Parfois il est nécessaire de faire un pas de côté, de s’asseoir au bord de la route, pour laisser les meutes passer et essayer de mieux comprendre le curieux mouvement qui les anime. Parviendrai-je seulement à le faire tout à fait ? Sans doute pas, mais toujours est-il que j’ai tenté l’expérience ces derniers temps. Ce n’est pas la seule raison du grand ralentissement de mon rythme d’écriture sur ce blog, mais cela l’explique en partie. Je ne pensais pas être encore là 7 ans après mon premier billet, pourtant c’est bien le cas. Pendant cette période, j’ai pu voir le secteur de la boulangerie évoluer, sans doute pas assez à mon goût. Mes convictions, elles, n’ont pas varié. Au contraire, le temps a fini par me donner raison, pas toujours sur la forme je l’admets, plus souvent sur le fond.
Nous vivons une époque formidable. Si, si, croyez-moi, voyez plutôt. Tout le monde a fini par être convaincu que la qualité devait être au centre de nos préoccupations, que l’on soit boulanger, meunier, agriculteur, industriel ou même consommateur. D’ailleurs, qu’est-ce que c’est, la qualité ? Au sens large, ce serait « la « manière d’être », bonne ou mauvaise, de quelque chose« . Selon l’AFNOR, « un produit ou service de qualité est un produit dont les caractéristiques lui permettent de satisfaire les besoins exprimés ou implicites des consommateurs« .
Cette nouvelle religion convertit chaque jour plus de fidèles. Il faut simplement comprendre que parmi tous ces prêcheurs se cachent beaucoup d’individus recherchant avant tout la réalisation de leur intérêt personnel, et se parent de leurs plus beaux atouts pour paraître engagés et sincères. Que l’on ne me parle pas de main invisible, laissons Adam Smith là où il est, ça ne marche toujours pas et ça ne marchera pas : plutôt que de mains, notre monde est fait de pieds, lesquels sont fort utiles pour écraser nos voisins.
L’empilement des démarches qualité
Des pieds, il en faut aussi pour courir, et cela tombe bien puisque notre filière a entamé une véritable course à la certification pour toujours mieux afficher sa volonté de faire bien. Toutes ces petites étiquettes empilées démontrent avant tout l’absence profonde de conviction de la plupart de nos acteurs meuniers, qui saisissent ces démarches de manière opportuniste pour offrir à leurs clients de nombreuses options, réduisant ainsi la tentation d’aller voir ailleurs. Label Rouge, CRC ou « Blé de nos campagnes », Agriculture Biologique, « De la Graine au Pain », « Robins des Champs », Valcetri, Manger Local en Ile-de-France, … les marques ne manquent pas, avec leurs kits de communication associés.
Cela répond à une préoccupation exprimée par les consommateurs, qui sont en recherche de produits plus sains et fabriqués localement. Si l’intention peut paraître louable et que plusieurs de ces démarches sont pleines de bon sens et d’engagement, cela rend le message toujours moins lisible en plus de cacher de réelles disparités entre ces étendards. L’humain allant naturellement vers la facilité, beaucoup choisiront l’option la plus rapide et avantageuse… à leurs yeux. A ce propos, vous savez comme j’aime mes amis de chez Agri-Ethique, j’ai déjà eu l’occasion de vous dire combien j’appréciais leur engagement et leur propension à communiquer. Leurs meuniers partenaires ont accéléré le déploiement du dispositif chez les boulangers ces derniers mois, avec un grand nombre d’artisans labellisés à travers la France. Forcément, la mariée est belle : un prix de matière première garanti sur 3 ans, l’impression de favoriser des relations éthiques et responsables avec les agriculteurs, une communication valorisante auprès du consommateur… Les journalistes ont mordu à l’hameçon, et de nombreuses dépêches locales se sont fait l’écho du discours porté par l’entité qui se vante aujourd’hui d’être « la première démarche de commerce équitable nord-nord ».
Seulement, lorsque l’on gratte un peu le vernis, on se rend vite compte que personne ne sait bien ce qui est Agri-Ethique ou pas : quelle part du volume de céréales écrasé est labellisé ? La farine d’un boulanger adhérent est-elle vraiment « éthique » et différente de celle livrée à un autre client « lambda » ? Lorsque l’on interroge les charmants évangélisateurs, peu de réponses sont apportées, si ce n’est que les adhérents s’engagent sur un volume de quintaux ou que l’objectif n’est pas d’amener à une logique de traçabilité mais de revenir à des valeurs morales oubliées (sic), en dehors du marché mondialisé. Même constat sur l’engagement environnemental vanté maintes et maintes fois, sur lesquels les agriculteurs devraient « innover » selon le pacte signé : l’écologie n’est pas seulement une question de paroles mais aussi d’actes, et en la matière les leviers d’action ne manquent pas, surtout dans un monde agricole gangréné par des pratiques productivistes.
Pour continuer dans la même veine opportuniste, la démarche La Nouvelle Agriculture semble bien décidée à peser également sur le sujet du pain. Là encore, une grande coopérative -Terrena- est à la manoeuvre et avait déployé un stand dédié au sujet lors du dernier salon Serbotel. Sa filiale meunière Evelia est chargée de produire la farine qui sera « parfaitement tracée du champ à la boulangerie » mais aussi « locale et plus respectueuse de l’environnement », avec une collaboration entretenue auprès de 110 agriculteurs des Pays de la Loire. Si le cahier des charges pour les produits carnés impose des règles en terme d’alimentation animale, on peut légitimement se poser la question des réels engagements portés derrière ce label pour la filière céréalière.
En parlant d’engagements, il faut croire que ces derniers n’ont que peu de poids face à l’attrait de la réussite personnelle et de l’avancement. L’un des derniers exemples en date est celui de Fouzia Smouhi, qui a quitté la gouvernance du GIE CRC – Le Blé de nos Campagnes pour prendre la tête de Cérévia, qui regroupe six coopératives dans la zone Bourgogne Franche-Comté Rhône-Alpes. Après avoir oeuvré pour développer la démarche CRC en faisant entrer tous types d’acteurs dans cette dernière, au point d’affaiblir sérieusement sa crédibilité et le sens qu’elle pouvait porter, elle revient donc à ses premiers amours -on l’a connue il y a quelques années au sein de l’entreprise de négoce Bresson- avec une belle promotion. Sa succession à la tête du CRC sera sans doute bien assurée : l’arrivée fin janvier de Marc Bonnet, ex-Limagrain, Naturex ou encore Axéréal, laisse peu de doutes sur la trajectoire que suivra le GIE.
Le bonheur du double discours
Ne nous voilons pas la face : si la filière est si impliquée dans cette image de vertu qu’elle souhaite se donner, c’est qu’en réalité la plupart des acteurs ont tout simplement renoncé aux actes qui devraient aboutir à un produit de qualité. Pensez-vous sincèrement que des meuniers tels que Soufflet, Grands Moulins de Paris ou Axiane ont encore foi en l’artisanat ? Les volumes qu’ils écrasent pour les industriels, ou les solutions prêtes à l’emploi (viennoiserie, pâtisserie, snacking…) qu’ils proposent sont bien plus juteux et rentables : peu de service à apporter, moins de risques…
Il suffit de voir comment ces entreprises se sont progressivement désengagées de la boulangerie artisanale : le plan de relance annoncé pour Baguépi-Soufflet n’a jamais pris forme -mis à part un relooking récent des sacs de farine et de l’identité visuelle-, les GMP ont, semble-t-il, abandonné le déploiement de leurs nouveaux concepts Campaillette et Copaline, Axiane multiplie les effets de manche pour donner l’impression de s’engager pour ses clients (communication numérique dynamique, marketing personnalisé…) mais ne propose pas de changement concret, mis à part de nouvelles farines marketées… Ces entreprises continuent à porter leurs marques, leurs réseaux, même s’ils savent que la messe est dite depuis bien longtemps.
