Les schémas traditionnels développés en boulangerie-pâtisserie semblent considérés comme immuables par de nombreux acteurs de la profession : à les écouter, il faudrait s’installer en couple avec madame en vente, monsieur au fournil, vendre toutes sortes de produits, avoir un magasin clinquant au possible… Dans une société moderne où tout va plus vite, il faudrait au contraire adopter une vision plus flexible, s’intéresser à la singularité du projet de chaque individu, chercher à valoriser le risque et l’envie d’entreprendre. La différence n’est pas un gros mot, et même si son caractère inconnu et imprévisible suscite toute sorte de peurs (à tous les niveaux de la société, d’ailleurs), elle est source de bien belles découvertes et enrichissements.

On considère généralement que les cycles de vie d’un artisan dans une affaire de boulangerie se déploient sur 7 ans. En effet, on peut considérer que les emprunts sont remboursés à cette échéance et que l’entrepreneur est tout à fait libre à partir de cette échéance. Ensuite, libre à lui de partir vers de nouveaux défis ou de continuer à faire grandir son projet dans les mêmes murs.
Seulement, certains vont plus vite que d’autres. C’est un peu comme dans la vie : on peut préférer marcher plutôt que courir, prendre le vélo ou la voiture, monter les escaliers ou utiliser l’ascenseur… cela dépend des outils dont on dispose, et le savoir-faire compte parmi les plus précieux pour réussir.

Le cas du couple Cocardon est un véritable cas d’école d’une réussite aussi rapide que méritée. En seulement 4 ans, Sophie et Benoit sont parvenus à faire d’une petite boutique sans relief un lieu reconnu des gourmands du 15è arrondissement, grâce à des produits de qualité, des tarifs accessibles et une vraie dynamique commerciale. Même si cet emplacement ne manquait pas d’atouts, notamment grâce au quartier très résidentiel et à la clientèle que cela génère, ils voulaient voir plus grand et s’ouvrir à de nouveaux défis. Ils n’ont donc pas attendu et ont cédé leur affaire dans le courant de l’été 2017. Leurs successeurs ont d’ailleurs bien compris les clés du succès entretenu rue de la Convention, et semblent vouloir continuer dans la même dynamique.

L’opportunité de reprendre une affaire en perte de vitesse dans le 16è arrondissement sonnait comme une évidence : à la fois l’emplacement et la taille des locaux se prêtaient à leurs aspirations. C’est ainsi qu’ils ont changé de rive et sont passés à droite… de façon adroite. On les retrouve à présent derrière la sobre enseigne « L’Artisan » au 197 avenue de Versailles, au sein d’une boutique remaniée et modernisée. Les Cocardon n’ont pas changé de style : la sobriété est toujours de mise, et les produits sont présentés de façon efficace et relativement traditionnelle. L’association des compétences en vente et en production, deux pôles parfaitement maîtrisés par les conjoints, assure la bonne marche de l’entreprise.

Je connais le quartier pour m’y être rendu à de nombreuses reprises lorsque la Maison Delcourt se trouvait à quelques pas de là, au 100 rue Boileau. J’avoue l’avoir déserté entre temps, faute de bonnes adresses à proximité, mais c’est loin d’être le cas des consommateurs : avec un marché 3 jours par semaine sur la petite place attenante à la boulangerie, l’Artisan est aux premières loges pour satisfaire les gourmands et jouit d’un emplacement exceptionnel, avec une bonne visibilité et une petite terrasse extérieure. La disposition de l’espace de vente permet une navigation facile, avec entrée et sortie séparées. On découvre ainsi les univers produit en avançant : pâtisserie, traiteur, puis viennoiserie et pain, même si la disposition peine à mettre en valeur ces deux postes essentiels à mon goût.

