Le pain devrait toujours être l’élément moteur d’une boulangerie, occuper la plus belle des places et se présenter directement à la clientèle. En effet, le métier de base d’un boulanger est avant tout de faire du pain, c’est à mon sens ce sur quoi il devrait se concentrer et exprimer le meilleur de son talent. Malheureusement, il y a aussi des raisons économiques et des implantations qui font que l’activité se tourne naturellement vers des produits plus élaborés ou plus rentables.

Je m’en suis déjà ému ici au sujet de plusieurs boutiques, et je continuerai à le faire à chaque fois que je le penserai nécessaire. Aujourd’hui, c’est chez Stéphane Louvard et son épouse que je vous emmène pour vous parler de ce roi de la Galette (il a en effet reçu le prix de la Meilleure Galette aux amandes d’Ile de France cette année) et de sa boutique. Installé à quelques mètres de la station de métro Miromesnil, cet artisan est au premières loges pour accueillir les cadres affairés que l’on peut voir arpenter les rues à l’heure du déjeuner. Ce quartier accueille en effet les sièges sociaux de nombreuses entreprises, et plus largement beaucoup de bureaux, ce qui explique la présence de cette « population » à la typologie un peu particulière. En effet, ils sont principalement actifs dans le quartier pour acheter leur repas, ce qui a naturellement développé un enchainement de restaurants et autres concepts de saladbar et sandwicheries plus ou moins haut de gamme. Il suffit de regarder la rue de la Boétie pour s’en convaincre.
Comment un boulanger pourrait-il avoir sa place ici ? Tout simplement en se « battant » avec les mêmes armes.

Lorsque l’on pénètre dans la boulangerie de M. et Mme Louvard, notre regard rencontre avant tout le large choix de sandwiches, de salades et autres en-cas proposés ici. En effet, la maison a développé une large gamme salée, pour justement satisfaire les appétits de nos travailleurs… mais aussi, et tout simplement, assurer le fonctionnement économique de l’entreprise. Les produits sont de qualité, proposés à des tarifs tout à fait abordables, d’autant plus pour le quartier. La clientèle ne s’y est pas trompée, car elle est tout particulièrement nombreuse : il n’est pas rare de voir une longue file d’attente déborder sur la rue quand sonne midi.
En plus des produits proposés au sein de la boulangerie, une annexe traiteur complète l’offre au travers de plats chauds divers, dont la carte est modifiée quasi-quotidiennement. Fraicheur et diversité sont donc au rendez-vous, ce qui est plutôt bien vu, relançant l’intérêt de la clientèle et évitant un potentiel risque de lassitude. Soupes, frites maison, viandes (poulet, steak haché, petit salé…) et poissons… rien ne manque à l’appel.

Le problème, à mon sens, c’est que tout cela étouffe le pain. Certes, les sandwiches ou burgers maison sont bien réalisés à partir de baguettes et de pains variés, mais dès lors que l’on dépasse cette considération, l’offre « non garnie » est plutôt lacunaire. A peine trouve-t-on des baguettes de tradition, des baguettes torsadées et quelques pains (céréales, campagne…) et petits pains. Cela n’occupe qu’une très petite place dans la boutique, et c’est bien dommage. Les tarifs sont assez élevés, avec une baguette de tradition proposée à 1 euro 20. Certes, elle est tout à fait correcte, son façonnage est plutôt soigné, les cuissons sont généralement assez correctes (bien menées sur la version torsadée), mais elle n’exprime pas un caractère qui puisse justifier une telle tarification. Quant au reste de la courte gamme, rien de bien surprenant non plus, c’est tout juste correct, à tous points de vue.

Le domaine sucré est beaucoup plus fourni, avec une profusion de pâtisseries assez copieuses et finies de façon aléatoire, mais également des viennoiseries dans la moyenne ainsi que ces fameuses galettes des rois, en saison. Autant les pâtisseries ne laisseront pas un souvenir impérissable, servant plutôt de complément pour achever une formule, autant les galettes de cet artisan sont effectivement de très bonne facture, avec un feuilletage fin et une crème frangipane de qualité. Cela ne dure qu’un temps assez limité, ce qui fait que ce lieu ne sera certainement pas privilégié pour acheter un dessert, en dehors des repas pris sur le temps de travail.

