19
Juin
Portrait d’Artisan : Benoît Castel, Joséphine Bakery (Paris 6è)
3 commentairesLes grosses machines ont un côté attirant. Elles sont capables de produire le pire comme le meilleur, selon les hommes et les moyens que l’on place derrière. Il faut savoir les nourrir, leur apporter tout le soin nécessaire pour qu’elles continuent à fonctionner… ce qui est parfois usant, à long terme. Néanmoins, l’expérience demeure toujours très enrichissante, car cela permet d’acquérir des compétences pointues, que ce soit en terme de relations humaines ou sur le métier en lui-même. Au delà de ce mot de « machine », on devrait sans doute s’intéresser aux personnes qui sont derrière, à toutes ces petites mains habiles qui oeuvrent à actionner les manettes et ficelles, en coulisse.
Le fait est que cela manque de fantaisie, et que Benoît Castel sait bien en mettre dans ses créations, où il continue à s' »amuser »… c’est d’autant mieux que ce sont nos papilles qui sont, par la même occasion, amusées. Le chef pâtissier, que l’on a connu pendant 8 ans aux commandes du laboratoire sucré de La Grande Epicerie, a pris son envol à la fin de l’été dernier. Il a choisi de quitter cette grande maison pour atterrir… quelques centaines de mètres plus loin, au 42 rue Jacob, passant ainsi du 7è au 6è arrondissement.
Pour en arriver à la tête de ce vaisseau, ce breton d’origine a naturellement commencé son apprentissage à Rennes, avant de céder rapidement aux sirènes de la capitale. C’est dans ses hauteurs, et plus précisément à la Pâtisserie de l’Eglise, qu’il recevra des bases solides pour la suite de sa carrière. Tourage à la boulangerie attenante – le fameux 140, pâtisseries de boutique, … Jean-Claude Vergne et Pierre Demoncy ont tout particulièrement marqué Benoît Castel, en lui apportant plus que des connaissances techniques mais aussi une véritable vision humaine et juste du métier. Un univers bien différent de celui développé par Hélène Darroze, où il officiera pendant 4 ans, après avoir participé à l’ouverture du salon de Thé « Le Valentin », toujours présent dans les dédales du passage Jouffroy. Un passage par le service militaire et une saison en restauration le conforteront dans son idée de persister sur cette voie.
A chaque fois, ce travailleur acharné prend des virages importants, qui lui permettent d’élargir sa vision du métier. Cela continue avec sa prise de responsabilité au sein de la centrale de production du groupe Costes, où il est sensibilisé au respect du produit par Jean-Louis Costes. Puis 8 ans de Grande Epicerie, de nombreuses créations emblématiques et un style affirmé qui continue encore à marquer les vitrines de l’institution parisienne.
« Revenir aux fondamentaux du métier »
Juillet 2012, l’opportunité de reprendre cette petite affaire proche de Saint-Germain-des-Prés, le rapprochement avec son ami de longue date Jean-François Celbert (originaire de la même ville bretonne), la remise en question de l’année de la quarantaine… Autant d’éléments réunis qui ont amené Benoît Castel à revenir aux fondamentaux de son métier, à se tourner vers une clientèle de quartier, bien loin des desserts à l’assiette qu’il avait pu réaliser en restauration.
Ici, le parti-pris de l’artisan a été imposé immédiatement : des produits simples, honnêtes, réalisés avec des matières premières de haute qualité. Farines des Moulins Bourgeois, charcuteries Bellota, beurre Lescure, légumes frais et aussi locaux que possible… Des choix qui ont eu pour effet direct de perdre une partie de la clientèle, du fait du positionnement prix logiquement plus élevé, tout en attirant des amateurs du goût et de l’authentique.
Parmi les « gestes forts », on pourra aussi noter l’abandon pur et simple de la baguette de pain courant. Le ticket d’entrée est donc placé à 1,30€ les 275g avec la baguette de Tradition. L’idée était de simplifier l’organisation au sein du fournil, tout en développant une gamme de pains plus « pointue » et mieux maîtrisée.
« Créer un pain comme une recette de pâtisserie »
Le pain est un nouveau terrain de jeu pour notre artisan, reconnu pour ses talents de pâtissier. Même si la viennoiserie était loin de lui être étrangère, il lui fallait donc faire ses preuves dans un milieu différent. Dès le début, le travail du levain l’a particulièrement intéressé, et la plupart des pains développés par Joséphine Bakery en incorporent. C’est le cas pour la baguette de Tradition, qui conserve malgré tout une belle douceur sans acidité, avec un fond plus « tonique ».
Le secret ? Un levain naturel cultivé sur une base de coing, ce qui permet de ne pas tomber dans un caractère acétique trop marqué. L’autre secret, même s’il n’en est pas un, c’est la présence dans le fournil d’un boulanger expérimenté et passionné.
Dès les premières heures de la journée, Didier Marchand veille sur la fabrication du pain avec beaucoup d’attention. Ayant intégré l’équipe pour un dépannage, il l’a finalement rejointe de façon durable depuis près de 8 mois. Au cours de cette période, un dialogue permanent avec Benoît Castel s’est mis en route, pour aboutir à la gamme proposée aujourd’hui en boutique.
S’il y a bien une signature au 42 rue Jacob, c’est le Pain du Coin. D’un produit à la farine de Meule, poussé avec peu de levure et du levain, nous sommes aujourd’hui arrivés à un vrai pain de caractère. Pour cela, une démarche singulière s’est mise en place pendant 6 mois : l’idée était de créer sa recette comme celle d’une pâtisserie. Le résultat ne manque pas de panache : 10kg de farine par pièce, une hydratation proche des 70%, une fermentation pouvant aller jusqu’à 72h… puis une cuisson très marquée, pour une croûte épaisse et remplissant parfaitement son rôle de concentration des arômes. La mie, dense mais souple, surprend par ses notes de miel, mais aussi de fumé. Ce n’est pas le fruit du hasard, mais plutôt d’une rencontre.
