01
Juin
Portraits d’Artisan : Rodolphe Landemaine, Paris 9, 11 et 18è
8 commentairesDifficile d’attirer des artisans vers mon projet de portraits. Timidité, manque de temps ou d’envie, … plusieurs raisons sont possibles à cette absence d’engouement. Ma démarche est pourtant positive et sincère, car elle vise bien à mettre en valeur les talents et singularités de chacun. Je ne me décourage pas pour autant et je prends donc mon petit bâton de pèlerin pour aller chercher les boulangers.
Qui dit portraits dit… figures. Les deux mots peuvent être vus comme des synonymes, mais tout dépend du sens que l’on y attache : ici, il s’agit d’aller à la rencontre de quelques têtes connues du secteur pour mieux comprendre comment fonctionnent leurs entreprises. S’il y en a bien une qui monte, c’est celle de Rodolphe Landemaine. En moins de six ans, le jeune – à peine 36 ans – boulanger et entrepreneur est parvenu à imprimer sa marque au sein de la boulangerie parisienne… et ce n’est sans doute pas près de s’arrêter, autant dire qu’il ne s’agit pas d’une histoire sans… Landemaine.
« J’ai reçu une éducation dure »
Dure, sans doute, mais fondée sur le respect des autres et de son environnement. Originaire de Mayenne, c’est à Paris que Rodolphe Landemaine acquiert les bases du métier de boulanger-pâtissier, avant de s’engager au sein des Compagnons du Devoir. A travers la France et l’Europe, le jeune ouvrier développe son savoir, avant de le mettre en pratique au travers d’un parcours prestigieux, chez Ladurée, Lucas Carton, Paul Bocuse ou encore Raynier-Marchetti.
C’est par la suite qu’il effectue ce « retour aux sources », en se spécialisant dans la boulangerie. En effet, pour l’artisan qu’il est devenu alors, impossible de concevoir une pâtisserie pure, qui ne répondrait pas à un besoin simple et primaire comme peut le faire le pain. Les deux disciplines sont ainsi liées… pour le meilleur comme pour le pire.
Ce parcours atypique et diversifié s’est fondé sur l’importance du travail et de la discrétion. En reprenant sa première affaire – « Douceurs et Gourmandises » – rue de Tolbiac en 2004, il n’a pas cherché particulièrement à faire parler de lui ni à écraser qui que ce soit. Au contraire, il a beaucoup construit, à commencer une vie de famille puisqu’il y rencontrera Yoshimi Ishikawa – boulangère elle aussi, et exportatrice de notre savoir-faire au travers de deux écoles de boulangerie au Japon. La Maison Landemaine s’est bâtie sur cette double culture, tout en sachant prendre le meilleur des deux mondes.
« Tout n’est pas parfait au Japon »
Souvent idéalisé de par sa capacité à produire des résultats exceptionnels, le Japon n’est pas pour autant exempt de travers, et la rigidité excessive qui y règne ne pourrait pas avoir cours au sein de notre population latine. Rodolphe Landemaine l’a bien compris et a préféré dès le début développer un mode de management « de proximité », où l’exigence s’accompagne aussi d’une part de valorisation individuelle et de reconnaissance des talents. On lui reproche souvent la qualité variable de son service, mais ce n’est pas pour autant que le chef d’entreprise a développé une quelconque aversion pour les vendeurs ou vendeuses : au contraire, il cherche des solutions durables pour fédérer et impliquer l’ensemble de l’entreprise autour d’une éthique et de valeurs communes.
Ces principes se vivent au quotidien, mais aussi dans des réunions régulières avec ses « cadres » ou au cours de voyages organisés par l’entreprise. Chaque année, les équipes se retrouvent dans le Cantal pour se découvrir autrement et mieux se comprendre. Bien sûr, la tâche est plus aisée auprès du personnel de production, chez qui le fait de créer et d’avoir une « matière » entre les mains rend le métier beaucoup plus concret et prenant.
Prenant, certes, mais point trop n’en faut : la Maison Landemaine respecte ainsi des journées de 8 heures de travail, avec 2 jours de repos par semaine, y compris pour les boulangers, pâtissiers et touriers.
La qualité de vie de chacun a un impact direct sur la régularité de la production, l’implication et la fidélité des ressources : Rodolphe Landemaine me confiait ainsi perdre très peu d’éléments de son équipe.