C’est notamment le cas pour Banette : début 2017, les moulins du « groupe Maurey » (les Moulins Familiaux, pardon) ont quitté le groupement. Leur émancipation progressive, avec la montée en puissance de leur communication propre et d’une gamme de produits complète, s’est ainsi achevée par une clarification nécessaire. Des dizaines de « banetiers » ont ainsi suivi et sont à présent « débanettisés ». L’école Banette peine toujours à remplir ses sessions de formation, ce qui alourdit la charge des investissements réalisés dans les locaux de Briare. Du côté de Nicot Meunerie, même si l’entreprise revendique toujours une forte appartenance au groupement -faut-il rappeler que Jean-Philippe Nicot en est président-, on développe de plus en plus une identité axée sur un ancrage régional. Bien sûr, il ne serait pas question d’évoquer une sortie… mais l’absence de vision d’avenir et la domination des gros faiseurs que sont Axiane ou Storione laisse peu de doute quant à l’évolution du groupement. Les opérations commerciales nombreuses -pas moins de 9 en 2018- et le tournant pris pour laisser plus de place à l’identité de l’artisan semblent bien légers face au travail qu’il faudrait entamer pour relever réellement le niveau dans la masse des banetiers, rendus au fil des années esclaves des mécanismes et mélanges du groupement.
Le double discours touche aussi les indépendants, si tant est qu’ils le soient encore réellement. Le rapprochement opéré entre les Moulins Fouché et la Minoterie Girardeau va bien plus loin que la « rencontre » évoquée par les deux entreprises. On voit bien que la transformation de la meunerie essonnienne est en cours : la communication est de plus en plus uniformisée avec le reste des Moulins Associés et les produits sont élaborés par les équipes de l’Atelier M’Alice, à l’image de la baguette Quinoa présentée au salon Europain ou des viennoiseries. Le « centre de formation agréé » a d’ailleurs ouvert une extension à Itteville, dans les locaux Fouché, ce qui fait du lieu un véritable poste avancé proche de Paris. Si Bertrand Girardeau a longtemps cherché le moyen de pénétrer le marché francilien, il semble avoir trouvé ici le bon outil : le moulin est idéalement situé, ce qui lui permet de livrer autant l’Ile-de-France que la région Centre, et sa clientèle possède un fort potentiel de développement. Les farines Biologiques de la Minoterie Suire sont naturellement mises en avant, et les démarches Label Rouge et CRC viennent de rejoindre la gamme avec la « Signature »… ce qui évite au Club le Boulanger de voir un nouvel arrivant distribuant la farine Bagatelle en région parisienne, un scénario qui aurait été bien fâcheux pour les meuniers s’obstinant à se placer derrière cette bannière, malgré leurs différences profondes de positionnement, de qualité et de convictions.
La culture de l’innovation
Si l’on a pu voir des innovations apparaître dans les années 90, avec notamment le développement du Fermentolevain, des diviseuses-formeuses, le retour de farines sans additif, … on ne peut pas dire que le cru 2000-2010 ait été exceptionnel. Bien sûr, les marchands de matériel n’auront de cesse de vanter les progrès réalisés sur les fours, les équipements de froid… mais cela n’a pas révolutionné la façon de faire du pain. Heureusement ou malheureusement ? C’est selon.
Dès lors, il a bien fallu tenter d’occuper le terrain en apportant de nouveaux produits, sensés donner toujours plus de confort et d’agrément aux boulangers, souvent au détriment du savoir-faire et de la transmission du métier. Pré-mixes, viennoiseries ou pâtisseries surgelées, … tout y est passé, avec les résultats que l’on connaît.
Cela ne semble pas parti pour changer : chaque saison apporte ses nouvelles modes, qui sont autant de cycles dans lesquels se perdent certains artisans boulangers. Ce métier étant un petit monde, tout le monde se regarde et se tient prêt à saisir la dernière tendance.
Début 2017, au SIRHA, de nombreux meuniers semblaient avoir soudainement découvert les grandes qualités du maïs et de ses semoules. Les Grands Moulins de Paris ont ainsi leur Maïline, à base de farine de maïs toasté, Baguépi-Soufflet sa Bellamie (avec traçabilité garantie, s’il vous plaît !), Festival des Pains la Festive Crunchy… autant de réponses plus ou moins directes à la Pétrie et sa fameuse Pétrisane, qui marche sur les plates bandes historiques de ces grandes entreprises, lesquelles comptent parmi leur clientèle des artisans peu fidèles et sensibles autant au prix qu’aux argumentaires commerciaux bien huilés. Ce groupement se distingue d’ailleurs par sa capacité à vanter ses « innovations » : baguette de 300g à prix cassé, diagramme de fermentation pré-réglé, diviseur-formeuse « magique » permettant d’obtenir des produits aux bouts ronds… En rendant les artisans complètement esclaves et verrouillés dans leur concept, ils n’innovent pas mais contribuent à abaisser les compétences de leurs clients. Pourtant, cela n’a pas empêché les Moulins Bourgeois de produire une copie conforme de la Pétrisane : lors du dernier Europain, la baguette « Bel Air » était présentée, avec une chambre de fermentation pré-programmée. Au delà du fait que sortir la photocopieuse pour élaborer un nouveau produit est une pratique repoussante, cela me semble peu en adéquation avec la défense de l’artisanat mise en avant par ce meunier.
D’ailleurs, le groupement La Pétrie avait lancé parmi les premiers une brioche clé en mains, la Briotine. L’an passé, ils ont été rejoints par de nombreux meuniers et ingrédientistes. Eurogerm a ouvert le bal, suivi par certains de leurs revendeurs, avant que d’autres développent leur propre produit. Festival des Pains a ainsi mis l’accent sur les « moelleux » réalisés avec la farine la Festive, un choix qui reste à saluer car les recettes se basent uniquement sur des produits bruts… reste à savoir si les artisans ayant choisi cette enseigne parviendront à les reproduire au quotidien. De nombreux meuniers indépendants tels que Guénégo, Paulic, Minoterie 19, … ont fait des propositions similaires, avec parfois des listes d’ingrédients pouvant faire pâlir les industriels.
Même si l’on peut regretter que le pain de mie et la brioche soient aujourd’hui majoritairement vendus par la grande distribution et que les artisans doivent naturellement se positionner sur ce segment, il ne faudrait pas essayer d’en faire une tendance « forte » et donner l’impression que l’on innove vraiment en relançant ces produits : d’autres l’ont fait depuis longtemps (à l’image de Foricher ou Girardeau), et l’ADN du pain français restera toujours sa croûte croustillante, qui représente un véritable patrimoine à défendre.
La vicieuse évolution du marketing
Nous vivons dans un monde d’image et de communication. Le faire savoir a fini par triompher du savoir-faire dans bien des domaines, et la boulangerie n’est pas épargnée. Les réseaux de boulangerie l’ont bien compris : à défaut d’avoir de belles choses à montrer, il faut savoir raconter de belles histoires. Ange s’est donc acheté de la vertu à bon compte en utilisant des farines CRC brillamment écrasées par la Minoterie Girardeau.
Arrivée plus récemment sur le marché, l’enseigne Boréa a été plus loin dans le développement d’une image « saine » : ils seraient le premier « réseau de boulangerie orienté bien être et naturalité ». Il ne s’agit là que d’un vernis destiné à tromper les consommateurs, car leurs pratiques ne diffèrent pas de celles des autres réseaux de boulangerie. On y retrouve en effet des viennoiseries clairement industrielles, des pâtisseries standardisées, une gamme snacking très développée… et du pain réalisé selon des process ultra rationalisés, avec emploi de préparations (comme cela a récemment été souligné dans un reportage diffusé sur France 2) – même si le blé est certifié CRC, avec des farines livrées par Foricher les Moulins, un fait par ailleurs plutôt surprenant de la part d’un meunier revendiquant si fort son engagement auprès de la boulangerie artisanale -. Les deux fondateurs -Laurent Remond et David Borréani- n’ont de cesse de mettre en avant la tradition boulangère entretenue dans la famille Borréani, et qu’ils n’auraient fait que reprendre les « recettes du grand père ». Pas sûr qu’il connaissait les pré-mixes et le levain déshydraté, mais passons.