C’est d’ailleurs bien dommage, car Benoit Cocardon y propose des produits de grande qualité. Sa maîtrise du tour avait pu être appréciée rue de la Convention, où ses croissants, pains au chocolat, chausson aux pommes en longueur, palmier et autres spécialités feuilletées au beurre AOP Charente-Poitou avaient déjà conquis un public de fidèles. Il a profité des quelques mois de transitions entre ses deux affaires pour se mettre à niveau en boulangerie et développer une gamme qu’il avait jusqu’alors négligée. Le résultat est plutôt convaincant : une belle proposition de pains spéciaux sur levain et farine Bio garnit les vitrines, avec notamment du Seigle, de la Meule ou encore du Petit Epeautre des Moulins de Brasseuil. Les débuts sont prometteurs et la régularité devrait s’installer avec le temps. La typologie de cette boutique a poussé l’artisan dans cette direction, car le pain représentait une bonne partie du chiffre réalisé par ses prédécesseurs… en plus d’être porteur d’une marge toujours confortable et bienvenue.

Bien sûr, tout cela ne devrait pas nous faire oublier la pâtisserie, où ce chef développe l’art du sucré enrichi au fil de son parcours, et notamment chez Carette. Qu’ils soient individuels ou à partager, les gâteaux sont aussi généreux qu’impeccables : tartes aux fruits variées, New Yorkais au caramel, chocolat et fruits secs, voluptueux Saint-Honoré, entremets fruités ou chocolatés… le choix ne manque pas et se décline au fil des événements et inspirations. Les macarons ne sont pas en reste, avec des parfums classiques toujours appréciés.
Fait appréciable en ces temps de forte inflation boulangère et pâtissière, les tarifs sont restés toujours aussi démocratiques, malgré le fait que nous soyons dans le 16è arrondissement.

Les Cocardon sont en bonne voie pour renouveler avenue de Versailles ce qu’ils ont déjà fait dans le 15è arrondissement : en permettant à chacun de s’offrir au quotidien des produits gourmands et accessibles, ils contribuent à redonner des couleurs à l’appellation d’artisan boulanger, un fait particulièrement appréciable à Paris. Le succès et la reconnaissance des clients seront leurs meilleures récompenses.

Infos pratiques

197 avenue de Versailles – 75016 Paris (métro Porte de Saint-Cloud, ligne 9) / tél : 01 46 51 11 04
ouvert du mardi au samedi de 7h à 20h30, le dimanche de 7h à 15h.
Facebookhttps://www.facebook.com/Lartisanparis16-1353173158135181/

7 réflexions au sujet de « L’Artisan, Paris 16è, le couple Cocardon change de rive… sans dérive »

  1. Ce boulanger patissier dont nous apprécions la qualité de ses gâteaux n’a pas la fibre commercial
    pour commander un gâteau il faut se déplacer et laisser des arrhes.
    Je commande régulièrement un certain pain dans une boulangerie de Versailles sans avoir à me déplacer pour confirmer ma commande.
    Il y a bien d’autres pâtissiers où j’ai commandé des gâteaux et autres . Sans avoir à me déplacer.
    Mon mari s’est déplacé car nous étions pris par des obligations mais pour ma part ,j’irai ailleurs.

  2. Je ne suis pas d’accord avec le commentaire ci-dessus. Savez-vous combien de personnes passent une commande puis ne viennent jamais la chercher ? Savez-vous ce que cela coûte un matière première, en temps et surtout en travail, à l’artisan ? Si les clients étaient plus respectueux, la confiance pourrait s’installer.

  3. Ping : Boulangerie Delcourt, Rueil-Malmaison (92), un artisan bien installé dans sa nouvelle… maison | painrisien

  4. Le 11/04/2020 de mme et mR Soffer
    Madame, nous vous remercions pour le cadeau, masques, que vous venez de nous faire , au delà de votre gentillesse il révèle un sens profond de protection de vos concitoyens car le terme client dans ce cas est insuffisant
    Recevez nos cordiales salutations et surtout vous même et votre équipe protégez vous,

    François et Françoise Soffer

  5. Merci à eux pour les années passés avec eux – Quel dommage nous y avions nos habitudes et maintenant la boulangerie a été repris par un groupe et le niveau n’est pas du tout à la hauteur. Les gâteaux sont pas terribles et parfois le pain est sec.
    Déçue !!

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