« Je fais l’hélicoptère au sein de l’entreprise »
La petite boulangerie de quartier du 56 rue de Clichy est rapidement devenue une PME florissante, et ce n’est pas le fruit du hasard. L’artisan a vite compris que sa place n’était plus seulement au fournil, mais aussi auprès d’avocats, de juristes, de banquiers… et de toutes ces personnes qui contribuent plus indirectement au développement d’une entreprise. Pour grandir, il fallait prendre du recul, de la hauteur, sans pour autant perdre le contact avec la réalité du terrain. Ainsi, notre entrepreneur dynamique se qualifie lui-même d’hélicoptère, sachant aussi bien voler « à basse altitude » – on le retrouve ainsi dans les laboratoires (souvent souterrains, d’où la faible hauteur !) pour goûter, choisir ou mettre au point des produits avec ses équipes, mais aussi à l’autre bout du monde, dans son école « Levain d’Antan » ou en Amérique du Nord. De ces voyages, il rapporte un regard vif et pertinent sur le monde dans lequel son entreprise se développe.
En parlant de développement, l’hélicoptère a tout de même l’allure d’un supersonique par certains côtés : acquisition d’une seconde boutique rue des Martyrs en 2008, seulement un an après son installation dans le 9è arrondissement, Voltaire en 2009, Roquette en 2011, Jules Joffrin en 2012, sans compter l’association réalisée avec son ami David Devant rue de Charonne… A chaque fois, l’artisan rencontre une clientèle nombreuse et séduite par une gamme large autant que qualitative. Cette réussite n’est donc pas le fruit du hasard, et elle récompense le savoir-faire porté par Mickaël, le chef boulanger, Samuel, le chef pâtissier, … et l’ensemble des personnels de la maison.
« L’artisan insuffle l’esprit de son entreprise »
Déléguer, oui, mais savoir garder le contrôle sur les décisions prises au sein de l’entreprise. Rodolphe Landemaine a ainsi choisi l’ensemble des produits présents dans ses boutiques. C’est son goût et son esprit que l’on retrouve au quotidien dans chacun des points de vente. Il souhaite aujourd’hui capitaliser autour de cette « griffe » et marquer son image : cela passe notamment par la rénovation des points de vente, entamée avec la boulangerie Voltaire tout récemment. On pourra sans doute à l’avenir associer des mots à la « marque » Landemaine, comme on le fait pour d’autres entreprises du secteur. Pour autant, hors de question de perdre l’esprit de proximité développé jusqu’alors : chaque boutique reste indépendante, avec cuisson et finition des produits sur place (les viennoiseries sont fabriquées rue de Clichy puis cuites dans chacun des points de vente, les pâtisseries sont finies au sein de chaque laboratoire, tout comme les sandwiches sont assemblés…).
« Je cultive des plants sur mon balcon, avec ma fille »
Puisque l’on vient à en parler d’indépendance, Rodolphe Landemaine a toujours tenu a conserver la sienne. Les propositions n’ont pourtant pas manqué, qu’elles émanent d’investisseurs potentiels ou des instances de la boulangerie, intéressée par le fait de compter un artisan à succès dans ses rangs. Cela n’a pas fait tourner la tête de cet homme d’un naturel plutôt solitaire, préférant rester auprès des siens que de se répandre inutilement. L’essentiel est pour lui de garder du plaisir à faire ce qu’il fait, à développer son entreprise… autant qu’à cultiver des légumes avec sa fille, ou qu’aller à la pêche. Si demain il fallait revenir à une affaire plus humble, ce ne serait pas avec frustration : au contraire, elle serait présente s’il n’avait pas seulement essayé, fait ce qu’il jugeait bon de faire.
« Chaque génération apporte sa pierre »
L’avenir est bien sûr une préoccupation majeure, autant ici qu’ailleurs. Les défis à relever sont de taille : concurrence plus rude, concentration – y compris en boulangerie – des entreprises (rachats, cessations d’activité…). Face à une mer agitée, l’essentiel est de savoir tenir la barre, en tenant compte des tendances. On n’acquiert une vision pertinente du métier qu’avec le temps, et celle-ci permet de savoir où l’on va.
La Maison Landemaine perpétue la Tradition mais apporte aussi à la profession, comme chaque génération de boulangers. Ainsi, elle intègre dans ses rangs autant des stagiaires venus de loin (au travers de leur école japonaise, notamment), que des adultes en reconversion professionnelle. Ces derniers se font de plus en plus nombreux, ce qui fait écho à un certain mal-être au sein de notre société moderne, et à un besoin de retrouver plus de concret, de vérité… et de simplicité.
