Entrer dans une boulangerie, c’est un peu comme pénétrer dans une jungle, un lieu sauvage où cohabitent toutes sortes de pains et de produits. Parmi eux, tous ne sont pas égaux, et certains sont plus ou moins bien nés. En bon explorateur, je prends mes jumelles pour mieux observer la vie -paisible ou agitée- de ces curiosités salées ou sucrées. Puis vient le temps de la rencontre, des tentatives d’approche. Dociles ou rebelles, les créatures se laisseront apprivoiser avec facilité ou peine… c’est le jeu, sans doute. Ce qui est plus dommage, c’est quand aucun souffle de vie n’a été insufflé au corps, qui demeure alors inerte, sans intérêt. Je fais bien sûr référence aux nombreux produits industriels qui remplissent les vitrines de nos boulangeries.
Au cours de mes chasses -plus diurnes que nocturnes, d’ailleurs, le painrisien est un animal de jour-, j’ai rarement l’occasion de rencontrer des zèbres. Pensez-vous, nous sommes plutôt habitués à des tableaux uniformes sous nos contrées, avec une fâcheuse tendance à tirer vers le blanc et le pâle. Quelques artisans ont fait le choix de perturber un peu l’ordre établi avec des créations multicolores, et pour cela le pain de mie et les brioches se font d’excellents terrains de jeu.
C’est ainsi que j’ai découvert le pain de mie Vanille-Chocolat à l’Autre Boulange, dans le 11è arrondissement. Cette boulangerie « à l’ancienne », tenue par la famille Durand, n’est sans doute pas celle que je qualifierais de plus créative sur la place parisienne, et ici la jungle tiendrait plus du gentil zoo à visiter en famille, histoire de découvrir dans une ambiance sympathique et chaleureuse les spécialités de la maison. Dans cette gamme, ce pain « marbré » attire forcément l’oeil, d’autant que son intitulé ne manque pas de susciter l’envie et la curiosité.
Ying et Yang sont ainsi réunis en version comestible. Noir pour la gourmandise chocolatée, se rapportant ainsi à nos penchants plus sombres, blanc pour la partie neutre… car c’est bien là le problème : la vanille que l’on nous avait promis n’est pas de la partie, et on doit ainsi se contenter de timides notes de beurre. L’artisan n’a pas pris le parti de réaliser un pain de mie assez « riche », ce qui a pour conséquence directe d’aboutir à un produit plutôt compact et légèrement sec. Heureusement, le cacao vient relever l’ensemble et apporte de la rondeur, bien que le parfum demeure assez peu prononcé et plutôt porté sur l’amertume en définitive. Dans tous les cas, difficile d’envisager la consommation de ce produit dans un autre cadre que celui de la gourmandise, au petit-déjeuner ou au goûter, éventuellement relevé d’un peu de beurre ou de confiture.
Il ne suffit donc pas de réaliser des pains attirants sur le plan du visuel : le goût doit être à l’avenant, de même que la texture de l’ensemble. Dans le cas présent, si le premier contact séduit, la dégustation déçoit. L’idée était bonne, mais il reste encore du chemin avant de parvenir à une réalisation tout à fait probante. On pourrait imaginer de multiples déclinaisons, comme d’autres le font, aussi bien en sucré qu’en salé (avec apport de purées de légume chez certains artisans).
Pain de mie Vanille-Chocolat, L’Autre Boulange – Paris 11è, vendu à la pièce, 3,50€ les 400g.