Contrairement à ce que certains pourraient penser, je ne suis pas un méchant garçon. Bien sûr, ça n’est pas très crédible puisque c’est moi même qui le dit, mais j’ose espérer que les personnes qui me côtoient ou me rencontrent peuvent confirmer ceci… Pour autant, je dois avouer qu’il y a parfois des choses qui finissent par m’agacer, et cela m’amène à avoir envie de donner quelques coups de pied (ou de pelle à enfourner, au choix) dans la fourmilière. Ces derniers jours, il y avait de quoi être servi… et c’est pour cela que je finis par rédiger ce billet d’humeur.

Bien entendu, le sujet gourmand et tendance du moment, ce sont les galettes des rois. Il faut bien que les grands journaux en parlent, et notamment Challenges, qui a voulu lancer un pavé dans la mare en enfonçant quelques portes laissées ouvertes, au travers de cet article. M. Poujauran y est placé en défenseur du bon goût et de la bonne façon, alors qu’il est difficile de le considérer lui-même comme un artisan boulanger, au vu des volumes qu’il doit fournir pour la restauration et ses divers clients disséminés dans la capitale, voire ailleurs. Je doute un peu que l’ensemble de son processus de production soit encore proche de celui mis en place au sein d’une boulangerie, mais soit.
Il est anormal que des produits issus de l’industrie soient proposés chez les boulangers et pâtissiers « artisanaux », je ne pourrai pas dire le contraire, pour autant, il serait difficile de les blâmer, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’économie. Pour survivre, il est nécessaire de faire du chiffre, donc de proposer des produits sur lesquelles la marge est plus importante que celle réalisée sur le pain. Les pâtisseries… et les galettes en font inévitablement partie. Difficile d’employer un ouvrier maitrisant le tour, car ils sont rares et donc « chers ». Forcément, la solution paraît dès lors presque évidente. Les consommateurs sont abusés, mais il n’existe pas de réglementation imposant un quelconque affichage ou une obligation de réaliser l’ensemble des produits sur place dès lors que l’on affiche sur sa devanture « artisan boulanger ». Tant que nos pouvoirs publics ne prendront pas le sujet en mains, nous pourrons continuer à nous indigner de façon régulière, sans que cela change quoi que ce soit.

Ce qui a tendance à m’agacer également, ce sont les prétendus experts qui vont être capables de vous dire où trouver les meilleurs produits, en se basant simplement sur… des tendances. C’est de cette façon que l’on aboutit à uniformiser les goûts et les habitudes de consommation. Cela m’a interpelé en lisant cet « article », ou pire encore, celui-ci. En réalité, je dois vous avouer que le dernier m’a fait tomber de ma chaise. Comment se prétendre expert et déclarer que les baguettes vendues par Eric Kayser sont les « meilleures de Paris » ? Il faut prendre en compte énormément de facteurs, et d’autant plus dans le cas d’une chaîne comme cette entreprise. Les baguettes Monge vendues au 8 rue Monge sont effectivement de très bonne facture, mais que dire de celles proposées dans la boutique de l’Odéon, ou encore de l’avenue des Ternes ? La musique n’y est plus aussi douce. On continue la descente vers les abysses en lisant que Paul avait été cité. Nous sommes tous experts en quelque chose, mais visiblement, les personnes consultées ne le sont pas en gastronomie…

Au final, tout cela résume un peu l’état de notre blogosphère et du journalisme culinaire aujourd’hui. Beaucoup de tendances, de superficiel, peu d’analyse et de recherche « terrain ». Les têtes tournent rapidement dès lors qu’un semblant de succès se manifeste, et c’est bien dommage pour les lecteurs qui ne bénéficient pas d’une information pertinente et objective. Que penser des blogueurs dont les « découvertes » sont orientées par les agences de Relations Publiques, mis à part qu’ils contribuent à rendre le paysage gastronomique toujours plus plat, uniforme et ennuyeux ?

Tout cela pour dire qu’il m’est difficile de me prétendre blogueur ou équivalent, tant mes valeurs sont éloignées de celles-ci. L’objectif, quand on s’inscrit dans la démarche d’écrire et de partager du ressenti, des idées, des découvertes, doit être de servir un intérêt commun… et non particulier. J’ai l’impression de servir un ensemble d’évidences, et pourtant. Allez, continuons à mettre des coups de pied dans la fourmilière. C’est ça aussi, être painrisien. Un peu iconoclaste et décalé.

