Plusieurs boulangers ont déjà eu l’occasion de m’en parler : les services sanitaires sont toujours plus exigeants lors de leurs contrôles. Normes nationales ou européennes, les règlements ne manquent pas et rendent parfois la vie des artisans difficile… alors qu’à côté de cela, des établissements profondément insalubres, aux pratiques honteuses subsistent. Il faut bien savoir que pour se conformer à l’ensemble des textes en vigueur, la plupart des boulangeries devraient disposer de laboratoires bien plus spacieux, et quand on sait le prix des loyers dans notre chère capitale, on se dit que l’équation économique serait bien difficile à réaliser. Le problème demeure et la pression est forte, car les chaines de restauration rapide ne voient pas d’un très bon oeil la place prise au fil du temps sur « leur » marché par les artisans… lobbying quand tu tiens.
Bref, peu importe, ce n’est pas réellement le sujet du jour, quoiqu’un peu puisqu’un boulanger parisien a fait preuve d’un courage tout particulier, bravant les interdits et les risques sanitaires en faisant pénétrer un Barbu dans son fournil… et même dans son pétrin, c’est vous dire. Pas n’importe quel barbu, en réalité : le Barbu du Roussillon. La scène aurait pu être déconseillée aux âmes sensibles si seulement il ne s’agissait pas en réalité d’une variété de blé ancienne, remise au goût du jour par Roland Feuillas et ses fameux Maîtres de Mon Moulin. En effet, ce dernier prend un plaisir particulier à redécouvrir des cultivars oubliés, mis sur le bas côté pour des questions de productivité.
Dans ce cas précis, le Barbu du Roussillon avait été mis au rencart à la fin du 19ème siècle. Quelques graines retrouvées, replantées chez un agriculteur de Pia qui en assure la production sur 5 hectares… 17 ans pour obtenir un résultat, profondément inscrit dans son terroir. C’est ainsi que ce blé peut à nouveau offrir aux consommateurs ses grandes qualités nutritionnelles et gustatives.
Des glutens fragiles, une attention toute particulière nécessaire pour travailler cette farine, cela n’a pas pour autant arrêté Laurent Bonneau, qui prend visiblement beaucoup de plaisir à participer à l’aventure du « pain 100% Nature », initiée à Cucugnan.
Ainsi, hier et aujourd’hui, au 75 rue d’Auteuil, une joyeuse bande de Barbus nous attendait en boutique. Difficile de les rater, avec leur teint légèrement jaune et leur croûte bien dorée. Les pièces de 500g façonnées par l’artisan ne manquaient pas d’allure et se révélaient assez « denses » à la prise en main, une impression bien vite oubliée à la dégustation.
En effet, c’est une fois rompu que les Barbus peuvent s’exprimer pleinement… alors laissons les parler. Laissons les nous offrir leurs notes chaleureuses, presque épicées – avec un fond malté qui ne serait pas sans rappeler… une bonne bière (la boisson préférée des barbus ?). Laissons les nous transporter tout droit dans leur terroir : le parfum de cette farine n’est pas sans rappeler celui des blés longuement dorés au soleil, car ce dernier n’est pas rare dans cette région. Ici, l’artisan a pris le parti d’un travail sur levain liquide, avec un faible marquage de son « empreinte » : la matière première s’exprime dans sa plus grand pureté, un fait que certains pourront regretter car il est toujours intéressant de retrouver une signature, un travail singulier sur les fermentations.
Cela n’en retire pas moins l’excellente conservation de ce produit, ainsi que sa mie bien hydratée, gourmande et enveloppée par une croûte fine. L’alvéolage irrégulier et assez marqué permet une agréable sensation de fraicheur à la dégustation.
Je dois avouer que j’étais plutôt dubitatif de prime abord : de tels pains, marqués par un discours sur le terroir, la naturalité et l’intérêt nutritionnel, allaient-ils trouver leur public au sein d’un quartier bourgeois, généralement inscrit dans une certaine tradition ? Je m’étais visiblement trompé, puisque la clientèle du 16è arrondissement plébiscite le produit, si bien qu’il se fait rare en début d’après-midi… Un excellent signe pour la démarche, et pour notre artisan, qui pourra ainsi continuer à nous faire profiter de ces « expérimentations » savoureuses.
Pain « Barbu du Roussillon », Boulangerie Bonneau – Paris 16è, vendu à la pièce le samedi et dimanche 2 & 3 mars 2013, 4 euros les 500g.
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Ping : Le Barbu du Roussillon Painrisien Mars 2013 | bonneau
bjr, amateur de bon pain je souhaiterai avoir le privilège de goûter ce fameux pain. j’habite la haute Garonne au sud de Toulouse et pui-je trouver un tel boulanger ?