Chacun sa façon de répondre à l’arrivée des beaux jours. Les vêtements raccourcissent, les couleurs se font plus gaies, on essaie de trouver un peu d’air frais quand les températures augmentent… et surtout, nos fenêtres ont tendance à rester ouvertes – même si la climatisation a fini par remplacer l’aération naturelle dans bien des demeures.
Pour certains, ce sont les portes qui restent ouvertes. Le résultat ? Des journées portes ouvertes. Amusant, n’est-ce pas ? Aux Moulins de Chérisy, près de Dreux, les équipes étaient sur le qui-vive depuis dimanche pour accueillir au mieux les nombreux visiteurs attendus pendant 4 jours. L’idée portée par Thomas Maurey et ses collaborateurs n’était pas seulement de faire découvrir le site à ses clients, prospects et partenaires, mais aussi de proposer de véritables solutions aux problématiques que rencontrent les artisans au quotidien… d’où l’intitulé choisi, « Les Journées Pro des Moulins de Chérisy ».
En arrivant sur le site, on ne peut qu’être séduit par son caractère quasi-idyllique : bercé par un bras de l’Eure, le moulin coule des jours tranquilles… en apparence, tout du moins.
Cette « Maison de Tradition depuis 1710 » a bien pris le chemin de la modernité, porté par la dynamique entretenue par la famille Maurey. Depuis son rachat à la famille Lethuillier en 1996, l’activité a beaucoup évolué, avec un doublement du portefeuille de clients. Ce sont aujourd’hui 450 artisans qui font confiance à l’entreprise pour l’approvisionnement de leur farine, sur plus de 20 départements (en Normandie, Ile-de-France et dans le Centre) et à l’export. 250000 quintaux de farine sont produits ici annuellement, ce qui représente un volume considérable… même si l’outil ne tourne pas à sa pleine capacité et dispose encore de belles perspectives d’évolution, puisque sa capacité d’écrasement est proche du double.
L’ambition affichée par la maison est de s’adresser à une clientèle haut de gamme, à des artisans boulangers talentueux et exigeants. Pour cela, une politique d’investissement continue est menée. Si les équipements de mouture sur cylindre datent pour la plupart de 1972, de nouvelles machines ont été acquises auprès du constructeur Bühler en 2010 et 2014, tandis que des travaux divers ont été accomplis en parallèle : automatisation du moulin, aménagement des bâtiments, augmentation de la capacité des silos… cette année, ce sont plus de 600000 euros qui seront investis : le secteur de nettoyage des blés va être modernisé, tout comme la ligne d’ensachage.
En effet, le passage aux sacs de 25kg voulu par la réglementation nécessite des équipements plus performants pour assurer la cadence… tout en améliorant les conditions de travail des magasiniers, puisque les sacs seront directement préparés sur palette, ce qui évitera de nombreux ports de charge.
Revenons à l’événement qui nous intéresse aujourd’hui. Sous le chapiteau dressé au bord de l’eau se concentraient plusieurs stands, dont les thématiques répondaient aux besoins de nos artisans boulangers « modernes ». Charcuterie et traiteur, matériel de fournil, agencement de boutique, logiciel de gestion, formations en pâtisserie, prestataires de service variés … rien ne manquait.
L’accent avait été mis sur le choix des exposants afin de proposer une offre claire et cohérente : en ayant la pleine maîtrise sur l’organisation de l’événement, le meunier peut ainsi s’assurer de la qualité de la prestation, ce qui n’est pas le cas sur de gros salons comme Europain. De plus, le format est bien plus convivial, presque familial, ce qui correspond tout à fait à la typologie de clientèle visée par les Moulins de Chérisy. Les coûts engendrés sont moins importants, pour des contacts plus qualifiés (mais néanmoins nombreux, avec plus de 650 personnes attendues sur 4 jours) : cela prouve la pertinence du modèle. Cela inspirera-t-il d’autres acteurs de la filière ?
Pendant 4 jours, les démonstrateurs de l’entreprise – accompagnés pour l’occasion par leurs collègues des Moulins de Chars – ont animé le fournil éphémère. Thierry Meunier, MOF Boulanger et partenaire du meunier, les a rejoint plusieurs jours. La pâtisserie était également à l’honneur avec la présence de Nicolas Richard pour l’école Stéphane Glacier formation, tout comme la pizza et ses déclinaisons grâce au savoir-faire de Thierry Graffagnino, triple champion du monde de pizza.
La marque Banette, qui représente encore aujourd’hui 20% de la clientèle du moulin, comptait parmi les absents de la fête, puisqu’elle n’était pas représentée dans l’espace principal, mais uniquement dans une zone annexe dédiée à l’optimisation du merchandising en boutique. C’est un véritable indicateur du mouvement engagé par Thomas Maurey ces dernières années : il fallait tracer sa route et exister en marge d’un groupement passé aux mains de quelques gros faiseurs, dont les méthodes et propositions correspondent assez peu à celles d’acteurs tels que les Moulins de Chérisy.
Pour autant, l’héritage de cette époque demeure. La forte présence des pré-mixes en témoigne, et je le regrette sincèrement. Pain des Canuts, « Bien-Aimée », Pavé Noir, Impatiente, Equilibre, … autant de noms qui ne me font pas rêver, même si l’on me soutient qu’ils répondent à une véritable demande de la part des artisans. A mon sens, ces produits pauvres en savoir-faire boulanger (mais riches en technologie meunière et en travail de laboratoire !) ne parviennent pas à marquer la différence nette, franche et nécessaire avec l’industrie et les réseaux de boulangerie. Dès lors, ils doivent disparaître pour valoriser l’identité du boulanger et ses spécificités.
Bien sûr, les produits « Artisan Bio » (développés en partenariat avec les Moulins de Brasseuil) étaient représentés et apportaient une offre plus qualitative. Je pense simplement qu’il faudrait encore plus mettre l’accent sur ces démarches.
Un programme de Conférences avait été mis au point afin de traiter des nouveaux enjeux auxquels les artisans doivent faire face : installation, concurrence des chaines de boulangerie, rentabilité, étude de marché… autant de sujets que les commerciaux connaissent bien, y étant confrontés au quotidien sur le terrain.
Dans tous les cas, l’avenir s’annonce plutôt radieux pour l’entreprise : avec plus de 50 transactions de fonds réalisées en 2014, les Moulins de Chérisy comptent parmi les acteurs les plus dynamiques sur notre secteur géographique. Gageons que ce développement continue à se faire avec la même logique de proximité et de qualité auprès des artisans boulangers.