Il y a des jours où l’on se sent plus fatigué par la bêtise que d’autres. Où cette société de l’apparence, de la démonstration est plus difficile à supporter. Peut-être que ce vendredi est un de ceux-là, peut-être pas, après tout. Toujours est-il que je ne parviens pas à m’enlever de la tête que tout cela finit par avoir un caractère insupportable, invivable.
Au final, tout ne serait qu’une question de différence, de différences même. Différences entre individus, d’abord, mais également entre deux mondes qui s’opposent et ne peuvent parvenir à s’accorder, puisque l’un tente résolument d’écraser l’autre. Vous comprenez, la différence est mal acceptée, et il faudrait parvenir à la faire taire par tous les moyens possibles.
Quand je regarde ce qui m’entoure, je vois beaucoup de tristesse, mal cachée par des conventions et de fâcheuses tendance à vouloir montrer à quel point notre vie est formidable. Comme si cela devait faire rêver les autres que de dire ou d’afficher que l’on visite les plus grandes tables, déguste les mets les plus fins, comme si tout ce luxe, cet encombrement, se rapprochait de la « vraie vie », du quotidien malheureusement bien triste que connaissent des milliers, que dis-je, des millions de gens un peu partout, en France ou ailleurs. Je me lève le matin, 4h50, je me dis que j’ai de la chance, parce que je le fais librement, sans contrainte autre que celle que je me fixe, sans la peur au ventre ou l’obsédante menace de ne pas parvenir à nourrir une famille. Je suis un privilégié, je le sais, pourtant ça ne m’empêche pas de vouloir le dépasser, de chercher à partager et à donner un peu de plaisir quotidien à ceux qui n’ont pas forcément autant de chance. C’est idiot, mais quand un boulanger, un pâtissier ou qui que ce soit d’autre me remercie pour l’un de mes articles, simplement parce que cela lui a fait plaisir que la qualité de son travail soit reconnue, je me dis qu’au moins ma journée n’aura pas été tout à fait inutile, et qu’elle aura au moins permis d’éclairer celle d’une personne dont la tâche est difficile, parfois décourageante.
Pourquoi des artisans qui sont justement dans la différence, dans le savoureux, dans l’authentique, doivent-ils être écrasés comme ils le sont par « la masse » des médias et de la communication ? Cela ne profite encore et toujours qu’à une élite, à quelques privilégiés qui disposent des moyens nécessaires pour être mis en avant, pour créer la « tendance ». Les exemples ne manquent pas, et ce même en boulangerie, certes dans une moindre mesure. Citer des noms serait bien inutile, ne rentrons pas dans ces jeux là…
Le temps passe, la lassitude grandit. Peut-être un jour sera-t-elle trop forte, peut-être déciderai-je de m’arrêter. De rentrer à mon tour dans le lot de l’indifférence, du quotidien quotidien, sans chercher à changer les choses, à montrer qu’il existe du beau que chacun peut s’offrir et éclairer simplement ses journées, remettre un peu de couleurs dans ce monde tout gris (et pas seulement par la météo, il fallait bien que je l’insère, celle-là). En attendant, je serre les dents, je continue à marcher et à affirmer les différences, à défendre cet état d’esprit que je pense indispensable pour parvenir à construire « autre chose », en marge de ces univers brillants et attirants uniquement en apparence, car il y a beaucoup de faux là-dedans. Peut-être pas les produits, car ces milieux savent bien exploiter le « vrai » savoureux pour le mettre à leur service, mais humainement, dans la relation entretenue avec le reste du monde. Tout cela n’est au final qu’une question de liberté… et de différence. Sans indifférence.
Coup de blues Rémi?
Laissez glisser les apparences et les « démonstrateurs ». Leur vie n’a pas de sens,; ni queue, ni tête.
« Le temps ne fait rien à l’affaire » comme le dit si bien Brassens.
Coup de blues, je ne sais pas, un peu de tristesse, oui.
Merci Eric.
Mais qu’est-ce que ce galimatias ? Haut les cœurs Rémi, et dis toi que tu fais œuvre d’utilité publique quand, par exemple, tu signales la reprise de la boulangerie de la rue du Cherche Midi (proche de Ferrandi qui forme tant de talents)par l’excellent Thierry Renard, ou quand tu indiques le développement de Landemaine rue du Poteau, ou bien encore lorsque tu fais part de l’ouverture de la bonne boulangerie « La Parisienne » à l’angle de la rue Lepic et de la rue Coustou. Encore ne s’agit-il que de quelques infos parmi la foule d’infos utiles que tu distilles chaque jour. Fais toi du bien à répandre le bien, conserve lorsque c’est nécessaire ta capacité d’indignation, mais garde toi de propos parfois injustes (je mesure mes mots) sur des artisans talentueux.
Amicalement, François Dumoulin
J’espère m’être un peu amélioré du côté des propos injustes dont vous parlez, François ! On apprend tous les jours, et je sais qu’il me reste beaucoup de chemin à parcourir.
Dans tous les cas, merci pour votre commentaire.