C’est aussi ça la vie, se tromper, faire des erreurs et parfois aller un peu vite en besogne, oublier que nous sommes tous humains et que nous avons tous des jours ‘sans’. Bien sur, il faut tout faire pour qu’il y en ait le moins possible, essayer de délivrer un travail de qualité au quotidien. J’applique cette exigence autant à moi même qu’aux autres, bien entendu.

De la courte (à peine 6 mois !) vie du painrisien, peu d’articles avaient suscité autant d' »émotion ». En effet, suite à la publication de mon billet au sujet de la boulangerie de Michel Fabre, à Alfortville, les réactions ont été nombreuses et parfois assez vives. Je peux le comprendre, sans le blâmer d’ailleurs, puisque mon article était loin d’être nuancé, bien au contraire. Tranché, incisif, voilà deux adjectifs qui le qualifieraient assez bien.
Je dois reconnaître mon erreur méthodologique et mon manque de clairvoyance. Non pas que je souhaite remettre en question la réalité de la prestation que j’ai pu connaître ce jour là en tant que client, car elle est tout ce qu’il y a de plus vraie et malheureuse. Simplement, il faut aussi savoir accepter le fait que tout travail artisanal est soumis à des aléas, et qu’il est impossible de proposer à toute heure et toute l’année des produits exceptionnels. Certes, les écarts ne sont généralement pas si importants, et le problème rencontré avec la boule Bio dégustée ce jour-là restera le point qui m’avait réellement déçu – et provoqué cette critique.

En plus des réactions de la part de clients de la boutique, j’ai également pu discuter avec le chef boulanger des lieux, au cours d’un échange tout à fait constructif et intéressant. Alors que certains s’offusquent et se braquent dès lors que leur travail est critiqué, j’ai bien senti ici que mes remarques avaient autant peiné qu’interrogé Michel Fabre et son personnel. Au cours de notre discussion, j’ai appris que la qualité de la farine reçue dans leur fournil était très aléatoire, ce qui nécessitait un travail permanent d’adaptation des recettes (taux d’hydratation, pétrissage…) pour parvenir à un résultat probant. Dommage que la farine Biologique des Moulins de Brasseuil ne soit pas d’une qualité constante. Cela n’explique pas tout, bien sûr, puisque les cuissons, la qualité de l’accueil et les autres produits restent toujours la responsabilité de l’artisan.

Je parlais précédemment d’erreur méthodologique, car c’est bien ce qui s’est produit ici. Prendre le parti de rester sur une seule expérience négative et d’écrire sur celle-ci était certainement une forme d’empressement, qui ne profite à personne. J’ai bien conscience que mes écrits peuvent avoir des conséquences, et c’est pour cela que j’essaie de les rendre toujours plus mesurés et justes.
Ainsi, à la suite de ces « événements », j’ai souhaité re-tester les produits de cette boulangerie, la qualité de son accueil, mais surtout la régularité de ces points. J’y suis retourné, puis re-retourné.

A l’inverse de ma première expérience, les cuissons étaient à chaque fois bien abouties, les pains affichant de belles croûtes dorées. Une fois le produit en mains, on peut confirmer la qualité de sa réalisation, avec un croustillant très agréable et une bonne tenue des différents pains. A la dégustation, ces impressions se confirment, les mies sont bien alvéolées, légères et exprimant une douce acidité. Peut-être un peu trop de douceur du côté des arômes à mon goût, justement, mais il faut prendre en compte le fait que cela répond à une certaine demande de la clientèle du secteur, comme me l’indiquait leur chef boulanger à l’occasion de notre conversation. Certes, Michel Fabre et son équipe pourraient prendre le parti d' »éduquer » le consommateur, mais ce n’est pas toujours compatible avec des impératifs économiques, ce qui est tout à fait regrettable.
La baguette de tradition Biologique, proposée à seulement 1 euro, offre une excellente conservation, une mâche fraîche et agréable et un bon rapport entre présence de la croûte et douceur légèrement grasse de la mie. Un beau produit accessible, voilà ce que doit être le pain de tradition française.

Du côté des viennoiseries, il m’a été assuré qu’elles n’étaient pas surgelées comme j’avais pu le laisser entendre dans mon billet précédent. La boulangerie emploie en effet un tourier, visiblement plus que consciencieux, qui attache une grande importance à la régularité du façonnage de ses croissants. La pâte feuilletée, c’est toute une histoire chez Michel Fabre, très connu et réputé pour ses galettes des rois en saison. Nul doute qu’il faudra aller les essayer pour s’en assurer une fois encore !

