Il paraît que nous vivons dans une période de retour aux classiques, que les consommateurs se tournent avant tout vers des « refuges » avec lesquels ils entretiennent un rapport affectif. C’est vrai que l’on a rarement vu les marques aussi actives sur le sujet, avec des séries de recettes autour des Carambar, Petits Beurre, Speculoos ou encore de la Vache qui Rit (chez Marabout), de nouvelles saveurs et couleurs pour les sucreries (avec notamment le Tagada Pink), mais aussi des pâtisseries anciennes ressorties des placards. J’ai déjà du parler du sujet, car il est intéressant, mais il y a bien des spécialités qui n’ont pas quitté les vitrines alors qu’elles auraient bien besoin d’un coup de jeune.
En boulangerie-pâtisserie, les fondamentaux de la viennoiserie sont le croissant, le pain au chocolat, mais aussi… la viennoise. Vous savez, cette baguette brillante, élaborée à partir de farine dite « de gruau » (donc très blanche, T45 pour les intimes), d’un peu de lait, de beurre et de sucre. Moelleuse, elle a tout de même tendance à sécher assez vite, ce qui en fait un produit à consommer dans la journée. De plus, certains artisans se plaisent visiblement à la maltraiter, en la réalisant avec des ingrédients de mauvaise qualité : farine bas de gamme, lait stérilisé sans saveur, … Une réflexion est aussi à mener sur le format : ces longues étendues de pâte seraient bien en peine de constituer une gourmandise à consommer sur le pouce, car elles sont généralement trop « copieuses ». Les saveurs manquent de variété : en dehors de la déclinaison nature ou chocolat, avec des pépites souvent trop amères, de quoi lasser même les plus persévérants.
Heureusement, quelques uns ont décidé de faire valser les viennoises. Jérome Duchamp est de ceux-ci. Au Pré Saint-Gervais, dans sa boutique « P’tit Père » de la rue Danton, les produits ne restent jamais bien longtemps, convoités par les nombreux gourmands qui se pressent pour découvrir les créations de l’artisan. A chaque visite, on découvre de nouvelles saveurs… et récemement, ce fut une Viennoise au Praliné Noisette. D’apparence, on pourrait croire que les pépites incorporées à la pâte sont faites d’un chocolat noir des plus classiques.
Il n’en est rien : en fondant sur la langue, elles révèlent leurs chaudes notes de noisette grillée et viennent relever la douceur lactique de la pâte, bien moelleuse mais « ferme » par ailleurs. Le dosage en sucre est bien réalisé, tout comme pour le beurre, qui assure au produit une bonne conservation. En définitive, la noisette s’invite discrètement, par surprise. On pourra rapprocher ces gouttes parfumées d’une célèbre pâte à tartiner, le côté gras et écoeurant en moins. Cette viennoise est une véritable mine d’or pour les gourmands : riche en pépites, elle se déguste sur le pouce grâce à un format adapté, idéal pour un goûter. Bien sûr, on peut choisir de la garder pour plus tard, et de la garnir d’un peu de confiture – si possible acidulée, aux fruits rouges par exemple – afin de créer encore plus de contraste avec la douceur de l’ensemble.
Bien sûr, le praliné noisette n’est qu’une idée parmi tant d’autres, et cet artisan propose régulièrement d’autres saveurs. Une pratique très bien vue, car elle permet de maintenir l’intérêt de la clientèle, tout en conservant une recette de base commune. Parmi les associations que j’ai pu rencontrer dans mes visites au travers des boulangeries, celle du chocolat blanc et du citron vert est très réussie, tout comme la plus reconnue cranberries-chocolat blanc.
Viennoise au Praliné Noisette, P’tit Père – Le Pré-Saint-Gervais (93), vendue à l’unité, 1,50€ la pièce d’environ 150g.