Au cours de mes visites painrisiennes, certaines boulangeries me marquent ou m’intriguent plus que d’autres. Je suis ainsi capable de m’y rendre deux, trois, quatre, cinq fois… sans rien même y acheter, avant de me décider à le faire finalement. Les questions sont trop présentes pour que je parvienne à me décider, et j’essaie avant toute chose de m’imprégner de l’atmosphère du lieu pour le comprendre, l’apprivoiser… Avant de faire la même chose avec les produits. Bien sûr, je tente en parallèle de me renseigner sur la vie et la nature de l’entreprise, pour mieux cerner les contours de son activité.
Au 56 rue du Chevaleret, dans le 13è arrondissement, j’avoue avoir été confronté à une situation bien étrange : une boulangerie sans identité particulière, simplement nommée « La Boulangerie ». L’endroit est loin d’être désagréable, il a son caractère propre, dans un style assez moderne et « post-industriel », qui correspond bien à ce quartier neuf qu’est celui de la Bibliothèque François Mitterand. Ici, pas de nom, pas d’artisan à qui attribuer les pains et gourmandises en vente. J’avoue avoir un peu de mal avec ce « concept », car tout cela tient tellement de l’humain qu’il est important de pouvoir en retrouver dans le lieu où sont proposés les produits. C’est ainsi que l’on différencie notamment artisanat et industrie.
La maison a changé de propriétaire en fin d’année 2012, et a été reprise par un certain Stéphane Green, lequel était précédemment installé en bas de la rue Claude Bernard, dans le 5è arrondissement. La petite boulangerie, « le Boulanger de Paris » aux couleurs du groupement Banette qu’il occupait n’a pas grand chose à voir avec cette nouvelle affaire. Dans les larges espaces de « la Boulangerie », on peut voir oeuvrer le personnel de production. Malgré le changement de direction, le pain continue à être fabriqué selon les méthodes en place jusqu’alors : on reconnaît immédiatement l’utilisation d’une diviseuse de type PanovA/Panéotrad aux façonnages (ou plutôt à leur absence) très rectangulaires et aux baguettes aux extrémités carrées. Cela s’accompagne d’une fermentation sur base de levain liquide, lequel confère une grande douceur au pain.
Au final, le résultat est plutôt satisfaisant : la baguette de Tradition offre une mie très fraiche, légère et alvéolée, aux douces notes de levain sans acidité. La croûte fine et craquante garde de sa consistance malgré le temps, et même si les cuissons pourraient parfois être plus appliquées, cela demeure un bon produit. On appréciera également le choix proposé : ciabatta, pain de Campagne, pain au Sarrasin, mélanges de céréales – Tradigraines, baguette des Prés, petits pains variés aux ingrédients (chocolat, mangue-abricot, raisins, …), tout comme les grosses pièces vendues au poids à un tarif particulièrement accessible (5,5€/kg pour la plupart) ainsi que les boules aux Noix ou le pain aux fruits. Le levain fait ici bien son office en apportant saveurs et conservation, avec un caractère très lactique. Le pain de Campagne est ainsi d’excellente tenue, grâce à sa mie dense mais alvéolée et ses notes chaleureuses de seigle. La farine utilisée est aujourd’hui livrée par les Moulins Bourgeois, même si Foricher semble être le fournisseur historique de l’endroit.
On passera par contre très rapidement sur les viennoiseries et pâtisseries proposées ici, car leur qualité est tout juste moyenne. Les petites gourmandises, tels que les financiers variés, constitueront une pause sucrée bien plus simple et appréciable.
Côté traiteur, l’offre est particulièrement développée : forcément, il faut bien occuper l’espace de dégustation. Plat du jour, wraps, pâtes, salades composées, sandwiches variés, quiches… Même si les produits sont frais, cela fait un peu trop pour être certain du caractère tout à fait artisanal de l’ensemble. Néanmoins, la tarification demeure tout à fait raisonnable et c’est un point à retenir.
L’accueil ne fait pas particulièrement preuve d’une grande chaleur humaine, mais il demeure très professionnel et efficace. La séparation du pôle pains-gourmandises et traiteur est particulièrement appréciable en heure de pointe, car cela permet d’assurer la fluidité de l’ensemble, tout en ne pénalisant pas les clients venus chercher un peu de pain.
Infos pratiques
56 rue du Chevaleret – 75013 Paris (métro Bibliothèque François Mitterand, ligne 14) / tél : 01 45 84 92 97
ouvert du lundi au vendredi de 7h30 à 20h30.
Avis résumé
Pain ? C’est sans doute le point fort de « la Boulangerie », et elle mérite ainsi pleinement son appellation. Travaillé sur levain liquide, il exprime des notes lactiques fort appréciables et offre une bonne conservation. La baguette de Tradition séduit par son alvéolage sauvage, sa mie fraiche et sa croûte fine, caractéristique de la réalisation avec une diviseuse de type PanovA/Panéotrad. On appréciera également la gamme de petits pains variés, ainsi que les grosses pièces vendues au poids, même si les cuissons sont parfois un peu aléatoires (trop / pas assez cuit) et les façonnages sans élégance (certes, on ne peut pas trop en demander avec ce type de machine, mais certains font beaucoup mieux !).
Accueil ? Sans grande chaleur, mais efficace et courtois. Il n’illumine pas forcément ce lieu au style bien particulier, décliné entre modernité et « post-industrie », mais le service est assuré avec efficacité, sur les deux pôles – pains & gourmandises et traiteur.
Le reste ? Les viennoiseries et pâtisseries ne présentent que bien peu d’intérêt. On leur préférera des gourmandises simples, tels que les financiers variés et autres en-cas sucrés. L’offre traiteur est abondante, peut-être un peu trop : entre salades, plats du jour, sandwiches, quiches… le choix est là, mais difficile de garantir qu’il en soit de même pour les saveurs.
Faut-il y aller ? Cette boulangerie est surprenante à plusieurs égards : son aménagement intérieur retient l’attention, de par son style post-industriel, auquel nous ne sommes pas forcément habitués. Malgré la transparence sur la production, on ne peut pas en dire autant sur le « fond » de l’affaire : le lieu en serait presque anonyme, puisqu’aucun nom ou véritable enseigne ne sont présents pour que nous puissions réellement identifier ce lieu hybride entre boulangerie et restaurant. Néanmoins, le pain s’avère de bonne tenue, et on appréciera de prendre une pause sur la terrasse attenante lorsque les beaux jours reviendront, la rue étant plutôt calme.