Parmi tous ces éléments, quelques uns se détacheront du lot. Rodolphe Landemaine et ses cadres ont à coeur de les repérer pour les entourer et leur offrir un environnement propice à leur épanouissement, autant personnel que professionnel. Chacun dispose ainsi de perspectives, et pourquoi pas celle de disposer un jour de sa propre boutique : l’avenir de l’artisanat pourrait aussi bien passer par l’accompagnement des ouvriers par leurs patrons dans le cadre de leur « prise d’envol ». Bénéficiant de la notoriété de la « marque » développée par l’entreprise, ainsi que de la logistique et d’un soutien matériel, ils auront ainsi beaucoup plus de chances de voir leur projet grandir et évoluer.
L’exemple de David Devant, ami de Rodolphe Landemaine et pâtissier de formation, caractérise bien cette pratique. Alors que l’artisan était lassé par les conditions de travail harassantes proposées par ses employeurs, il a eu la possibilité de s’installer à son compte. Le succès est aujourd’hui au rendez-vous : la boutique reçoit aujourd’hui 300 clients quotidiens supplémentaires, un an après sa reprise. Ce n’est qu’un début, même si ce dernier est plus que prometteur.
Bien sûr, face à cela, la tentation des appels au monde de la finance est grande : cela permet un développement plus rapide, mais réduit d’autant la liberté à la tête de sa boutique. Un choix qui n’a pas été fait ici, et qui ne semble pas regretté.
« Il faut mener un profond changement dans nos entreprises et notre société »
Concluons ce portrait par ce qui caractérise le mieux Rodolphe Landemaine : l’amour de son métier, mais aussi une formidable capacité à s’en détacher et à porter une vision plus globale sur notre société. Au delà de son travail au sein de ses boulangeries, il pense en effet que l’on ne pourra parvenir à assurer un fonctionnement durable et cohérent de notre société que si nous passons par un profond changement de nos pratiques, en entreprise comme dans la vie courante. L’humain doit retrouver sa place dans cette machine à broyer qu’est devenue le capitalisme. Sans le renverser, il nous appartient aujourd’hui de le transformer. La vision peut surprendre de la part d’un patron, mais c’est sans doute car ce dernier a compris l’essence même de la boulangerie… le plaisir, le partage et l’humain.
Un premier essai de vidéo pour finir …!
Infos pratiques
Plusieurs boutiques dans Paris – toutes les informations sur http://www.maisonlandemaine.com
Bravo pour ce portrait, qui parle aussi de « management »…continues!
Par contre, la vidéo n’apporte rien et la musique est affreuse. faudrait un interview d’une vendeuse ou du patron, ou des clients, par ex.
Je vous trouve un peu dur avec la musique, même si la vidéo est assez expérimentale. Il « faudrait », oui, bien sûr, mais si cela n’a pas été fait, c’est peut-être qu’il y a une raison : je ne suis pas interviewer, c’est assez difficile de parvenir à un résultat percutant et qui n’ennuie pas le public.
j’aime bien la musique,elle ne jure pas avec la vidéo.
Un bel article sur un homme qui a, assurément, le sens des affaires et c’est tant mieux !!! Ce sont des gars comme çà qu’il nous faut. Je suis, par ailleurs, un de ses clients et ses produits sont bons. Longue vie à lui.
Habitante du quartier de la roquette, j’apprécie les produits landemaine mais en revanche je constate au fur et à mesure des rénovations de boulangeries rénovées, les produits diminuent en taille . un croissant a presque la taille d un mini croissant. Est-ce pour rentabiliser les investissements ?
Les clients ne sont pas des pigeons !!
Alors ok les croissants sont bon mais tout est assez de petite taille…
En ce qui concerne les salades elles sont vraiment tres cheres ..absolument chiche …et pas top gustativement…
Je ne parlerai pas de l.amabilite de la responsable pyrenees…je passe mon chemin
Un petit test à Tokyo, Roppongi, le travail est fait par une présentation à la française, accueil moyen voir peu commercial, sans sourire; côté produit, c’est correct, un croissant trop feuilleté, un cannelé tout à fait correct …et bon espresso
Côté prix cela s’aligne avec Paris semble t il a la vue des commentaires, le croissant a 4 euros, pour un français à l’etranger Il faut qu’il soit bon et la je dis que cela le mérite pas.
Attention à garder contact avec le sol, un produit goûteux et satisfaisant oui pour un certain prix, à l’inverse on quitte le chemin !!
Merci pour m’avoir fait découvrir le Bostock, sorte de pain perdu de luxe à base de brioche. Je suis tombée par hasard sur votre boutique de La Varenne et y ai acheté cette viennoiserie qui était à tomber !