Il n’est jamais évident de changer de doctrine. Pourtant, la boulangerie artisanale devrait aujourd’hui adopter une approche plus moderne de son métier et ne plus centrer son action sur une idée de « qualité », déjà dépassée. La multiplication des labels et étiquettes vantant des démarches plus ou moins vertueuses, dont les industriels se sont largement emparés, nous prouve que la différenciation doit passer par d’autres voies que ces marques auxquels certains s’accrochent encore, quasi désespérément.
L’enjeu est à présent de créer une démarche responsable, engagée et cohérente, qui se porte sur l’ensemble des éléments de la vie d’une boulangerie, autant en terme d’investissements, de matières premières, de conception des produits, de gestion du personnel ou de vente. En plaçant tous ces éléments en phase et en créant autant d’identités singulières qu’il existe d’artisans, ancrés dans une communauté locale et un terroir, le métier aura alors des éléments pour communiquer et enfin relever la tête.
Choisir de nourrir des gens n’est pas un acte anodin : on agit ainsi sur un écosystème -utilisation de ressources pour la production de la matière première puis pour sa transformation, et on sait aujourd’hui combien ces dernières sont précieuses- et sur l’organisme de la personne consommant le produit. L’expression de cette responsabilité devra s’écrire de multiples façons : tous les acteurs de la filière, du champ à l’assiette en passant par le fournil, doivent s’organiser pour être à la hauteur de l’enjeu. A l’occasion de la deuxième édition de ses « Artisanales », qui avaient lieu du 16 au 19 septembre 2018, la Minoterie Bourseau s’était bien emparée du sujet sur deux axes.
Le premier tenait sur le plan de l’engagement sociétal, par l’annonce de la création de la Fondation Bourseau. Cette dernière prendra part à des projets variés, dont les premiers ont déjà été esquissés : lancement de la Fondation 3A (Autistes, Adultes, Autonomes), engagement auprès de centres d’aides par le travail (une activité d’ensachage de farine en petits conditionnements a été mise en place dans une structure située à proximité, leur permettant de moins dépendre des aléas de la météo en restant abrités)…
Une démarche qui s’inscrit pleinement dans les programmes de RSE -Responsabilité Sociale et Environnementale-, très en vogue par les temps qui courent. Cela témoigne d’une prise de conscience forte : une entreprise ne vit pas que par et pour elle-même, son ancrage au sein d’une communauté doit être pris en compte pour orienter ses actions.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’inciter l’ensemble des entrepreneurs à se lancer dans le mécénat, car les façons de faire vivre son écosystème sont multiples. L’autre voie explorée par la minoterie et ses collaborateurs concerne son coeur de métier : la marque « Bourseau Formation » traduit les ambitions de l’entreprise en terme d’accompagnement et de transmission d’une certaine idée de la boulangerie artisanale. En effet, il ne s’agit pas uniquement de partager et reproduire des recettes, chose qu’à peu près tous les acteurs du marché savent bien faire. La boutique avait été aménagée pour présenter une suggestion précise et pertinente de l’offre que peut proposer un artisan, articulée autour d’une gamme courte de produits à la fois qualitatifs, modernes, rationnels et rentables. Le message est clair : la Minoterie Bourseau veut aujourd’hui saisir cette fameuse responsabilité qui est la sienne, en tant que meunier et premier partenaire des boulangers, pour faire évoluer leur vision du métier.
Cette évolution est en définitive un retour aux fondamentaux : du pain au levain naturel bien mis en avant et bien vendu, avec des efforts sur la praticité de consommation (vente du pain de mie à la tranche, formats facilement partageables, …), des viennoiseries et brioches sans fioriture inutile, des gâteaux de voyage gourmands et efficaces (cakes, sablés, madeleines, financiers natures ou garnis…), des pâtisseries boulangères déclinées à la part et une proposition d’en-cas salés : rien ne manque sans pour autant tomber dans la surabondance, qui rendrait ainsi la lecture de l’offre difficile comme c’est encore trop souvent le cas.
Si les équipes de la minoterie parviennent à transmettre cette approche à leurs clients artisans, ils contribueront ainsi à pérenniser leurs affaires tout en préservant le sens premier de ce que l’on appelle une boulangerie : les dérives observées ces dernières années vers un modèle d’épicerie-restaurant rapide n’ont rien de souhaitable, ni de durable. Cette notion d’avenir et de durabilité est bien reprise sur les supports de communication : le mot « demain » y est très présent.
Au delà de cette démarche, le meunier continue à déployer les labels de qualité dans lesquels il est impliqué depuis plusieurs années. Les farines Biologiques ont pris un essor important, portées par une demande croissante chez les consommateurs. La baguette Bagatelle certifiée Label Rouge (avec de nombreux clients labellisés et une progression très rapide) et le blé CRC restent bien représentés, même si le partage de la marque portée par le Club le Boulanger pose toujours question, tout autant que l’entrée en masse des industriels au sein de la démarche CRC.
Côté village exposants, les partenaires étaient nombreux à s’être joints à l’événement pour offrir aux artisans un large panel de solutions : des Fèves de Clamecy à la Confiserie Limousine en passant par Menlog (encaissement), Commissoft, PastryBox, … il y avait de quoi s’équiper, réfléchir à l’avenir ou mieux gérer le quotidien.
Une installation plus volumineuse avait également pris place : le Baking Point développé par Pavailler et CFI accueillait des boulangers taïwanais, qui apportaient leur savoir-faire en terme de produits moelleux.
Difficile de passer à côté de leurs petits pains melons aux multiples saveurs, ainsi que des brioches fourrées en version sucrée ou salée. L’idée de s’ouvrir à d’autres cultures et d’entretenir le partage autour du pain et de la boulangerie prend tout son sens dans ce genre d’événement : les artisans sortent de leur quotidien et découvrent d’autres approches, ce qui les incite à se remettre en question.
Cette logique de remise en question permanente est bien répandue chez les clients de la Minoterie Bourseau, qui se distinguent fréquemment au sein des concours professionnels et créent de nouveaux rendez-vous avec leur clientèle. Visites de fournil, ateliers petits mitrons, opération de rentrée, pains de saison… une émulation permanente est entretenue avec les équipes menées par Christophe et Franck au quotidien.
Leur dynamisme a été récompensé par des prix remis au cours des 4 jours des Artisanales, ce qui contribue à renforcer la relation singulière que construit ce meunier avec ses clients. Sa croissance parle d’elle-même, et le virage vers l’artisanat pris par les deux frères ces dernières années porte aujourd’hui ses fruits. On sent bien qu’il y a ici, à Nozay, au delà d’une ambiance conviviale, une conviction et un projet pour la boulangerie artisanale. Le chemin parcouru en deux ans est impressionnant et participe nettement à l’élévation du niveau qualitatif de la boulangerie artisanale sur le territoires où livre l’entreprise. Espérons que cela en inspire d’autres, car c’est ainsi que l’on peut espérer un avenir plus serein pour la profession.
Rendez-vous est pris pour la prochaine édition des Artisanales, en 2020. Au vu de la qualité de l’organisation déployée pour cette seconde itération, elle ne peut que s’annoncer sous d’excellents auspices. D’ici là, que cette nouvelle voie en pleine Formation continue à se tracer…!