16 réflexions au sujet de « Des coups de pelle (à pain) dans la fourmilière »

  1. Une fois de plus le Painrisien écrit franchement et sans hypocrisie, la triste réalité…
    Les journalistes crient a « la liberté de la presse » ce qui et normal mais parfois devant de tels articles, on est en droit de se demander si une enveloppe n a pas été glissé pour écrire autant de bêtises!!!

    Quelque part, je préférais presque ceci, plutôt que penser qu ils sont assez naïfs pour croire des mensonge aussi énormes et ridicules!!!

    PS: je confirme, vous êtes quelqu’un de très bien!!
    Méchant garçon?! Pas du tout!!! Juste une personne franche et cette qualité a tendance a faire peur!!!!

  2. J’aime beaucoup votre blog, découvert sur FB. Je n’ai pas le temps de le lire tous les jours, mais je clique sur le lien de FB de temps en temps. J’ai également vu votre CV…suis vraiment surprise que vous soyez si jeune.

  3. I think this is why it’s important that you do what you do. There are boulangeries and pâtisseries you cover that don’t get enough attention from others. You help get the word out about them. That gives a chance for other bloggers and sites to discover those shops, and that can translate into even more attention.

    But there’s also a range of levels of integrity in online writing and reasons sites write what they do. People, like a certain ex-sous-chef American blogger, are easily swayed by conventional wisdom [and his love of cheap candy]. I’m corrupted by shops that play along with my desire for photo sessions, discounts, and freebies. And you’re just 100% honest. But most people, in any line of work or any hobby, are just lazy and don’t really do research. It’s a sad reality.

    • Thanks, Adam!
      You’re not so corrupted, compared to some others ;-). I don’t know if we can name that kind of things « corruption », after all.
      Too many people are lazy – like this famous blogger – but their opinions are followed and trusted. Too bad…

  4. @Rémi : Challenges est un énorme magazine de merde, dont le but est de vendre des abonnements. Ils s’emparent de sujets d’actualité ou tendance, comme tu dis, niveau contenu et forme, c’est proche de zéro,(cf leur spécial écoles de Commerces récent, avec un couverture : «Etre à l’étranger pour être global»!)

    Ensuite, je laisserai le soin à Meg Zimbeck (fondatrice de PbM) de détailler le principe des Five Great de Paris by Mouth. Je ne suis que « contributing advisor »), i.e. je fais partie du Panel de 12 personnes qui votent pour ce classement. Tout d’abord, Five Great ne veut pas dire Five Best! Il ne s’agit pas d’un classement sur les meilleures baguettes, mais plus du résultat d’un « sondage » sur les baguettes. Chacun des 12 membres indique, au moment du sondage, les noms des établissements qu’il préfère, évite… Et voilà, pas de dégustations comparées (comme chez Raids Pâtisseries), pas de prétention scientifique, ni même méthodologique. Juste une synthèse des adresses préférées/les plus populaires de 12 personnes qui aiment bien manger et en parler.
    Je pense avoir cité Kayser lorsque j’ai répondu à ce classement sur les baguettes, tout simplement parce qu’avant de déménager, c’est chez Kayser (rue du bac, 2 minutes de mon ancien chez moi) que j’achetais mon pain, et que l’Atelier de Robuchon de la rue Montalembert s’y fournit aussi.
    En ce qui concerne les galettes, je n’ai pas de souvenir très précis, actuellement je voterai pour celle de Tholoniat (mais je ne suis pas fan de galettes à la frangipane), et je trouve que Rollet Pradier propose une bonne brioche.