S’ils ciblent avant tout des entrepreneurs non issus de la boulangerie « traditionnelle », je trouve beaucoup plus choquant qu’un salon comme Europain leur ait donné une vitrine lors de son édition 2018. En effet, dans un « Lab Bien-être et Naturalité » créé sur mesure, ils ont pu développer au cours de multiples conférences leur vision du métier, en plus d’un large espace reprenant les codes déployés dans leurs points de vente. Ces individus ne doivent pas devenir prescripteurs de tendances pour nos artisans, au risque d’aboutir à une profession encore plus déshumanisée et dépourvue de sens qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Les investissements réalisés dans l’aménagement des lieux de vente et le discours qui y est tenu font illusion un temps : bien sûr, il ne faudrait pas prétendre que les consommateurs n’y sont pas sensibles. Le développement de ces franchises (même constat pour Feuillette) en est une bonne preuve, même si je ne pense pas que cela soit très durable : dans un contexte où le grand public sera toujours plus sensibilisé à l’importance de consommer des produits de qualité, sains et naturels, porteurs d’une vraie démarche éthique, leur écran de fumée finira par lasser et perdre de l’effet. Le cycle de la vie, en quelque sorte. En parallèle, des entrepreneurs indépendants tentent de créer leurs concepts, sans posséder eux-même le savoir-faire boulanger nécessaire pour raccrocher les wagons. Ils occupent l’espace médiatique avec des affaires sans âme. Leur destin ne sera sans doute pas beaucoup plus glorieux.
Au delà du marketing développé en bout de chaine, à destination des clients finaux, il y a aussi celui adressé aux boulangers. J’ai déjà eu l’occasion de vous dire tout le bien que j’en pensais, mais si j’étais optimiste quant aux évolutions futures à l’époque, j’avoue que j’ai eu tort de croire que l’on renoncerait si vite à ces travers. En effet, les supports de communication standardisés sont toujours nombreux, avec des opérations commerciales à foison et parfois l’encouragement à la promotion permanente via des mécanismes similaires aux chaines. Les farines marketées sont également au rendez-vous, avec des sacs toujours très travaillés et des kits boutique fournis. Je pense qu’il y a derrière cette façon de faire une vision bien dépassée du marketing, qui remonte aux grandes années de la communication de masse et à ses travers : le consommateur était une quantité négligeable, noyée dans la puissance et l’abondance des messages. Or, cette ère est à présent terminée, et nos amis meuniers devraient renoncer à l’idée même d’exister en tant que marque auprès du grand public pour s’effacer au profit de la seule identité de leurs artisans. Bien sûr, cela demande un gros travail sur leur égo, un facteur clé de la façon d’agir de ces chefs d’entreprise qui passent bien trop de temps à regarder ce que font les voisins et à se positionner en fonction. Le marché sortirait pourtant grandi d’un tel assainissement, qui devrait s’opérer avec l’évacuation progressive de grands « consultants » en marketing, lesquels ne s’intéressent pas ou peu au métier mais y ont acquis une influence forte au fil des années.
Les solutions miracle des nouvelles technologies
Cette invasion de grands penseurs ne touche pas que le sujet de la communication : en effet, à l’heure d’une société digitalisée, nombreux sont ceux qui pensent avoir comme mission d’apporter leur grand savoir-faire numérique dans les « vieux » métiers de l’artisanat. Il faut « disrupter » à tous les étages, peu importe que l’on s’oriente dans des sens contraires aux fondamentaux de la profession. La boulangerie n’est vraiment pas épargnée : cela a sans doute commencé il y a quelques années avec d’imposants écrans installés en boutique, souvent en dépit du bon sens et sans apporter de valeur à l’artisan et à son consommateur. Internet a apporté une nouvelle vague : je suis connecté donc j’existe… sinon je meurs. C’est en tout cas ce qu’essaient de faire croire des prestataires tels que Rapidle, Miam Express et autres marabouts numériques.
Leur mécanisme est assez simple : ils déploient des armées de forces commerciales pour démarcher les artisans et les convaincre que le « click and collect » leur permettra d’acquérir de nouvelles parts de marché. Une fois le contrat signé, un site standardisé et sans âme est mis en place. Si cela attire les curieux et parfois quelques articles dans la presse régionale dans un premier temps, bien heureux sont ceux qui enregistrent des commandes régulièrement : beaucoup d’artisans se retrouvent ainsi engagés sur de longues périodes, avec une facturation récurrente, sans que cela contribue à développer leur chiffre d’affaires.
D’autres petits malins tentent de s’engouffrer dans la brèche avec des approches différentes, à l’image des Habitués : cette solution de pré-paiement ou de cagnotte s’affiche autant qu’elle le peut auprès des acteurs meuniers pour tenter de prendre de l’ampleur. Ils mettent en avant la « communauté » qu’ils construisent et le support marketing que fournirait leur solution.
Toutes ces allégations peinent à trouver du sens car on se rend rapidement compte que le business de ces entreprises n’est pas basé sur des besoins exprimés par les consommateurs mais uniquement sur des visions déformées de la réalité artisanale. Il y a, au delà de cette critique, une portée beaucoup plus philosophique à ma réflexion : dans quel monde voulons-nous vivre ? Devons-nous remplacer la chaleur du contact humain par des rapports aseptisés, où l’efficacité prime sur le reste ? La boulangerie devrait, à mon sens, rester préservée car elle est un élément important du lien social, au delà des seules préoccupations commerciales. Rentrer chez un artisan, c’est prendre plaisir à découvrir ses créations, son univers, la vie de sa boutique. La précommande, à plus forte raison pour des produits de snacking comme c’est souvent le cas, coupe tout cela en plus des achats d’impulsion.
Le fait que des acteurs historiques du métier s’engagent dans cette voie est encore plus inquiétant : Foricher les Moulins a lancé courant 2017 un site nommé CommanderMonPain.fr où il propose à ses clients de mettre en place un service de commande en ligne centré sur quelques produits moulés, tels que la brioche ou le pain de mie. Derrière l’objectif affiché de permettre aux artisans de reprendre des parts de marché sur le segment du petit déjeuner s’ajoutent de bien curieuses idées : une gamme et des prix de vente imposés, ne prenant pas en compte les spécificités des coûts matière de chaque artisan, avec des recettes et un façonnage en moule dépourvus d’intérêt en production quotidienne.
Je peine à croire que c’est ainsi que nos boulangers pourront se différencier : en les plaçant derrière une bannière uniforme et peu respectueuse de leur identité singulière, on contribue encore et toujours à les faire disparaître dans une grande masse informe. Les intentions de ce meunier n’étaient sans doute pas mauvaises, mais il a visiblement été très mal conseillé et accompagné, que ce soit dans la réflexion ou la réalisation.
Les gourous de la boulangerie
La boulangerie, comme de nombreux autres métiers, est soumise à des « cycles » qui voient apparaître des tendances plus ou moins durables. Nous avons la grande chance d’assister ces dernières années à l’apparition d’une nouvelle génération de boulangers, plus ouverts sur le monde et départis de l’influence des grands réseaux de boulangerie. Ce bel horizon de liberté ne pouvait qu’être rapidement assombri par la présence de vautours, toujours en recherche d’opportunités leur permettant d’asseoir leur pouvoir à la fois sur la profession et les individus et ainsi servir leurs intérêts personnels. Si la pratique était assumée, elle serait dérangeante mais acceptable car plus facilement détectable. Plusieurs gourous montent ainsi en puissance, avec pour chacun un vernis de belles valeurs et la ferme volonté affichée de vouloir aider la profession pour faire face aux enjeux et difficultés qu’elle connaît.
