Les modes, les tendances… Elles sont bien loin de concerner uniquement le textile où sont déclinées de fameuses « collections » au fil des saisons. On en retrouve à peu près dans tous les corps de métier, sans forcément que ce soit tout à fait visible ou institutionnalisé. Il ne faut pas toujours y voir une volonté d’imiter la haute couture, bien au contraire, c’est juste naturel et humain. En gastronomie, cela peut prendre plusieurs formes : on a ainsi pu observer de nombreux travaux autour de la cuisine dite « moléculaire » ces dernières années, même si nous serions plutôt en train de revenir à la tradition actuellement. Je parlais de collections, nos grandes maisons ont pris le pas de la mode et ont, pour beaucoup, institué des rendez-vous pour l’automne-hiver et le printemps-été. Cela supprime toute possibilité de création spontanée, mais que voulez-vous, il faut bien communiquer et donner à la presse de quoi remplir ses pages…
En parlant de création spontanée, le pain que j’ai choisi de vous présenter aujourd’hui fait bien partie de celles-ci. On connaît bien le fameux pain de Seigle au Citron, présenté généralement par nos artisans boulangers à l’occasion des fêtes de fin d’année. Benoît Castel semble avoir décidé de bousculer les codes en associant la céréale au… Yuzu. Si je vous parlais de tendance, c’est parce que cet agrume japonais l’a été : nous pouvions en retrouver un peu partout en cuisine et en pâtisserie, sa saveur oscillant entre le citron et la mandarine étant particulièrement agréable. Cela s’est un peu calmé, mais ce n’est pas une raison pour oublier l’ingrédient dès lors qu’il peut apporter un vrai plus.
C’est précisément le cas ici, puisque le remplacement du citron donne un résultat bien plus subtil. Certes, quelques zestes de ce dernier sont ajoutés au pétrissage, du fait du coût que représente le Yuzu. Il faut en effet renforcer le parfum d’agrume, même si l’essence utilisée ici est d’excellente qualité : le pain développé chez Joséphine Bakery inclut en effet du jus en provenance de chez Nishikidori Market, une enseigne réputée en matière de gastronomie japonaise.
Ainsi, on obtient un produit très moelleux, où la croûte est quasiment absente pour laisser tout le champ à une mie filante, aux notes épicées liées à l’utilisation de la farine de Seigle. La rencontre entre les cultures qui s’opère ici donne lieu à une belle harmonie. Derrière son apparence très simple, ordinaire, voilà un pain qui me… jappe au nez. Il fallait bien que je case mon jeu de mots, tout de même.
Ce pain est l’allié idéal des fruits de mers et autres huitres consommées en cette fin d’année, que ce soit pour son goût ou sa texture. Néanmoins, il se révèle tout aussi agréable consommé seul ou agrémenté d’un peu de beurre, devenant alors une véritable gourmandise acidulée.
Au fil des semaines, la gamme de cette charmante boulangerie de quartier s’enrichit de créations originales, inspirées par le goût de Benoît Castel pour des ingrédients fins et recherchés : fêve de Tonka dans l’une de ses bûches de Noël, épices et herbes variées dans ses pains gourmands ou salades, … Une démarche très pâtissière, mise au service de la boulangerie, ce qui aboutit à un résultat non dénué de sens et d’intérêt.
Pain de Seigle au Yuzu, Joséphine Bakery – Paris 6è, vendu à la pièce – 3,5€ les 300g.