Certaines choses prennent de la valeur avec le temps. D’autres des couleurs, des marques, des rayures… ou encore du goût. C’est notamment le cas pour le vin, du moins le « bon » vin. A l’inverse, il y a des produits qui auraient plutôt tendance à se dégrader rapidement s’ils n’étaient pas consommés rapidement. Dates de péremption, précautions d’emploi, l’alimentation demeure un domaine sensible…

Pour le pain, c’est un peu plus compliqué. Bien sûr, il finira toujours par être immangeable, pour diverses raisons d’ailleurs (complètement dur, moisi ou autres réjouissances), mais il n’y a pas de règle imparable et scientifique pour savoir combien de temps on pourra conserver le pain que l’on vient d’acheter. On peut avoir quelques certitudes, toutefois. Une baguette ne se conservera que quelques heures, qu’elle soit de tradition ou non d’ailleurs. Au delà, elle risquera de devenir sèche, la croûte perdra peu à peu son caractère craquant si agréable, la mie aura tendance à être caoutchouteuse… Un tableau qui n’a rien de bien réjouissant. Plus les pains sont petits, plus ils seront soumis à une faible durée de vie. Cela s’explique par leur proportion plus importante de croûte (sèche) par rapport à la mie (humide).

En réalité, beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte. Tout d’abord, il convient d’expliquer le pourquoi du phénomène de rassissement. Avec le temps, l’amidon du pain rétrograde, c’est-à-dire reprend sa structure cristalline initiale. Ce phénomène entraine le rassissement du pain soit une dégradation des qualités gustatives du pain dont le durcissement de la mie. Il est accéléré à faible température, vers 4°C, ce qui ne peut que nous inviter à laisser notre pain dans un lieu tempéré, sans pour autant qu’il soit chaud. Egalement, le pain réalisé sur levain aura tendance à mieux se conserver qu’un pain sur levure, du fait de son caractère acide, qui ralentit ce même processus de rétrogradation de l’amidon.
Dans tous les cas, de longues fermentations, des pétrissages délicats, une cuisson bien menée (synonyme de croûte épaisse, et donc de « protection ») et l’utilisation de matières premières de qualité sont gages d’une meilleure conservation.

Au delà de ce simple aspect de « garder », je voulais parler du fait qu’à l’image du bon vin, le bon pain développe des arômes différents au cours de sa « vie ». Souvent plus légers à la sortie du four, après refroidissement (jamais de pain chaud, bien sûr !), plus complexes au bout de quelques heures, voire le lendemain… Les textures se modifient également, sans pour autant devenir désagréables comme on pourrait souvent le craindre. L’humidité qui doit prédominer dans la mie s’échappe peu à peu, rendant le pain moins « collant » comme il peut l’être lorsqu’il est frais. Cela donne ainsi des expériences de dégustation très différentes. J’ai plutôt tendance à apprécier les mies bien humides, mais il est intéressant de voir ce que cela peut donner le lendemain, avec un peu plus de « plancher ».
Le rassissement est généralement plutôt bienvenu pour des tourtes de seigle et des pains de ce genre, très typés. Dans ce cas, les parfums de miel, de fruits secs, se font plus présents.

Attention, dans tous les cas, ne laissons pas vieillir le pain à l’air libre, sinon quoi il risquera de devenir sec comme du bois. D’ailleurs, la météo influe – comme vous l’aurez constaté – sur la bonne conservation ou non du pain. L’humidité n’est jamais la bienvenue si l’on souhaite garder son produit en « bon état ». Le tout est de trouver un équilibre. Un torchon, un linge, une huche à pain, voilà ce qui fera le bonheur de nos mies et croûtes.

