a pas transigé avec ses principes en terme d’approvisionnement (farines Moulins Bourgeois, crémerie l’Or des Prés, chocolats Valrhona, etc.) mais aussi du fort investissement humain -le second et sans doute le plus important- réalisé auprès de ses équipes. Jasmine et Guillaume n’ont pas ménagé leurs efforts depuis 3 ans, et ont fédéré autour d’eux des éléments fidèles, dont certains les accompagnaient déjà dans le 16è arrondissement parisien. On retrouve dans cette entreprises des valeurs fortes et indispensables, telles que la fabrication 100% maison (y compris la gamme de confitures et tartinantes sucrés), l’utilisation du levain naturel ou encore la transmission du savoir-faire.
C’est ce qui permet à chacun de trouver en boutique des viennoiseries de grande qualité, au bon goût de beurre frais (le beurre l’Or des Prés, plus complexe à travailler mais aussi plus savoureux que les standards du marché, n’y est pas étranger), ainsi qu’une gamme de pains variée. Il y a bien sûr l’incontournable Paillasse mais aussi de grosses pièces aux fruits secs, des brioches bien garnies ou encore une tourte de Seigle relevée d’un miel de châtaignier très parfumé. Le tout est défendu avec dynamisme et entrain par un service agréable. Jasmine et Guillaume ont su capitaliser sur leur expérience parisienne tout en s’adaptant à la culture locale pour mieux correspondre aux attentes de leurs clients, que ce soit en terme de tarification ou d’offre. Ils ont ainsi pu marquer leur identité, bien différente de celle de leurs prédécesseurs.
C’est toujours un plaisir de suivre l’évolution et le parcours d’artisans talentueux, qui parviennent à prouver de la plus belle des façons que la boulangerie a de l’avenir : en se distinguant par la qualité de leurs prestations et en développant des aspérités permettant à la clientèle de les identifier clairement, ils développent une approche moderne du métier et se font une place dans un paysage riche en acteurs. Rueil-Malmaison en est un très bon exemple, et la place de l’Eglise n’y fait pas exception : pas moins de 3 artisans s’y partagent la clientèle. Chacun fait son choix en fonction de ses attentes et préférences… mais une chose est sûre : les Delcourt sont bien ici, dans leur maison artisanale !
Infos pratiques
10 Place de l’Église, 92500 Rueil-Malmaison / tél : 01 47 51 12 27
ouvert du vendredi au mardi de 7h à 20h30.
Quand le Painrisien manifeste de l’enthousiasme, on peut encore multiplier par 2 la réalité 🙂 Voir aussi en complément de ce papier un joli film d’Alain Cavalier consacré à Guillaume et à sa femme, à leurs rêves et à leurs ambitions alors qu’ils migrent du 16ème à Rueil.
oui, grâce au beau film d’Alain Cavalier, je me réjouis de venir découvrir ce lieu enchanteur fin novembre.
Je confirme les dires de cet article !
Une magnifique boulangerie pâtisserie et un couple présent accompagné d’une équipe professionnelle.
Très heureux de vous avoir à rueil malmaison.
Le travail de ce boulanger a été magnifiquement mis en valeur par Alain Cavalier dans le film documentaire ‘Six portraits XL : 1 Léon et Guillaume’. Bon ciné!
bonjour,
j’ai acheté un pain complet hier dimanche matin (05 avril 2020) : il a des traces vertes de moisi : il est immangeable (j’ai pris une photo mais visiblement pas possible d’envoyer des photos). comment est-ce possible ?