Pour les pâtisseries, les écarts constatés dans la finition lors de mon premier passage n’ont pas été renouvelés. Au contraire, on trouve ici des classiques (religieuses, millefeuilles, tartes…) frais et bien finis, ainsi que des créations de bon goût. Je regretterai cependant un certain manque de respect dans la saisonnalité des fruits, puisque l’on trouve toujours des tartes aux fraises et fraisiers en vitrine, alors que nous sommes au mois de décembre. Cela est malheureusement de plus en plus fréquent, et même si cela répond à une certaine demande de la clientèle, je pense qu’il serait préférable de s’abstenir, quitte à en décevoir. La nature a des cycles qu’il faut accepter.

Je finirai sur l’accueil, qui a été très professionnel et chaleureux lors de mes nouvelles visites. J’ai pu sentir une belle proximité avec la clientèle de quartier, ce qui est certainement plus souvent le cas en banlieue que sur Paris, où les échanges sont plus courts et empressés. A Alfortville, il faut savoir composer avec des typologies de clientèle assez variées, et notamment des personnes âgées qui ont besoin d’être « accompagnées ». Il me serait possible de faire du mauvais esprit en attribuant le bon accueil et le traitement agréable que j’ai reçu au fait que j’ai été reconnu – car je sais que c’est le cas. Ce serait bien inutile et malvenu.

Au final, c’est donc une boulangerie sérieuse, tenue par un personnel impliqué et ouvert que j’ai pu découvrir. Même si la gamme de pain demeure très traditionnelle, elle est bien réalisée et les prix sont tout particulièrement accessibles. Il en est de même pour les autres produits, et ce d’autant plus quand on porte attention à l’offre alentour, plus que moyenne en terme de qualité.
Cette « expérience » fait avancer les choses… et me prouve bien qu’il est nécessaire d’être mesuré et prudent. Nous sommes tous des artisans.

10 réflexions au sujet de « Retour chez Michel Fabre, Alfortville : savoir reconnaître ses erreurs, c’est avancer »

  1. Bonjour Rémi,
    Bravo pour ce papier qui renforce le crédit de ton blog. J’étais parmi ceux qui s’étaient montrés surpris et critiques, sur ton jugement sur Michel Fabre. Merci d’avoir tenu compte des remarques, et d’avoir ainsi pu rendre justice au travail de cet excellent artisan.
    Amicalement, François Dumoulin

  2. L’irrégularité d’une farine n’est surtout pas à prendre comme un point négatif dans tes analyses. Il faut tout d’abord reprendre pleine conscience que le boulanger travaille un produit issu de… Mère Nature. Lorsque l’on récolte le blés de deux champs contigus ils donnent des farines différentes pour autant qu’ils soient l’un un peu orienté ouest et l’autre un peu plus au sud. La quasi totalité des meuniers font alors un très complexe et fastidieux travail d’analyse, lot par lot, des blés et procèdent à un rééquilibrage des farines. Pour ce faire diverses protéines (des glutens) sont rajoutés ainsi que d’autres molécules. Ces rajouts là ne devant pas être obligatoirement notés comme « adjuvants » ou bien « améliorants ». L’ostracisme intellectuel du consommateur exigeant un produit d’une régularité sans faille génère le syndrome de « Marco-trafiquants » qui uniformisent leurs produits alors qu’à la base ils ne peuvent l’être. Rapprochons un peu le métier de boulanger et celui de vigneron et nous comprendrons beaucoup de choses qu’il est très préjudiciable d’oublier. 
    De plus nous freinerons un phénomène qu’il ne faut pas passer sous silence tel que la montée exponentielle des allergies de toutes sortes. La première d’entre elles étant l’allergie et l’intolérance croissantes aux glutens.
    Bien amicalement.
    Roland
    Cucugnan

    • Bonjour Roland,
      Merci pour votre commentaire !
      Effectivement, la farine est irrégulière par nature et l’uniformisation réalisée par les meuniers tend à lui ôter tout intérêt, sens et goût. Cependant, il semblerait dans le cas présent que cela tende plutôt à produire parfois une bouillie plutôt qu’une pâte… A voir.
      Quant aux problèmes d’allergies et d’intolérances aux glutens, c’est très inquiétant et cela mériterait une vraie prise de conscience de la part de l’opinion publique et des politiques. Les manipulations que l’on réalise ne sont pas anodines, il faut plus de transparence… et de bon sens.
      A bientôt,
      Rémi