Dans tous les cas, si l’on souhaite garder un pain plus longtemps pour des raisons diverses, il demeure possible de le congeler. J’avoue que ce n’est pas une option que j’emploie, car elle me déplait sur le principe : tous les jours, des milliers d’artisans boulangers oeuvrent dans leur fournil pour nous proposer du pain frais… quelle meilleure façon de leur rendre hommage qu’en leur rendant visite ? Bien sûr, ça n’est pas toujours possible, la vie n’est pas aussi simple. Si l’on choisit d’introduire son pain au congélateur, la décongélation prendra ensuite environ une douzaine d’heures, suite à quoi un court passage dans un four humidifié (de l’ordre de 5 minutes, avec un petit récipient rempli d’eau) devrait lui rendre une grande partie de ses qualités organoleptiques.

Dernières options, catastrophe, le pain a été oublié au fond d’un sac, d’une boite, il est sec, ou à l’inverse complètement mou… on le pense impropre à la consommation courante, ce qui n’est pas tout à fait faux. On peut toujours tenter de le toaster légèrement s’il se rapproche de l’état de bouillie, même si cela risque de ne pas avoir grand intérêt.
Viennent alors des solutions gourmandes et/ou pratiques : griller le pain au four pour réaliser des croutons que l’on utilisera dans divers plats ou dans la soupe, l’utiliser pour réaliser du « pain perdu », l’incorporer dans des recettes… De tout temps, l’imagination culinaire a su accommoder les restes, et cela s’applique tout autant dans le cas présent.

Une chose est sûre : le bon pain peut très bien vieillir, et nous ne devons pas avoir l’obsession du pain toujours frais. Certes, le fait est que la culture de la baguette a permis à nos boulangeries artisanales de traverser les âges, mais il ne faut pas pour autant en oublier les « pains de garde », et tout le plaisir que leur vieillissement peut procurer.

6 réflexions au sujet de « Laisser vieillir le pain »

  1. Je crois que tu es bien la seule personne à réussir à me faire lire un billet entier qui parle de molécules du pain…!
    J’adore.

    Pour ma part, vu que je vis seule, du pain au final, j’en achète assez rarement, pour pas le jeter (pas de congélateur pour moi)(et je n’aime pas le pain perdu ^^) et en fait, j’essaie de bien calculer pour en avoir juste pour la journée.. Du coup, par exemple le seigle au miso de Gontran Cherrier, je crois ne jamais l’avoir gouté le lendemain! Il faudrait que j’en achète un peu plus, un de ces jours, histoire de!

    • Haha, merci, c’est un beau compliment que tu me fais là 😉
      Je calcule également beaucoup pour essayer de toujours manger du pain qui soit au maximum de la veille, généralement seulement le matin… D’une part parce que j’aime particulièrement le pain frais, mais aussi pour varier le plus possible et en essayer de nouveaux!

  2. Merci Rémi de penser à ceux qui se lèvent tôt pour vous faire profiter de bons pains frais. Il est vrai que le boulanger est un tantinet schizophrène. Il ne peut s’empêcher de vanter la conservation de son pain et en même temps il n’arrête pas de chanter que son pain est toujours frais.
    « Elle est fraîche ma baguette! Elle est fraîche! Qui veut de ma baguette fraîche? »…ça ne vous rappelle pas quelqu’un.
    Il sont fous ces boulangers gaulois.

  3. Pourquoi « jamais de pain chaud » ? Je trouve qu’un pain chaud (sorti du four ou du grille-pain) développe des arômes différents qu’à température ambiante.
    Pour ma part : moitié pain frais et moitié au congélateur (et après un passage au four il devient chaud et retrouve son craquant)

  4. j’ai bien lu l’article que j’ai tant aimè. J’aimerai aussi poser une question:
    Est-il vrai que le pain vielli contient plus de vitamines que lorsqu’il soit sorti recemment du four?

  5. C’est peut être la farine qui n’à pas la même qualité ?
    J’achète un petit pain complet chaque jour si je kaisse le surplus sèche’
    Dans un sac il devient moisi !
    Ou c’est la farine ou ce dont des adoptifs ?
    A vous lire la le boulanger pour me donner ma réponse
    Elisabeth

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