Thomas Teffri-Chambelland a bien compris l’engouement pour la panification au levain naturel, et plus particulièrement auprès d’un public d’adultes en reconversion. Au sein de l' »Ecole Internationale de Boulangerie », à Noyers-sous-Jabron, il a mis en place avec son équipe une formation -facturée pas moins de 14000€ (edit 28/02/2018 : 11396€HT comme précisé par Thomas Teffri-Chambelland dans son commentaire) – aboutissant au diplôme d’Artisan Boulanger bio, selon un référentiel agréé par l’Etat. Au delà des aspects portant sur les compétences métier, de nombreux autres sujets sont abordés avec les stagiaires, et c’est leur projet global qui est construit en collaboration avec l’EIDB : gamme de produits, équipement, fonctionnement de l’entreprise… Ils sortent ainsi avec des idées très arrêtées du métier, sans avoir eu réellement l’occasion de construire leur vision par l’expérience, en dehors de quelques stages en entreprise. On retrouve généralement des produits très similaires d’un élève à l’autre : pains moulés, petit épeautre de Haute Provence, brioche du Sud à l’huile d’olive, … et des concepts se rapprochant de celui déployé à La Fabrique à Pain, la vitrine aixoise de la boulangerie selon Chambelland. Les anciens élèves, même une fois installés, gardent une relation forte avec l’école et y font appel pour des choix variés, comme celui du meunier ou d’une marque de matériel.
Au vu des compétences forcément limitées acquises sur une courte période, ils peuvent repasser à la caisse pour des stages de perfectionnement. La dépendance va même plus loin dans certains cas : non content de développer ses boulangeries sans gluten -une ouverture a été annoncée à Bruxelles et une autre se fera également à Bordeaux… tout cela en franchise ! (sic) -, Thomas Teffri-Chambelland et ses associés prennent des participations dans les affaires de leurs protégés. Pain Paulin au Cap Ferret ou Maison Deschamps à Lyon comptent ainsi leur grand bienfaiteur parmi leurs actionnaires… avec toutes les implications que cela génère sur leur pouvoir de décision et leur liberté d’action au sein de leurs entreprises.
Franck Debieu s’emploie lui aussi à transmettre sa vision du métier : dans son institut de formation d’Antony, pétrissage à la main et hautes réflexions philosophiques sont au programme pour aboutir à un pain toujours plus à l’image des hommes qui le font. En insistant sur l’importance de l’intention et des humeurs, qui participeraient à développer des saveurs différentes dans le pain (sic), il s’adresse autant à un public de professionnels que de novices. Démonstrateurs en meunerie, groupes d’entreprises en opération de team-building, boulangers en quête d’un nouveau sens, … tout y passe. La démarche est bien sûr respectable, car elle remet l’humain au centre du processus de panification, mais il me semble que certaines limites sont à respecter… d’autant que là encore, on ne sait pas bien quels intérêts sont servis.
En effet, les relations étroites qu’entretient le boulanger en quête de son étoile avec Sylvain Combe, ex-dirigeant du marchand de matériel AVMA, laissent planer quelques doutes sur la sincérité des propos. Ce dernier cherche depuis plusieurs mois à peser sur le marché en jouant le rôle de « concierge », c’est à dire de conseil et d’entremetteur entre acteurs de la profession. Un artisan en recherche d’un meunier, d’un agenceur… pourrait ainsi se tourner vers lui afin d’être conseillé. Ne nous trompons pas sur l’état d’esprit : bien sûr, ces informations se monnayent car les dites entreprises devront payer leur commission et donc négocier avec l’entrepreneur-réseauteur. La farine est choisie, le matériel s’installe, Franck Debieu vend la formation, tout le monde est heureux.
De son côté, Pascal Rigo -fondateur de La Boulange à San Francisco, revendue à Starbucks- voit les choses en grand et… en réseau. Après avoir vécu l’American Dream, le voilà de retour en France pour sauver la boulangerie artisanale avec ses grandes idées et ambitions. L’aventure a commencé au Cap Ferret avec la première « P’tite Boulangerie », dont les spécificités résident dans un format réduit, un investissement limité et une forte proximité entretenue entre l’artisan et sa clientèle. Après l’ouverture de sa déclinaison pâtissière, toujours sur la presqu’île du bonheur, l’idée a rapidement germé de développer un réseau de micro-boulangeries. Seulement, pour produire, il faut des mains, et plus particulièrement celles de femmes et d’hommes de métier. Notre ami, accompagné pour l’occasion de Florence Méro (passée par les éditeurs de logiciels Ciel et Sage, c’est dire si elle connaît bien le secteur) et Arnaud Chevalier (ex-Boulanger de Monge), a donc mis en place un dispositif où les boulangers sont associés et entrepreneurs. La holding réalise l’investissement initial, s’occupe de la gestion et de la communication, tandis que l’artisan n’aurait plus qu’à se concentrer sur son métier tout en montant « mécaniquement » au capital de sa propre entreprise.
On peut bien se douter que notre ami n’est pas philanthrope : la P’tite Boulangerie conservera toujours 30% des parts de l’affaire et continuera donc à exercer un contrôle significatif sur cette dernière. Même si le vernis est beau, plusieurs points de leur discours ne sont pas cohérents. A commencer par le « fait maison »-« fait sur place » : leurs boutiques mettent en avant que « ici, rien n’est fait ailleurs ». Au vu de la gamme déployée dans les ouvertures bordelaises (quartier Notre-Dame et Halles de Bacalan), cela n’est tout simplement pas possible : les viennoiseries et pâtisseries demandent de l’espace de production, ce qui sous entend de disposer d’un laboratoire central pour les réaliser (au Cap Ferret pour la région de Bordeaux). A mon sens, la construction des gammes n’a pas de sens aujourd’hui et elles sont beaucoup trop étendues : où est le concept de micro-boulangerie quand on installe une vitrine froide et qu’on développe le snacking ?
La liberté de l’artisan est également tout à fait galvaudée : il sert la bannière derrière laquelle il s’est placé, et ses produits sont nécessairement orientés en fonction du concept de l’enseigne. Par exemple, la P’tite Boulangerie installe dans ses fournils des diviseuses-formeuses, qui impliquent un certain process de fabrication et des baguettes/pains aux bouts carrés. Le problème est identique pour les produits achetés à la maison mère (donc les viennoiseries/pâtisseries dans la plupart des cas), l’agencement, la communication… ou les approvisionnements. Ces sauveurs de la boulangerie française ont beaucoup insisté sur les circuits-courts, la priorité donnée aux producteurs locaux… tout en achetant de la farine à la Minoterie Suire, qui n’a rien du petit meunier régional.
J’entends beaucoup de gens qui reconnaissent dans cette idée une possibilité d’installation offerte à des professionnels qui ne seraient pas en capacité de le faire seuls. Cela ne me convainc pas, à la fois car je suis persuadé que ce métier n’a d’avenir qu’en étant exercé de façon libre, délivrée de toutes ces marques inutiles et par des artisans maîtres en leur demeure. Les difficultés d’obtention de crédits ou de constitution d’apport sont réelles, bien sûr, mais en construisant des projets de boulangerie plus rationnels et en travaillant sérieusement sur les structures d’accompagnement des profils « qualitatifs » (voilà un service que de nombreux meuniers devraient proposer), je suis persuadé que rien n’est insurmontable.
