Difficile pour une entreprise d’exceller dans tous les domaines. En effet, chacun a sa spécialité, un domaine dans lequel on excelle plus que dans les autres. C’est un fait particulièrement avéré dans le cas de la boulangerie-pâtisserie, où nous avons bien souvent un seul et même artisan qui est amené à créer l’ensemble des produits, avec des résultats inégaux. Lorsqu’il s’agit d’entités de plus grande taille, il devient alors possible de recruter des personnes à même de réaliser des créations de qualité afin de proposer des gammes plus cohérentes.
Chez Fauchon, on se veut « multi-spécialiste » dans des domaines aussi différents que l’épicerie fine, le traiteur, la pâtisserie ou encore la boulangerie. Avoir des prétentions, c’est une chose, être à la hauteur, c’en est une autre. Dans ce cas précis, je pense que l’étendue des gammes est trop large pour que cette entreprise, aussi ancienne et prestigieuse soit-elle, puisse y parvenir. D’autant que cela implique quasi-systématiquement un recours à la sous-traitance, ce qui a un impact sur la qualité du résultat.
Néanmoins, cette institution parisienne peut se targuer d’une certaine légitimité dans le domaine du thé, car la marque a développé des mélanges parfumés depuis 1886, soit son année de création. Son thé à la pomme fait fureur depuis l’arrivée de Fauchon au Japon, ce qui lui permettra de s’y implanter durablement. Depuis, les gammes se sont développées, avec l’arrivée de créations fruitées et florales variées. Bien sûr, en parallèle de cela, la maison conserve son activité d’importateur de thés de grandes origines. Cependant, il faut noter que le conditionnement et l’assemblage des thés parfumésavait été confié à la maison Dammann Frères pendant un long moment.
Depuis 2008, Fauchon a investi dans une unité de production, nommée Herbapac, située dans la région de Strasbourg. Cela permet notamment un meilleur contrôle de la qualité, et assure au mieux la confidentialité des recettes si précieuses.
Ces fameuses recettes, d’ailleurs, sont élaborées en interne par Claire-Marie Nicolas, qui a pris le temps, au cours d’une présentation presse organisée au Café Fauchon, place de la Madeleine, de présenter les nouvelles créations de l’enseigne, ainsi que sa démarche pour la mise au point des thés parfumés.
L’objectif, en 2012, est de réaffirmer le positionnement de Fauchon sur cette activité, qui représente aujourd’hui 15% de son chiffre d’affaire. Pour cela, l’idée est d’articuler les 60 références que compte la gamme autour de trois thématiques : Les Parfums de Paris, les Parfums de Fruits et Fleurs ainsi que les Parfums Gourmands. Une façon de proposer à la clientèle le « thé à la française », qu’elle décrit comme « délicat, appelant à la convivialité et rythmé par une série d’émotions et de perceptions très sensuelles qui arrivent les unes à la suite des autres ».
D’ici septembre, exit les packagings dorés, un peu bling-bling, proposés jusqu’alors. Noir, magenta, des tons plus sobres qui deviennent la ligne directrice sur le plan visuel. L’objectif est d’obtenir une certaine cohérence avec le produit contenu à l’intérieur, que la créatrice veut toujours plus équilibré et respectueux des bases de thé d’origine, utilisés pour ces mélanges. Darjeeling, Assam, autant de noms qui s’associent pour chacun avec différentes fleurs et fruits.
Je ne vous cache pas que je n’ai jamais été un grand amateur des thés parfumés Fauchon, je trouvais en effet que certains étaient beaucoup trop aromatisés, procurant à l’ensemble un caractère peu naturel et désagréable. Pour autant, j’ai dégusté pour vous les trois nouvelles créations qui étaient présentées.
Pour chacun des produits, Fauchon propose un accord avec une pâtisserie ou un produit de sa gamme. L’idée est plutôt bien vue, aussi bien pour le développement du chiffre d’affaire que pour le caractère agréable de la dégustation. Parmi les nouvelles références, on compte une création « Macaron Framboise« , aux saveurs du fameux fruit rouge, de rose et d’amande. La démarche adoptée dans ce cas précis a été de s’inspirer de la gourmandise pour créer une boisson qui prolongerait ses arômes en adoucissant son côté sucré, grâce à la base de thé noir Darjeeling utilisée. En bouche, c’est assez réussi, l’amande n’est pas trop présente comme c’est parfois le cas, mais je ne peux pas dire que ce soit le style de thé que j’apprécie, un peu trop « gourmand » à mon sens.
Même constat pour « Balade aux Tuileries« , un thé blanc parfumé à la rose et aux notes de bonbon. Ces dernières sont apportées par des petits coeurs… en sucre. Je ne suis pas adepte de cette idée d’incorporer le sucre au thé, car ce dernier n’a pas besoin d’un édulcorant pour le rendre agréable.
J’ai cependant été plus séduit par l’association Mandarine-Yuzu, sur une base de thé noir de Ceylan. C’est à la fois vif et assez doux, ces agrumes n’étant pas parmi les plus forts. Le résultat est assez équilibré, et il pourrait accompagner avec beaucoup d’élégance de nombreux plats salés, à l’image des poissons fumés.
D’ailleurs, je regrette que l’idée d’associer ces thés avec des pains n’est pas été développée, car certaines créations de nos artisans parisiens pourraient tout à fait accompagner ces boissons. Fauchon pourrait également participer au « mouvement » en développant des pains aromatiques, réalisant ainsi un ensemble mets-pain-boisson plutôt intéressant. Par exemple, un thé Earl Grey peut très bien s’associer avec le pain abricot-cannelle-noisette de chez Gontran Cherrier, la bergamote mettant très bien en valeur la cannelle. En y réfléchissant, je suis certain que nous pourrions trouver d’autres accords…
Dans tous les cas, cette présentation était plutôt agréable, les couacs liés à des infusions excessives mises à part. C’est, comme à chaque fois, l’occasion d’échanger avec les équipes de Fauchon, toujours très réceptives aux remarques, mais aussi l’occasion de croiser d’autres blogueurs, tel qu’un sympathique Poulet…!