Je regrette souvent le manque de discernement dont les artisans boulangers peuvent faire preuve quand il s’agit de sélectionner les matières premières destinées à la fabrication de leurs pâtisseries, sandwiches ou autres préparations faisant appel à d’autres ingrédients que de la farine ou du beurre. Entre chocolat bas de gamme, jambon premier prix, compote réalisée à partir de purée de pomme concentrée, … il n’y a pas beaucoup à chercher pour savoir pourquoi les produits que l’on consomme ont un goût bien étrange, désagréable voire proche de celui diffusé par l’industrie. Les fournisseurs très implantés dans le secteur (BackEurop, Transgourmet, Délice & Création…) ne font rien pour arranger les choses, et pour cause : ils s’assurent ainsi des marges confortables.
Les raisons à une telle situation sont multiples, mais cela tient surtout à un manque de culture et de volonté : plutôt que de chercher des producteurs, on va à la facilité.
Heureusement, quelques acteurs changent la donne et entreprennent un véritable travail de sourcing. C’est le cas des trois associés à l’origine du projet Dupain.
Si vous vous intéressez au paysage de la restauration parisienne, les noms de Julien Fouin et Ludovic Dardenay ne vous sont peut-être pas inconnus. En effet, ces deux entrepreneurs ont multiplié les ouvertures au cours de ces dernières années : Jaja, Glou, Beaucoup, ou plus récemment Grand Coeur et Bon Vivant… Leur réussite est aujourd’hui incontestable.
Rien ne semble parti pour les arrêter, puisqu’on les retrouvera prochainement dans le secteur de la boulangerie-pâtisserie. C’est avec Tanguy Lahaye qu’ils ouvriront à la fin du mois leur première boutique au 20 boulevard des Filles du Calvaire, dans le 3è arrondissement.
Le parcours de cet homme est aussi riche qu’atypique : parti d’une formation de restaurateur, il a évolué au sein de multiples entreprises reconnues dans la boulangerie-pâtisserie parisienne. Gérard Mulot, Midoré, … jusqu’à participer, avec ses deux futurs associés, à l’ouverture du concept de restauration rapide Aux 2 Vaches, boulevard Haussmann. L’idée d’en revenir au pain est venue très simplement, au cours d’un repas. Ce dernier représente un budget conséquent pour une entreprise de leur taille, dès lors la mise en place d’un outil de production dédié paraissait pertinente.
Pour parvenir à gérer efficacement ses équipes, Tanguy Lahaye aura donné de sa personne et pris le temps d’apprendre le métier : entre le CAP de Boulanger qu’il vient de passer et de nombreuses expériences dans des fournils d’artisans français passionnés, il a pu acquérir des compétences qui lui permettent d’être légitime et productif.
Si j’ai commencé en parlant de choix des matières premières, c’est qu’il a ici fait l’objet d’un processus particulièrement rigoureux. La farine, entièrement issue de l’Agriculture Biologique, est livrée par deux meuniers : Suire et Gilles Matignon. Ce dernier exploite un moulin artisanal en Seine-et-Marne, à Château-Landon. Travailler avec cette matière première représente une difficulté supplémentaire, car il faut s’adapter à chaque livraison, se poser des questions. Un choix qui dénote d’une véritable volonté de travailler avec des acteurs locaux et engagés.
Si la boutique verra le jour sur le boulevard, c’est en dessous que tout se passe. En effet, le fournil est visible au 111 rue Amelot. Dans les anciennes cuisines d’un restaurant asiatique, l’investissement réalisé est de grande ampleur : matériel neuf (four Bongard, façonneuse Merand, …), aménagement réalisé dans les règles de l’art, les créations de ce type ne sont pas légion.
Le personnel pourra ainsi réaliser les produits dans des conditions idéales. Bien sûr, les restaurants du « groupe » seront les premiers clients, et commencent déjà à être livrés (avec notamment près de 600 buns par jour pour Ground Control, bar éphémère installé dans le 18è arrondissement), mais les passants pourront profiter de la démarche au travers de gammes courtes et très soignées.
A l’ouverture, l’accent sera mis sur des pains de caractère, réalisés à base de levain naturel. Entre une généreuse miche sur base de farine de Meule et une baguette mélangeant astucieusement froment, seigle et petit épeautre, les amateurs seront satisfaits. Même choix en viennoiserie (sur base de beurre de Montaigu), où les croissants, pains au chocolat et chaussons aux pommes (fraiches et caramélisées) seront à l’honneur. La pâtisserie alignera moins de dix références (faisant la part belle aux fruits de saison), simples mais très travaillées en amont, tout comme l’offre traiteur. Tanguy Lahaye tient à ne proposer que des produits aboutis, goûtés, re-goûtés, et approuvés par ses associés.
Voilà donc un projet à suivre de près, car il apporte une vision intéressante de la boulangerie-pâtisserie tout en intégrant un engagement dans le savoir-faire métier. L’offre locale, aujourd’hui assez peu qualitative, devrait s’en trouver considérablement bousculée.
Infos pratiques
Boulangerie Dupain – 20 boulevard des Filles du Calvaire – 75003 Paris (métro Filles du Calvaire, ligne 8)
ouverture prévue fin juillet 2015.
Ping : Plus besoin de chercher Dupain boulevard des Filles du Calvaire, le voici ! | painrisien
Suivi votre conseil et quelle bonne surprise, la meilleure baguette et ce depuis bien longtemps. Loin devant des enseignes « prestigieuses ».