Enfin, il y a le sujet sensible des ambitions et des associations : Pascal Rigo ne se cache pas de posséder un appétit féroce de développement et ambitionne de constituer le premier réseau boulanger de France (!) avec plus de 200 implantations à terme. Je vous laisse imaginer la difficulté à gérer les participations, les égos, les problématiques locales… sur ce volume. D’autant que pour y parvenir, la P’tite Boulangerie pourrait bien ouvrir des corners au sein de magasins tels qu’Auchan… ce qui amplifierait le manque de cohérence de l’ensemble et mettrait tous les boulangers impliqués dans l’affaire au service de leurs propres fossoyeurs. Réjouissant.
Tout aussi réjouissant que la volonté portée par Pierre Guez de développer une chaine référente en pain Biologique, sous la marque L’Atelier du Boulanger. Cette dernière a été acquise auprès de Philippe Goisneau, ex-associé de Dominique Saibron et installé depuis plusieurs années à Lyon, avec un bel emplacement à la Croix-Rousse. Le président de Dijon Céréales pourra se vanter de ce dernier fait d’armes, avant son départ prochain à la retraite : il a en effet transformé les « Pétrins Toussaint » -un réseau alors sur le déclin, notamment connu pour son fameux gâteau aux épices- en de fringantes (ou pas) boulangeries. Je ne pense pas qu’il soit très bon de vouloir multiplier les activités, à plus forte raison quand on ne possède pas une vision claire et pertinente du marché dans lequel on s’aventure. C’est malheureusement le cas ici, car il ne suffit pas d’acheter une marche et de la placer comme étendard pour se racheter une image positive. La qualité des produits en boutique témoigne bien de ce fait.
Des MOF encombrants
Ces problèmes de qualité se retrouvent tout autant dans les affaires détenues par des artisans qui devraient représenter les modèles de la profession. J’ai déjà eu l’occasion d’épingler quelques Meilleurs Ouvriers de France pour l’écart important entre les attentes que génèrent naturellement leur titre auprès de la clientèle et la réalité de leur production. Le phénomène est loin de s’être éteint, leur titre étant visiblement devenu particulièrement attirant, ce qui encourage des investisseurs-entrepreneurs à les accompagner pour développer des entreprises autour de leur nom.
On peut bien sûr citer les inénarrables Thierry Meunier et Eric Teboul, qui semblent partis pour conquérir le monde avec des ouvertures tout azimut, la dernière en date étant au 29 avenue Niel, Paris 17è, avec des pains toujours aussi… heureux. Mickaël Morieux ne fait pas beaucoup mieux dans ses affaires charentaises, avec une boutique en plein coeur de la Rochelle où les produits comme l’agencement font peine à voir. Florian Argoud et Olivier Magne, derrière l’enseigne Farine&O, sont aussi partis dans la quête aux étoiles en ouvrant leur deuxième affaire au 10 rue des Martyrs, Paris 9è, tout en dégradant la qualité des produits proposés jusqu’alors. Joël Defives accompagne également Thierry Marx dans ses projets enfarinés : le chef aux baguettes a en effet annoncé l’ouverture de pas moins de 20 boulangeries sur 5 ans, grâce à FrenchFood Capital, un jeune fonds d’investissement dédié à l’alimentaire. Mickaël Chesnouard, que l’on connaissait à l’Atelier M’Alice, devrait se lancer prochainement dans l’arène… j’en oublie sans doute d’autres, mais le fait est assez symptomatique d’une volonté d’émancipation de ces professionnels : longtemps « reclus » au domaine de la formation, ils veulent à présent exister en dehors de ces grandes structures que peuvent être l’INBP et autres instituts.
Les gros faiseurs l’ont bien compris et s’en sont emparés pour donner à leurs produits des cautions de savoir-faire. On retrouve ainsi les cols bleu-blanc-rouge associés à des préparations industrielles : chez Philibert Savours et Bridor de longue date pour Frédéric Lalos, chez Condifa pour Stéphane Glacier, … ainsi que sur des salons, où leur présence est fort appréciée pour mettre en confiance les clients potentiels.
On finit par les voir partout, en sachant qu’ils ne sont plus vraiment nulle part : le don d’ubiquité restant à ce jour un doux rêve, il faut faire des choix…
Une évolution des salons professionnels
En parlant de salons, le paysage s’est considérablement transformé ces dernières années. Europain régnait jusqu’alors en maître incontesté, concentrant beaucoup d’efforts et de moyens de la part des acteurs de la filière (meuniers, groupements, industriels, …). Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et cela a commencé avec le départ de grandes marques comme Banette, déjà absent il y a deux ans.
La superficie d’exposition a considérablement réduit pour n’occuper qu’un seul hall du Parc des Expositions de Villepinte. En 2018, le manque de dynamisme et d’enthousiasme était bien palpable : certains avaient fait le choix d’un stand plus petit, tandis que la liste des absents s’est enrichie (Grands Moulins de Paris, Soufflet, Metro, …). L’attitude de GL Events, société gestionnaire de l’événement, n’y est sans doute pas étrangère : en facturant des sommes impressionnantes aux exposants, avec une liste d’options à n’en plus finir, ils contribuent à rendre Europain très peu attractif. De plus, son manque d’ouverture sur le « reste du monde » et des métiers de bouche réduisent son influence, notamment face à un SIRHA toujours plus puissant et mieux reconnu à l’export, en dépit de sa localisation géographique à la périphérie de Lyon. La nouvelle organisation d’Europain -avec ses secteurs « je gère », « je vends », …- et les nombreuses tables rondes, conférences ou démonstrations n’auront pas réussi à changer la donne et on peut se demander quel sera le sort réservé à l’événement en 2020 : délocalisation, annulation, …? Nous le saurons bien vite.
Dans le même temps, les salons régionaux se développent : Serbotel (Nantes) a pris de l’importance, tout comme le Smahrt (Toulouse), Exp’Hotel (Bordeaux) ou l’Egast (Strasbourg). Les métiers de l’hôtellerie-restauration y tiennent une place importante et replacent la boulangerie-pâtisserie dans l’écosystème qui l’entoure, tout en proposant aux artisans d’autres horizons et sources d’inspiration… même si l’omniprésence de l’offre industrielle a tendance à les emmener dans la mauvaise direction, en les poussant à prendre des raccourcis que savent fort bien habiller les commerciaux des distributeurs.
Alliance Expo et ses salons BreizhProExpo, BFCProExpo, … tire également son épingle du jeu, avec des formats plus réduits en taille et en durée, ce qui limite d’autant les investissements. Les marchands de matériel organisent également ce type d’événement avec leurs partenaires (meuniers, marchands de fonds, sociétés de service…), permettant une proximité forte entre les exposants et les visiteurs, ce qui facilite les échanges et crée une ambiance conviviale fort appréciée.
Ce paysage éclaté montre que la profession peine à trouver ses références dans un environnement très mouvant, où le dernier a avoir parlé remporte souvent l’adhésion.
Des artisans toujours en difficulté, sans réelle vision pour l’avenir
C’est dans ce désordre généralisé que nos boulangers doivent évoluer au quotidien. Leurs difficultés sont souvent nombreuses, entre gestion du personnel, hausse du prix des matières premières, difficultés d’adaptation aux tendances de consommation, concurrence accrue… mais j’ai acquis la certitude que le véritable problème de la profession était le manque de vision et de convictions. Cela nous empêche de tracer des trajectoires claires et cohérentes, et de mener les artisans dans la direction qui leur permettrait de perdurer demain. On ne saurait les tenir pour seuls responsables de cette situation : leurs partenaires historiques que sont le syndicat ou les meuniers manquent cruellement de courage pour initier un changement profond dans des pratiques dépassées et contre-productives.