  3. En effet l’arrivée des nouveaux blés n’a pas été de tout repos.
    Nous avons connus quelques difficultés de panification que ce soit avec les blés en CRC (Culture & Ressources Contrôlées) ou en farines Bio. Moins riches en protéines que l’année précédente, nous avions été prévenus par notre meunier de ces soucis. Le parallèle avec les vignerons que fait Roland est tout à fait justifié. Comme lui, le meunier va procéder à des assemblages de blés différents pour compenser des manques d’extensibilité ou des excès de ténacité dus à des protéines en défaut ou en excès(dont la gluténine) pour faciliter le travail du boulanger.
    Comme le vigneron, le boulanger usera de son savoir sur les fermentations pour tirer le meilleur du produit du terroir.
    Mais l’artisan ne doit pas non plus tomber dans « l’assistanat ».
    En effet, beaucoup de « Marco-traficants », comme les appelle si bien Roland vont « aider » les boulangers en leur proposant des farines « boostées » au gluten, aux enzymes et à l’acide ascorbique pour lui éviter de revoir les procédés de fabrication.
    L’artisan se doit au quotidien, de surveiller ses qualités de pâte. Nombreux sont les facteurs autres que la farine qui peuvent influer sur la régularité de sa production (température ambiante, température de sa farine, de l’eau…).
    Il faut accepter les irrégularités, elles sonnent comme un rappel aux bons (mauvais) souvenirs du boulanger qu’il doit être à l’écoute de sa pâte et non pas se contenter d’appliquer des procédés pensés par d’autres.
    Ces « défauts » sont seulement la réalité d’une production de blés qui s’élabore de l’hiver à l’été, dans la terre, le champ, le terrain, le terroir, l’humus, le terreau, la glèbe, la boue, avec de la pluie, du soleil, du vent et des hommes (avec quelques fois des abus de pesticides, d’engrais…).
    Somme toute beaucoup de facteurs dont on est heureusement pas maître.

  4. e partage totalement vos avis et suis un défenseur des blé d’or , ces hommes et ces femmes cultive d’ancienne variété de blé moin trafiquer et qui chose amusante sont déclarer inpanifiable …Mais ils ont démontrer que c’était faut seulement les rendements sont moins important … Mais chose interrescente les gens allergique au gluten arrive à en manger ??? Je t’invite à regarder le film les blé d’or :

    http://www.dailymotion.com/video/x6mstb_les-bles-dor_news tu y découvriras pas mal de chose .

    Pour la boulangerie sinon merci d’avoir pris le temps de nous suivre pour te rendre compte de notre travail au quotidien .

  5. Bravo d’avoir eu l’honnêteté de rectifier le tir sur le mauvais jugement porté sur cette boulangerie. Si j’avais
    lu plus tôt votre article négatif j’aurais aussitôt réagi car les pains de M. Fabre sont vraiment très bons. Mme Fabre et ses vendeuses sont compétentes et accueillantes.
    C’est tout à votre honneur d’avoir reconnu votre erreur et d’avoir réparé le tort fait à M. Fabre et son équipe.
    Longue vie à votre blog et encore beaucoup de lauriers pour la Boulangerie Fabre

    • Merci Pierre pour votre commentaire !
      Il est tout à fait normal de reconnaître ses erreurs et de les corriger. L’inverse n’aurait pas été honnête, et tout l’inverse de ma démarche.

  6. Merci pour ce blog,agréable à lire et avec des explication détaillées.
    Suite à la lecture de votre article sur cette pâtisserie,je suis allée aujourd’hui la tester.
    L’accueil est froid mais correcte,les baguettes tradition bio sont correctes mais j’en ai déjà mangée des meilleures,les pâtisseries que j’ai goutées sont très bonnes et en plus très jolies,les pains aux chocolat sont aussi très bon aussi bien le feuilletage que la qualité du chocolat.Le bémol serait sur le prix des viennoiseries que je trouve un peu élevé alors que celui du pain et des pâtisseries me semblent des plus convenables.Avez vous déjà testé la boulangerie de bruno cormerais(il n’est plus à présenter n’est ce pas…)à bussy?Je serais ravie d’avoir votre avis,pour moi les meilleurs pains aux chocolat que j’ai eu l’occasion de gouter.
    Cordialement

  7. Merci,je vais le lire de ce pas.
    Si vous avez l’occasion ,faite un tour dans la boulangerie pâtisserie besnard à mennecy(oui je sais c’est un peu loin;),je dois admettre que leur fort est plus la pâtisserie que la boulangerie,mais une petite gourmandise de temps en temps fait toujours son effet.Leur royal au chocolat est très bon,c’est un gâteau que j’ai gouté dans de nombreuses pâtisseries mais celui des besnard reste mon préféré.Et leur tradition est des plus honnête, à vous de juger.
    bon dimanche

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