    Ensuite, j’ai moi aussi poussé des coups de gueules (et je continue de temps en temps) pour déplorer un certain suivisme, une uniformisation, ou certaines incohérences. Je participe aussi parfois à des repas « de promotion » avec d’autres bloggueurs et plus rarement des journalistes pros.
    Lorsque l’on commence à avoir un minimum de visibilité, on reçoit de plus en plus de dossiers de presse, d’invitations et de propositions. Certains acceptent les invitations, d’autres pas, mais, pour faire vivre le buzz, la nouveauté, ils vont quand même y aller et en parler (ce qui revient à peu près à la même chose qu’accepter une invitation). Pour ce qui est du compte rendu et du papier, là aussi, c’est tellement plus facile de copier coller le dossier de presse et les photos fournies. Certains font de la paraphrase, et, enfin, d’autres essaient d’apporter des informations plus pertinentes et/ou personnelles.
    Il n’y a qu’à voir la « folie » des burgers actuelle (Camion qui Fume, Blend Burger…).Pour être dans le coup, il faut suivre l’actualité et certains se font un point d’honneur à en parler les premiers. Ensuite, il y a forcément un effet d’entrainement, c’est humain. Je ne supporte pas de faire la queue au delà d’un certain moment et je ne comprends pas pourquoi il y a autant de personnes qui attendent pour entrer chez A&F sur les Champs, ou chez Louboutin rue du Fg St Honoré en période de pré-soldes. Je suis bien embêté quand je dois attendre mon tour chez Julhès ou Tholoniat, parce qu’il y a des clients lents et que la vente ne se fait pas toujours de façon optimale, mais c’est malheureusement très humain. Autant je me passe très bien d’A&F, autant parfois, je n’ai pas le choix.
    Après, oui, c’est vrai, il y a beaucoup de moutons, intellectuellement, c’est plus confortable d’encenser une adresse déjà validée par d’autres (cf. Chroniques du plaisir).

    Ce que j’ai appris au bout de 5-6 ans de blogs, c’est que les pros et les bloggueurs n’aiment pas les vagues (mettons ça sur le comtpe de la paresse ou d’un manque d’honnêteté intelelctuelle, ce qui revient au même).
    Comme en politique, on a les critiques/chroniqueurs qu’on mérite. Avec le temps, on ne trouve personne pour les remplacer en mieux, mais on apprend à décoder intérpréter et rendre l’information qu’ils fournissent plus adaptée et efficace pour nous.

    tu n’es pas seul, mais ceux qui sont prêts à se mouiller avec toi ne seront pas nombreux…

    désolé pour la réponse longue et décousue…

    • Merci pour les précisions sur le fonctionnement des classements établis sur le site Parisbymouth.com. Cela confirme donc ce que je pensais : cela n’a pas d’intérêt et il faudrait éviter de présenter ce genre de classement, car cela a tendance à induire en erreur le lecteur. Il y a une nette différence entre « j’ai l’habitude d’y aller puisque j’habite dans le quartier » et « j’y vais parce que je pense que les produits valent vraiment le déplacement – et donc je les recommande ».
      Les invitations n’empêchent pas de conserver un esprit critique, du moins c’est ce que je pense et ce que j’essaie de défendre. Peu importe que peu de personnes se mouillent avec moi, je n’ai de toute façon pas grand chose à perdre et je ne cherche pas à être accompagné, je suis tout aussi bien seul.

  5. pour finir :
    le Pain est (hélas) considéré comme une commodité. On en achète tous les jours, ou presque, donc rare sont celles et ceux qui peuvent se permettre de consacrer beaucoup de temps à se ravitailler. C’est pour cela qu’on se fournit en général dans son quartier, et que si l’on trouve une ou deux adresses à peu près correctes, l’on s’en contente.
    C’est pour cette raison que le Kayser de la rue du Bac était mon fournisseur principal, même si nous mangions aussi du pain de chez Milcent et successeurs (rue du bac, près du Bd St Germain), ou de chez Gosselin, Bd St Germain).
    Actuellement, le pain que nous mangeons provient essentiellement de chez Julhès, et assez souvent de la Délicieuse (Bd Magenta). Le week end, de chez Tholoniat si nous y prenons des desserts.
    Du Pain et des Idées, dont on parle tant, n’est pas très loin, mais pas du tout pratique pour nous, et fermé le week end (quand nous avons plus de temps), donc nous vivons très bien sans!

    faire un effort, de temps en temps (1-2 fois par semaine), pour acheter des desserts chez un bon pâtissier, oui, organiser un week end pour bien manger dans un étoilé, oui!
    faire tous les jours un détour et retarder le retour à la maison de 15 minutes pour du pain, je ne crois pas!
    j’irai faire un tour à du Pain et des Idées ce soir, pour mesurer tout ça plus avec plus de précision
    Pourtant, je pense aimer les bonnes choses…