Je peux bien l’observer au travers de la course permanente aux transactions et nouveaux clients auxquels se livrent les meuniers franciliens : au lieu de construire des projets durables et apporter le niveau de service qui fidéliserait les artisans à long terme, ils préfèrent jouer sur l’argument des prix et de l’accompagnement financier. Les Moulins Familiaux et Moulins Bourgeois se jouent ainsi la guerre à savoir qui fera le plus gros chèque pour entrer, les mettant parfois dans des positions très inconfortables : s’ils refusent de suivre un boulanger « multi-boutiques » sur un nouveau projet, le risque est de perdre les volumes sur l’ensemble de ses affaires… ce qui contribue à faire monter les enchères, car certains ne manquent pas d’en jouer. Le prix du quintal de farine peut également être un argument redoutable, et les marchands de poudre blanche comme j’aime les appeler savent l’utiliser. Les Moulins Dumée essaient de percer de cette façon, portés notamment par leur nouvel outil de production largement capacitaire. Bien sûr, les gros faiseurs tels que Soufflet ou GMP savent sortir l’artillerie lourde quand c’est nécessaire, même s’ils sont de moins en moins visibles.
Les discours portés sur la qualité et leur grande passion de l’artisanat ne tiennent pas face à de tels agissements. Le débat n’est pas porté sur les bonnes questions et nous en paierons tous le prix à long terme : la diminution progressive du nombre de boulangeries provoquera des ruptures dans la chaine de transmission du savoir, et ce n’est pas en conservant quelques très bons artisans que nous parviendrons à former les générations futures.
Qui pense réellement à l’avenir de la profession, en définitive ? Certainement pas nos amis les marchands de fonds, qui continuent à exercer la même pression sur le marché alors qu’ils constatent bien la contraction de leur volume d’affaires. Le clientélisme entretenu avec les acteurs de grande taille du marché -boulangers ou meuniers- exclut des profils pourtant très qualitatifs. On propose ainsi des affaires pas ou mal adaptés aux boulangers, en installant parfois des passionnés dans des cases à sandwiches. Je ne vous cache pas que j’ai fini par avoir une certaine haine vis à vis de tous ces parasites. S’ils sont de véritables animaux de sang froid, ce n’est pas mon cas. J’aime ce métier et les gens qui le font, avec leurs qualités et leurs défauts.
L’urgence toujours plus pressante de réinventer et ré-enchanter la boulangerie
Le tableau est sombre, c’est vrai. On va encore me reprocher de voir tout en noir, de critiquer toutes les initiatives, de ne jamais me placer du côté du progrès. J’ai acquis la conviction que toutes ces modes, ces concepts, ne nous mènent nulle part. Nous devons nous poser des questions profondes sur l’ADN du métier et nous recentrer sur ce dernier sans faux semblant, en construisant des discours clairs, en phase avec les attentes des consommateurs : les produits doivent être de qualité mais être porteurs d’une histoire vraie, ce qui implique de reconnecter le boulanger avec le reste de la filière. Il doit s’intéresser sincèrement à l’élaboration de ses farines, aux méthodes culturales déployées dans les champs, ainsi qu’à la qualité de l’ensemble de ses matières premières. Ces efforts pourront ensuite être valorisés auprès du consommateur.
Etre plus pointu sur ce que l’on fait nous incite également à nous recentrer sur l’essentiel : il s’agit aujourd’hui de consommer moins, de faire moins, mais mieux. L’idée des affaires de boulangerie tentaculaires, impossibles à gérer pour un artisan seul et difficiles à transmettre lors de la revente, est complètement dépassé : cela ne produit pas de sens pour le boulanger, qui ne sait plus exactement quel métier il exerce, et pour sa clientèle, qui peine à identifier le professionnel pour son savoir-faire et ses fondamentaux que sont le pain ou la viennoiserie. Bien sûr, nous ne devons pas être dogmatiques mais être capables de nous adapter à une demande locale, en développant parfois des produits salés ou sucrés qui répondent à des attentes particulières des consommateurs : l’enjeu est de recréer des boulangeries de quartier, où une véritable rencontre entre un artisan et sa clientèle se produit. Pas de course à la superficie, aux jolies couleurs, au superflu. Juste l’essentiel.
J’ai quelques raisons d’espérer car je ne suis pas le seul à avoir cette vision, et quelques artisans ont déjà adopté cette voie, sans doute moins évidente mais redonnant des couleurs à la boulangerie : je vous ai déjà parlé dernièrement de Louis Lamour, de Julie et Ulysse Toulet – Au Gré des Blés, d’Antoinette à Lyon, de Biogrenelle, de la Rue Palloy à Clichy… autant de pousses qui ont éclos sur le solide béton de la « tradition ».
Nous devons casser cette chape qui bride la créativité de beaucoup, notamment en refusant les pratiques moyenâgeuses qu’imposent marchands de fonds, meuniers ou vendeurs de matériel et matières premières. Il ne faut plus créer des esclaves, condamnés à rembourser un fonds de commerce vendu trop cher et des investissements démesurés, mais des boulangers libres et fiers de leur métier.
C’est cette voie que je veux continuer à tracer, et je vais à présent le faire de manière toujours plus poussée en développant mes activités de conseil aux côtés des acteurs impliqués dans le changement, qu’ils soient boulangers, meuniers, … Si certains arrivent avec de beaux concepts, des idées arrêtées et une vision édulcorée ou approximative du métier, je préfère partager mon expertise, développée sur plus de 7 ans, ma passion, ma curiosité… et ma bienveillance. Tout ça pour qu’un jour, je l’espère, on puisse vraiment dire que l’on vit une époque formidable, sans ironie.
Un très long « papier » qu’il est nécessaire de lire et de partager. L’analyse est toujours aussi pertinente et lève le voile sur ce que l’on devinait depuis longtemps. Les médias se font enfariner par tous ces groupes de la meunerie industrielle qui se parent de leurs plus beaux atours (marketing, nutritionnels, traditionnels,…). Mais ils ne sont pas les seuls, les laiteries autres coopératives comme celles des groupements AOP de Charente-Poitou qui ne cessent de vanter les qualités de leurs produits sous couvert du label AOP mais qui, pour résister à la pression économique, deviennent des partenaires de faiseur de viennoiseries industrielles au même titre que les meuniers. Leur PLV ventant le beurre AOP Charente-Poitou est livrée avec les cartons de viennoiserie industrielle surgelée aux artisans peu scrupuleux et aux chaines de pseudo-boulangeries.
Comment voulez vous que le client s’y retrouve dans cette jungle de labels qui viennent colorer nos étals et nos vitrines?
beau résumé de notre profession hélas peu prendront le temps de lire
et de comprendre que tous ces gens ne sont la que pour absorber le CA de la boulangerie
artisanale et de les remplacer au plus vite.
Et je résumerai que ceux qui nourrissent par leurs achats matières premières ces gens
alimente la Béte qui va les tuer
Je garderai, Philippe, votre dernière phrase qui résume à elle seule, la tragédie qui pourrait se jouer dans les années à venir. Bien dit.
Ah la belle réalité ! Mais en amont de la filière et ses labels et enseignes que disent les acteurs de base : les agriculteurs ?
Prisonniers des cours mondiaux et des coopératives comment vont-ils se passer du glyphosate indispensable à leur méthodes culturales quel rôle sera celui de la meunerie entre variétés rendements ? C’est sans doute là la révolution nécessaire à la survie de la filière.
Merci pour ton analyse
Bien à toi et pour le meilleur.
Monsieur Heluin,
Veuillez trouver ci-après une analyse que vous aurez j’espère le courage de publier en commentaire à la suite de votre article.
Au cours de ce long article vous critiquez une filière et des acteurs très différents pour des raisons qui vous sont personnelles.
Je souhaiterais répondre aux accusations quasi-diffamatoires que vous portez à mon encontre et à celle de l’école internationale de boulangerie que je dirige.