Mention spéciale pour l’accueil, charmant et redoutablement efficace. Le personnel parvient à gérer l’affluence avec un grand professionnalisme tout en gardant le sourire et en conseillant le client au mieux. Une performance dont beaucoup devraient s’inspirer, car toutes les boulangeries ne peuvent se vanter de disposer de vendeurs présentant ces qualités.

Infos pratiques

43/45 rue de Miromesnil – 75008 Paris (métro Miromesnil, ligne 13) / tél : 01 42 65 56 90
ouvert du lundi au vendredi.

Avis résumé

Pain ? Où est-il ? Plus sérieusement, le pain n’occupe pas ici la place qu’il devrait prendre. On le retrouve dans un coin de la boulangerie, au travers d’une très courte gamme. Petits pains au fromage, olives ou autres ingrédients, baguette de tradition et « blanche », quelques pains « spéciaux » (campagne, céréales…), rien d’exceptionnel en terme de saveurs ou de réalisation. Les prix sont d’ailleurs un peu élevés au vu de la prestation, très classique.
Accueil ? Souriant, chaleureux et efficace. Malgré les importantes files, la clientèle n’a qu’assez peu à attendre et c’est un bon point pour ce boulanger. Ses boutiques sont bien entretenues, rien à signaler.
Le reste ? Le reste est justement l’essentiel ici, cela prend un peu trop le pas sur le pain à mon sens. Les produits salés (sandwiches, salades, plats chauds variés, en-cas…) sont nombreux et leur réalisation est de bonne facture. Rien à reprocher en terme de fraîcheur, qui est de toute façon assurée au vu de l’importante chalandise qui se presse devant les portes de l’artisan et de son équipe.
Pour le sucré, privilégier les produits réalisés à partir de pâte feuilletée, très bien maîtrisée ici. Le reste est beaucoup moins intéressant, avec des pâtisseries généreuses mais à l’intérêt plus que limité. Les galettes des Rois tiennent la vedette en janvier, comme l’a prouvé le concours organisé par le syndicat de la Boulangerie-Pâtisserie, à raison puisqu’elles sont bien réalisées.

Faut-il y aller ? Pas pour le pain, car on en trouve assez peu, et même s’il est relativement correct, la pauvreté de la gamme et son caractère presque isolé n’incite pas vraiment à faire de cette boulangerie un endroit où l’on vient pour acheter sa baguette ou tout autre pain spécial. Cet artisan est tout à fait recommandable pour un déjeuner rapide et peu coûteux, comme l’ont bien compris les travailleurs du secteur, très nombreux à s’approvisionner ici à l’heure du déjeuner. Bien sûr, les galettes des Rois, en janvier, sont un centre d’attraction à elles seules… mais pour une période bien limitée. Dans tous les cas, c’est une maison bien tenue, au personnel très professionnel. Est-ce toutefois encore une boulangerie ? J’aurais bien du mal à qualifier cette entreprise, dont l’activité tiendrait presque à de la « restauration boulangère », même si le terme ne me convient pas pleinement.

6 réflexions au sujet de « Stéphane Louvard, Paris 8è, quand le roi de la Galette oublie (un peu) le pain »

  1. Une vraie boulangerie ne tiendrait pas longtemps dans ce quartier (je travaille à 5 min de Louvard), envahi par les chaines et les sandwicheries/saladeries.
    Là encore, il y a peu d’habitants dans le quartier, c’est pour ça que toutes les boulangeries ont suivi le mêmemodèle, avec plus ou moins de succès.

  2. il faut dire aussi que c’est la loi du marché , il peu y avoir l’amour du metier ; une entreprise tu doit trouver des solutions pour la développer .

    • Eric Kayser c’est orienté pain, certains pourraient dire que c’est surfait.
      Louvard ce n’est pas une boulangerie c’est un site de restauration rapide à base de pain : paninis, pitas, sandwichs, le tout décliné chacun en une dizaine de recettes, ce qui fait que tu as un choix colossal !

  3. Faut -il qu’une boulangerie reste dans le classique quitte a fermer ses portes ou a évoluer en fonction de la clientèle tel est a mon avis le choix de Mr Louvard ne vous en déplaise et au lieu de le critiquer il faudrait mieux le féliciter pour savoir s’adapter à une nouvelle tendance
    Félicitations pour le professionnalisme et l’amabilité du personnel

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