    • Tout est une question de volonté et cela dépend de ce que l’on recherche dans son alimentation. Je comprends l’argumentaire et respecte sa pertinence. L’objectif serait que l’ensemble des boulangers soient bons – bien sûr, c’est tout à fait utopique, mais au travers de ma démarche je cherche à pousser l’ensemble de la profession vers le haut, à la fois en valorisant les bons artisans, et en incitant les « mauvais » à faire mieux.
      En attendant, pour oeuvrer au quotidien à ce « mieux » global, le détour est nécessaire…

  6. Bonjour,

    Rémi,

    vous avez toute notre considération. Les fourmis n’ont qu’à biens se tenir.
    Continuez votre exploration du monde du pain. Nous vous suivons tout au long de vos aventures dans cette « jungle » du monde de la boulangerie.
    Vous êtes l’explorateur à la recherche du pain perdu. Et tant pis pour les cohortes de « touristes » des gastr’operator qui ne font que suivre les conseils avisés des prétendus guides culinaires. Ceux-là même qui n’ont jamais mis les pieds dans les boulangeries qu’ils vous recommandent autrement que lorsqu’ils y ont été invités à l’occasion d’un lancement marketing d’un produit plus exotique qu’un kangourou en plein Paris.
    Bon courage dans votre quête.

  7. Lundi soir, comme annoncé plus tôt, je suis allé jusqu’à la boulangerie « du Pain et des Idées ».
    C’est mignon, la déco est archi orientée bobo (vieux meubles, vieux vélo, vieux personnel…). Il y avait une demi douzaines de personnes qui faisaient la queue devant moi.
    Une petite galette à 18€, et un demi pain des Amis encore chaud (4-5€, je n’ai plus le prix exact). Pain des Amis goûté en sortant de la boutique : bon, très bon même, mais je n’ai pas senti d’énormes différences par rapport à une demi tourte de Kayser ou un pain à l’ancienne de chez Julhès. Pas assez concluant pour y dédier 15-20min/jour.
    La galette était très bonne. C’est la meilleure mangée cette année (autres testées : Louvard, Julhès, Tholoniat).

    • Si vous remontez un peu dans l’historique du blog, vous verrez que je ne suis pas un grand défenseur de la boulangerie de M. Vasseur, beaucoup trop « starifiée » à mon goût. Ensuite, le pain des Amis n’a pas grand chose à voir avec les pains dont vous parlez, il n’est pas possible de réaliser de comparatif. Tandis que le premier est un pain de tradition française (c’est à dire réalisé à partir de farine de blé T55 ou T65, assez blanche et avec de la levure), les deux autres sont des pains réalisés sur levain avec des farines plus complètes. Les goûts sont alors naturellement plus marqués, on ressent une certaine acidité en bouche, qui n’est pas présente sur le pain des Amis.
      Le prix du Pain des Amis a augmenté récemment, d’ailleurs, passant de 2,1 euros les 250g à 2,2 euros. On peut maintenant s’acheter deux baguettes de tradition (qui ne sont pas proposées chez M. Vasseur, d’ailleurs !) pour le même prix, chez beaucoup d’artisans très talentueux. Cela me laisse assez songeur.

  8. Tu n’y connais vraiment rien mon pauvre Rémi, tu es content, ton blog est un peu lu, alors ça y est tu te crois tout permis, y compris de raconter des conneries.
    Tu penses qu’un boulanger fait plus de marges que sur le pain, pauvre petit branleur.
    Va dans un labo à 3 heures du mat, prends un tablier et observe ce qui se passe, prend des notes.
    Je viens de découvrir ton blog pourri, comment on peut te laisser critiquer un métier aussi difficile que tu ne connais pas ?
    Tu fais quoi dans la vie à part geek ?

    • Bonjour Arnaud,
      Merci pour votre commentaire. Quel temps fait-il en Corée ?
      J’avoue beaucoup apprécier votre prose en ce dimanche matin. Comme vous au travers de vos commentaires, j’exerce simplement ma liberté d’expression ici. J’entends bien vos critiques sur ma méconnaissance du métier, mais je n’ai jamais prétendu être un expert ou un membre de la profession, simplement un consommateur passionné.
      J’aimerais bien être un geek comme vous l’entendez, j’aurais moins mal aux jambes !

      Belle journée,

      Rémi

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