Comme vous le savez, le monde ne change pas parce qu’on le critique. Le monde change parce que des femmes et des hommes se lèvent et agissent, à leur échelle, modestement.
Vous me présentez ainsi que d’autres acteurs de la filière, comme un gourou opportuniste de la boulangerie moderne.
Je souhaiterais vous rappeler que si vous écrivez depuis quelques années sur la filière boulangerie, j’ai de mon côté quitté un poste de fonctionnaire pour consacrer ma vie à la boulangerie traditionnelle, biologique au levain naturel. Depuis bientôt 20 ans, je consacre près de 15h par jour de ma vie à l’élaboration de pains au levain, à la culture de céréales ou à l’enseignement des deux.
Il s’agit d’un temps long, d’un engagement de longue date qui prend ses racines bien avant que la filière ne jure que par le levain ou la bio. Un engagement qui ne saurait donc raisonnablement être taxé d’opportuniste.
Cette passion ainsi que celle de l’enseignement m’ont conduit à monter une école de boulangerie et une exploitation agricole respectivement en 2006 et 2005.
Je me permets de penser que malgré ce que vous appelez votre expertise, vous ignorez encore beaucoup de choses de notre métier: la production, la vente, l’économie de la filière, la réalité économique de nos petites entreprises et l’historique des trente dernières années au-cours desquelles certains pionniers ont fait émerger des idées aujourd’hui largement reprises par un marché plus large.
Concernant l’école internationale de boulangerie que vous critiquez vertement, notez pour commencer que le prix de nos formations diplômantes n’est pas de 14000 euros comme vous l’annoncez, mais de 11396€HT et que ce prix correspond au plafond des prises en charges institutionnelles de 32.90€/h environ. Ce qui prouve en outre que notre tarif est conforme à ce que la profession et les institutions reconnaissent comme juste.
Notez également que l’école emploie à temps plein 3 formateurs et une secrétaire, soit 4 équivalents temps plein pour encadrer 10 stagiaires! Si vous aviez la moindre idée d’un compte de résultat et du poids de la masse salariale dans nos PME, vous comprendriez rapidement qu’une école n’est pas une entreprise très lucrative. Si c’était le cas et en suivant votre machiavélisme habituel il y aurait fort à parier que de nombreux acteurs se seraient lancés dans l’aventure pédagogique, ce qui n’est à l’évidence pas le cas.
Non, monsieur Heluin, l’école internationale de boulangerie n’est pas un centre de profit extraordinaire. Et si cette société me fait vivre modestement depuis 12 ans ainsi que ma famille, il se trouve que d’autres motivations entre en ligne de compte. Il s’agit d’une aventure entrepreneuriale et humaine extraordinaire qui m’anime depuis maintenant plus de dix ans pour les raisons ci-après exposées.
-Premièrement parce que l’enseignement de la fermentation au levain n’a jamais été au programme de l’enseignement de la boulangerie en France et qu’avec pugnacité et le soutien de nombreux acteurs de la filière j’ai réussi il y a 5 ans à faire reconnaître cette partie de la filière auprès de l’état au travers d’un diplôme spécifique.
Et oui, je pense sans rougir que cette reconnaissance fait avancer la filière naturelle d’un pas.
-Deuxièmement parce que l’école accompagne des hommes et des femmes tous passionnants, dans leurs projets de reconversion professionnelles avec succès. Depuis plus de 10 ans, environ 80% des stagiaires de l’école ont monté leur propre entreprise sans qu’aucune n’ait fermée à ce jour. Contrairement à ce que vous laissé entendre, loin de formater les projets des femmes et des hommes que nous accompagnons, nous cherchons au contraire à coller au mieux à leurs aspirations. Tous les stagiaires que nous accompagnons arrivent à l’école avec leur propre parcours de vie, leurs propres aspirations et leur propre projet professionnel.
De ce fait, nos stagiaires développent des entreprises qui n’ont en commun généralement que le fait de travailler en bio et au levain. Quelles autres points communs entre Deschamps à Lyon, Lamée à Paris, Bread-elements à Hong Kong, la moitié des acteurs présentés dans « Tronche de pains » et qui sont issus de l’école internationale de boulangerie? Loin de formater notre ambition première et d’accompagner ces différences sur un terrain économique réel et nous nous donnaons les moyens de cultiver cette différence par le biais notamment d’un taux d’encadrement tout à fait hors du commun. Nous accompagnons des auto-entreprises et des sociétés de plus grande taille, dans le respect des convictions de chacun. Nos stagiaires ont entre 20 et 60 ans, disposent de 10k€ à plus de 300k€ et sont tous accompagnés avec passion par notre équipe, sans discrimination et sans volonté de formatage.
Nous travaillons à l’école des farines bio en provenance de très nombreux moulins: Pichard, Decollogne, Suire, Marion, Biocer… ainsi que des farines de très nombreux paysans-meunier.
Aucun contrat, aucune forme de lien n’est proposé à nos stagiaires susceptible de les contraindre dans leurs choix de fournisseurs ou plus largement dans leur future installation professionnelle..
L’école promeut depuis toujours la diversité pour participer au renouveau de la richesse du pain français.
Plutôt que d’écrire sans cesse la noirceur, peut-être qu’une rencontre à l’école ou avec les stagiaires de l’école éclairerait votre propos et vous donnerait à voir des choses positives que vous ignorez.
Enfin vous mentionnez mes participations dans différents projets de boulangerie en France.
Oui, j’ai répondu présent à plusieurs reprises ces dernières années à d’anciens stagiaires qui en phase de démarrage ont souhaité m’inviter au capital de leur structure.
Ce que vous ignorez c’est que mon soutien toujours minoritaire n’est jamais ingérant. J’apporte notamment mon expertise quand on me le demande, il arrive aussi que je mise mon argent personnel pour soutenir ces projets qui pour certains n’auraient pas survécu sans cela. Aucun de ces projets ne me rémunère aujourd’hui et je crois comprendre que vous ignorez en partie ce qui anime un entrepreneur. J’ai donc en effet quelques associés que j’apprécie pour leur qualité de travail et leurs qualités humaines et qui je crois m’apprécient pour les mêmes raisons sans quoi il ne m’auraient pas invité à faire partie de leur aventure.
Vous savez par ailleurs parfaitement que l’école internationale de boulangerie ne propose aucun accord de partenariat avec ses stagiaires, ni aucun concept de type franchise.
Monsieur Héluin, je pense que vous ignorez que l’homme n’agit pas toujours comme un loup mais que le cœur et la passion sont susceptibles de nous animer parfois.
Vous seriez surpris je crois de découvrir la générosité qui existe entre les membres du réseau de l’école et de la pérennité des liens qui unissent ces boulangers au travers le monde.
Pour finir sur ces commentaires, excusez moi d’être assez direct avec vous, mais pensez-vous que vos articles font avancer la filière, sa qualité, sa diversité?
Je me demande également quand est-ce que vous passerez à l’acte, avec votre expertise, pour nous montrer de vos mains, de votre sueur, de votre épargne, ce modèle élogieux de boulangerie dont vous rêvez.
Avec tout mon respect, critiquer est une chose facile, agir l’est moins.
Et quand bien même celui qui agît se trompe, il a le mérite d’avoir essayé et d’avoir apporté sa pierre avec ses compétences et ses convictions.
De mon côté et malgré vos attaques mesquines ou mal-informées, sachez que j’avance avec mes convictions, libertaires et indépendantes.
Enfin, si je puis me permettre de vous rappeler à quelques valeurs humaines élémentaires et puisque nous nous croisons régulièrement et que vous avez pris le temps de me prendre en photo sur mon stand lors du salon Europain, j’aurais apprécié que vous ayez eu le courage de l’homme qui assume ses propos; apprécié que vous ayez pris le temps de me dire vos gentillesses en face, les yeux dans les yeux, plutôt qu’assez lâchement derrière votre écran.