En découvrant le sel de Salish, Benoît Castel a été immédiatement séduit par son parfum particulier et a souhaité l’intégrer à son pain. L’artisan « rencontre » des matières premières et fait évoluer son produit…
« Les rencontres font évoluer notre façon de concevoir et de faire notre métier »
Puisque nous parlons de rencontres, ces dernières sont essentielles pour l’artisan, d’autant plus dans un métier où l’humain demeure un facteur clé. Notre pâtissier demeure encore marqué par sa collaboration avec les chefs de la Pâtisserie de l’Eglise, et essaie d’avoir le même rôle à son tour auprès de l’équipe de 9 personnes qui compose aujourd’hui Joséphine Bakery. Il ne s’agit donc pas d’être chef d’entreprise, de superviser les opérations ou de participer à la production quotidienne. Non, c’est une vision et une patte qui doivent être imprimés sur l’entreprise.
Dans le laboratoire, les idées se rencontrent et se confrontent au quotidien : questions de goût, de tours de main, d’objectif… la remise en question est permanente et permet de consolider l’acquis mis en place depuis la reprise des lieux. En parallèle, des chantiers de plus longue haleine sont menés : 3 mois ont été ainsi dédiés à la mise au point d’une gamme de viennoiseries affinée, une ligne de tartes est en réflexion pour la rentrée, … Pour chacune de ces évolutions, c’est l’ensemble de l’équipe qui goûte et donne son avis. Vente ou production, Benoît Castel met un point d’honneur à impliquer chaque personne dans le processus.
« Faire rêver les jeunes et les salariés »
Que ce soit en boutique ou au laboratoire, le personnel a d’ailleurs très peu « tourné » depuis l’installation de Joséphine Bakery. Que ce soit Clémentine, responsable des ventes, ou Arnaud, responsable de la production, et les petites mains agiles qui créent ou vendent ces douceurs jour après jour (Marie, Sarah, Didier, …), chacun participe à l’aventure… et cela n’est sans doute pas étranger à l’état d’esprit bien particulier développé ici : même si l’exigence est de mise, il faut aussi savoir rêver et faire rêver, accorder de la confiance. Se détacher un peu des préoccupations quotidiennes, prendre de la distance pour voir plus loin, pour apprécier le goût des choses et de ce que l’on fait… Un programme que bien d’autres devraient intégrer à leurs préoccupations. C’est sans doute de cette façon que l’on parviendra à faire accepter ce métier à plus de jeunes, malgré son caractère assez « marginal » – lié aux horaires et aux difficultés physiques de ce dernier.
« Pour perdurer, les artisans devront être pointus et créatifs »
Puisqu’il est question d’apprentis, parlons un peu d’avenir. Benoît Castel est sensible à l’environnement concurrentiel dans lequel il évolue, avec notamment des offensives de la moyenne et grande distribution (installation de points chauds dans les supérettes Dia, …). Malgré la tentation des produits industriels, sa position est de chercher à se différencier par le goût et la qualité. Le savoir-faire des artisans demeure un élément essentiel et il doit être utilisé pour développer des produits « pointus », intégrant une large part de technique et de tours de main. Inutile de se disperser dans une gamme trop étendue et mal maîtrisée : à l’image de ce qui est pratiqué chez Joséphine Bakery, on peut très bien se concentrer sur quelques références très qualitatives…
Ces démonstrations de compétence ne doivent cependant pas rester invisibles, et la communication fait partie des axes à développer pour exister sur la « scène médiatique ». Le 42 rue Jacob n’a pas encore fait beaucoup parler de lui, mis à part pour des événements ponctuels comme les bûches de Noël ou le récent Bar à Tartines éphémère de la marque Philadelphia. A cela plusieurs raisons : l’entreprise est encore jeune, et il faut lui laisser le temps de se mettre en place sereinement. De plus, cela nécessite un budget conséquent.
Pour autant, je suis persuadé que l’on ne finira pas d’entendre parler de Benoît Castel et de Joséphine Bakery, tant les projets et envies sont nombreux… avec toujours beaucoup de fantaisie et de fraicheur.
Ayant moi-même travaillé au sein de la pâtisserie de l’Eglise je ne peux qu’être ravi et appuyer cet hommage au chef Jean-Claude Vergne. Un très grand professionnel respecté de ses pairs, formateur patient et humain.
Quand à Monsieur Castel sa boutique a un très beau parti pris et bon nombre de petites entreprises pourraient s’en inspirer. Pourquoi essayer de jouer dans la meme cour que les industrielles au risque de proposer des produits mal finis quand on peut réduire la carte et avoir des finitions de qualité ?
Ayant fait un stage de pâtisserie dans cette boulangerie, je vous confirme que l’on y travaille des produits de qualités dans les règle de l’art. L’équipe est à l’image de leur chef benoît Castel attachante et passionné par leur travaille. Cette endroit correspond exactement à l’idée que je me fait d’une boulangerie pâtisserie , il s’agit bien d’artisans travaillant dans les règles de l’art, chose qui tant à ce perdre au détriment de la rentabilité. Alors n’hésitez pas à y faire un tour. Coucou à toute l’équipe !!!
Les idées de recettes sont bonnes mais c’est extrêmement gras et c’est bien dommage… Mention spéciale pour les chouquettes que je pourrais être tentée de racheter mais la viennoiserie et les quiches (j’ai pas osé les pizzas…) sont indigestes car vraiment trop grasses… Les prix sont aussi un peu élevés et les soupes malheureusement mal réchauffées… Il n’y a pas que du bon chez Joséphine !…