Dans la vie, il faut savoir faire des choix… « Choisis ton camp, camarade », comme le dit si bien l’expression. A travers ces inclinaisons, on peut ainsi affirmer son univers et ses envies, se détacher librement de la masse, parfois si étouffante. Il ne s’agit pas de se différencier uniquement pour le plaisir, mais bien pour découvrir et avoir l’occasion de construire des expériences singulières. Cela peut paraître anodin, mais j’y vois une vraie possibilité de prendre en mains ses journées, et au fil du temps, sa vie.
Ce dimanche, j’aurais pu suivre la masse enthousiaste et me parer de blanc et de rose pour m’asseoir sur les pelouses de l’avenue de Breteuil, dans le 7è arrondissement. En effet, c’était là que la Pâtisserie des Rêves avait organisé son traditionnel goûter de rentrée, une occasion pour la marque de présenter ses nouveautés et de créer de l’adhésion autour de son nom.
Vous aurez sans doute fini par le comprendre, ce genre de dégustation n’est pas vraiment ma tasse de thé, et c’est du côté de Vitry-sur-Seine que je suis parti, afin de découvrir un travail tout aussi gourmand, mais intégrant à mon sens bien plus d’esprit.
J’avais eu l’occasion de vous parler de la présence, chaque week-end d’août, de Carole Belenus au MAC/VAL, le Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne. Comme pour terminer l’été en beauté, la talentueuse pâtissière était de retour ce samedi et dimanche, à l’occasion des Journées du Patrimoine.
L’idée ? Associer art et gourmandise à travers un « workshop gourmand », en présentant le travail de 5 créateurs autour de l’aliment et/ou de la nature. Zelda Georgel – scénographe, Vaulot & Dyèvre – designers, Simone Fehlinger – vidéaste et Karine Bonneval – artiste, se sont donc prêtés au jeu et ont réalisé des travaux en collaboration avec la Petite Fabrique.
Ce qui me fascine particulièrement dans l’ensemble de ces réalisation, c’est la volonté de faire du goût « hors les murs », en dehors des cadres et codes que l’on développe habituellement : pâtisseries, restaurants, salons de thé, boulangeries… La représentation prend une autre dimension, notamment quand on tente de nous présenter visuellement le goût avec ces noix de muscade décomposées, la cannelle ou le chocolat exposés.
Les gestes des pâtissiers et artisans du goût étaient également mis à l’honneur au travers du travail réalisé sur support vidéo : ces mains réalisent et reproduisent chaque jour autant d’actions qui créent des douceurs et façonnent l’expérience du consommateur. Rythm, Expression, Design, Feed & Pleasure, 5 étapes qui construisent les créations de la Petite Fabrique.
Il y avait aussi l' »homme fruitier », imaginé comme un arbre mobile qui viendra
it à la rencontre des gourmands-cueilleurs, avec dans ses branches de bien curieux fruits : des boules colorées, à base de meringue, renfermant de nombreux délices de saison, sous différentes formes : frais, en coulis, …
Impossible de passer à côté de la réalisation la plus marquante à mon sens, la composition « Mousses », où les cloches nous présentent un univers à la fois pâtissier et végétal. Un univers où s’associent autant que s’opposent le caractère éphémère du comestible et la durabilité souhaité du végétal. C’est une histoire de vivant autant que de souvenir qui s’écrit sous nos yeux.
De telles expériences devraient être plus fréquentes : c’est une formidable occasion de prendre du recul sur son travail quotidien, d’échanger avec des individus issus d’autres horizons et au final d’enrichir sa création. Certes, il s’agit de pâtisserie dans le cas présent, mais je suis convaincu que le pain pourrait tout à fait trouver sa place dans ce type de démarche : son goût complexe, le travail des levains et des fermentations, les sensations procurées par la croûte, la mie, l’eau qui constitue le produit… autant d’éléments qui nourrissent autant le corps que l’esprit. Le pain vit en dehors des fournils, et trop peu d’artisans parviennent à saisir l’environnement riche et complexe dans lequel il évolue. Pour cela, remonter aux champs serait sans doute un « mal nécessaire » : se laisser bercer par les blés, comprendre que le produit que l’on pose sur nos tables trouve ses origines dans des terres. En plus de sublimer le goût, je suis convaincu qu’une telle démarche incorporerait beaucoup plus de vie dans le pain… mais aussi de l’art, car si l’on prenait l’artisanat à son sens premier, il y en aurait bien plus.