Si les Hommes ne sont plus capables de relations saines comment pensez-vous que nos filières puissent se structurer comme il faut?
Cordialement.
Bonjour M. Chambelland,
Merci d’avoir pris le temps de cette réponse longue et détaillée.
J’abonde en votre sens sur la critique du monde et le fait qu’il soit nécessaire d’agir pour faire changer les choses. Soyez assuré que je ne me place pas dans la posture, qui serait fort confortable et non-constructive, du simple critique. Mon activité ne se résume pas à ce seul blog
Pour rester sur le sujet de ma personne que vous évoquez à la fin de votre commentaire, je n’exclus pas de chercher à mettre en pratique mes idées par moi-même comme vous m’y invitez. J’ai suffisamment de respect pour cette profession pour ne pas le faire sans toute l’expérience et le savoir-faire que cela nécessite, que je chercherai à acquérir par l’apprentissage et le labeur que vous évoquez.
Je suis persuadé que vos précisions ne manqueront pas d’éclairer mes lecteurs et combleront le manque d’information que vous me reprochez.
Nous ne manquerons sans doute pas d’occasions pour confronter nos visions de façon directe.
Je ne suis pas caché, ni lâche, je signe mes écrits en mon nom et j’en assume pleinement les conséquences. Chacun sait où me trouver, et je suis navré que vous interprétiez mon billet comme de lâches attaques virtuelles.
Belle soirée,
Rémi Héluin
Sérieusement ?
Vous ne pensez pas qu’il manque quelques excuses pour une personne que vous attaquez sans être (bien) informé ?
Je ne vais pas employer des mots savants et bien écrits pour vous dire qu’il faudrait peut-être arrêter de péter plus haut que son cul. L’arrogance et la suffisance n’apportent rien dans ce monde, et désinforme même vos lecteurs. Ce n’est pourtant pas votre but je parie.
A bon entendeur,
Sophie
Des excuses? Nous avons des positions différentes, nous les exposons, c’est là tout l’intérêt d’un média vivant tel qu’Internet.
Belle journée,
Rémi
Bonjour Rémi, ceux qui suivent votre blog ne sont pas nécessairement tous sur Facebook. Aussi pour que leur information soit complète, je reproduis ci-après le commentaire que j’ai fait sur votre page Facebook et comme vous avez coutume de dire, je vous souhaite une belle journée.
Pour mémoire il s’agit d’une réponse que j’ai faite sur la page à un commentaire de Patricia, une femme dont j’apprécie le travail au sein de la filière professionnelle qui vous intéresse. En effet je n’étais pas en accord avec elle sur le fait que votre long papier était « une source de réflexion pour les professionnels ».
Plus qu’une source de réflexion pour les professionnels, ce billet, ma chère Patricia, est pour moi une source de réflexion sur ce que constitue le fait de s’exprimer sur internet. Sur ce media vivant où le pire côtoie le meilleur, chacun peut se proclamer expert ; petit à petit Rémi Héluin a acquis une forme d’expertise dont beaucoup de professionnels auraient été prêts à lui faire crédit, si elle n’était trop fréquemment mise au service de propos dont lui-même ne semble parvenir à comprendre qu’ils sont malveillants. A ce titre je vous invite à lire sur le blog du painrisien la réponse parfaite de Teffri Chambellan à ce long billet de Rémi, où parmi bien d’autres son entreprise était sujette à des reproches (je dis « reproches » pour user d’un terme mesuré, mais en fait dans sa forme le propos n’était pas loin d’être diffamant). La propre réponse de Rémi à la mise au point de Teffri Chambellan est édifiante et montre qu’il n’est pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Pour ma part, je suis navré que l’intérêt de Rémi pour une filière soit mis au service de tant de noirceur. Son propos crée un sentiment de malaise car il faut souvent démêler d’une vérité qu’il décrit ou voudrait décrire, une forme d’expression qui me fait penser à ceux qui partout ne voient que conspiration. Quand par ailleurs le texte s’en prend gratuitement à des personnes je trouve que des bornes peu acceptables sont franchies. Pour être plus précis, ce qu’il dit de Fouzia Smouhi est parfaitement déplacé et ne nourrit en rien le devenir d’un univers professionnel qu’il entend servir. Pour ma part, comme vous le savez, j’ai le bonheur de compter parmi mes clients les Moulins Bourgeois. Je doute qu’ils aient du temps à consacrer au billet de Rémi Héluin, mais j’en trouverai pour ma part certainement pour lui dire ce que je connais de cette entreprise hautement respectable, notamment de leur travail effectué au cours du dernier salon Europain, alors qu’il n’en restitue qu’une vision partielle dans des termes inutilement désobligeants. Pour conclure, dans ce monde de la boulange’ que je côtoie depuis plus d’une douzaine d’années, il me semble que les mots, empathie, sympathie, fidélité, et pour tout dire bienveillance ont un sens. Ils peuvent plus efficacement que la malveillance contribuer au mieux d’une profession et nous en avons eu tous les deux ma chère Patricia la preuve, en voyant, exemple parmi d’autres, le travail d’Eugène Abraham au service des Compagnons du Devoir l’an dernier. Bien amicalement, François Dumoulin
Quelle belle occupation dominicale que de faire du copier/coller! Je vais donc en faire de même.
Cher François,
Merci d’avoir pris un peu de votre précieux temps pour ce commentaire.
S’exprimer sur Internet est effectivement une discipline intéressante, exigeante et source d’apprentissage. Cela fait déjà 7 ans que je l’éprouve et suis toujours passionné par cette superbe possibilité offerte à chacun d’interagir librement avec l’auteur d’un contenu : à l’inverse d’un média « statique » et à sens unique, nous pouvons tous participer au débat… et comme vous l’avez très justement souligné, certaines personnes concernées par mon billet n’ont pas manqué de le faire.
Est-ce être sourd que d’avoir des convictions, de les porter avec force et implication comme je le fais ? Devrais-je tendre la joue aux objections que l’on me présente comme le ferait un enfant coupable d’une quelconque faute ? Ce n’est vraiment pas ma position et la force de l’expérience que j’ai acquise grâce à ce blog me permet aujourd’hui d’écrire avec toute la liberté et la sérénité que je ne retrouve malheureusement pas dans votre commentaire.
La noirceur que vous soulignez est propre au monde dans lequel nous évoluons. La pointer du doigt est parfois nécessaire pour mettre en perspective des initiatives sincères et positives. J’en ai cité à la fin de mon article, et je continuerai à les défendre quotidiennement car c’est en ce sens que j’agis, malgré toutes les intentions destructrices que l’on peut me prêter.
J’avoue avoir souri à l’évocation d’une conspiration après laquelle je n’aurais de cesse de courir, je vous rassure quant à ma pleine conscience du fait que le mouvement global qui anime le secteur de la boulangerie tient plus de la somme de recherches forcenées d’un intérêt personnel plutôt que d’un complot organisé, qui serait alors bien plus facile à démêler.
Les relations entretenues entre un client et son fournisseur ne doivent pas priver de clairvoyance et de vigilance ; au contraire, l’attention portée à l’autre devrait nous inciter dans ce cas à redoubler d’efforts pour l’emmener dans la bonne direction, et non pas celle qui servirait le mieux notre paroisse dans le temps court et immédiat. Voir plus loin, penser à la transmission, essayer de laisser une trace -même infime- pleine de sens, voilà ce qui pourrait réhabiliter la bienveillance et l’empathie.
Belle soirée,
Rémi Héluin
Ping : Pain Biologique au levain naturel, reconversions professionnelles… Interview : Thomas Teffri-Chambelland, fondateur de l’EIDB & de Chambelland | painrisien